Un Lion de Société
Titre original : Social Lion Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 15 octobre 1954 Série : Genre : Animation 2D |
Réalisation : Jack Kinney Durée : 7 minutes |
Disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Le roi des animaux se laisse capturer pour découvrir la civilisation d'une grande ville américaine. L’aventure ne s’avère pas de tout repos... |
La critique
Un Lion de Société marque le chant du cygne d'un animateur de renom :
Norman Ferguson.
Après des études publicitaires au Pratt Institute, il entre comme cadreur aux
studios d'animation Paul Terry en 1920, avant d'en devenir l'un des principaux
animateurs. Il est engagé aux studios Disney en 1929 et commence à travailler
sur les courts-métrages des Silly
Symphonies et de la série Mickey
Mouse. Il anime entre autres le Grand Méchant Loup des
(Les) Trois Petits Cochons
(1933). Très inspiré par les comiques du vaudeville américain, il compense des
lacunes en tant que dessinateur par un sens du rythme et de l'observation qui
confère aux personnages qu'il anime un réalisme et une psychologie novateurs.
Dans Mickey Patine (1935), Norman Ferguson signe ainsi la scène où Pluto
s'emploie à essayer de patiner. Il fixe, de la sorte, les caractéristiques et le
jeu d'expressions du personnage, qui seront repris ultérieurement par tous les
autres animateurs. Dans le même ordre d'idées, son animation de la séquence de
Pluto Jongleur (1934) dans laquelle Pluto est aux prises avec un papier
tue-mouche est considérée, encore aujourd'hui, comme « un chef d'œuvre de
l'animation ». Logiquement, Norman Ferguson est ensuite intégré à l'équipe de
production du premier long-métrage des studios, Blanche Neige
et les Sept Nains (1937), où il prend en charge le personnage de la sorcière
pour laquelle il s'inspire de l'acteur Lionel Barrymore. Selon
Frank Thomas et
Ollie Johnston, il a été choisi pour
superviser l'animation du film aux côtés de Hamilton Luske, Fred Moore et
Vladimir Tytla en raison de sa « maîtrise de la mise en scène ». Sur
Pinocchio (1940), il anime les
personnages de Grand Coquin et Gédéon. Surnommé « Fergy » par ses collègues, il
développe également plusieurs techniques d'animation dont le « chevauchement de
l'action » (« overlaping action »), consistant à faire bouger les différentes
parties du corps d'un personnage à différentes vitesses ce qui lui confère plus
de fluidité, ou l'utilisation de brouillons (roughs) dans l'élaboration des
scènes plutôt que de dessins finalisés, formant ainsi une nouvelle génération
d'animateurs. Parmi ses assistants, se trouve
John Lounsbery qui deviendra dans la décennie suivante l'un des Neuf Vieux
Messieurs. Au début des années 1940, Walt Disney décide de l'écarter de
l'animation pure pour lui confier la supervision (ce qui correspond à la
réalisation) de séquences sur des longs-métrages. Il a ainsi en charge La
Danse des Heures dans Fantasia
et La Marche des Éléphants Roses dans
Dumbo. Superviseur de production
sur Saludos Amigos (1943), il
réalise Les Trois Caballeros
(1945) puis supervise l'animation de
Cendrillon, Alice au Pays des
Merveilles et Peter Pan. Un
Lion de Société est donc la dernière participation de Norman Ferguson à un
projet Disney. Il quitte les studios en 1953, se sentant dépassé par l'évolution
des techniques d'animation. Il meurt en novembre 1957 des complications d'un
diabète à l'âge de 53 ans.
Remis dans son contexte, Un Lion de Société est un cartoon touchant. Pour l'animateur habitué au style Disney, il fut, en effet, bien difficile à passer au nouveau style d'animation minimaliste inauguré par Adventures in Music : Melody et par Les Instruments de Musique. Lui, habitué à une animation plus ronde, a bien du mal avec ce nouveau style. Dès lors, le rendu ne semble pas abouti et ne parvient pas à restituer toute la passion qu'il devrait. Le discours du cartoon est également très (trop ?) cynique ! Un lion débarque dans une grande ville et n'arrive pas à se faire entendre. Ayant quitté ses terres natales, il est noyé dans une modernité qui le dépasse et ne trouve pas sa place. Le plus drôle (ou pathétique c'est selon) sera de voir les humains qui l'entourent, le remarquer enfin quand il se décide à revêtir des habits d'homme chic ; le lion se retrouvant alors immédiatement placé dans un... zoo !
Un Lion de Société est un subtil cartoon sur les excès des sociétés modernes et leur propension à vouloir confiner chacun des éléments les constituant, dans une place ou un rôle prédéfinis pour eux...