Titre original :
The Three Caballeros
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 3 février 1945
(première le 21 décembre 1944 à Mexico)
Genre :
Animation 2D / Film "Live"
Réalisation :
Norman Ferguson
Jack Kinney
Bill Roberts
Clyde Geronimi
Harold Young
Musique :
Edward H. Plumb
Paul J. Smith
Manuel Esperón
Ray Gilbert
Agustín Lara
Charles Wolcott
Ary Barroso
Durée :
71 minutes
Disponibilité(s) en France :
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

Donald fête son anniversaire. Ses amis d'Amérique Latine lui envoient un gros cadeau se déclinant en trois petits présents.

Le premier cadeau est un projecteur de film accompagné de bobines que Donald s'empresse de visionner. Il découvre ainsi l'histoire d'un pingouin réfractaire au froid qui émigre dans les Mers du Sud, d'un étrange oiseau qui transcende l'écran pour échanger avec lui une poignée de main, et pour finir, d'un petit gaucho qui rencontre un ânon volant dont l'aide précieuse fera de lui le vainqueur d'une course.

Le deuxième cadeau est un livre sur le Brésil renfermant son ami José Carioca, bien décidé à faire découvrir à Donald la beauté de son pays, au point de l'emmener avec lui, par une astuce dont seuls les Toons ont le secret, à l'intérieur de l'ouvrage. Au fil des pages, les deux amis rencontrent Aurora Miranda dont le charme ne laisse pas Donald indifférent et qui mènera notre canard au septième ciel. Mais chut... Le livre se referme et rend nos deux amis au monde réel...
Le troisième cadeau est une piñata accompagnée d'un nouveau visiteur Panchito. Dans une ambiance devenue folle, ce coq mexicain conduit José et Donald dans son pays d'origine avec la ferme intention de leur faire découvrir ses us et coutumes. Donald connaîtra, ainsi, aux mains de Dora Luz, Carmen Molina et autres jolies baigneuses, des émotions, identiques à celles déjà connues au Brésil... puis, dans un tout autre registre, se verra initié par José et Panchito à la tauromachie.

Tout se terminera sur un énorme et somptueux feu d'artifice.

La critique

rédigée par

Les trois caballeros, 7ème long-métrage de Walt Disney, peut être considéré comme une sorte de suite à Saludos Amigos, de deux ans son aîné. Il en reprend en effet les thèmes et les idées, tout en les transcendant, pour offrir, en résultat, un feu d'artifice de sons, couleurs et mouvements.

Walt Disney a, en fait, tiré les conséquences des erreurs commises pour Saludos Amigos, l'un des rares films - soit dit en passant - non déficitaire, pour son studio, durant la seconde guerre mondiale.
La toute première raison de sa rentabilité repose sur son genre particulier - l'anthologie - intrinsèquement bien moins cher à produire. Constitué de courts-métrages aux décors approximatifs et personnages en nombre limité, Les trois caballeros n'a pas, à la différence d'un Bambi ou d'un Pinocchio, de scènes complexes où chaque détail (les feuilles des arbres, les animaux de la forêt, les nuages dans le ciel...) se doit d'être parfait. Autant de temps gagné à produire une séquence est autant d'argent économisé. Ajoutez à cela l'accueil réservé par le public au genre, qui, s'il va vite décroître, est alors, au sommet de sa gloire, et vous obtenez la recette miracle d'un compte d'exploitation idéal : peu de frais pour beaucoup de recettes. Rien d'étonnant, dès lors, à voir la firme de Mickey conserver ce type de productions quelques années encore.
L'autre raison de sa rentabilité réside dans sa localisation géographique. En ces temps agités, où l'Europe connaît les pires heures de son histoire et ferme logiquement son marché, situer l'action d'un film en Amérique latine est lui assurer d'excellents débouchés, à même de pallier aux pertes commerciales européennes. Cette décision marketing est d'autant plus aisée à prendre que le studio dispose encore de l'incroyable "trésor" ramené par Walt Disney et ses équipes lors de leur périple en Amérique Latine au cours de l'année 1941, en idées, thèmes musicaux, couleurs et personnages. Tout appelait donc à la fabrication d'un Saludos Amigos bis, mieux abouti et assumé. Le Maître de l'animation, contre l'avis de ses troupes, y impose d'abord Donald Duck comme personnage de référence. Peu de gens, à part lui, pensaient que l'irascible canard tiendrait la distance d'un long-métrage même si le résultat obtenu dans Saludos Amigos, où il apparaît avec brio dans deux des quatre séquences, avait pourtant de quoi rassurer les plus sceptiques. Donald est donc déclaré apte au service et prend sur ses épaules la responsabilité du nouveau film.

Les trois caballeros est ensuite le tout premier long-métrage à mélanger personnages animés et réels. Jusqu'alors, la compagnie de Mickey s'est en effet contentée d'associer toons et acteurs sans aucune interaction entre eux. A l'image du (Le) dragon récalcitrant et de Saludos Amigos, les séquences filmées et animées se succèdent, il est vrai, sans véritablement se mêler. Ici, une petite révolution se produit. Les personnages animés agissent ainsi dans un décors réel avec des vrais acteurs (Donald fait par exemple son show sur la plage) tandis que les personnages réels peuvent interagir dans un décor animé au milieu de toons (Carmen Molina s'offre ainsi le luxe de danser avec des cactus). Cette technique d'animation révolutionnaire, appliquée ici au format "long-métrage", ne constitue pas un coup d'essai pour Walt Disney. En 1923, avant de même créer Mickey, il avait déjà réalisé une série de cartoons - Alice Comedies - où une petite fille réelle voyageait dans un univers animé. Mais, 20 ans ont passé et des progrès considérables se sont produits, notamment grâce à Ub Iwerks, l'autre créateur de Mickey, qui, après avoir déserté les studios Disney entre 1930 et 1940, revient ici à ses premiers amours. Il perfectionne en effet la synchronisation des mouvements des acteurs et des toons en créant l'illusion de la crédibilité des scènes fabriquées. Le résultat est bluffant tant Donald semble avoir rejoint le monde des humains, l'espace du film ! Ub Iwerks, grand passionné de caméra et d'effet spéciaux, va d'ailleurs continuer à développer le processus jusqu'à toucher la grâce avec le chef d'oeuvre, Mary Poppins.

Les trois caballeros est aussi le résultat d'une exceptionnelle audace visuelle. Le film regorge de trouvailles de bout en bout. L'utilisation de la couleur, due à la talentueuse Mary Blair, donne, tout d'abord, à l'ensemble un charme et une chaleur indéniables. Les pépites de réalisation, ensuite, parsèment le récit aussi bien dans ses séquences traditionnelles (Neptune soulève l'équateur pour que le "radeau" de Pablo, le pingouin, puisse passer !) que dans ses scènes déjantées (la chanson Les trois caballeros voit chacune des phrases de Panchito littéralement illustrée à l'écran). Des hommages ou clins d'œil sont enfin légions à l'image du rêve de Donald qui fait honneur à la séquence des éléphants roses de Dumbo.

Les trois caballeros prend souvent des airs de film expérimental. Déjanté à souhait, il sert à l'évidence de prétexte pour mettre à l'honneur les nouvelles techniques de l'animation. Il dispose ainsi de deux niveaux de lectures bien distincts : le premier, tout infantile, le second, résolument adulte. Sa construction même révèle cette dichotomie et l'envie de divertir en surprenant ou d'instruire en dépaysant. La première partie est, à ce titre, nettement enfantine tandis que les deux suivantes sont visiblement plus mures et complexes dans leurs approches. Le spectateur n'est pas invité à une simple visite mais convié à une immersion totale dans le continent sud-américain aux travers de ses paysages, coutumes et chansons. Seize titres se succèdent, d'ailleurs, tout au long du long-métrage, dont certains sont devenus des standards à l'image de Baïa ou You belong to my heart. Soucieux de ne pas faire d'impairs et de donner une vision cohérente de la culture sud-américaine, Walt Disney a, bien-sûr, fait appel à des compositeurs (Manuel Esperón, Agustín Lara et Ary Barroso) et actrices (Aurora Miranda, Dora Luz, Carmen Molina) latino-américains.

Les trois caballeros aurait du sortir juste après Saludos Amigos dont il parait, à bien des égards, être l'aboutissement. Il connaît malheureusement des ratés dans sa production, freinée par différents projets militaires, prioritaires alors, et, bien que terminé en octobre 1944, patiente encore jusqu'en février 1945, entravé par Technicolor ne parvenant pas à produire le nombre suffisant de copies pour en permettre une exploitation normale. Ces retards n'empêchent pas finalement sa rencontre avec le public qui le plébiscite des deux cotés du golfe du Mexique. La critique n'est, en revanche, pas tendre avec le film. Elle passe complètement à côté de son intérêt visuel et de son audace. Pire, elle dénonce sa débauche sexuelle reprochant à Donald des danses jugées douteuses avec des jeunes filles en maillots de bains. Le numéro de Carmen Molina est d'ailleurs considéré comme beaucoup trop suggestif. Certaines critiques en profitent pour s'attaquer à l'inaction des cabinets de censure, qui, très influents à Hollywood, ont laissé "passer" ses séquences. Le retour de bâton pour toute la profession est alors proche... Le film paye au prix fort sa réputation sulfureuse et se voit confiné par les professionnels à des rangs subalternes dans la course aux récompenses. Aux Oscars, il est ainsi seulement nommé dans les catégories - somme toute secondaires - de la meilleure musique et de la meilleure prise de son.

Malgré son succès commercial, Les trois caballeros n'a droit à aucune ressortie, les studios Disney le considérant, tels Le dragon récalcitrant et Saludos Amigos, comme un film d'une époque, non apte à passer l'épreuve du temps. Et tant pis si son visuel extraordinaire annonce, avec 25 ans d'avance, la mouvance psychédélique ! Il faut alors patienter jusqu'aux années 60 et surtout 70 pour qu'il retrouve ses lettres de noblesse, grâce notamment à des œuvres comme Yellow Submarine. A l'image de Fantasia, le film, tant critiqué, est désormais adulé par l'intelligentsia et atteint le rang de chef-d'oeuvre incontestable. Disney prend le train en marche et, décidément peu enclin à lui reconnaître son potentiel renaissant, attend 1976 pour le ressortir dans une version tronquée, indigne du travail des artistes. Fort heureusement, le jeu de massacre s'arrête à l'occasion de ses diffusions sur Disney Channel et de sa distribution en vidéo où la version originale est enfin respectée.

Les trois caballeros, chef d'œuvre mal jugé, est sûrement l'expérience cinématographique la plus troublante réalisée par les studios Disney tant il constitue un long-métrage à l'ambition visuelle bluffante. A voir absolument !

A noter :

La séquence Flying Gauchito a eu droit à une ressortie en tant que cartoon indépendant le 15 juillet 1955.

Les personnages

L'équipe du film

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