Ratatouille
Le synopsis
Rémy, jeune rat parisien, n'a qu'un seul but dans la vie : devenir un grand chef français. Et ce n'est pas le scepticisme de sa famille ou sa condition de "nuisible" peu compatible avec le monde de la haute gastronomie qui vont parvenir à le faire changer d'avis. Comment, en effet, résister à l'appel de la grande cuisine quand on habite dans les égouts situés juste au dessous du restaurant ultra côté d'Auguste Gusteau, star des fourneaux à Paris, réputée dans le monde entier ?
Rémy n'est pas au bout de ses peines : pour atteindre le métier de ses rêves, il devra - c'est certain - éviter bien des embuches. Et si ce n'était là que le chemin secret pour découvrir le vrai sens de l'amitié et de la famille ?
La critique
Chaud devant ! Après le monde des jouets, la société des insectes, les monstres gentils, le milieu marin, les aventures de supers héros et l'univers automobile, Pixar s'attaque dans son huitième long-métrage à la haute gastronomie... Française, s'il vous plait ! Et pour cela, hors de question de proposer des plats surgelés : à la carte ou au menu, tout doit être frais et de première qualité. A défaut de décrocher des étoiles au guide Michelin, John Lasseter, le nouveau patron de la division animation de Disney, est bien décidé, en effet, à décrocher celles d'Hollywood.
Réussir Ratatouille demande, comme tout bonne recette digne de
ce nom, un véritable cordon bleu. Rien d'étonnant dès lors à voir Brad Bird
revêtir la toque et retourner au fourneau.
Passionné par l'animation dès son plus jeune âge, (il a signé son premier
film à seulement treize ans !) ce réalisateur de renom se fait très vite
embauché par la firme de Mickey puis conseillé, en son sein, par Milt Kahl,
l'un des pionniers du studio au château enchanté. Il débute ainsi
véritablement sa carrière en 1981 en qualité d'animateur sur
Rox et Rouky. Il
réalise ensuite un épisode de la série Amazing stories, produite par
Steven Spielberg, avant de signer quelques aventures des Simpsons.
En 1999, Brad Bird met en scène son premier long-métrage d'animation,
Le Geant de fer pour la Warner, considéré par beaucoup comme un chef
d'œuvre qui ne dit pas son nom. Cinq ans plus tard, il passe à la vitesse
supérieure en réalisant
Les Indestructibles pour le compte,
cette fois-ci, des studios Pixar.
Comme tous les grands chefs, Brad Bird a des spécialités qu'il réussit plus ou moins bien. Et force est de constater qu'il n'excelle pas vraiment dans les entrées. Comme Les Indestructibles, Ratatouille a, en effet, un peu de mal à démarrer. Les deux films partagent d'ailleurs le même travers. La présentation de certains personnages est, il est vrai, laborieuse et se noie dans le détail. La cuisson a visiblement quinze minutes de trop. Là où Disney aurait fort justement, par une chanson, proposé une mise en bouche fluide à souhait, efficace et légère, son cousin par alliance, Pixar s'évertue, lui, à vouloir, à tout prix, faire le tour des personnages avant de lancer l'action. De quoi amener le spectateur à satiété alors même que le plat de résistance n'est pas encore avancé ! Fort heureusement, quand la Tour Eiffel pointe son nez, le récit s'accélère aussitôt et capte alors l'attention de tous ceux qui envisageaient - déjà - de quitter la table.
Plus question alors de s'interroger sur le nombre d'étoiles du restaurant !
Ratatouille décroche, à coup sûr, la timbale tant son menu
regorge de mets succulents. Et peu importe si le scénario est extra fin : sa
construction est telle que le mélange des personnages fait le reste. A
chacun sa personnalité. A chaque rencontre, une saveur différente.
Rémy est, tout d'abord, terriblement attachant. Son capital sympathie est
immense et il prend, d'ores et déjà, une place de choix dans la galaxie des
personnages Disney. Il est, en effet, empli d'émotions. Poursuivant un but
que ses semblables ne comprennent pas, il est le vilain petit canard qui
trouvera, à
force de persévérance contrebalançant bien des défauts, sa place dans
la société. Rémy dispose pour se faire de quelques faire-valoir, issus, pour
les plus marquants, de sa propre famille. Ainsi, Emile, son petit frère, lui
apporte de jolis moments fort sympathiques tandis que l'incompréhension de
son père envers ses attentes participe un peu plus à définir l'étendue de
son incroyable différence.
Linguini, ensuite, est le commis de cuisine humain qui se lit d'amitié à
Rémy. Aussi crédible que maladroit, il touche le spectateur par sa capacité
à attendrir. Tour à tour, drôle ou sérieux, vulnérable ou conquérant, il
forme, avec son ami le rat, un duo qui fonctionne à merveille.
Colette, elle, est, en apparence, l'antithèse de Linguini. Jeune fille
au tempérament de feu, elle sait où elle va et surtout où elle ne veut pas
aller. Et gare à celui qui envisagerait de lui marcher sur les pieds.
Pourtant, derrière la carapace qu'elle s'est forgée se cache un être dont
les contours ne sont pas si éloignés du jeune commis...
Les méchants, pour leur part, obtiennent sans mal leurs cartes de membres
permanents du club des Disney's Vilain. Skinner, le chef du restaurant, est,
à ce titre, une vraie réussite. Son physique ingrat dégradé un peu plus par
des mimiques risibles à souhait n'est rien en rapport à ses actions qui
frisent sans cesse l'hystérie. Il n'est d'ailleurs pas le seul à révulser
son auditoire et trouve en la personne d'Ego, le critique culinaire, un
concurrent de choix sur le podium des personnages à détester. Aussi
effrayant que moche, il affiche une froideur glacial qui rejaillit même sur
l'ordonnancement de son bureau personnel.
Au milieu de ce casting aux ressorts somme toute très classiques chez Pixar,
apparait - et c'est une première chez le studio à la lampe de bureau - un
personnage enfin digne de la magie Disney. Comme si les deux entités était
enfin parvenues à s'auto-imprégner. Gusteau, le fantôme du grand chef
cuisinier, en venant hanter l'imagination de Rémy au point de lui
servir de conscience est, en effet, un formidable hommage de Pixar à la
signature disneyenne traditionnelle.
Outre une touche particulière dans sa galerie de personnages, Ratatouille possède également une ambiance inhabituelle pour un Pixar. Le comique, contrairement à ce que veut laisser croire la promotion orchestrée autour du film n'est pas, en effet, l'élément fondateur du ton général. L'émotion est, il est vrai, bien plus présente que le rire. De nombreuses scènes attendrissent, le final étant particulièrement touchant. Il faut dire que le récit regorge de trouvailles autant scénaristiques que visuelles, notamment dans les mouvements de caméra. Le spectateur se prend bien vite à penser que Ratatouille lorgne du côté du long-métrage évènement de Jean-Pierre Jeunet, Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, et s'en convainc en découvrant le nom de famille de Colette, aux sonorités proches de "Tautou".
S'il y a un domaine où Ratatouille peut se targuer d'être dans
la droite lignée des œuvres précédentes de son studio, c'est assurément dans
celui des décors. Somptueux, ils rendent, en effet, à merveille l'atmosphère
des rues de Paris. Les quartiers ou monuments emblématiques de la Capitale
française (Notre-Dame, les quais de Seine, la Tour Eiffel, les
bateaux-mouches...) sont ainsi sublimés, restituant un Paris réaliste
mais magnifié par l'imagination. Une sorte de caricature respectueuse et
aimante. Alors certes, les images d'Epinal ont la vie dure : les voitures
représentées sont ainsi celles ancrées dans l'inconscient collectif
américain. 2Chevaux et DS commencent, en 2007, une nouvelle vie !
Bizarrement, le rendu est moins pathétique qu'il ne pourrait le
laisser penser, et dans tous les cas, se situe à mille lieux de celui obtenu
dans certains films "live", comme les
102
dalmatiens.
Les aliments, les menus, les plats, la cuisine... bref toutes les textures
utiles au récit ne souffrent, quant à eux, d'aucune critique. Le pain et
certains mets sont tellement réalistes qu'ils paraissent tout simplement
délicieux. Si l'appétit vient en mangeant, Pixar sait parfaitement faire
saliver ses spectateurs...
Ratatouille, pour sa musique, reste fidèle au savoir-faire Pixar. Brad Bird fait, en effet, appel à son complice de (Les) Indestructibles, Michael Giacchino. Ce dernier parvient ainsi à retranscrire une ambiance parisienne plus vraie que nature. Mieux : la seule chanson du film, totalement originale, Le festin, est interprétée par Camille, dans la langue de Molière, version originale comprise. Devant autant de talents et d'attentions, le spectateur ne peut que retenir, ici ,des airs et, là, des mélodies qu'il conservera en tête une fois la séance terminée.
Assurément digne de Monstres & Cie ou Cars - Quatre Roues, Ratatouille est un des meilleurs crus de Pixar. Il est à déguster sans modération et pas seulement par les mangeurs de grenouille. A table !
A noter : Ratatouille a reçu cinq nominations aux Oscars (Meilleur Film d'Animation, Meilleur Scénario, Meilleure Musique, Meilleur Montage Sonore, Meilleur Son) et a gagné celui du Meilleur Film d'Animation.