Paperman
Titre original : Paperman Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 02 novembre 2012 Série : Genre : Animation 2D / Animation 3D 3-D |
Réalisation : John Kahrs Musique : Christophe Beck Durée : 7 minutes |
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
A New York, au milieu du siècle dernier, un jeune employé de bureau tente d’attirer l’attention d’une jeune fille, rencontrée le matin même sur le quai du métro : il l'aperçoit en effet dans le gratte-ciel situé en face du sien... |
La critique
Il est difficile d'envisager la sensation ressentie par les spectateurs chanceux qui ont découvert, sur grand écran, un cartoon fondateur des studios Disney. Quelle incroyable claque a du être, en effet, le visionnage, en contexte, de Willie, le Bateau à Vapeur, Des Arbres et des Fleurs, du (Le) Vieux Moulin, de Goliath 2 ou de Luxo Jr. ! Et bien, c'est tout bonnement la même opportunité qu'offre Paperman à sa sortie. Sa technique révolutionnaire a de quoi, il est vrai, bouleverser le monde de l'animation et permettre une exploration encore plus poussée de ce médium. Car ce cartoon est unique dans sa forme : il réussit l'incroyable alchimie de l'alliance de la fluidité de l'animation par ordinateur à l'expressivité de l'animation traditionnelle. Les deux techniques sont mélangées pour donner un résultat époustouflant où la beauté des dessins frise le sublime sans jamais sacrifier les volumes !
John Kahrs, son créateur, est originaire de la région newyorkaise. Il se passionne, dès son plus jeune âge, pour l'animation, utilisant adolescent des caméras Super-8 et autres livrets animés. Fréquentant les bancs de l'école d'art d'Halifax, en Nouvelle-Écosse ; diplôme en poche, il obtient son premier emploi en 1990 comme animateur à Blue Sky Studios à New York où il travaille alors sur des publicités, des effets spéciaux et des courts-métrages. Il déménage en 1997 dans la région de la baie de San Francisco pour intégrer Pixar. Animateur sur 1001 Pattes (a bug's life), Toy Story 2, Monstres & Cie, La Nouvelle Voiture de Bob, Les Indestructibles et Ratatouille, il y parfait son art. Nouveau déménagement en 2007, pour rejoindre Los Angeles et passer aux Walt Disney Animation Studios : après une fonction d'animateur sur Volt, Star Malgré Lui, il prend en charge la supervision de l'animation de Raiponce aux côtés de Glen Keane.
L'idée de Paperman remonte à ses années newyorkaises. Il constate alors que les grandes villes sont souvent des lieux de solitude. Leurs habitants se retrouvent ainsi seuls, noyés dans un océan d'individualités, espérant tous voir le destin changer enfin leur vie solitaire et monotone. Et puis arrive un jour, un miracle, où via un regard ou une situation, deux personnes s'attirent l'attention, l'une de l'autre, et mettent fin, un court instant, à leur solitude. Reste alors le plus dur : comment transformer ce moment pour forcer son destin et aller au-delà de la simple anecdote mort-née. Le postulat de départ de Paperman est tout trouvé ! Son histoire, sans être terriblement originale, est donc efficace à souhait et foncièrement poétique avec un petit zeste de magie bienvenu. Pas de niaiserie pour autant : le ton est résolument adulte même s'il conserve une approche disneyenne indéniable. Le mélange est alors, à la fois savoureux et touchant, souligné par une musique de Christophe Beck douce et discrète, sorte de mélodie à la « Amélie Poulain new-yorkaise ». L'ambiance est enfin rehaussée par le parti pris du noir-et-blanc, chose très rare en animation contemporaine.
Mais la vraie prouesse, celle qui fait écarquiller les yeux des spectateurs, est assurément à rechercher du côté de sa technique d'animation. Hybride entre l'animation 2D et 3D, elle consiste à superposer les dessins des animateurs sur les volumes de l'animation 3D. Le public ressent ainsi beaucoup la patte de Glen Keane dans le design de Meg, dont l'artiste, avant son départ de chez Disney, a tracé les grandes lignes. Pour celui de George, ce sont les traits de Roger, le personnage des (Les) 101 Dalmatiens, qui font office de point de départ. Au final, Paperman est une œuvre au rendu visuel unique. A mi-chemin entre deux mondes, elle ouvre des perspectives énormes chez Disney : retrouver à nouveau dans l'animation, le trait de dessin voulu par les animateurs eux-mêmes ; une sensation perdue depuis l'avènement du rendu lisse et plastique venu de l'animation 3D. Il y a ici une révolution technique aussi importante que l'arrivée de la Xerox, en son temps : par son apport, le dessin des animateurs avait été, il est vrai, conservé au mieux faisant des (Les) 101 Dalmatiens la première réalisation notable dans le style. John Lasseter a été emballé par le rendu obtenu sur Paperman qui non seulement sert l'histoire mais sait aussi, pour elle, se faire oublier. Il n'est pas impossible que le futur de la 2D soit là, annonçant de nouvelles et belles opportunités pour l'animation « traditionnelle » Disney !
Paperman est un court-métrage aussi fondateur qu'un (Le) Vieux Moulin ou qu'un Goliath 2. Ce genre de cartoon qui, utilisant une technique pour la toute première fois, réussit son passage à l'écran et offre un visuel bluffant mis au service d'une histoire poétique et touchante. Paperman est assurément à la fois très Disney (et dans son design, et dans son ton) tout en étant résolument adulte. Touché par la grâce !