Titre original :
The Parent Trap !
Production :
Walt Disney Productions
Date de sortie USA :
Le 12 juin 1961
Genre :
Comédie
Réalisation :
David Swift
Musique :
Richard M.Sherman
Robert B.Sherman
Paul Smith
Durée :
124 minutes
Disponibilité(s) en France :
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

Séparées très jeunes lors du divorce de leurs parents, les jumelles Sharon et Susan se rencontrent par le plus grand des hasards au cours d'un camp de vacances. Déterminées à rester unies pour la vie, les sœurs se mettent et tête de tout faire pour que leur parents, Mitch et Maggie, se remettent ensemble. Mais c'est sans compter sur l'arrivée de la pimbêche Vicky dans la vie de Mitch, bien décidée à l'épouser, lui et son argent...

La critique

rédigée par
Publiée le 13 juin 2020

Peu connu en France, La Fiancée de Papa n'en est un pas moins un classique de Walt Disney indémodable et salué de l'autre côté de l'Atlantique. Porté par un casting cinq étoiles, magnifié par un script qui mélange comédie, romance et aventure adolescente, le film est une ode au savoir-faire Disney avec ses décors de rêve, quelques chansons entêtantes, des effets spéciaux avant-gardistes et un générique insolite où le créateur de Mickey ne peut s'empêcher de prouver qu'il est le maître de l'animation, sous toutes ses formes.

La Fiancée de Papa est basé sur un court roman jeunesse, Deux pour Une, écrit par l'écrivain allemand Erich Kästner. Né le 23 février 1899 à Dresde, le futur auteur se découvre vite une âme anti-militariste après son service national en 1917 dont il ressort avec une faiblesse cardiaque. Arrivé à Berlin en 1927, il devient très vite une figure littéraire reconnue de la capitale allemande où il publie des poèmes, des reportages, des récits et des critiques de théâtres dans différents journaux. Il sort son premier recueil de poésies, Herz auf Taille, en 1928, suivi l'année d'après de son premier roman jeunesse, et sûrement son livre le plus connu, Émile et les Détectives, que les studios Disney adapteront d'ailleurs au cinéma en 1964. Avec l'avènement du Troisième Reich, il est arrêté plusieurs fois par la Gestapo en tant qu'anti-nazi tandis que ses livres sont brûlés sur la place publique. Après la Seconde Guerre mondiale, il s'installe à Munich mais a bien du mal à se refaire une place dans l'univers littéraire de l'Allemagne de l'Ouest même s'il reste célébré pour ses livres jeunesse dont il continue de publier quelques romans dont Deux pour Une (Das Doppelte Lottchen) qui sort en 1949. Il écrit ses derniers romans jeunesse Le Petit Homme en 1963 et Der Kleine Mann und die Kleine Miss en 1967 avant de s'éteindre le 29 juillet 1974.

Même si Deux pour Une n'est pas le roman le plus connu de l'auteur Erich Kästner, il est peut-être considéré comme le plus moderne des livres jeunesse de l'écrivain. Il faut dire qu'il ose une chose peu évidente à l'époque : parler de divorce dans un roman pour enfants. Conséquence, la mère n'est donc pas la figure habituelle de la femme au foyer mais au contraire une travailleuse qui doit faire tourner la maison seule et subvenir aux besoins de son enfant. D'ailleurs, les studios Disney gommeront cet aspect dans leur adaptation en faisant de la mère une femme de bonne famille entretenue par ses parents mais ayant de nombreuses activités philanthropiques. Un autre aspect inédit pour l'auteur dans ce roman est le fait d'avoir pris pour personnages principaux des jeunes filles, Louise et Lotte, là où il avait plutôt tendance à mettre en avant des jeunes hommes. Tout ceci explique la popularité du roman qui sera rapidement adapté au cinéma, d'abord en Allemagne en 1950 avec le film Petite Maman mais aussi au Japon en 1951 avec Hibari no Komoriuta et en Angleterre en 1953 avec Twice Upon a Time.

La Fiancée de Papa doit beaucoup à Bill Dover, le responsable du département scénario des studios Disney. Ce dernier tombe en effet sur le livre d'Erich Kästner dont il pense qu'il ferait un bon scénario. Il le fait lire à Walt Disney qui est particulièrement emballé, trouvant que l'histoire est parfaite pour le prochain film de sa star montante, Hayley Mills. Il demande alors au réalisateur et scénariste David Swift d'en proposer un script. Ce dernier est tout de suite inspiré par le récit et livre rapidement un premier brouillon.

David Swift est né le 27 juillet 1919 à Minneapolis. Il quitte le foyer familial en prenant à 17 ans un train pour Los Angeles dans le but de travailler pour Walt Disney. Arrivé à Hollywood, il fait plein de petits boulots tout en prenant des cours du soir de dessin. En 1938, il arrive finalement à rentrer au sein des studios Disney en devenant l'assistant de l'animateur Ward Kimball. Il travaille notamment sur Blanche Neige et les Sept Nains, Pinocchio, Fantasia, Le Dragon Récalcitrant et Les Années 90. Il quitte ensuite les studios Disney pour partir à la guerre. À son retour, il oriente sa carrière en tant que scénariste de séries télévisées, recevant notamment des éloges pour Mister Peepers diffusée de 1952 à 1955 sur NBC. Il revient chez Disney à la fin des années 50 où il obtient son premier poste de réalisateur pour le grand écran avec Pollyanna qui sort en 1960 avec la jeune Hayley Mills en vedette. La Fiancée de Papa marquera sa deuxième et dernière réalisation pour le label de Mickey. Par la suite, il continuera de mettre en scène des comédies, notamment pour Columbia Pictures ou United Artists, mais aucune n'obtiendra la renommée qu'il aura eue avec ses deux premiers films. Il travaillera encore deux fois pour Disney en tant que scénariste de cinéma : en 1978 avec La Course au Trésor et en 1998 en réadaptant son script de La Fiancée de Papa pour le remake, À Nous Quatre. Celui-ci marquera son dernier projet avant sa mort le 31 décembre 2001. Il aura tout de même le temps d'enregistrer de nombreux bonus pour les éditions collector DVD de ses deux films Disney, qui sortiront quelques mois après son décès.

La Fiancée de Papa possède un script parfait. Il faut dire que le long-métrage est l'archétype idéal du film familial, dans le sens noble du terme, où aussi bien les enfants que les parents trouveront un élément qui leur parlera et les fera rire. Il commence d'ailleurs plutôt comme une aventure adolescente où deux jeunes filles se rendent dans un camp de vacances, deviennent ennemies et se font les pires crasses possible. Naturellement, le comique de situation est alors légion entre les chutes, les gâteaux qui volent, les robes découpées ou les pièges nocturnes. Le but est à la fois d'accrocher les enfants par des situations drôles mais aussi les adolescents avec cette boum organisée en invitant le camp de garçons. Puis, une fois que les jeunes filles sont punies et sont assignées à résidence dans le même dortoir, le récit se met en place. Elles se rendent compte que leur ressemblance n'est pas due à une heureuse coïncidence mais au fait qu'elles sont réellement jumelles et qu'elles ont été séparées à la naissance par leurs parents. Elles décident alors d'échanger leur place afin de découvrir leur autre père et mère qu'elles ne connaissent pas et tenter en même temps de les voir se remettre ensemble. Là encore, cette idée de l'échange est excellente car elle est terriblement accrocheuse pour le jeune public. Et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, cela leur permet de s'identifier aux deux jeunes filles qui font semblant d'être une personne qu'elles ne sont pas afin de vivre une expérience extraordinaire : l'une partant en Californie, l'État de la modernité et du soleil ; l'autre à Boston, dans une famille chic et rangée. Ensuite, cela met le doigt sur la notion de divorce, peu mise en avant dans l'Amérique puritaine du début des années 60, permettant à certains jeunes dans ces situations de s'identifier, dans un propos très moderne. Surtout, il montre pour une fois fois que les enfants sont acteurs dans le rapprochement des parents, là où ils sont souvent mis à l'écart dans ce genre de déchirement familial. Cela donne à beaucoup un espoir de pouvoir faire bouger les choses au lieu de constamment les subir. Certes, le film est optimiste et idéaliste, mais de nombreux longs-métrages d'Hollywood ont alors cette qualité : celle de donner du baume au cœur.

Avec l'arrivée des parents, La Fiancée de Papa prend un ton un peu plus adulte. D'abord, en même temps que Sharon et Susan rencontrent leurs parents inconnus, le public fait la connaissance de Maggie et Mitch. Les deux filles essayent évidemment de les faire parler de leur rupture. Mais Sharon, prétendant jouant Susan, se rend compte qu'un grain de sable vient mettre à mal le plan bien huilé imaginé pour rapprocher leurs parents. Vicky, une belle jeune femme, a décidé d'épouser leur père. Mitch a d'ailleurs bien du mal à l'annoncer à celle qui croit être Susan. À partir de là, des séquences vraiment cocasses sont proposées, dont deux scènes particulièrement truculentes où les dialogues sont écrits aux petits oignons. La première est celle où Maggie se prépare à ramener Susan en Californie. Son père vient lui prodiguer ses encouragements, mais en le faisant il prend un malin plaisir à faire comprendre à sa fille qu'elle est loin d'être à la mode. Mais au lieu de lui dire frontalement, il fait de nombreuses circonvolutions avec de faux compliments sonnant plutôt comme de vraies attaques. Puis vient sûrement la meilleure scène du film : celle tournant autour du Révérend Mosby. Ce dernier vient en effet pour mettre au point la cérémonie de mariage entre Vicky et Mitch, sauf qu'il se retrouve au milieu d'une joute entre le futur marié Mitch, la future épouse Vicky et l'ex-femme Maggie. Là encore, les dialogues sont parfaits entre les remarques désobligeantes envoyées avec le sourire et les compliments hypocrites. Le spectateur s'amusera aussi de l'attitude du Révérend, qui au lieu d'être choqué, prend visiblement plaisir à assister à ce vaudeville, sans parler de son goût immodéré pour l'alcool mondain, loin de l'image de sobriété des hommes d'église. Enfin, toujours dans les scènes à l'humour pince sans rire, celles entre Vicky et les jumelles sont merveilleuses. Les jeunes filles ont parfaitement compris le jeu de la prétendante cherchant la fortune de ce bon parti plus âgé. Tout ceci fait que La Fiancée de Papa a un propos absolument moderne, rafraîchissant, et particulièrement cocasse, surtout pour l'époque, et sur ces points-là le film n'a pas pris une ride. D'ailleurs, À Nous Quatre, son remake de 1998, malgré toutes ses qualités, n'arrivera jamais à retrouver ce ton en étant beaucoup plus sage et plus convenu malgré 35 ans d'écart.

Si La Fiancée de Papa fait la part belle à la comédie et l'aventure adolescente, elle se permet aussi de proposer un zeste de romance. À chaque fois que Maggie et Mitch se retrouvent seuls, les moments alternent en effet entre les joutes électriques et les rapprochements tendres et nostalgiques. Trois scènes sont particulièrement touchantes : la première, quand ils se retrouvent après tant d'années, la seconde lors du repas qu'organisent les deux enfants, et enfin la troisième, à la fin, quand ils dînent tous les deux une fois que l'affreuse Vicky a dévoilé son vrai visage. Entre ces deux dernières scènes romantiques, le film revient il est vrai à un comique de situation où la future mariée va en prendre pour son grade grâce à un pilonnage en règle des deux jumelles pour lui faire perdre son sang-froid. Ces quelques touches de romance terminent de rendre le long-métrage totalement charmant. La Fiancée de Papa est ainsi un film doudou où le spectateur rit de bon cœur mais est aussi ravi du destin des personnages, même s'il a parfaitement conscience de ce qui va arriver. Mais peu lui importe, car aucune autre conclusion n'aurait pu le satisfaire.

Le récit de La Fiancée de Papa est particulièrement bien écrit, mais son casting cinq étoiles le magnifie plus encore.
Il faut dire le film a été pensé spécifiquement pour la star montante des studios Disney, la merveilleuse Hayley Mills, la deuxième égérie Disney qui venait de prendre la place d'Annette Funicello dans le cœur des enfants de l'époque. Fille de l'acteur John Mills, qui avait joué pour Walt Disney dans Les Robinsons des Mers du Sud (1960), son premier film pour le label de Mickey n'est pas moins que le fabuleux Pollyanna en 1960 où elle gagne d'ailleurs un Oscar d'honneur pour sa prestation. Suite à ce succès, Walt Disney propose à la jeune fille un contrat de cinq films, un par an : la comédie La Fiancée de Papa en 1961, l'adaptation du roman de Jules Verne Les Enfants du Capitaine Grant en 1962, la comédie musicale Summer Magic en 1963, le thriller La Baie aux Émeraudes en 1964 et une autre comédie, L'Espion aux Pattes de Velours en 1965. Dans les années 80, elle revient chez Disney, mais à la télévision cette fois-ci, en reprenant son rôle des jumelles Susan & Sharon dans trois suites de La Fiancée de Papa. Elle est remarquée aussi dans le téléfilm Back Home (1990) ainsi que dans le rôle-titre de la série Bonjour, Miss Bliss (1988), première version de ce qui deviendra Sauvés par le Gong.
Après avoir été bouleversante dans Pollyanna, Hayley Mills est doublement talentueuse dans La Fiancée de Papa. Elle ne joue pas un mais bien deux rôles, celui des jumelles Susan Evers et Sharon McKendrick. L'actrice est tout simplement adorable et vole l'écran chaque fois qu'elle apparaît. Elle peut aussi bien être attendrissante, amusante, espiègle et tout sauf naïve quand elle s'en prend à la prétendante de son père. Elle arrive autant à faire la jeune fille coincée de Boston tout comme celle plus à la page de Californie, en modulant son accent. La gageure de faire deux personnages en changeant de position est réellement à souligner vu la difficulté de la chose, surtout à son âge. Le succès du film doit alors beaucoup à sa prestation et le jeune public s'est parfaitement retrouvé dans les deux personnages très attachants qu'elle interprète.

Mitch Evers est joué par Brian Keith. Ce n'est pas la première participation à une production Disney pour le comédien ayant été vu dans Dix Hommes Audacieux l'année précédente. Par la suite, il deviendra un habitué des studios puisqu'il jouera pour le label dans une ribambelle de films (Un Pilote Dans la Lune en 1962, Sam, l'Intrépide en 1963, Les Pas du Tigre en 1964, Calloway, le Trappeur en 1965 et Scandalous John en 1971) et de téléfilms (Johnny Shiloh en 1963, Jacky et Poildur en 1964 , Cowboy Malgré Lui en 1964 et Trafics en Tous Genres en 1986).
Mitch Evers est amusant car il est le seul personnage principal à être un homme ; le père de Maggie, le révérend ou l'employé du ranch étant beaucoup plus secondaires. Il est entouré de femmes ou de jeune filles et se retrouve donc un peu trimballé entre les humeurs et les desiderata de chacune, ayant souvent du mal à suivre, subissant la plupart du temps. Il n'arrive pas, par exemple, à avouer à sa fille qu'il va se marier. Au contraire, il se laisse piéger par elle en lui parlant des garçons, ce qu'il fait d'ailleurs maladroitement. Il est aussi complètement décontenancé quand son ex-femme se retrouve chez lui dix ans après leur rupture. Il ne se rend pas non plus compte que Vicky le mène par le bout du nez. Pour autant, malgré sa fragilité, il sait parfaitement être romantique, surtout quand il retrouve les sentiments qu'il avait pour la mère de ses enfants.

Maureen O'Hara interprète, quant à elle, Maggie McKendrick. Il s'agit du seul et unique rôle de l'actrice pour les studios Disney. Elle est ainsi principalement connue pour avoir joué Doris Walker dans le classique de 20th Century Fox de 1947, Le Miracle de la 34ème Rue. Dans La Fiancée de Papa, elle est tout simplement délicieuse dans le rôle de la mère de Susan et Sharon. Semblant fragile et réservée au début du film, elle se lâche au fur et à mesure du long-métrage quand elle décide de mettre tous les atouts possibles pour reconquérir son ex-mari, en commençant par changer de look après avoir fait des achats à New York. Elle devient alors bien plus drôle et libérée. Les réparties qu'elle envoie à Vicky sont très amusantes car elles passent pour des gentils compliments mais sont en réalité des attaques en règle. Enfin, elle sait se faire très romantique, comme dans l'une des dernières scènes du film où elle prépare un repas sur le pouce à Mitch pour lui faire enfin ouvrir les yeux sur leurs amours.

Le rôle de Vicky Robinson est tenu, lui, par Joanna Barnes. La jeune actrice s'amuse à jouer la croqueuse d'homme, aussi belle que décidée à capter la fortune de ce riche parti qu'est son futur mari. Véritable hypocrite, elle joue de son charme mais ne cache pas à sa mère ses envies d'envoyer la petite peste de future belle fille en pension dès qu'elle sera dans la place. Si elle arrive parfaitement à manipuler Mitch, toutes les autres femmes de la maison sont bien au fait de ses manigances. Ses joutes avec les jumelles ou avec Maggie sont alors particulièrement amusantes. L'actrice participe ici à son seul film Disney même si elle fera une petite apparition dans le remake À Nous Quatre en 1998.
Le reste du casting est tout aussi sympathique, à l'exemple de Charles Ruggles (Après lui, le Déluge, Quatre Bassets pour un Danois) dans le rôle de Charles McKendrick, le père de Maggie ; Una Merkel (Summer Magic, Les Pas du Tigre) dans celui de Verbena, la tenancière pipelette dans le dénis du ranch de Mitch ; ou encore Leo G. Carroll dans celui du Révérend Mosby.

La Fiancée de Papa a été filmé en grand partie en Californie, mis à part quelques plans à Boston. Les extérieurs sont ainsi situés à plusieurs endroits : dans le ranch du millionnaire Stuyvesant Fish près de Carmel, dans le golf de Monterey, dans un vieux camp de jeune fille à Big Bear et enfin dans le Golden Oak Ranch des studios Disney situé dans la vallée de San Fernando. Les intérieurs ont, par contre, tous été tournés dans les studios de Burbank. Il faut d'ailleurs absolument souligner le magnifique travail sur la maison de Mitch. Imaginée et décorée par Emile Kuri, connu pour son incroyable intérieur du Nautilus dans le film 20 000 Lieues Sous les Mers, il va là encore faire des prouesses. Le décorateur part d'un ranch façon Zorro puis rajoute de nombreuses touches modernes occidentales. Le résultat est un design de toute beauté, qui représente parfaitement la modernité d'une maison telle qu'elle était imaginée à la fin des années 50, style qui n'aurait pas déplu à des auteurs de bandes dessinées comme Franquin ou Will, qui étaient férus de cette esthétique. Ce qui est incroyable, c'est qu'encore aujourd'hui, ce design n'a pas pris une ride et est loin d'être dépassé. L'artiste recevra d'ailleurs un prix pour son travail de la part d'architectes d'intérieur californiens. Le public, quant à lui, adorera tellement l'aspect du ranch que le studio recevra des milliers de lettres des spectateurs leur demandant des photos des décors afin de s'en servir de guide pour leur propre maison. Le film va ainsi servir de point de départ au style hispano-occidental dans les maisons californiennes qui va se développer par la suite.

Quand le public pense à La Fiancée de Papa, il ne le qualifierait pas au premier abord comme un film d'effets spéciaux. Et pourtant, il s'agit d'une véritable démonstration technique que propose le long-métrage, ceci uniquement grâce à un seul artiste et technicien, Ub Iwerks. L'homme est connu pour avoir été le créateur graphique de Mickey. Mais après une brouille avec Walt Disney, il quitte les studios en 1930 pour créer une autre série de cartoons concurrente. Après une décennie d'échecs, il revient en 1940 chez Disney et va embrasser une nouvelle carrière en tant que spécialiste des effets spéciaux. Il permettra alors au label d'être en avance sur son temps pendant des décennies. Pour La Fiancée de Papa, il se charge de l'incrustation du décor de Boston lors de la balade dans le parc de Maggie et Susan. Si la technique est désormais datée, à l'époque, il s'agissait de ce qui se faisait de mieux à Hollywood. Mais la plus grande prouesse de l'opus est bien sûr l'utilisation de la même actrice, Hayley Mills, pour jouer les deux jumelles. Dans le cas où le spectateur voit le visage des deux jeunes filles en même temps, les scènes ont été à chaque fois tournées deux fois, découpées en post-production, puis superposées l'une avec l'autre, souvent en cherchant une séparation dans le décor afin de ne pas remarquer la jonction. Le résultat est tout simplement bluffant, même encore aujourd'hui à l'heure du numérique. Naturellement, ce procédé n'a pas tout le temps été utilisé. Quand l'une des jumelles est de dos ou de trois quarts, alors seule l'une des deux est Hayley Mills, l'autre étant une doublure jouée par Susan Henning, une jeune actrice qui ressemblait beaucoup à la star.



Trucages du film

La Fiancée de Papa marque également une autre étape importante dans la filmographie de Disney : celle de la première collaboration cinématographique de Richard M. Sherman et Robert B. Sherman avec Walt Disney. L'aventure disneyenne commence ainsi, en juillet 1960, lorsque les frères Sherman se voient confier l'écriture d'une chanson (Strummin' Song) pour le téléfilm d'Annette Funicello, The Horsemasters. Les producteurs leur proposent, en effet, une réunion de travail directement aux studios pour qu'ils puissent présenter leur maquette. Surprise ! Au lieu de se retrouver devant d'obscurs interlocuteurs, les deux frères sont reçus par Walt Disney en personne qui leur parle tout de go d'un autre film, La Fiancée de Papa. Ils osent alors à peine l'interrompre, juste pour lui signifier leur accord de principe. Concernant l'objet de la réunion, et l'écoute de Strummin' Song, Walt Disney se contente d'un malicieux "Ça ira", un compliment dont la pudeur témoigne de la portée. Venus pour un simple titre dans un téléfilm, les frères Sherman repartent donc avec un accord et une commande ferme pour le cinéma.

La réussite de Richard M. Sherman et Robert B. Sherman sur La Fiancée de Papa va les faire devenir les compositeurs attitrés de Walt Disney durant une décennie. Ils sont, à sa suite, littéralement captés par le studio et écrivent de nombreuses chansons pour toutes ses activités : l'animation (Merlin l'Enchanteur, Mary Poppins , Le Livre de la Jungle, Symposium de Chants Populaires, Winnie l'Ourson et l'Arbre à Miel), les films "Live" (Monte là-d'ssus, Un Pilote Dans la Lune, Compagnon d'Aventure, La Légende de Lobo, Les Enfants du Capitaine Grant, The Misadventures of Merlin Jones, Calloway, le Trappeur, Un Neveu Studieux, L'Espion aux Pattes de Velours, Demain... des Hommes, Singes, Go Home !, L'Honorable Griffin, Les Petits Hommes de la Forêt, Le Plus Heureux des Milliardaires, The One and Only, Genuine, Original, Family Band), la télévision (Vive la Couleur, Zorro, le générique de l'émission Walt Disney's The Wonderful World of Color...) et même les Parcs à thèmes (The Tiki, Tiki, Tiki Room, It's A Small World, There's a Great Big Beautiful Tomorrow). Leurs chansons sont alors interprétées par de grands artistes : Annette Funicello, Maurice Chevalier, Hayley Mills, Julie Andrews...

L'un des plus gros problèmes lors de la production a été de trouver un titre au film. De nombreux intitulés ont été tentés, comme His and Hers, We Belong Together, Petticoats and Bluejeans, Susan and I... Il y a même eu un concours dans le studio avec une prime à la clé pour trouver le bon. Les frères Sherman ont alors composé plusieurs chansons à partir de ces titres ou des titres qu'ils ont proposés eux-mêmes. Mais si aucune de leurs propositions ne fut retenue, toutes leurs chansons se sont, elles, retrouvées d'une façon ou d'une autre dans le long-métrage. Ils tentent par exemple d'écrire une chanson avec le titre Petticoats and Bluejeans. Cette dernière se transforme en Whistling At the Boys mais ne sera pas retenue en tant que telle. Elle peut néanmoins être entendue via quelques passages instrumentaux lors de la scène de la boom au début du film et elle se retrouvera dans l'album de la bande originale.

La première chanson qu'ils proposent donc pour le film est For Now, For Always, avec dans l'idée aussi qu'il en partage le titre. Les compositeurs savaient en effet qu'il leur fallait une ballade romantique pour les parents. Walt Disney apprécie la chanson mais s'étonne qu'elle fasse si datée alors qu'il s'attendait à une chanson des sixties. Les frères Sherman se justifient avec un peu de mathématique. Si le film se déroule en 1960 et que les filles ont treize ans, cela veut alors dire que les parents se sont rencontrés aux alentours de 1946. Ils ont donc composé une chanson dont le style ressemble beaucoup aux ritournelles à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Le réalisateur David Swift adore le titre et l'insère dans le film, même s'il s'agit presque d'une version fredonnée. Maureen O'Hara l'interprète en effet superbement dans la scène du parc de Boston où elle raconte à Susan la rencontre avec son père. La chanson complète se retrouvera ensuite dans la bande originale. Par contre, For Now, For Always n'est pas retenu comme titre du film.

La deuxième chanson est également pensée pour être le titre du film, même s'il s'agit d'un dérivé du titre de travail We Belong Together. La chanson se transforme ainsi en Let's Get Together. Il s'agit d'un rock très sixties avec l'incroyable impression qu'elle a été écrite par des adolescentes. Elle est interprétée par Hayley Mills et... Hayley Mills dans la scène où les deux jumelles montent un petit spectacle pour divertir leurs parents en essayant de rejouer leur première rencontre. Ce passage est sûrement le clou du film mais aussi la scène la plus charmante de La Fiancée de Papa, clairement à l'origine du succès du long-métrage. La popularité de la chanson en dehors est même immense. Preuve en est que le single rentrera dans le Billboard Hot 100 de vente de 45 tours en atteignant la huitième place au cours de l'année 1961.

Finalement, c'est Walt Disney lui-même qui décide du titre du film et choisit The Parent Trap!. Les frères Sherman construisent alors la chanson du générique, The Parent Trap, autour de ce choix à la phonétique difficile ayant deux « t » qui se suivent. Ils contournent le problème en créant un swing à la Frank Sinitra. La chanson est alors interprétée par Tommy Sands et Annette Funicello, dans un joli retour des choses, les compositeurs ayant écrit des chansons pour l'égérie Disney avant même de travailler directement pour le maître de l'animation. Le choix des deux interprètes se fait naturellement car ils sont présents aux sein des studios, occupés à tourner la comédie musicale Babes in Toyland, qui sortira un peu plus tard dans l'année. Enfin, Walt Disney développe une autre idée pour le générique. Il veut utiliser un procédé assez nouveau pour les studios Disney : l'animation image par image. Les animateurs Bill Justice et X. Atencio qui s'étaient fait remarquer avec cette technique pour le court-métrage de 1959 L'Arche de Noé, nommé pour l'Oscar du Meilleur Court-Métrage, se mettent alors à l'ouvrage et proposent ici une ouverture percutante. Elle démontre dès le début du film la définition même de l'esprit Disney : innovation, chanson, charme et joie de vivre. Et même pour un film à prises de vues réelles, Walt Disney ne peut s'empêcher d'y placer une petite touche inédite d'animation.

Afin de promouvoir le film, Walt Disney propose un épisode promotionnel, The Title Makers, dans son émission d'anthologie Walt Disney Présents, diffusé le 11 juin 1961, la veille de la sortie en salle du long-métrage. Le documentaire revient principalement sur la création du générique mais offre aussi un résumé rapide du prochain opus des studios Disney. La Fiancée de Papa sort donc sur les écrans américains le 12 juin 1961 avec des critiques très positives saluant le script, le casting et les chansons. Le public est, quant à lui, conquis et lui réserve un triomphe en le hissant à la quatrième place du box office américain avec plus de 25 millions de dollars, ex æquo avec un autre film Disney, Monte là-d'ssus. Sorti la même année, il rapporte plus que les 14 millions de dollars du film d'animation du studio Les 101 Dalmatiens, même si ce dernier le dépassera largement grâce à ses ressorties. La popularité américaine fait que La Fiancée de Papa a droit, lui aussi, à une ressortie au cinéma en 1968. En France, par contre, le film passe bien plus inaperçu, attirant à peine plus d'un million d'entrées.


Ressortie de 1968

Le succès de La Fiancée de Papa fera que les studios Disney parleront longtemps d'en faire une suite, même si elle n'arrivera finalement que bien des années plus tard, et qu'à destination de la télévision câblée. En 1986, Disney Channel propose, en effet, Papa Épouse Maman (The Parent Trap II) dans sa collection des Disney Channel Premiere Films. Sympathique, le long-métrage n'a tout de même pas le charme du film original. Deux autres suites sont ensuite proposées, Les Femmes de Papa (Parent Trap III) en 1989 et Lune de Miel à Hawaï (Parent Trap: Hawaiian Honeymoon) en 1990, cette fois-ci pour la télévision hertzienne puisque les deux téléfilms sont diffusés dans l'émission d'anthologie, The Magical World of Disney, sur NBC. Les trois suites voient à chaque fois Hayley Mills reprendre ses rôles de Sharon et Susan. Enfin, en 1998, le long-métrage d'origine a droit à un remake avec Lindsay Lohan dans le rôle principal. Si le titre américain The Parent Trap! perd juste son point d'interrogation dans la nouvelle version (quoique l'écran titre de 1961 n'en possède pas, il n'est présent que sur les affiches), le titre français change du tout au tout, passant de La Fiancée de Papa à À Nous Quatre. Cette version est d'ailleurs bien plus connue et populaire auprès du public hexagonal, surtout pour la génération née à partir des années 90.

La Fiancée de Papa est un grand classique de Walt Disney. Avec son script apte à plaire autant aux enfants qu'aux parents, un casting de rêve, quelques chansons entêtantes et des effets spéciaux avant-gardistes pour l'époque, il est un condensé du savoir-faire Disney. Il s'agit surtout d'une excellente comédie, certaine de faire passer un bon moment de détente au public et que les fans du studio aux grandes oreilles se doivent de (re)découvrir d'urgence.

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