Titre original :
The Sword in the Stone
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 25 décembre 1963
Genre :
Animation 2D
Réalisation :
Musique :
George Bruns
Richard M. Sherman
Robert B. Sherman
Durée :
80 minutes
Disponibilité(s) en France :

Le synopsis

Depuis déjà bien longtemps, l'Angleterre est plongée dans la guerre, la violence et l'obscurantisme. Le centre de Londres recèle pourtant un mince espoir incarné par une épée magique qui, scellée dans une enclume, attend le jour où un être d'exception vienne l'y retirer, apportant alors à son pays la paix, la justice et l'harmonie. A quelques lieues de là, un orphelin d'humble origine, le jeune Arthur, dit " le moustique ", travaille dans les cuisines du Sire Hector. Au cours d'une partie de chasse avec Kay, le fils de son maître, il échoue dans la cabane de Merlin l'enchanteur qui décide d'en faire son disciple...

La critique

rédigée par

18ème Grand Classique Disney, Merlin l'Enchanteur est adapté de l'œuvre de T.H. White. Auteur très connu dans le monde anglo-saxon, né en 1906 à Bombay, il fait ses études supérieures en Angleterre où il exercera de hautes fonctions universitaires. Pourtant, mal à l'aise avec son temps, dont il n'approuve ni les modes, ni les systèmes de valeur, il finit par s'isoler en Irlande où il s'adonne à son loisir favori la pèche au saumon, jusqu'à son décès en 1964. Il laisse une œuvre de renommée mondiale et notamment une saga de cinq tomes romançant la vie du roi Arthur. Walt Disney tire donc son long-métrage du premier livre de la série, publié en 1938, L'épée dans le roc. Il y revisite bien sûr la légende du roi Arthur en associant à l'aventure, l'humour et la magie.

Merlin l'Enchanteur entre en production dans la plus mauvaise période que connait la compagnie de Walt de son vivant. L'époque est, en effet, déjà à l'économie. L'ambition artistique du seul point de vue de l'animation doit désormais faire face aux réalités financières. Si l'enthousiasme des artistes dans l'élaboration d'un nouveau long-métrage animé n'est pas à remettre en cause, celui des financiers de la Walt Disney Company, Roy Disney en tête, est franchement entamé. Le bilan comptable de la société semble limpide. En 1961, les studios de Mickey ont déjà produit dix-sept Grand Classiques qui plombent, pour la plupart, à leur sortie, les comptes pour ensuite, et seulement, être rentables. Ils sont, en effet, longs et couteux à produire si bien que leurs recettes sont souvent moindres à leurs débuts qu'un film "live". Les simples cartoons ont d'ailleurs, pour les mêmes raisons, déjà été stoppés. La Walt Disney Company, d'après ses financiers, vivrait tout à fait correctement avec son catalogue actuel et l'organisation de ressorties régulières. Pourquoi, il est vrai, dépenser inutilement de l'argent dans une activité jugée désuète ? Walt Disney résiste farouchement à cette conception radicale. Il entend, néanmoins, à la marge, le discours de son frère qui n'hésite d'ailleurs pas à mettre dans la balance la faisabilité du projet d'un nouveau Disneyland, dix fois plus grand, cher au papa de Mickey. Il martèle ainsi que fermer le département "Animation" dégagera l'argent nécessaire aux ambitions de bâtisseur de Walt Disney. Le deal est d'autant plus séduisant que l'animation 2D lasse désormais le grand Walt, naturellement enclin à se passionner pour la nouveauté et, en l'espèce, le développement des audio-animatronics et parcs à thèmes. Au final, fort heureusement, le Maître de l'animation résiste : il juge que la sécurité financière de ses studios passe par les long-métrages animés et que le public ne comprendrait pas l'arrêt de l'activité. En revanche, il accepte d'en ralentir le rythme de sortie pour passer à un film tous les quatre ans contre deux auparavant. La nouvelle politique de production validée se heurte vite à la réalité du terrain : deux long-métrages sont, en effet, en préparation (Chantecler et Merlin l'Enchanteur), l'un d'eux va fatalement devoir être arrêté... Walt Disney choisit la sécurité financière et artistique que portait en soi Merlin l'Enchanteur. Chantecler pouvait, sur le papier, faire un film magnifique mais rien n'était moins sûr. Sa production, à la mesure de son ambition, était, en outre, plus longue et plus couteuse que celle de Merlin l'Enchanteur.

Chantecler sacrifié sur l'autel de la rentabilité, Bill Peet se voit donc confier le projet validé de Merlin l'Enchanteur. S'il prend à cœur de livrer une adaptation digne de la signature de Walt Disney, il est clairement influencé par la politique de restriction budgétaire, insidieusement entrée dans les mentalités des collaborateurs du studio. Ainsi, si le livre est clairement riche de détails et d'aventures épiques, le long-métrage réduit considérablement la voilure de l'histoire. Moustique, qui subit cinq transformations dans le roman (poisson, faucon, serpent, hibou et blaireau), n'en connait plus que trois dans le film (poisson, écureuil et oiseau). Pire, les moments épiques qui foisonnent sur le papier sont réduits à la portion congrue sur la pellicule. Quant à la magie, elle se fait discrète, servant juste à transformer le jeune homme ou déplacer des objets. En réalité, le récit de Merlin l'Enchanteur se consacre uniquement à l'éducation d'un jeune garçon se destinant à être roi. Le long-métrage est certes l'occasion de quelques scènes mémorables, notamment les trois transformations, mais pêche par un manque de fil-conducteur évident. Il marque d'ailleurs un virage dans les productions Disney qui prennent avec lui, et ce jusqu'à la fin des années 70, la fâcheuse habitude de ne plus construire de solides histoires mais de se contenter de lier entre elles, plus ou moins avec bonheur, des scènes fortes.

La volonté d'économie ne touche pas Merlin l'Enchanteur que dans son histoire, elle vient également perturber son animation. Si Les 101 Dalmatiens a bénéficié à plein de la révolution amenée par la Xerox, Merlin l'enchanteur s'enlise lui dans un copier-coller ronronnant. Son style graphique est ainsi le même que son prédécesseur. Il en sera d'ailleurs de la sorte pour toutes les productions Disney jusqu'aux années 80. Les effets spéciaux sont quasiment absents. Aucune grande tentative n'est réalisée. La caméra multiplane fait un timide retour mais, toujours pour rogner dans les dépenses, se voit vite couper les ailes. Son unique utilisation se retrouve donc en début du film, quand s'avançant dans la forêt, les branches passent les unes après les autres pour arriver à la maison de Merlin. D'autres séquences valent toutefois le détour. La tour du Mage dans le château, en particulier lors de la nuit d'orage, est bluffante tout comme l'exploration de la vie aquatique à l'occasion de la transformation en poisson du maître et de son élève. Les décors, quant à eux, reprennent la technique inaugurée pour Les 101 Dalmatiens qui devient la règle chez Disney pour deux décennies. Les formes sont, par conséquent, arbitraires, les couleurs, seules peintes et les lignes noires Xerox délimitant les contours, rajoutées séparément.

A la différence des autres films d'animation des studios, le casting de Merlin l'Enchanteur semble dépourvu de personnages secondaires tant ils oublient de rayonner et se perdent en trop grande transparence. Il n'en est fort heureusement pas de même pour les principaux.

Merlin l'enchanteur, rôle titre, s'imagine en personnage central du film. Affublé d'une vaste robe bleue, il revêt un aspect anguleux dont une longue et espiègle barbe blanche vient appuyer le trait. Son caractère est logiquement professoral, même s'il se voit atténué par un gâtisme naissant, fort utile pour les scènes comiques. Il aime montrer sa "science" et en particulier sa connaissance du futur. Ce travers est l'occasion rêvée de servir des anachronismes amusants, finalement bien intégrés au monde moyenâgeux. Magicien, il n'utilise son art que pour arriver à ses fins. Sa magie se situe d'ailleurs à mille lieux de celle des fées de La Belle au Bois Dormant ou de Cendrillon. Elle n'a pas, il est vrai, pour but d'émerveiller mais d'être utile. Sa voix, enfin, dans sa version anglaise (Karl Swenson) comme française (Alfred Pasquali) est nasillarde, rajoutant au charme désuet du personnage.

Moustique, le futur roi Arthur, dispute à Merlin le titre de personnage principal du film. Son apparence va figer chez Disney la représentation des adolescents pour plusieurs décennies. Il est ainsi maigre et anguleux, dispose d'une mèche rebelle, et d'une tête disproportionnée par rapport à son corps. Ses traits se retrouveront chez Mowgli dans Le Livre de la Jungle, le jeune garçon du moyen-métrage Le Petit Âne de Bethléem, et l'intrépide Taram dans Taram et le Chaudron Magique. Moustique brille également par sa maladresse, qui renforce un peu plus son statut d'adolescent ingénu. Côté caractère, s'il est dynamique et plein d'entrain, il conserve une opinion très humble de lui-même ce qui n'est pas sans poser de problèmes avec le vieux magicien. Par trop effacé tout au long du film, Moustique rate son entrée dans la postérité des personnages Disney.

Le hibou Archimède est, à n'en pas douter, l'un des rôles les plus forts du film. Cet oiseau bourru et irascible marque, en effet, les esprits par sa capacité à être drôle. Son dessin participe d'ailleurs grandement à son aura tant son air paresseux, cherchant toujours à s'économiser, le rend sympathique. Sa relation avec Merlin n'est pas non plus en reste dans son succès public. Toujours prompt à le contredire, lui envoyant à tout bout de champs des répliques assassines, doutant sans cesse de l'omniscience de son maître, il est l'archétype même du bougon, jusqu'à l'intonation de sa voix anglaise (Junius Matthews) et française (René Hiéronimus) qui appuient un peu plus sa propension à la contestation permanente. Sa meilleure scène reste son fou-rire sur le bord de la fenêtre lorsque l'hélice de l'avion miniature de Merlin s'emmêle dans sa barbe. L'animateur Ollie Johnston, responsable de la séquence, réussit là une véritable prouesse : rendre ce passage hilarant et le rire communicatif. Une merveille !

Madame Mim aurait visiblement pu marquer de son empreinte Merlin l'Enchanteur si elle n'avait pas été confinée à une séquence beaucoup trop courte. Elle est, en effet, digne des plus grands vilains de Disney. Sorcière, grosse et laide, elle est une méchante à l'état pur. Particulièrement habile, elle manie sa magie dans le but de se transformer à volonté pour toujours emporter la mise. Elle reste toutefois plus amusante que réellement effrayante. La bataille de sorcellerie qu'elle engage avec Merlin reste l'un des passages les plus réussis du film tout entier. La scène, dans laquelle les deux protagonistes s'affrontent à coups de transformations en tous genres est, en effet, l'occasion rêvée pour les artistes Disney de se livrer à des inventions visuelles et des trouvailles d'animation remarquables. Les différentes mutations vont ainsi crescendo et finissent en apothéose par la transformation en dragon de la sorcière et la parade de Merlin victorieux. Un morceau d'anthologie !

Les chansons de Merlin l'Enchanteur sont confiées à de jeunes compositeurs fraichement intégrés aux studios de Mickey : Richard M. Sherman et Robert B. Sherman. Remarqués pour leurs chansons titres de Monte là-d'ssus et Compagnon d'Aventure, mais également pour celles du cartoon A Symposium on Popular Songs, du film La Fiancée de Papa et de la comédie musicale Summer Magic, ils travaillent parallèlement sur un chef d'œuvre Disney en devenir : Mary Poppins. Peut-être ce dernier les accapare t'il trop au point de manquer d'inspiration pour Merlin l'Enchanteur ? Nul ne sait. Il est chose certaine en revanche : les six chansons du film, bien que sympathiques, sont loin d'être mémorables. Seule Higitus Figitus, bien que trop courte, tire son épingle du jeu. Georges Brun se charge lui de la musique du film, avec plus de bonheur puisque honoré d'une nomination à l'Oscar de la meilleure musique.

Mise à la diète, après deux ans sans film d'animation, la Critique américaine est étonnamment gentille avec Merlin l'Enchanteur. Le public sera aussi conquis bien que modestement, il est vrai. La presse française sera, elle, plus circonspecte. Les résultats commerciaux du film lui ouvre la porte de deux ressorties, respectivement, en 1972 et 1983. Sur le marché de la vidéo, en revanche, la timide demande convainc la compagnie de Mickey de ne pas lui appliquer la politique des black-outs : le titre est ainsi disponible dans les rayons sans interruption.

Non admis au panthéon des meilleurs films d'animation, Merlin l'Enchanteur n'en reste pas moins un œuvre séduisante qui mérite son titre de Grand Classique Disney. Il est, en effet, le coup de cœur silencieux de générations entières de spectateurs !

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