Péché Mignon
Titre original : Pigs is Pigs Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 21 mai 1954 Série : Genre : Animation 2D |
Réalisation : Jack Kinney Durée : 9 minutes |
Disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
En 1905, un chef de gare qui n'arrive pas à décider de la taxe à appliquer à un couple de cochon d'inde interroge sa Direction : alors que la réponse se perd ans les méandres de la bureaucratie, les petites bêtes se reproduisent à vitesse grand V... |
La critique
Péché Mignon est une superbe réussite basée sur une histoire fort simple mais terriblement drôle, servie par une animation superbe alliée à une musique envoutante.
Le cartoon est une adaptation d'une nouvelle d'Ellis Parker Butler. L'auteur nait à Muscatine dans l'Iowa le 5 décembre 1869. Il déménage à New York où il écrit pas moins de 30 romans et plus de 2000 nouvelles avant de mourir à Williamsville dans le Massachusetts le 13 septembre 1937. Son œuvre la plus célèbre, Pigs is Pigs, est publiée pour la première fois dans l'American Illustrated Magazine en septembre 1905 et se voit adaptée deux fois à l'époque du cinéma muet : en 1910 et en 1914. L'adaptation des studios Disney constitue la première en couleur et en parlant.
L'histoire se moque avec délectation de la bureaucratie à outrance. Le chef
de gare de Westcote Railway Station, Flannery, un irlandais pure souche avec ses
cheveux roux, décide absolument tout en fonction des règles tatillonnes imposées
par sa maison-mère. Ainsi, un jour, il reçoit deux cochons d'inde qu'il doit
livrer à l'écossais McMorehouse. Sauf que les deux hommes ne sont pas d'accord
sur le prix. En effet, sur sa grille tarifaire, les cochons sont à 48 cents
tandis que les animaux de compagnie à 44 cents. Or, pour Flannery un cochon est
un cochon même s'il vient d'Inde alors que McMorehouse un cochon d'Inde n'est
pas un cochon, les deux espèces n'ayant rien à voir ! Les deux ne pouvant se
mettre d'accord, Flannery envoie donc un télégramme aux responsables de son
entreprise pour qu'ils lui précisent, si oui ou non, un cochon d'Inde est un
cochon. Sauf que… McMorehouse refuse d'accepter ses animaux tant que le litige
n'est pas réglé : l'entreprise de transport doit donc les prendre en charge et
notamment les nourrir. Et c'est là que tout s'emballe ! La maison-mère va perdre
la demande dans les méandres de sa propre bureaucratie, incapable de prendre une
décision rapidement et de façon efficace alors que, dans le même temps, les deux
petites bêtes qui s'aiment décidément beaucoup, se reproduisent vitesse grand V.
Le temps de recevoir une réponse, ce sont des milliers et des milliers de
bestioles qui voient le jour...
Qui n'a jamais pesté contre les administrations
ou les entreprises à la bureaucratie sclérosée et sectaire empêchant d'être
efficace dans le traitement des demandes ? Péché Mignon se moque ainsi
avec délice des travers de toute grande administration ou entreprise de façon si
drôle que le spectateur est conquis du début à la fin.
Les décors, somptueux, doivent beaucoup à l'artiste
Eyvind Earle.
Eyvind Earle est né le 26 avril
1916 à New York. Il participe à sa première exposition artistique en 1937 aux
Charles Morgan Galleries, dans sa ville natale. C'est à cette époque qu'il
postule - sans succès - chez les Studios Disney alors situés dans les locaux d'Hyperion
Avenue. Il patiente jusqu'en 1951 pour y être engagé en qualité d'artiste dédié
aux décors. Il en réalise ainsi plusieurs centaines rien que pour Peter
Pan ! Il est également crédité pour les décors expérimentaux du
court-métrage de Dingo, Dingo Toréador
(1953) et crée dans la foulée le style particulier du film récompensé aux
Oscars,
Les Instruments de Musique (1953). Il réalise par la
suite des décors pour l'émission de télévision
Disneyland et enchaine plusieurs longs-métrages :
La Belle et le Clochard (1955) et
La Belle au Bois Dormant (1959).
Pour ce dernier, il est le responsable en titre des décors, couleurs et du style
graphique, signant là un travail vu par de nombreuses critiques comme le plus
représentatif de son talent. Il quitte le studio en mars 1958 en raison d'un
désaccord avec Clyde Geronimi fraichement nommé réalisateur du film
La Belle au Bois Dormant.
Les décors signés d'Eyvind Earle
sont de véritables œuvres d'art ! Rien d'étonnant dès lors à les voir mis à
l'honneur dans de multiples expositions à travers le monde et notamment en 2006, à
celle des Galeries Nationales du Grand Palais de Paris,
Il Etait une Fois Walt Disney...
Le charme du cartoon doit également beaucoup à la musique d'Oliver Wallace. Il utilise ici à plusieurs reprises, une mélodie traditionnelle d'une jig irlandaise, la folklorique musique de The Irish Washerwoman. Son rythme et ses intonations celtiques soulignent à merveille les problèmes bureaucratiques par son côté redondant mais malgré tout entrainant.
Techniquement, Péché Mignon reprend une animation extrêmement minimaliste que les studios Disney avait beaucoup expérimenté dans les années 50 avec des cartoons comme Adventures in Music : Melody ou Les Instruments de Musique. Elle est, en fait, en adéquation avec la mode de l'époque. L'animation spartiate s'est, en effet, popularisée durant les années 50 via des studios aux moyens limités. Ainsi, et par exemple, pour palier à son manque de financement, UPA (Mr. Magoo) utilise pour les célèbres aventures de son Mr. Magoo des personnages stylisés aux traits minimalistes... Si les studios Disney, n'ont, eux, pas ces soucis-là, ils se font critiquer par l'intelligentsia ambiante qui les accuse de ne pas faire évoluer leur style et de rester avec une animation veillotte trop parfaite. Ils se décident, alors, afin de démontrer qu'ils maitrisent toutes les formes de l'animation, y compris les plus simples, à en explorer les contours.
Tous ses atouts font que Péché Mignon est logiquement nommé pour l'Oscar du Meilleur Court-Métrage. Il s'incline néanmoins face à When Magoo Flew, un cartoon d'UPA... Il n'empêche. Péché Mignon reste un petit bijou de drôlerie à l'animation superbe, aux décors magnifiques et à la musique entêtante.