Al Dempster
Date de naissance : Le 23 juillet 1911 Lieu de Naissance : Atlantic City, dans le New Jersey, aux États-Unis Date de Décès : Le 28 juin 2001 Lieu de Décès : Los Osos, en Californie, aux États-Unis |
Nationalité : Américaine Profession : Peintre Décorateur |
La biographie
Tout au long de sa carrière, Walt Disney s’est attaché à proposer au public des œuvres novatrices se distinguant de la concurrence grâce leur qualité exceptionnelle. Pour ce faire, il s’est entouré de certains des meilleurs artistes dans leur domaine. Parmi eux, figure notamment le peintre-décorateur Al Dempster.
Don Griffith et Al Dempster
Albert T. (Al) Dempster voit le jour le 23 juillet 1911 à Atlantic City, dans le sud-est du New Jersey. Alors qu’il n’a que sept ans, sa famille et lui quittent la côte Est pour Los Angeles, en Californie. C’est là que le jeune garçon découvre son amour pour les grands espaces. Également passionné par le dessin et la peinture, il étudie durant quatre ans et demi dans la toute nouvelle Art Center School (actuel Art Center College of Design) fondée en 1930 dans le quartier de Downtown Los Angeles. Travaillant un temps comme artiste-concepteur de publicités, il postule bientôt aux studios Disney. Il présente son portfolio dans lequel il a rassemblé ses dessins et surtout ses peintures. Parvenant à convaincre ses interlocuteurs, il est engagé le 6 mars 1939. Bien que vivement encouragé à rejoindre les cohortes d’animateurs dont les studios ont absolument besoin pour mener de front tous les projets mis en chantier grâce aux recettes extraordinaires de Blanche Neige et les Sept Nains, Al Dempster est finalement intégré au département en charge du layout. Là, il commence à plancher sur Bambi dont la production vient à peine de débuter. Étant encore une jeune recrue, il suit en parallèle certaines formations dispensées par les instructeurs Don Graham et Gene Fleury.
Le 27 juin 1939, quelques mois seulement après son arrivée, Al Dempster est transféré dans le département chargé des décors. C’est alors une grande joie pour celui qui, enfin, va pouvoir mettre à profit ses talents de peintre. Et la tâche n’est pas toujours simple. Pour un seul long-métrage, il faut en effet entre neuf-cents et mille décors. L’usage de la caméra multiplane oblige en outre parfois à se creuser les méninges afin de donner de la profondeur. En collaboration avec leurs collègues chargés du layout, les décorateurs créent alors une première vue d’ensemble avant d’isoler un à un les différents plans. Chacun d’entre eux est ensuite reproduit à la peinture à l’huile sur une plaque de verre, à commencer par la partie la plus éloignée de l’objectif de la caméra.
Aux côtés d’artistes aussi talentueux que Claude Coats, Charles Philippe, Hugh Hennesy, Ken Anderson, John Hench ou bien encore Merle Cox, Ralph Hulett et Ray Huffine, Al Dempster participe très ponctuellement à la conception des arrière-plans de Pinocchio, en fin de production. La technique choisie est alors de créer des décors ressemblant à des aquarelles réalisées couche après couche avec de la peinture à l’eau. Dempster enchaîne ensuite avec Fantasia. S’il déteste travailler sur la séquence du (Le) Sacre du Printemps qu’il trouve beaucoup trop ronde, ennuyeuse et sans aucun contraste, il adore littéralement le segment inspiré de La Danse des Heures d’Amilcare Ponchielli. Il aime aussi beaucoup travail sur L’Apprenti Sorcier avec Mickey.
Obtenant son nom au générique de Dumbo, Al Dempster enchaîne avec Victory Through Air Power et surtout Saludos Amigos et Les Trois Caballeros. Produits suite au voyage accompli par Walt Disney et El Grupo qui ont parcouru l’Amérique du Sud durant plusieurs mois dans le cadre de la politique de bon voisinage initié par le gouvernement des États-Unis, les deux films sont une véritable bouffée d’air frais pour le département décors qui s’en donne à cœur joie pour reproduire les paysages et les ambiances variés de la région. Al Dempster crée notamment certains fonds de la séquence El Gaucho Goofy incluse dans Saludos Amigos. Sur les recommandations de Walt, il s’inspire de l’œuvre du peintre argentin Florencio Molina Campos pour concevoir de très belles vues de la pampa avec son ciel gris-bleu ponctué de nuages et dont la couleur vire parfois à l’ocre. Avec Ken Anderson et Mary Blair, Dempster sélectionne également les différentes teintes utilisées tout au long des films, en particulier celles utilisées dans le segment Aquarela Do Brasil qu’il adore. Il crée enfin certains décors de l’Histoire du Gauchito Volant incluse dans la première partie des (Les) Trois Caballeros.
Al Dempster est ensuite associé à la réalisation des décors de La Boîte à Musique et Mélodie du Sud. En parallèle, il participe à la création de plusieurs courts-métrages tels que Pluto Junior, La Mascotte de l’Armée, Pluto Somnambule, Un Os Pour Deux, Pluto au Zoo, Pluto et l’Armadillo et Casanova Canin. Il trouve alors plusieurs avantages à ce type de format. Ce sont tout d’abord des films plutôt faciles à produire. Contrairement aux longs-métrages, il ne travaille dessus que sur une période courte, parfois quelques jours seulement, avant de passer ensuite à toute autre chose. Les cartoons ne disposant pas d’un aussi grand budget que les formats longs, Dempster trouve par ailleurs stimulant de devoir créer des décors pas trop chargés pour ne pas faire de l’ombre aux personnages, mais suffisamment détaillés pour que le public saisisse le lieu, l’époque et l’ambiance générale de l’histoire. Comme pour les grands films, l’usage de la lumière et des ombres peut alors permettre d’isoler un élément ou d’en dissimuler un autre. En fonction des sujets et des réalisateurs, la technique peut varier avec l’utilisation de peinture acrylique, de gouache, ou bien de tempera. Fabriquées par le Paint Lab, les couleurs peuvent également varier.
En novembre 1945, alors que les studios tentent non sans mal de se relancer après les terribles années de la Seconde Guerre mondiale durant lesquelles les films d’entraînement et de propagande ont pris le pas sur les divertissements, Al Dempster fait le choix de quitter Disney. Se retirant dans le ranch qu’il a acheté pour sa famille dans le comté de Santa Cruz, au sud de San José, il se lance dans la production de pommes et de baies. Cette activité agricole n’est toutefois qu’un complément. Dempster n’abandonne en effet pas son métier d’illustrateur et de peintre qu’il met à profit en collaborant à la conception de dizaines d’albums pour enfant. Les studios Disney eux-mêmes lui passent parfois commande. Walt Disney tient en effet à ce que les adaptations de ses films en livres respectent des critères de qualité exigeants. Connaissant la valeur de ses artistes, il n’est par conséquent pas rare qu’il fasse appel à eux, que ces derniers travaillent encore pour lui ou non.
Privilégiant la gouache à la peinture acrylique, Al Dempster collabore ainsi à plusieurs volumes de la collection des Little Golden Books. Parmi les nombreux titres sur lesquels il se penche, figurent notamment Les Trois Petits Cochons, Blanche Neige et les Sept Nains et Pinocchio. Avec son collègue et ami Bill Justice, Dempster livre également plusieurs illustrations de Walt Disney’s Uncle Remus Stories. Publié en 1949 et inspiré de Mélodie du Sud, l’ouvrage est particulièrement intéressant car il rajoute de nombreuses scènes et de nombreux personnages absents du film original tels que la famille de Frère Lapin, la femme et les enfants de Frère Ours, Frère Tortue, le Roi Lion…
Al Dempster illustre aussi Walt Disney’s Mother Goose, dans lequel Mickey et ses amis se retrouvent plongés dans les Contes de ma Mère l’Oye, ou bien encore Santa’s Toy Shop, un classique dans lequel le Père Noël est mis en scène dans son atelier. En 1950, il dessine Cinderella’s Friends avec les souris de Cendrillon en vedettes. L’année suivante, il transpose l’histoire d’Alice au Pays des Merveilles dans ce qui reste l’un des chefs-d’œuvre de la collection. Al Dempster travaille enfin parfois pour d’autres héros, notamment Bugs Bunny, Elmer Fudd et Porky Pig.
Al Dempster fait finalement son retour aux studios Disney le 7 janvier 1952. Il rejoint alors l’équipe affairée sur les décors de Peter Pan. Il contribue également à quelques courts-métrages comme Le Week-End de Papa, Franklin et Moi, Casey Contre-Attaque et Pêché Mignon. Il continue ensuite avec La Belle et le Clochard et La Belle au Bois Dormant. Chacun des deux films possède son lot de défi. Le premier est novateur avec son format CinemaScope qui oblige à créer des arrière-plans plus larges et plus fournis. Le second est le premier à disposer d’un style particulièrement prononcé développé par le directeur artistique Eyvind Earle. Dempster apprécie beaucoup de plancher sur l’histoire de la princesse Aurore qu’il considère comme un très beau film avec ses fonds conçus telles des tapisseries du Moyen-Âge. Il regrette cependant le côté assez plat de l’ensemble.
Entre deux séquences de La Belle au Bois Dormant dont la production s’étire sur presque neuf ans, Al Dempster continue de collaborer à quelques courts-métrages comme Pas de Cow-Boy Sans Cheval, The Truth About Mother Goose, Un Accident est Vite Arrivé et Donald et l’Écologie, l’ultime cartoon du canard colérique. Il inscrit également son nom au générique de quelques émissions télévisées comme Le Plausible Impossible, The Adventure Story, Adventures in Fantasy, Magic Highway, U.S.A. et Vive la Couleur. Il poursuit en outre sa carrière d’illustrateur avec d’autres opus de la collection des Little Golden Books, notamment Peter Pan et Johnny Pépin de Pomme. En 1957, il reçoit par ailleurs une mission un peu particulière. En collaboration avec le journaliste Pete Martin, Diane Disney, la fille de Walt et Lillian, a réalisé une série d’entretiens avec son père. Initialement parus dans la presse, ceux-ci sont ensuite condensés dans un livre, The Story of Walt Disney, publié par Henry Holt & Co. Al Dempster est alors commandité pour réaliser la couverture du livre sur laquelle il dessine un portrait de Walt entouré par Mickey, Donald, Dingo et Pluto.
Après La Belle au Bois Dormant, Al Dempster travaille sur Les 101 Dalmatiens et Merlin l’Enchanteur. À l’époque, la création des décors change du tout au tout avec l’introduction du procédé Xerox. Permettant de copier les dessins des animateurs directement sur la feuille de celluloïd sans passer par l’étape de l’encrage, cette nouvelle technique est également utilisée pour la fabrication des décors. Ces derniers se limitent alors à des aplats de couleur rehaussés dans un second temps par des détourages noirs. Le fourmillement de détails est ainsi altéré au profit de décors plus stylisés. Pour Merlin l’Enchanteur, Al Dempster est peu impliqué, la création des décors reposant en grande partie sur les épaules de son collègue Walt Peregoy qui signe le style graphique du film. Il peint ainsi principalement des vues du château et de ses douves. Si lui-même trouve la technique du Xerox particulièrement attirante, il n’en va pas de même pour Walt qui la rejette en bloc. Estimant qu’elle dévalorise la qualité de ses productions, sa détestation est telle qu’elle conduit au renvoi de Peregoy en 1965…
Avec le départ de Walt Peregoy, Al Dempster devient l’un des hommes forts du département décors. Après Mary Poppins et Winnie l’Ourson et l’Arbre à Miel, il se voit confier avec Ken Anderson le développement du (Le) Livre de la Jungle. Pour ce faire, Dempster produit des dizaines de concept-arts grâce auxquels il définit le style visuel du film, fixe les lumières et les ombres, et plante quelques éléments de décor préliminaires.
Disposant de l’oreille de son patron qui apprécie le travail engagé sur l’adaptation du classique de Rudyard Kipling, Al Dempster reçoit un jour de 1966 une mission un peu particulière. Walt Disney demande en effet à l’artiste de participer à la réalisation d’une œuvre en hommage à la Vierge Marie afin de l’offrir à l’hôpital St. Elizabeth de Red Bluff, en Californie. Ne sachant trop pas où commencer, Dempster livre plusieurs croquis ensuite repris par le sculpteur italien Pasquini Enzo pour réaliser une sculpture intitulée Queen of the World.
Dans les mois et les années qui suivent la mort de Walt Disney survenue le 15 décembre 1966, Al Dempster peint certains décors de Winnie l’Ourson dans le Vent, Les Aristochats, L’Apprentie Sorcière, Robin des Bois puis Les Aventures de Bernard et Bianca. L’ambiance aux studios a cependant changé et l’artiste est de plus en plus excédé par l’attitude de Wolfgang Reitherman qui chapeaute à présent toutes les productions animées. Choisis par ses collègues pour prendre la relève après la disparition de Walt, Reitherman est un animateur brillant mais un chef d’équipe intransigeant. Dempster ne supporte dès lors plus de le voir débarquer dans son bureau pour lui dire comment faire son travail, comment peindre ses décors et quelles couleurs choisir. Aussi, il décide de claquer la porte et de s’en aller.
Ron Miller et d’autres cadres tentent malgré tout de le retenir. Ils ont en effet besoin de collaborateurs chevronnés pour finir la réalisation des (Les) Aventures de Bernard et Bianca. La discussion dure un bon moment. Dempster accepte finalement de revenir pour six mois seulement en échange d’une augmentation et surtout de la promesse que Reitherman ne s’immiscera plus dans son travail… Mais rapidement, les vieilles habitudes reprennent le dessus. Wolfgang Reitherman a gardé sa position de chef cherchant à tout superviser. Al Dempster termine donc son engagement de six mois et s’en va le 31 juillet 1973 après trente-quatre ans de bons et loyaux services.
Désormais à la retraite, il s’installe avec les siens à Los Osos, sur la côte Pacifique où il s’adonne à sa passion pour la peinture en réalisant notamment de superbes paysages. Père de cinq enfants et grand-père de quatorze petits-enfants, il disparaît vingt-huit ans plus tard, le 28 juin 2001, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Un Disney Legends Award remis à titre posthume en 2006 couronne sa prolifique carrière.