Le Plus Heureux des Milliardaires
Titre original : The Happiest Millionaire Production : Walt Disney Productions Date de sortie USA : Le 23 juin 1967 (Première Road Show) Début octobre 1967 (Pré Sorti) Début janvier 1968 (Sorti Populaire) Genre : Comédie musicale |
Réalisation : Norman Tokar Musique : Richard M. Sherman Robert B. Sherman Durée : 172 minutes |
Disponibilité(s) en France : | Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
En 1916, dans Walmut Street, la rue la plus chic et animée de Philadelphie, se dresse une magnifique demeure où habite la famille Drexel Biddle sous l'œil bienveillant du majordome. Tout ce petit monde tourne autour du père (obnubilé tout autant par ses classes de boxe, les "Biddle Bible Classes", dédiées toute entière à la préparation au combat que par son élevage d'alligators) et de la mère (dynamique à souhait et bien décidée à maintenir un semblant d'ordre dans la famille).
Les enfants ne poursuivent, quant à eux, pour unique projet que de quitter au plus vite le giron familial : la fille a d'ailleurs déjà trouvé l'amour en la personne du beau Angie Duke, un passionné d'automobile...
La critique
Le Plus Heureux des Milliardaires tient une place à part dans la filmographie de Walt Disney. En effet, c'est le dernier film, tout genre confondu, dont s'est occupé le Maître de l'Animation avant sa mort. Le film est, sans aucun doute, l'une des plus ambitieuses comédies musicales de Disney, un genre décidément très apprécié des studios dans les années 60 et 70. S'il n'est pas considéré comme un classique, il possède néanmoins assez de charme pour toucher son auditoire. Dans son ambiance, ses décors, ses chansons, « Walt » est partout sans compter que le film a toute la saveur d'une Main Street U.S.A. que les fans des Parcs à thèmes Disney ne peuvent lui renier.
Après les méga succès de Mary Poppins et de La Mélodie du Bonheur, tous les studios d'Hollywood s'engouffrent dans la mode des comédies musicales extravagantes à durée rallongée. Walt Disney, pas peu fier de son succès avec la nounou anglaise, en est d'ailleurs l'un des plus gros défenseurs du genre. Il n'hésite ainsi pas à en poursuivre l'exploitation en jetant son dévolu sur l'adaptation de la vie d'un personnage réel.
Anthony Joseph Drexel Biddle est, en effet, un milliardaire de
Philadelphie né en 1874. Sa confortable fortune lui permet ainsi d'être oisif et
de se passionner pour l'art et les sports de combats, en particulier la boxe. Il
est, à l'époque, considéré comme un expert du combat rapproché et intègre même
les Marines en 1917 à l'âge de 41 ans afin de servir d'entraineur aux soldats.
Il meurt en 1948 d'une hémorragie cérébrale.
Le scénariste Aj Carothers
s'attèle donc à écrire un script sur sa vie en se basant sur une pièce de
théâtre, elle même inspirée par le roman de la fille du milliardaire, Cordelia
Drexel Biddle, My Philadelphia Father.
Walt Disney, qui pense alors que l'histoire conviendrait parfaitement à une
comédie musicale, demande naturellement à ses compositeurs attitrés, Richard M.
Sherman et Robert B. Sherman d'en écrire la partition et les chansons.
L'aventure disneyenne commence pour les frères compositeurs, en juillet 1960,
lorsqu'ils se voient confier l'écriture d'une chanson (Strummin' Song)
pour le téléfilm d'Annette Funicello,
The Horsemasters. Ils vont, à sa
suite, être captés par le studio et écrire de nombreuses chansons pour toutes
ses activités : l'animation (Merlin,
l'Enchanteur, Mary Poppins , Le Livre de la Jungle,
Symposium de Chants
Populaires, Winnie l'Ourson
et l'Arbre à Miel), les films "Live" (Monte
là-d'ssus, Mary Poppins, Un Pilote Dans la Lune,
Compagnon d'Aventure,
La Légende de Lobo, Les Enfants du Capitaine
Grant, Summer Magic,
The Misadventures of Merlin Jones,
Calloway, le Trappeur,
Un Neveu Studieux, L'Espion aux Pattes de Velours,
Demain... des Hommes,
Singes, Go Home !, L'Honorable
Griffin, Les Petits Hommes de la Forêt), la
télévision (Vive la Couleur, Zorro,
le générique de l'émission Walt Disney's The Wonderful World of Color...)
et même les parcs à thèmes (les chansons The Tiki, Tiki, Tiki Room,
It's A Small World, There's a Great Big Beautiful Tomorrow). Leurs
chansons sont alors interprétées par de grands artistes : Annette Funicello,
Maurice Chevalier, Hayley Mills, Julie Andrews...
Durant la production du (Le) Plus Heureux des Milliardaires, une petite anecdote souligne l'implication de Walt Disney dans ses films, même à la toute fin de sa vie. Alors qu'il passe dans le couloir, il entend, en effet, une des chansons composées pour l'opus. Comprenant mal une phrase, la trouvant même grossière, il rentre alors dans le bureau des deux frères compositeurs et leur exprime sa désapprobation, argüant que ce genre de propos n'est pas du tout approprié pour un film Disney. Les compositeurs lui démontrent alors sa mal-compréhension et parviennent à le faire se ranger à leur avis. Cette péripétie démontre s'il en était besoin le degré d'implication du Maître et son désir de protéger les valeurs associées à son nom devenu marque.
Ce ne sont pas moins de quatorze chansons que les deux frères livrent pour Le Plus Heureux des Milliardaires : Fortuosity, What's Wrong With That ?, Watch Your Footwork, Valentine Candy, Strengthen the Dwelling, I'll Aways Be Irish, Bye-Bye PumPum, Are We Dancing, Detroit, I Believe in This Country. There are Those, Let's Have a Drink on It. It Won't Be Long 'Til Christmas (Let Them Go). Certains morceaux impressionnent par leur ambition à l'exemple de Let's Have a Drink on It où tout un bar d'irlandais se met à danser ; d'Are We Dancing, le moment le plus romantique du film où les deux tourtereaux entament une valse magique ; ou encore de Bye-Bye PumPum où Cordelia reçoit un cour de flirt pas sa camarade de chambre. La règle est simple : quasiment tous les personnages chantent une chanson (ou une partie) dans le film !
Tous les personnages du (Le) Plus Heureux des Milliardaires sont
attachants dans leur genre.
Walt Disney, lui-même, choisit, personnellement,
le comédien Fred MacMurray, l'un ses acteurs préférés, pour jouer le rôle du
milliardaire. Grand acteur comique, il a enchainé les prestations pour les
studios Disney, tous plus drôles les unes que les autres dont certaines sont à
ranger au Panthéon des véritables pépites (Quelle Vie de Chien !
en 1959,
Monte là-d'ssus en 1961,
Bon Voyage ! en 1962,
Après-Lui le Déluge en 1963, Demain... des Hommes
en 1966). Dans Le Plus Heureux des Milliardaires, il assume son
avant-dernier personnage pour le label avant Charley et l'Ange
en 1973. Il joue donc d'Anthony J.Drexel Biddle, un milliardaire, à la fois un
peu bourru et patriote mais aussi papa poule et mari aimant. Son excentricité
(il va jusqu'à avoir des alligators comme animaux de compagnie !) fait que le
spectateur s'attache directement à lui et lui pardonne bien volontiers son côté
râleur. Il s'étonne même de voir l'acteur entamer la chansonnette d'une façon
aussi convaincante quand il interprète What's Wrong With That ? ou I
Believe in This Country. Fred MacMurray a décidément beaucoup de cordes à
son arc !
Lesley Ann Warren joue, quant à elle, Cordelia, la fille du milliardaire. Même si celle-ci a déjà participé à plusieurs productions télévisées, il s'agit là de sa toute première œuvre cinématographique. Malheureusement sa carrière n'ira pas bien loin : elle ne percera jamais vraiment et malgré son second rôle l'année suivante (également dans une comédie musicale Disney, The One and Only, Genuine, Original, Family Band), elle enchainera ensuite, de façon espacée et anecdotique, quelques rôles négligeables au grand écran. Cette situation est bien injuste au regard de la qualité de son jeu tant elle restitue ici à merveille cette jeune fille ingénue, prisonnière d'un cocon qu'elle apprécie mais dont elle cherche le moyen de se détacher pour pouvoir grandir. Sa chanson Valentine Candy résume d'ailleurs parfaitement son dilemme : entourée d'un univers masculin entre son père, ses frères et leurs entrainements de boxe, elle a du mal à laisser s'épanouir sa féminité.
Le petit ami de Cordelia, Angie Duke, est interprété par John Davidson. Comme la jeune fille, il est également à l'affiche, l'année suivante, de The One and Only, Genuine, Original, Family Band. Si la famille de Cordelia est plutôt du genre nouveau riche de Philadelphie, celle d'Angie fait, elle, plus partie de la haute bourgeoisie new-yorkaise. Sa mère le destine à reprendre l'industrie de son père alors que lui ne rêve que de partir à Detroit et travailler dans l'automobile, un univers qui le passionne au plus haut point. Il l'explique parfaitement lors d'une chanson, Detroit, où il dépeint parfaitement son amour des voitures. Pourtant, Angie ne trouve pas les ressources suffisantes pour tenir tête à sa mère et se prépare inexorablement à laisser de côté le rêve de toute une vie...
Les autres
membres de la famille Drexel Biddle sont formés de la mère et des deux frères,
Liv et Tony. La première est jouée par Greer Garson. Douce et bienveillante,
elle arrive toujours à pondérer les humeurs de son mari et s'attache par dessus
tout à lui faire accepter que ses enfants grandissent. Dans une superbe chanson,
It Won't Be Long 'Til Christmas (Let Them Go), elle lui montre ainsi
comment il est normal de les laisser quitter le nid tout en conservant avec eux
des liens d'amour inaltérables. Les deux frères sont, eux, plutôt anecdotiques
dans le film puisqu'il n'y apparaissent qu'au tout début pour se voir aussitôt
envoyés en pension : ils disposent néanmoins de leur propre chanson, Watch
Your Footwork.
Dans la famille Drexel Biddlen, la tante Mary (Gladys
Cooper) bien plus à cheval sur les bonnes manières est à remarquer. Son
affrontement verbal avec la mère d'Angie (GeraldinePage) au cours de la chanson
There are Those est, à ce titre, vraiment amusant. Les deux femmes
s'envoient, en effet, des railleries à la figure, tout en prenant le thé : un
combat sur chaise comme seule savent le faire les gens de la haute-société !
Enfin, tout ce beau monde ne pourrait fonctionner sans les domestiques placés à son service. Le plus charismatique d'entre eux est assurément le majordome John Lawless interprété de main de maître par Tommy Steele. Fraichement débarqué de son Irlande natale, il trouve tout de suite un travail de butler au sein de la résidence des Drexel Biddle. L'acteur amène beaucoup d'énergie et d'enthousiasme au personnage en particulier dans ses deux numéros chantés : Fortuosity et I'll Aways Be Irish. Hermione Baddeley endosse, elle, le rôle de la servante, Mrs Worth. Elle semble d'ailleurs être abonnée au poste puisqu'elle reprend le tablier, toujours pour les studios Disney, dans deux autres films : Mary Poppins (1964) et L'Honorable Griffin (1967). Dans la même veine, elle fait également la voix de Mme de Bonnefamille dans Les Aristochats.
Comme pour le casting, où il joue à l'évidence la sécurité, Walt Disney fait appel, pour la réalisation, à Norman Tokar, un grand habitué de ses studios qui a déjà signé pour eux, au cinéma, Compagnon d'Aventure (1962), Sam, l'Intrépide (1963), Les Pas du Tigre (1964), Calloway, le Trappeur (1965), Quatre Bassets pour un Danois (1966), Demain... des Hommes (1966), Le Cheval Aux Sabots d'Or (1968), Un Raton Nommé Rascal (1969), Les Boatniks - Du Vent Dans les Voiles (1970), 3 Etoiles, 36 Chandelles (1972), Le Gang des Chaussons aux Pommes (1975), La Folle Escapade (1976), La Course au Trésor (1978) et Le Chat Qui Vient de l'Espace (1978) ; et pour la télévision, Sammy, Le Phoque (1962), Kilroy (1965) et A Boy Called Nuthin' (1967). Le réalisateur livre pour Le Plus Heureux des Milliardaires ce qu'il sait faire de mieux : de magnifiques images sur des décors superbes, des chorégraphies rythmées et des costumes somptueux. L'ambiance générale du film est ainsi véritablement charmante ; le film décrochant une tout à fait méritée nomination pour l'Oscar du Meilleur Costume...
Malgré ses indéniables qualités, Le Plus Heureux des Milliardaires est éreinté par la Critique américaine qui lui reproche de mettre en avant une mièvrerie faussement nostalgique dégoulinant de bons sentiments maladroitement portés par des chansons et des décors au kitch malvenu. Le public emboite le pas et boude son plaisir. A ses 5 millions de dollars de recettes, Le Plus Heureux des Milliardaires n'a ainsi, certes, pas à rougir de son résultat commercial final, mais se situe tout de même à des années lumières d'un Mary Poppins et de ses 31 millions de dollars de gains. Comment expliquer cet échec qui ne dit pas son nom ? D'abord, le thème lui même est forcément moins universel que celui traitant d'une nounou. Ensuite le désamour du public pour le genre des comédies musicales dont Hollywood a saturé les salles de cinéma se fait déjà ressentir. Enfin, les spectateurs ont refusé de payer le prix fort pour une version longue jouée dans un circuit restreint de salles prestigieuses...
Car Le Plus Heureux des Milliardaires possède plusieurs montages ! Le premier dure 164 minutes, (172 minutes avec l'ouverture, l'intermission, l'entracte et la musique de sortie). Cette version (qui est disponible actuellement en DVD Zone 1) porte le nom de Road Show Program. Uniquement diffusée lors de la grande première le 23 juin 1967, elle n'est donc pas vue par la majorité de la presse du pays. Or, c'est sur cette version que les journalistes ont très majoritairement un avis positif sur le film. Dommage ! En effet, bon nombre d'entre eux à travers les États-Unis n'ont droit qu'à une séance tronquée. Lors de sa sortie à Los Angeles, en octobre 1967, le film est, en effet, ramené à 159 minutes en coupant, entre autre la dernière chanson, It Won't Be Long 'Til Christmas (Let Them Go). Peu de gens ont ainsi entendu ce superbe titre à l'époque, qui est même alors retiré de la bande originale. Il sera réenregistré en Angleterre par Anne Shelton et deviendra dans la foulée un disque très populaire ! Le Plus Heureux des Milliardaires connait, quant à lui, une troisième version lors de sa sortie à New-York le 30 novembre 1967. Elle est, elle, raccourcie à 144 minutes et perd au passage certaines scènes de dialogues tout comme la chanson When a Man Has a Daughter. I Believe in This Country, I'll Aways Be Irish et Let's Have a Drink on It sont, quant à elle, raccourcies. La fin est également tronquée ; le film se terminant sur le départ de Cordelia et Angie vers Detroit. Cette version new-yorkaise a droit à une sortie en DVD par Anchor Bay en 1999. Et ce n'est pas fini ! Le Plus Heureux des Milliardaires est encore rétréci à 118 minutes pour sa présentation générale en salles en janvier 1968. C'est d'ailleurs cette version - et uniquement elle - qui est doublée en France pour sa sortie le 6 octobre 1968 et qui est diffusée en VHS de location dans les années 80. Il faudra attendre 1998 pour que l'opus soit restauré par Scott MacQueen dans sa version Road Show Program de 164 minutes et soit - enfin ! - diffusé intégralement sur Disney Channel.
Même si Le Plus Heureux des Milliardaires est peu connu y compris des cinéphiles et de la majorité des fans de Walt Disney, son héritage reste très présent dans les parcs à thèmes disneyens. Tout d'abord, les airs de Fortuosity et Let's Have a Drink on It sont utilisés, encore aujourd'hui, dans les boucles musicales des lands Main Street U.S.A. du monde entier. Ensuite, la cabine téléphonique du hall de la maison a été conservée et placée dans le Club 33 à Disneyland Anaheim. De même, le comptoir du bar anglais forme celui du Café Orléans à New Orleans Square, dans ce même parc. Enfin, l'attraction Rocket Rods, à la durée de vie très courte (1998 - 2000), réutilisa la chanson Detroit dans sa file d'attente.
Le Plus Heureux des Milliardaires n'est pas considéré comme un classique dans la filmographie des studios Disney. Cette situation ne doit pas faire occulter ses grandes qualités et sa place significative dans l'histoire cinématographique de Walt Disney lui-même. C'est tout de même le dernier film dont il s'est chargé personnellement ! C'est ensuite, de par sa musique, ses décors et son charme désuet, une ode nostalgique enthousiasmante et, surtout, caractéristique de la philosophie disneyenne, aisément palpable dans ses parcs à thèmes. Enfin, c'est une merveilleuse comédie musicale américaine, typique des années 60...
Le Plus Heureux des Milliardaires « parle » à tous les purs fans de Disney ; il n'est pas possible d'en être autrement !