The One and Only, Genuine,
Original, Family Band
Titre original : The One and Only, Genuine, Original, Family Band Production : Walt Disney Productions Date de sortie USA : Le 21 mars 1968 Genre : Comédie musicale |
Réalisation : Michael O'Herlihy Musique : Richard M.Sherman Robert B.Sherman Durée : 110 minutes |
Disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
En cette année 1888, les onze membres de la famille Bower forment ce qu'ils appellent avec délice "L'authentique, seule et unique fanfare familiale originale". Préparant la convention démocrate pour la présidence menée par le candidat Grover Cleveland, ils voient bien vite leur programme contrarié quand un jeune journaliste républicain tombe follement amoureux d'Alice Bower, l'aînée de la fratrie. Il parvient en effet à convaincre toute la famille de le suivre avec sa bien-aimée dans le territoire du Dakota... |
La critique
The One and Only, Genuine, Original, Family Band est assurément la comédie musicale Disney la plus oubliée de la filmographie du studio aux Grandes Oreilles. Et pourtant, rythmé et servi par un solide jeu d'acteur, le film propose une toile de fond assez inédite pour un long-métrage du studio de Mickey : les déchirements d'une famille autour de sujets politiques à l'approche de l'élection présidentielle ! Mais comédie musicale oblige, tout se passe dans la bonne humeur et les chansons entêtantes grâce au talent des frères Sherman.
Le film s'inspire donc de l'histoire autobiographique de Laura Bower Van Nuys. Cette dernière racontait comment sa famille vivait des aventures musicales en sillonnant le pays du Kansas au Dakota en chantant que ce soient pour leurs amis, leurs voisins ou les conventions politiques. The One and Only, Genuine, Original, Family Band se concentre, ainsi et en particulier, sur l'élection présidentielle de 1889 qui voyait s'affronter le démocrate S. Grover Cleveland, candidat à se réélection contre le républicain Benjamin Harrison. Grover Cleveland gagnera alors l'élection avec 10 000 voix d'écarts mais les Grands Électeurs, décideurs au final du président élu comme le stipule la constitution des États-Unis, choisiront au final Benjamin Harrison dans ce qui ressemble à un vrai déni de démocratie. Un des thèmes de campagne lors de ce mandat est l'entrée dans l'Union des États du Dakota du Nord et du Dakota du Sud. Le découpage administratif en deux du territoire du Dakota permettait, en effet, artificiellement de doubler le nombre de représentants républicains envoyés à Washington ; le Dakota étant à l'époque comme aujourd'hui un état qui vote majoritairement pour ce parti.
Avec une telle thématique, The One and Only, Genuine, Original, Family Band est clairement le long-métrage du label Disney qui parle le plus de politique américaine. Pour autant, de par son statut de comédie musicale, le sujet n'est pas traité de façon pompeuse ou ennuyante car le côté politique n'est qu'un prétexte à la musique. Il s'agit avant tout d'une histoire de famille où des membres ont des différents mais également d'une histoire d'amour qui tourne au vinaigre quand le prétendant, journaliste profondément républicain, se dispute avec le grand-père de sa promise, militant démocrate convaincu. L'histoire, certes simple, est alors principalement portée par ses chansons réellement entraînantes et sympathiques.
Après les méga succès de Mary Poppins et de La Mélodie du Bonheur, tous les studios d'Hollywood s'engouffrent dans la mode des comédies musicales extravagantes à durée rallongée. Walt Disney, pas peu fier de son succès avec la nounou anglaise, est d’ailleurs l’un des plus gros défenseurs du genre. Il n’hésite pas ainsi à en poursuivre l’exploitation avec sa nouvelle grosse production Le Plus Heureux des Milliardaires, dernier film auquel il ait participé de son vivant et sûrement l'une de ses œuvres qui mérite le plus une réhabilitation de par ses qualités. En parallèle, durant l'été 1966, il demande à ses compositeurs maisons, les frères Sherman, de travailler sur le script de ce qui devait être un téléfilm en deux parties pour son émission, Walt Disney's Wonderful World of Color. Il leur demande ainsi s'il n'y avait pas moyen de placer une ou deux chansons. Les compositeurs se révèlent plus qu'emballés allant jusqu'à penser que le projet pourrait se muer en comédie musicale à part entière. Ils se mettent tout de suite au travail et lui font écouter la chanson titre. Walt souhaite alors disposer d'une démonstration audio élaborée de toutes les chansons. Vu le nombre de talents impliqués, des musiciens aux chanteurs, une session est ainsi programmée à la mi-décembre 1966. Les compositeurs ne pouvaient alors prévoir que le Maître de l'animation décèderait le 15 décembre et ne pourrait donc jamais entendre cette fameuse démo qui fut enregistrée le lendemain de sa mort...
L'aventure disneyenne commence pour les frères compositeurs, Richard M. Sherman et Robert B. Sherman, en juillet 1960, lorsqu’ils se voient confier l'écriture d'une chanson (Strummin' Song) pour le téléfilm d'Annette Funicello, The Horsemasters. Ils vont, à sa suite, être captés par le studio et écrire de nombreuses chansons pour toutes ses activités : l'animation (Merlin, l'Enchanteur, Mary Poppins , Le Livre de la Jungle, Symposium de Chants Populaires, Winnie l'Ourson et l'Arbre à Miel), les films "Live" (Monte là-d'ssus, Un Pilote Dans la Lune, Compagnon d'Aventure, La Légende de Lobo, Les Enfants du Capitaine Grant, Summer Magic, The Misadventures of Merlin Jones, Calloway, le Trappeur, Un Neveu Studieux, L'Espion aux Pattes de Velours, Demain... des Hommes, Singes, Go Home !, L'Honorable Griffin, Les Petits Hommes de la Forêt, Le Plus Heureux des Milliardaires), la télévision (Vive la Couleur, Zorro, le générique de l'émission Walt Disney's The Wonderful World of Color...) et même les parcs à thèmes (les chansons The Tiki, Tiki, Tiki Room, It's A Small World, There's a Great Big Beautiful Tomorrow). Leurs chansons sont alors interprétées par de grands artistes : Annette Funicello, Maurice Chevalier, Hayley Mills, Julie Andrews...
Pour The One and Only, Genuine, Original, Family Band, les frères Sherman composent au moins trois variantes de chaque chanson ce qui les amènera à quarante-deux versions différentes pour quatorze chansons qu'ils trouveront parfaites pour le film mais dont seulement neufs seront choisies pour le montage final. La première, The One and Only, Genuine, Original Family Band, ouvre le film et porte le titre du long-métrage. Grandpa Bower sert de chef d'orchestre avec sa famille de dix membres : son fils Calvin, sa belle fille Katie, ses petites-filles Alice, Nettie, Rose, Lulu et Laura et ses petits-fils Sidney, Mayo et Quinn. Tous jouent d'un instrument différent et répètent pour la convention démocrate. Dans The Happiest Girl Alive, Alice chante ses émotions après avoir reçu la dernière lettre de son soupirant. Let's Put It Over with Grover est ensuite la chanson qu'interprète la famille pour convaincre le représentant démocrate de les choisir pour la convention. Ten Feet off the Ground est performée par la famille après avoir été finalement choisie par le représentant. Elle célèbre le fait que seule la musique est capable d'apporter tant d'émotions et de joie. Dakota permet à Joe Carder de vanter son état d'adoption et de convaincre son auditoire d'émigrer vers ce paradis. Vient alors la chanson la plus réussie du film, 'Bout Time, qui montre le jeune Joe Carder faire comprendre à la belle Alice Bower qu'il est temps que leur relation avance plus sereinement. Avec Drummin' Drummin' Drummin', Grandpa Bower raconte à des élèves l'histoire du jeune Johnny Shiloh, ce joueur de tambour courageux durant la Guerre de Sécession. West o' the Wide Missouri est, quant à elle, clairement la chanson la plus entraînante et celle dont la chorégraphie est la plus élaborée. Toute la ville attend dessus les résultats des élections ; républicains et démocrates s'affrontant en dansant. Impressionnante, la scène est d'ailleurs sans contexte la plus réussie du film. Enfin, dans Oh, Benjamin Harrison, Joe Carder loue les qualités du candidat républicain. Il convient également de noter que durant la promotion du film en 1968, Louis Amstrong réinterprêtera deux des chansons du film : Ten Feet off the Ground et 'Bout Time.
The One and Only, Genuine, Original, Family Band est en revanche moins ambitieux que Le Plus Heureux des Milliardaires même s'il partage avec lui bien des points communs en plus des mêmes compositeurs. Le mimétisme est d'ailleurs poussé jusqu'à l'extrême, au point de réunir en effet un jeune couple d'amoureux identique, incarné par Lesley Ann Warren et John Davidson.
Après avoir joué plusieurs productions télévisées, Lesley Ann Warren participe à sa toute première œuvre cinématographique dans Le Plus Heureux des Milliardaires. Elle signe alors un contrat de deux ans avec les studios Disney et se voit donc naturellement choisie pour The One and Only, Genuine, Original, Family Band. Sa carrière ne décollera pas pour autant : elle ne percera jamais vraiment et malgré ce nouveau rôle, enchaînera ensuite, de façon espacée et anecdotique, quelques rôles négligeables au grand écran. En attendant, elle est ici la jeune Alice Bower, aînée d'une famille de huit enfants. Elle est alors déchirée entre son amour pour un journaliste républicain et le profond respect qu'elle éprouve pour son grand-père. Même si l'actrice chante toujours aussi bien, elle a tendance à proposer le même jeu que dans son film précédent. Il faut dire que son rôle est plus effacé que dans Le Plus Heureux des Milliardaires où son personnage avait un peu plus de caractère. C'est d'ailleurs à la fin du film, quand elle essaye de rendre jalouse son petit ami républicain Joe Carder en fricotant avec le beau démocrate Ernie Stubbins, qu'elle arrive enfin à donner un peu de piment à la jeune Alice. Mais il ne peut être enlevé que l'alchimie avec l'acteur John Davidson est vraiment palpable. Leur duo rayonne et culmine quand les deux chantonnent l'entraînante 'Bout Time.
Le petit ami de Cordelia, Alice Bower, est interprété par John Davidson. Comme la jeune fille, il était également à l'affiche, l’année précédente, du (Le) Plus Heureux des Milliardaires. Il a, pour le coup, un personnage un peu plus marquant que son rôle précédent. Fort de ses convictions, Joe Carder va, en effet parvenir à faire déplacer toute la famille de sa bien aimée. Car, en plus de ses idées politiques qu'il chante dans Oh, Benjamin Harrison, il s'avère également très convaincant pour vanter la beauté de l'état à naître qu'est le territoire du Dakota dans une chanson patriotique et chauvine à souhait. Ses joutes verbales avec le grand-père d'Alice sont aussi jouissives car ni l'un ni l'autre ne savent garder leur sang-froid quand il s'agit de parler politique.
Walter Brennan est Grandpa Bower. L'acteur participe ici à sa dernière production Disney après Calloway, le Trappeur (1965) et Les Petits Hommes de la Forêt (1967). Il tient un rôle vraiment touchant dans ce vétéran sudiste de la Guerre de Sécession qui investit toute son énergie dans sa famille qu'il adore et dont il est le chef d'orchestre mais aussi pour le camp démocrate. Et c'est une passion qui n'est pas évidente vivant chez son fils qui est, lui même, un républicain modéré. Pour autant, sa belle fille lui interdit de parler politique dans la maison afin que les débats ne s'enveniment pas. Mais quand il sait que sa petite-fille est tombée amoureuse d'un républicain convaincu, il va tout faire pour l'en dissuader. Il n'hésite pas non plus à essayer de convaincre n'importe qui de voter démocrate. Il va même remplacer sa petite-fille institutrice retenue ailleurs pour faire la classe à sa place et faire passer ses idées auprès des enfants. Pour autant, il n'en reste pas moins un personnage vraiment attachant auquel il est difficile d'en vouloir longtemps, et ce, à commencer par sa famille. Pour la petite histoire, le plus amusant est peut-être de savoir que l'acteur qui joue ce rôle était dans la vraie vie un républicain militant ; conviction qu'il a réussi à laisser au placard tellement sa foi pour le partie démocrate dans le film semble sincère.
Buddy Ebsen incarne pour sa part, Calvin Bower, le chef de famille et le père d'Alice. L'acteur est surtout connu pour avoir joué George Russel dans la mini-série Davy Crockett et les deux films dérivés. Avec un paternel aussi exubérant, il est obligé d'être effacé. Bien que républicain, il laisse, en effet, son père s'exprimer comme il le souhaite, adorant le voir réussir à réunir toute la famille autour du projet d'orchestre familial. Toutefois, quand il voit que les batailles entre Joe et son père font souffrir sa fille, il est contraint de sévir jusqu'à poser un ultimatum à son père : soit il arrête de parler de politique, soit il quitte la maison. Sa femme, Katie Bower, jouée par Janet Blair dans son seul rôle pour Disney, est à ses côtés une femme aimante qui essaye de préserver l'harmonie dans son foyer malgré pléthore de caractères forts.
Parmi le reste du casting, le public remarquera Kurt Russell, chouchou des studios de Mickey dans les seventies, qui tient ici le petit rôle de Sidney, deuxième de la fratrie Bower. L'acteur affiche une longue carrière chez Disney. Il participe ainsi à un premier téléfilm en 1967 dans Willie and the Yank tandis que The Secret of Boyne Castle en 1969 forme sa deuxième et dernière production télévisée pour le label. Il reste ensuite surtout connu au sein des studios aux grandes oreilles pour ses très nombreux rôles au cinéma : Demain... des Hommes (1966), The One and Only, Genuine, Original, Family Band (1968), L'Ordinateur en Folie (1969), Un Singulier Directeur (1971), Pas Vu, Pas Pris (1972), Charley et l'Ange (1973), Superdad (1974) et L'Homme le Plus Fort du Monde (1975). L'acteur prête également sa voix au cartoon de 1970, Dad, Can I Borrow the Car ?, ainsi qu'à la voix adulte de Rouky dans Rox et Rouky en 1981. Une fois adulte, et star confirmée, il est à l'affiche des films Captain Ron (1992) du label Touchstone Pictures, Tombstone (1994) du label Hollywood Pictures, et de Miracle (2004) et L'École Fantastique (2005) du label Disney.
Dernier clin d'œil, la belle jeune fille blonde avec qui danse avec John Davidson dans la superbe chanson et chorégraphie West o' the Wide Missouri n'est autre que la fameuse Goldie Hawn connue pour ses rôles dans La Mort Vous Va si Bien de Robert Zemeckis ou Sugarland Express de Steven Spielberg. Ce qu'elle ne sait pas encore, c'est qu'elle rencontrera alors pour la première fois son plus long partenaire alors plus jeune de cinq ans, un certain Kurt Russell... Mais les futurs deux tourtereaux ne se mettront pas ensemble avant 1983 après deux divorces pour Goldie et un pour Kurt.
A la réalisation, les studios Disney font appel à Michael O'Herlihy, un réalisateur spécialisé pour la télévision. Durant sa carrière des années 50 aux années 80, il a ainsi travaillé sur des séries aussi majeures que Maverick (1957), Star Trek (1966), M.A.S.H. (1972), Hawaï, Police d'État (1968), L'Agence Tous Risques (1983) ou Deux Flics à Miami (1984). Sa seule incursion au cinéma se fera chez Disney avec trois opus aussi différents que le film médiéval Le Prince Donegal (1966), la comédie musicale The One and Only, Genuine, Original, Family Band (1968) et le western contemporain Smith ! (1969). Ici, sa réalisation est efficace mais très académique et globalement sans imagination. Seule la séquence West o' the Wide Missouri, la scène phare du film, a de quoi impressionner.
Les producteurs arrivent à négocier une grande première pour The One and Only, Genuine, Original, Family Band au Radio City Music Hall de New York. Elle a néanmoins un prix : d'après une interview en 1968 de Robert B. Sherman, le film devait en effet durer 156 minutes mais a été ramené à 110 minutes à la demande de la salle. Il fut ainsi coupé deux chansons : Westerin' interprétée par le personnage de Calvin et I Couldn't Have Dreamed it Better par le personnage de Katie. Beaucoup d'intentions des personnages sont également supprimées. Les compositeurs et le producteur alertent alors les dirigeants de Disney que ces amputations nuiraient grandement au film, surtout en présence de la critique new-yorkaise qui assisterait à la représentation et ne sera donc ni dupe, ni tendre. Le studio écoute poliment la plainte et promet simplement que l'opus ne serait présenté dans ce format que pour sa première. Mais ce qui devait arriver, arriva : The One and Only, Genuine, Original, Family Band se fait étrier tuant dans l'œuf la future sortie nationale. Le film est un énorme échec aux USA ce qui l'empêche de sortir à l'international, vu son thème très accès sur la politique américaine. Il a néanmoins droit dans l'émission d'anthologie The Wonderful World of Disney à une diffusion télévisée en deux parties le 23 janvier 1972 et 30 janvier 1972 sous le titre raccourci de The Family Band. La version longue se sera jamais proposée, y compris lors des sorties en VHS et Laserdisc dans les années 80 et en DVD en 2004. Le film n'a jamais été doublé et reste donc inédit en France.
L'échec de The One and Only, Genuine, Original, Family Band marque la fin des comédies musicales entièrement à prises de vues réelles pour les studios de Mickey. Le genre sera, en effet, totalement déserté par les studios jusqu'en 1992 (plus de vingt ans se sont écoulés !) avec une comédie musicale sans animation : Newsies - The News Boys. Mais, nouvel essai et nouvel échec ! Entre-temps, toutefois, les studios avaient pris la peine de réaliser deux autres productions (L'Apprentie Sorcière et Peter et Elliott le Dragon) mêlant, cette fois-ci comédie musicale et animation, et cherchant à renouveler l'exploit financier de Mary Poppins. En vain...
The One and Only, Genuine, Original, Family Band est la comédie musicale oubliée des frères Sherman. Avec des chansons entêtantes, des personnages sympathiques et une ambiance qui sent bon le mixe entre Main Street U.S.A. et Frontierland, le film est l'une de ces œuvres oubliées chez Disney qui méritent pourtant une seconde chance. Certes son sujet est un peu trop américain mais rien que pour ses ritournelles, le long-métrage vaut le détour.
The One and Only, Genuine, Original, Family Band est assurément l'un des films Disney le plus sous-estimé des années 60 : il est donc à redécouvrir d'urgence !