Le Vieux Moulin
L'affiche
Titre original :
The Old Mill
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 5 novembre 1937
Genre :
Animation 2D
Réalisation :
Wilfred Jackson
Graham Heid
Musique :
Leigh Harline
Durée :
9 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

La nuit tombe sur un vieux moulin abandonné, désormais domicile de petites créatures comme des souris, des oiseaux, un hibou ou des chauve-souris. Mais une tempête gronde et risque de mettre à mal le vieux bâtiment déjà dans un triste état. Ses locataires vivent alors une nuit d'angoisse...

La critique

rédigée par
Publiée le 23 novembre 2016

Le Vieux Moulin marque une date dans l'histoire de l'animation Disney. Il s'agit du premier cartoon à non seulement utiliser la caméra Multiplane mais, au-delà, à proposer une animation autant réaliste. Une performance technique donc mais mise au service d'une vraie prouesse artistique où chaque plan est une œuvre d'art et chaque scène un moment de poésie. Retour sur l'une des plus belles œuvres de Walt Disney et l'un de ses plus beaux hommages à la Nature.

La première artiste à avoir l'idée de chercher à créer de la profondeur en animation est Lotte Reiniger dès 1926. La réalisatrice de l'un des tout premiers longs-métrages animés du monde, Les Aventures du Prince Achmed, utilise, en effet, un procédé qui sépare les personnages de son film, en animation image par image, des décors donnant une impression de profondeur. Néanmoins, la toute première et authentique Multiplane à quatre plaques mobiles, placées devant une caméra filmant à l'horizontale, est inventée par Ub Iwerks, après avoir quitté les studios Disney. L'ancien créateur visuel de Mickey construit ainsi un premier prototype à partir de bois, de colle, de ruban adhésif et de morceaux de sa vieille Chevrolet. Il expérimente ensuite sa caméra sur les productions de son studio maison comme Willie Whopper ou les Comicolors. Dans le même temps, les techniciens des Studios Fleischer développent eux une technique similaire, nommée la caméra Stéréopticale, en 1934, qui se voit utilisée pour plusieurs cartoons de Betty Boop ou Popeye.

La technique intéresse Walt Disney mais il a besoin d'un résultat bien plus convaincant, novateur et réaliste pour son long-métrage en cours de développement, Blanche Neige et les Sept Nains. Le papa de Mickey va donc investir pas moins de 75 000 dollars pour le développement d'une nouvelle caméra baptisée la Multiplane. Il confie la tâche de conception à William Garity. Cet ingénieur, ancien membre de la section de recherche radiophonique de l'US Signal Corps durant la Première Guerre Mondiale, rencontre Walt Disney en 1928 et l'aide à synchroniser le son de son cartoon, Willie, le Bateau à Vapeur, avec son système de Cinephone qu'il venait d'inventer. Le succès du cartoon aidant, Walt Disney lui achète son synchroniseur de son et l'embauche l'année suivante le mettant à la tête de son équipe technique composée de dix-huit techniciens et ingénieurs. En plus de la caméra Multiplane, il créera également le système stéréo révolutionnaire Fantasound pour le grand classique Fantasia.

La Multiplane présente la particularité de pouvoir gérer jusqu'à sept plaques superposées tandis que sa caméra, placée à la verticale, est également mobile. Son maniement reste toutefois très complexe et fait appel au concours de plusieurs techniciens. Il est nécessaire de bouger les différentes plaques avec une grande précision ; l'exercice demandant une bonne coordination. Pour donner l'illusion de profondeur à un décor, une peinture à l'huile est peinte au premier plan sur une plaque de verre, puis le second plan sur une autre, et ainsi de suite. Entre deux plaques de décors, peut se glisser une plaque de cellos avec des personnages en mouvement. Cette invention permet la réalisation des plus belles scènes du cinéma d'animation de Blanche Neige et les Sept Nains à Pinocchio, de Fantasia à Bambi. Dans Le Vieux Moulin, la Multiplane est intensément utilisée en début du cartoon où elle avance puis dépasse une toile d'araignée en progressant vers le moulin délabré. Devant lui se trouve une mare avec des canards et derrière des vaches qui marchent en file indienne. L'effet est tout simplement saisissant et permet de faire un bond dans l'animation comme aucun autre studio ne l'avait fait jusqu'à présent.

Le Vieux Moulin sert d'ailleurs clairement de banc d'essai à Blanche Neige et les Sept Nains. Le processus de la Multiplane est, en effet, si complexe que les cadreurs ont appris de leurs erreurs lors de la réalisation de ce cartoon. Il faut dire que la caméra est tellement lourde qu'elle était difficile à manipuler. La conséquence de ce premier essai est donc qu'un nouvel exemplaire est construit pour faciliter la tâche des techniciens, et surtout gagner du temps et de l'argent. Mais au-delà même de la Multiplane, les progrès techniques dans le court-métrage sont légions à tel point qu'ils vont clairement fixer pour l'avenir le style des studios Disney pendant ce qui sera appelé l'Âge d'Or du studio regroupant ses cinq premiers longs-métrages. Ici, l'animation de la pluie, des éclairs, des nuages voire même la beauté de la lumière et sa superbe utilisation font des bonds en avant incroyables du point de vue technique. Se remarquent également des prouesses d'animation comme ce magnifique plan vertical qui part du bas du moulin avec le couple d'oiseaux bleus qui couve ses œufs puis passe aux souris en remontant vers les colombes et le hibou pour finir tout en haut avec les chauves-souris. En une seule longue scène due aux animateurs Bob Wickersham et Stan Quackenbush, tous les habitants du moulin sont ainsi présentés. Cette véritable prouesse artistique et technique a en revanche un coût exorbitant : Le Vieux Moulin devient, en effet, le cartoon de la série des Silly Symphonies le plus cher lors de sa production à l'époque, avec un budget de plus de 50 000 dollars (ce prix se voyant toutefois dépassé par d'autres courts-métrages de la série par la suite).

 Le Vieux Moulin n'est pas seulement une prouesse technique, c'est aussi et surtout une belle et extraordinaire réussite artistique. Pourtant, le court-métrage se rapproche beaucoup de la thématique des premiers dessins animés en noir-et-blanc de la série comme Printemps, Été ou Une Nuit Mouvementée. Rien d'étonnant d'ailleurs à cela puisque les studios Disney ont commencé à travailler dessus dès la fin de l'année 1930. La scène des chants des crapauds dans Le Vieux Moulin rappelle ainsi celle d'Une Nuit Mouvementée. Disney revient de la sorte sur un sujet qui avait un peu disparu dans ses productions : celui de l'observation de la nature. Sauf qu'ici, l'animation et le ton n'ont jamais été aussi crédibles. Pas de caricatures, pas de musiques entraînantes.  La nature est décrite de façon réaliste, minutieuse. Les animaux ressemblent beaucoup à ceux de Blanche Neige et les Sept Nains et se rapprochent de ceux qu'ils seront dans Bambi. Comme beaucoup de fois dans la carrière de Walt Disney, le thème du cartoon repose sur la notion de la vie, de la mort et du renouveau. Ici, le vieux moulin sert manifestement de décor pour observer la nature, et en particulier la faune, avant, pendant et après une tempête. Le méchant de l'histoire est donc un orage qui met en danger tous les occupants du moulin qui pourraient perdre leur abri. L'intensité est alors montrée de façon tout bonnement incroyable lors d'une simple scène. Au plus fort de l'orage, une corde cède et les ailes du moulin se mettent à tournoyer. A l'intérieur, un système de poulies entre en mouvement ; les dents du mécanisme risquent ainsi d'écraser les œufs de la mère oiseau. Heureusement, l'une d'entre elles est creuse et épargne la famille à venir. La tempête se termine ; le beau temps revient, et avec lui, le calme. Le Vieux Moulin est un cartoon d'une poésie touchante et d'une beauté sans pareille.

Le Vieux Moulin marque aussi une autre date-clé pour les studios Disney. Il s'agit, en effet, de la première distribution d'un cartoon des Silly Symphonies par RKO Pictures, après Columbia Pictures de 1929 à 1932 puis United Artists de 1932 à 1937. Les studios Disney et RKO Pictures avaient déjà des liens étroits puisque les premiers utilisaient le système d'enregistrement sonore de RCA, qui détient des parts de RKO Pictures. De plus, chacun de leurs Silly Symphonies avaient droit depuis 1933 à une avant-première à New York au prestigieux Radio City Music Hall appartenant également à RKO. Lors de la négociation de distribution, RKO Pictures propose enfin à Walt Disney un luxe qu'il n'avait pas eu jusque-là : la flexibilité ! Ses précédents distributeurs exigeaient, en effet, tous un nombre précis de cartoons pour les Mickey Mouse et les Silly Symphonies. Désormais, RKO Pictures attend un nombre de cartoons par an (18 la première année !), mais laisse libre Walt Disney de choisir une série plutôt qu'une autre. Ainsi, les Mickey Mouse et les Silly Symphonies vont voir leurs sorties s'espacer (ou carrément stopper s'agissant de la seconde) tandis que d'autres prennent le relai à l'exemple de Donald Duck, Pluto ou Dingo et même des Specials.

Le Vieux Moulin sort sur les écrans le 5 novembre 1937. Il est notamment présenté à Los Angeles au 4 Star Theatre devant le film de la RKO, La Reine Victoria, à partir du 24 novembre puis à New York au Radio City Music Hall devant le film de la Columbia, Kidnappez-moi, Monsieur ! à partir du 16 décembre. Le public comme les critiques en saluent aussi bien la prouesse technique que la réussite artistique. Il obtient d'ailleurs fort justement, l'année suivante, l'Oscar du Meilleur Court-métrage. Lors de la même cérémonie, William Garity reçoit un oscar scientifique et technique pour la création et l'application de la caméra Multiplane.

Le Vieux Moulin continue par la suite d'avoir un fort impact pour les studios Disney. Déjà, il ressort en salles le 26 juillet 1951 puis est proposé pour la première fois à la télévision dans l'émission d'anthologie Disneyland, dans l'épisode du 19 octobre 1955, The Story of the Silly Symphonies. Il ressortira après régulièrement à la télévision et au cinéma. Même dans les Parcs Disney, il a droit à des apparitions. La plus fameuse d'entre elles est assurément d'avoir servi d'inspiration à l'attraction de Disneyland Paris au Parc Disneyland à Fantasyland, Les Pirouettes du Vieux Moulin, en activité de 1993 à 2002. Un extrait du cartoon est aussi présent dans le spectacle World of Color au Disney California Adventure en Californie.

Le Vieux Moulin est une pièce maîtresse du cinéma mondial, conservée par la bibliothèque du Congrès Américain en raison de son importance culturelle, historique et artistique. D'une grande poésie, porté par une animation superbe, Le Vieux Moulin est une véritable œuvre d'art. Une des plus belles réussites de Walt Disney.

L'équipe du film

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