Robin des Bois
Titre original : Robin Hood Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 8 novembre 1973 Genre : Animation 2D |
Réalisation : Musique : George Bruns Johnny Mercer Roger Miller Floyd Huddleston Durée : 83 minutes |
Le synopsis
Le roi Richard, lion superbe et généreux, règne en bon monarque sur le Royaume des Animaux. Parti en croisade, sa couronne et son pouvoir sont immédiatement accaparés par un usurpateur, le prince Jean, lion cupide et cruel, conseillé par un serpent aussi perfide que malfaisant. Les deux intrigants ne poursuivent qu'un seul but : s'emparer de toutes les richesses du royaume. Le bon peuple se retrouve bien vite soumis à un régime autoritaire où la maltraitance et la captation des biens par l'impôt devient la règle. Tout serait facile pour les despotes si un certain Robin des Bois, renard au cœur tendre, ne se dressait pas, avec l'aide de la belle Marianne et de ses amis de la forêt, en travers de leurs routes.
Les justiciers, parviendront-ils à rétablir la justice et chasser du pouvoir les "tristes sirs".
La critique
Robin des bois, 21ème long-métrage de Walt Disney, donne à la légende éternelle de Robin des Bois une nouvelle dimension, toute en humour et tendresse. Considéré par les spécialistes de l'animation comme un des moins aboutis de l'œuvre des studios de Mickey, il est pourtant plébiscité par le public !
Robin des Bois est l'archétype du héros folklorique du Moyen Âge. Une erreur d'interprétation phonétique en a d'ailleurs transformé la renommée. Son nom anglais original, Robin Hood, signifie, en effet, littéralement «Robin la Capuche». «Robin des Bois» provient en fait de la similitude des sons «hood » et « wood » qui a changé à jamais le hors-la-loi en rebelle de la forêt. La légende, telle qu'elle est perçue aujourd'hui, fait donc du plus célèbre des Robin, un résistant au grand cœur replié dans la forêt de Sherwood et de Barnsdale. Habile braconnier, mais aussi et surtout défenseur des pauvres et des opprimés, il détrousse les privilégiés (nobles et fonctionnaires avec un gros faible pour le Shérif de Nottingham et le prince Jean Sans Terre) qui utilisent la force publique pour accaparer illégitimement les richesses des honnêtes citoyens. Aidé de nombreux compagnons, il redistribue ensuite ses butins aux victimes de la clique étatique. Si les premières versions manuscrites de Robin des Bois remontent au XIe siècle, la version, entrée dans la légende, date, elle, du XVIe siècle. Du Moyen Âge à nos jours, chansons et ballades, pièces de théâtre et comédies musicales, films, téléfilms et séries de télévision ont façonné un mythe le plaçant toujours en perspective avec leurs époques respectives. Le personnage de Robin des Bois, lui-même, passe ainsi du vulgaire bandit au résistant de la juste cause, au gré du temps et des régimes.
L'adaptation de Robin des Bois n'est pas une première pour les studios Disney. En 1952, ils portent, en effet, à l'affiche fidèlement la célèbre légende dans le très réussi Robin des bois et ses joyeux compagnons. Lors de sa sortie, la critique encense le film tandis que le public se rue dans les salles. Le succès est complet sauf peut-être à devoir constater que Robin des bois et ses joyeux compagnons ne survit pas à l'épreuve du temps. La sortie du film d'animation lui est, il est vrai, fatal. Implacablement tombé dans l'oubli, il est aujourd'hui inconnu du grand public et ignoré des fans des studios de Mickey. Paradoxe aidant, le film d'animation lui doit en réalité fort peu, pour ne pas dire, absolument rien. C'est, en fait, à Mélodie du Sud que Robin des bois s'apparentent le plus. L'idée de ce dernier germe, en effet, dans la tête de l'animateur Ken Anderson et de Card Walker, alors PDG des studios Disney, à l'occasion d'une partie de pêche pendant laquelle ils se remémorent la tendresse et de la qualité des scènes de Messieurs Lapin, Ours et Renard de Mélodie du Sud . Ils sont tout deux d'accord pour constater que la partie animée de ce film, aujourd'hui abusivement maintenu dans l'oubli, les a profondément marqués. Ken Anderson propose bien vite à son boss d'adapter à nouveau, sous le format d'un long-métrage d'animation complet, la légende de Robin des Bois, en conservant la solution des animaux anthropomorphisés dans la lignée de Mélodie du Sud.
Depuis la mort de Walt Disney, Wolfgang Reitherman, un des Neuf Vieux Messieurs, supervise les films d'animation. Son poste de réalisateur de Merlin l'Enchanteur et du (Le) Livre de la Jungle a rendu, en effet, sa nomination évidente. Néanmoins, il convient vite de constater qu'il n'a pas du tout la même vision artistique de feu le Maitre de l'Animation. Pire, il n'a pas non plus la même ambition. Son mot d'ordre général est l'économie. Si son approche trouve grâce auprès des financiers de la Walt Disney Company, c'est une véritable hérésie pour les artistes. Robin des bois marque, ainsi, bien malgré lui, l'apogée de la mauvaise habitude prise, par les Studios de Mickey sous la direction artistique de Wolfgang Reitherman, dans la production des Grands Classiques maison. Le long-métrage tout entier manque cruellement d'imagination et de créativité, aussi bien d'un point de vue technique que scénaristique. Il est, en réalité, une succession de scénettes excellentissimes reliées maladroitement entre elles, sans parvenir au final à donner l'impression d'une œuvre unifiée au scénario solide. Si son animation présente une excellente fluidité, elle manque à l'évidence d'originalité. Le ressenti de "déjà vu" n'est pas étranger au fait que des pans entiers ont tout bonnement été repris d'autres longs-métrages. La danse de Belle Marianne est, par exemple, un décalqué extrait de Blanche Neige et les Sept Nains lorsque la princesse valse avec ses petits amis. Le mouvement en est, il est vrai, un parfait copier-coller, seule l'apparence de la renarde est inédite. De même, la danse de Petit Jean avec Gertrude a été reprise de celle de Baloo et du Roi Louis dans Le Livre de la Jungle. Pire, de nombreux gags et personnages proviennent tout droit d'autres Grands Classiques dont les fameux (Les) Aristochats et (Le) Livre de la Jungle. Et que dire du manque de sérieux dans l''animation quand des bévues inexcusables sont commises, à l'image de la scène du Prince Jean qui, selon les plans, connait des bagues aux doigts "volatiles" ?
Si Robin
des bois n'est pas exempt de défauts, la définition des personnages est,
elle, de bonne facture, sauf à devoir constater que - et c'est une première
chez Disney - les méchants prennent assurément le pas sur les gentils.
Le renard a bien vite été choisi pour représenter le hors-la-loi, malin et espiègle.
Il faut dire que l'animal tient parfaitement ce rôle dans l'inconscient
collectif depuis le fameux et universel Roman de Renard. Les
animateurs ont, par contre, rencontré de grandes difficultés pour dénicher sa voix américaine idéale
pour finalement opter, avec bonheur, en faveur de Brian Bedford. Superbement animé et
bénéficiant d'un design fort bien trouvé,
Robin pêche néanmoins par sa faible capacité à susciter l'attachement : il ne
parviendra d'ailleurs jamais à voir son public s'identifier à lui et sombrera,
comme d'autres, dans l'anonymat subi pas certaines vedettes de la galaxie "toonesque"
disneyenne.
Petit Jean, sympathique et débonnaire, a le malheur de reprendre non seulement
trait pour trait l'apparence de Baloo du (Le) Livre de la Jungle mais
aussi sa voix américaine (celle de Phil Harris). Dès lors, il ne parvient pas à
exister en tant que personnage à part entière et devient vite le symbole du
manque total d'imagination des studios Disney pour Robin
des bois, dénoncé haut et fort par la Critique.
Le duo entre Prince Jean et Triste Sire est assurément la grande réussite du
film. Le lion, censé être un personnage cruel et royal, devient ici
un être sournois, lâche et surtout, empli de tics révélant sa grande immaturité et
son manque de confiance en lui. La prestation vocale de Peter Ustinov (Le
fantôme de Barbe-Noire,
Objectif Lotus)
apporte d'ailleurs beaucoup au rôle.
Le piètre monarque est toujours accompagné de son conseiller en tous points
aussi perfide, mauvais et peureux que lui. Prenant les traits d'un serpent au
regard respirant la duplicité, il est doublé par Terry Thomas, qui jouant des "ssss"
est tout simplement hilarant. Une mention particulière est aussi à
donner à la version française où le talent de Roger Carel contribue largement à
faire de lui, l'un des méchants les plus drôles de la galaxie Disney. Prince Jean et
Triste Sire sont animés par deux des plus célèbres Neuf Vieux Messieurs,
Frank Thomas et Ollie Johnston, qui font avec eux, une fois de plus, des
merveilles.
Le Shérif de Nottingham est l'autre belle réussite du casting. Son apparence de
loup le présente tout de suite, aux yeux du grand public, comme un méchant pur
et dur. Ses traits de caractère le desservent d'ailleurs à souhait. Pompeux,
égocentrique et convaincu de son intelligence, il accumule les scènes et
situations mêlant comique, action et violence édulcorée.
Enfin, les personnages secondaires ne sont pas en reste. Frère Tuck et Gertrude
bénéficient, en effet, de séquences mémorables. La dame de chambre de Belle Marianne
est ainsi hilarante dans la scène de l'évasion du
tournoi de la Flèche d'Or, véritable morceau d'anthologie au Panthéon de la
drôlerie.
Les critiques ne sont pas tendres avec le film. Elles ne s'enthousiasment guère, si ce n'est pour l'animation et la bande-son. Boudé par les professionnels, Robin des bois n'a d'ailleurs droit qu'à une simple nomination, bien peu transcendante, pour l'Oscar de la meilleure chanson. Le public, au contraire, ne s'arrête pas à ses considérations techniques. Il attend et obtient de Robin des bois une histoire fraiche et drôle avec des personnages attachants. Succès aidant, le film a droit à une ressortie au cinéma en 1982.
Certes, Robin des bois pêche par ses approximations et son manque cruel de moyens et d'ambition. Pourtant, il reste plaisant à voir et divertissant à souhait. Il se doit de ne pas être négligé !