"Special" et Autres Mini-Séries
Un peu d’histoire...
En 1938, la série des Silly Symphonies touche à sa fin. Ferdinand, le Taureau, sorti la même année, aurait d'ailleurs dû logiquement intégrer la collection. Pourtant, contre toute attente, Walt Disney décide de le présenter indépendamment. Nul ne connait aujourd'hui les raisons de ce choix pour le moins obscur, d'autant que trois autres cartoons suivent, en revêtant, eux, la mention Silly Symphonies. Peut-être le papa de Mickey voulait-il simplement tester le marché en sortant un hors-série et étudier ainsi la réaction du grand public et des critiques ? Force est de constater que le résultat est très encourageant puisque Ferdinand, le Taureau déplace les foules et emporte l'Oscar de Meilleur Court-Métrage.
Au cours des années 40, Walt Disney continue de produire des cartoons "hors-série", plus ou moins liés à la guerre. Trois sont, en effet, des court-métrages de propagande (Education For Death, Reason and Emotion, Chicken Little), tandis que le quatrième (The Pelican And the Snipe) est, à l'origine, une idée envisagée un temps pour les films latino-américains, Saludos Amigos et Les trois caballeros, puis finalement abandonnée.
Au delà des cartoons hors-série, les studios Disney réalisent également quelques miniséries, sortes de spin-of, mettant en vedette des personnages issus d'autres œuvres (courts et longs-métrages).
La première du genre est celle d'un petit chat qui a conquis les cœurs des spectateurs en 1940. Il n'est, étonnamment, pas issu de cartoons mais d'un film d'animation de renom, Pinocchio, le deuxième Grand Classique Disney. Il avait d'ailleurs, déjà, pour l'occasion, pris de la consistance par rapport au roman originel. Figaro est, en effet, dans le long-métrage, à l'inverse de Jiminy Cricket, terriblement crédible tant il semble être réel, de par son comportement et ses mimiques. Il amène ainsi beaucoup de légèreté au film, y compris dans les scènes émotionnellement intenses en jouant, à merveille, son rôle d'être "terre à terre", tout entier tourné sur sa petite personne. Le potentiel de Figaro est tel qu'il a droit, non seulement, à des apparitions dans trois cartoons de Pluto, mais aussi, à sa propre série composée de trois épisodes : Figaro et Cléo en 1943, Gai... Gai... Baignons-Nous en 1946 et Figaro et Frankie en 1947.
Tic & Tac ont également accès à leur propre minisérie composée de seulement trois cartoons : Drôles de Poussin en 1951, Tic & Tac Séducteurs en 1952 et Tic & Tac au Far-West en 1954. Ces deux petits et espiègles personnages apparaissent en 1943 dans le court-métrage animé Private Pluto où ils empêchent le chien de Mickey d'accomplir son devoir de soldat. Ils ne disposent alors, ni de leur nom définitif, ni de leur faire-valoir attitré, Donald. Ce n'est, en effet, que trois ans plus tard, dans le cartoon de 1947, Chip an' Dale (Donald et les écureuils en français), que Tic & Tac fixent leur identité et rencontrent leur "véritable adversaire" avec lequel ils signent leurs plus beaux exploits. A la différence des neveux de Donald, qui ont tous le même caractère, Tic & Tac ont deux personnalités bien différentes. Si Tic (Chip) est le chef du duo, sérieux et réfléchi tout en ayant beaucoup d'humour, Tac (Dale), lui, est le clown de service, pas très futé. Cette différence de portrait est bien sûr prétexte à de nombreux gags, tous plus succulents les uns que les autres...
Humphrey, l'ours pataud, est un de ces personnages qui, s'il n'est apparu que dans un faible nombre de cartoons (seulement six au total !), a réussi, malgré tout, à se faire un nom dans la galaxie Disney. Sa popularité est d'ailleurs telle qu'il est parvenu à obtenir une minisérie - certes limitée à seulement deux épisodes. Comme ses acolytes écureuils, Tic & Tac, il sert d'adversaire idéal au canard irascible, Donald, qui, pour l'occasion, se voit associé au personnage du Ranger J. Audubon Woodlore, symbole de l'autorité tranquille. Les exploits de ce trio improbable font les beaux jours de Grin and Bear it en 1954 et Beezy Bear en 1955. Rugged Bear en 1953 et Bearly Asleep en 1955, ne voient eux que l'affrontement d'Humphrey avec Donald tandis que Humphrey Va à la Pêche et Dans le Sac en 1956 (les cartoons constitutifs de sa minisérie) offrent eux la vedette au Ranger J. Audubon Woodlore.
Dans les années 50, les cartoons "Special" prennent assurément leur essor. Ils poursuivent d'ailleurs le même but que feue la série des Silly Symphonies : permettre aux animateurs Disney de s'essayer à différents styles et procédés. Toutes les techniques d'animation vont donc passer, grâce à eux, au ban d'essai du studio au château enchanté. Le format CinemaScope est ainsi testé dans Les Instruments de Musiques, les effets en trois dimensions dans Adventures in Music : Melody, l'animation minimaliste dans Pigs is Pigs, l'animation image par image dans Noah's ark, le procédé Xerox dans Goliath II, etc...
Les années 60 marquent, elles, le coup d'arrêt des court-métrages animés en tant que tels. Seuls les "special" continuent, en effet, d'être produits, dans les décennies suivantes, de ci, de là, et toujours pour servir, entre deux films, de détente ou d'entrainement aux animateurs de Disney. Parmi ceux-ci, les "Winnie l'Ourson" retiennent l'attention. Afin d'apprivoiser le public, les habitants de la Forêt des Rêves Bleus apparaissent d'abord dans des moyens-métrages. Succès aidant, les trois premiers sont finalement conglomérés pour investir le format du long-métrage et constituer Les Aventures de Winnie l'Ourson. D'autres sont tout aussi marquants. Ils servent, d'ailleurs, de véritable tremplin à de futurs grands noms du cinéma comme Don Bluth avec Le Petit Âne de Bethleem ou Tim Burton avec Vincent.
Après plusieurs décennies de vache maigre, les studios Disney décident finalement de revenir aux cartoons et surfer ainsi sur le succès de l'année 1988 Qui Veut la Peau de Roger Rabbit dont l'introduction a grandement participé au déclic. Le personnage de Roger est bien sûr à l'affiche de ces court-métrages animés, sortis sous l'appellation de Maroon Cartoons. Trois sont finalement réalisés et réunissent Baby Herman, Jessica Rabbit et Droopy : Bobo Bidon en 1989, Lapin Looping en 1990 et Panique au Pique-nique en 1993.
Le début des années 2000 voit, lui, une inflation de "special" qui, à y regarder de plus prés, est plus subie que voulue. Après la sortie de Fantasia 2000, Roy Disney a, en effet, pour projet de continuer l'aventure. Un nouveau long-métrage est ainsi envisagé sous le titre provisoire de Fantasia 2006. Il présente la particularité, par rapport à ses illustres prédécesseurs, de consacrer, non pas des morceaux entiers de musique classique, mais plutôt la diversité des musiques du monde. Plusieurs parties sont déjà bien avancées quand les échecs successifs des films d'animation 2D des studios de Mickey plombent le projet, finalement abandonné. Certains des courts-métrages le constituant sont néanmoins menés à terme puis présentés au public, séparément, dans des circuits plus ou moins nobles. Destino, Lorenzo, Un par Un et La Petite Fille aux Allumettes sont, il est vrai, à l'affiche de quelques festivals confidentiels ou rattachés à des œuvres sans prétention, dont certaines se limitent à une sortie en vidéo. Ces opus sont à l'évidence bien mal exposés au regard de leur grand qualité intrinsèque. John Lasseter, intronisé en 2006 à la tête du département animation de Disney, décide de relancer un programme de courts-métrages ambitieux, dans la droite ligne de celui qu'il avait mis en place chez Pixar, jusqu'alors indépendant.
L'ouverture le 12 novembre 2019 de Disney+, une plateforme de service de vidéo à la demande par abonnement créée par The Walt Disney Company, est un tournant aussi stratégique qu'historique pour le studio aux grandes oreilles. Actant le nouveau comportement des (télé)spectateurs qui délaissent la télévision linéaire pour un nouveau type de consommation de flux audiovisuels, Disney+ a besoin de contenus originaux et exclusifs pour espérer fidéliser son public. Soucieuse d'être à la hauteur de son histoire et son origine de studio d'animation, The Walt Disney Company charge ainsi ses plus grands labels de proposer des courts-métrages animés inédits. Les Walt Disney Animation Studios offrent alors des cartoons sous la collection nommée Short Circuit. Les studios de Mickey proposent ainsi à leurs animateurs d'imaginer des courts-métrages, plutôt courts (autour de 3 minutes), innovant aussi bien dans le fond que dans la forme, que cela soit d'un point de vue visuel ou technologique. Le but est clairement de permettre à une majorité d'artistes de pouvoir laisser parler son imagination et sa créativité tout en proposant un contenu original. Diffusés dans un premier temps, pour certains, au cinéma El Capitan Theatre durant quelques jours, les cartoons seront ensuite proposés au grand public sur la plateforme Disney+.