Titre original :
Bedknobs and Broomsticks
Production :
Walt Disney Animation Studios
Date de sortie USA :
Le 7 octobre 1971 (première en Angleterre)
Le 13 décembre 1971 (sortie nationale)
Genre :
Animation 2D / Film "Live"
Réalisation :
Robert Stevenson
Musique :
Richard M. Sherman
Robert B. Sherman
Durée :
139 minutes
Disponibilité(s) en France :
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le village de Pepperinge Eye, situé au sud de l'Angleterre, est choisi par les autorités britanniques pour accueillir les enfants londoniens afin de les mettre à l'abri des bombardements nazis. Charlie, Carrie et Paul, tous frère et sœur, sont ainsi placés chez une vieille demoiselle, Eglantine Price. Assez froide au premier abord, elle apparait vite fort sympathique au point de révéler à ses trois hôtes son statut d'apprentie sorcière. Suivant, depuis plusieurs mois, par correspondance, les cours de l'éminent professeur Emelius Browne, elle s'apprêtait, en effet, à apprendre la formule donnant vie aux objets quand la Seconde Guerre Mondiale a éclaté. Bien décidée à finir son apprentissage, elle s'envole, avec ses trois protégés, à bord de son grand lit de cuivre pour Londres, demander des comptes à son professeur. Parfait charlatan, tout étonné du succès des formules qu'il s'est contenté de recopier d'un livre de magie incomplet, ce dernier ne s'avère, en fait, plus d'aucune aide. La désillusion passée, Eglantine, Emelius et les enfants partent à la recherche des pages manquantes...

La critique

rédigée par

Longtemps resté en gestation, L'apprentie sorcière est souvent présenté comme une pâle copie de Mary Poppins. Il est pourtant le film bien plus amitieux qu'il n'y parait au premier abord.

L'apprentie sorcière repose sur l'adaptation d'un livre de Mary Norton. Née dans une famille de cinq enfants, l'auteure passe la majeure partie de son enfance dans une grande maison dont elle fait le décors de son œuvre la plus connue : Les Chapardeurs (The Borrowers en anglais). Durant la Seconde Guerre mondiale, après avoir vécu un temps au Portugal, elle part pour les Etats-Unis avec ses quatre enfants. Elle commence à y écrire des articles, nouvelles et traductions. Elle attend néanmoins son retour à Londres pour publier son premier livre pour enfants, en 1943, The Magic Bed-Knob : or How to Become a Witch in Ten Easy Lessons qui fera l'objet, en 1947, d'une suite, Bonfires and Broomsticks. Les deux tomes, formant la série Bedknobs and Broomsticks, seront adaptés par les studios Disney. A partir de 1952, elle signe les six livres des Chapardeurs qui lui assurent définitivement la célébrité. Elle s'éteint en 1992.

Initié par Walt Disney lui-même, le projet d'adapter au cinéma le livre de Mary Norton remonte aux débuts des années 60. Le papa de Mickey, alors en pleine négociation avec Pamela Lyndon Travers pour obtenir les droits de Mary Poppins, se lasse, en effet, des hésitations de la romancière. L'auteure britannique est, il est vrai, plus que réservée à l'idée de voir son héroïne débarquer sur le grand écran et impose à Walt Disney nombres d'allers-retours et d'âpres discussions. Ce dernier, exaspéré, finit par envisager de se rabattre sur un autre projet, offrant la même dynamique. Il acquiert ainsi les droits de The Magic Bed-Knob : or How to Become a Witch in Ten Easy Lessons et pense, alors, pouvoir adapter le livre au cinéma avec la touche de magie suffisante. Il demande pour cela à son équipe (producteur, scénariste, compositeur, réalisateur et directeur artistique) toute entière dédiée au projet Mary Poppins de s'intéresser à cette solution de repli. Le scénario est, dans cet esprit, mis au point dès 1964. Toutefois, les droits de Mary Poppins étant récupérés entre temps et le film lancé, L'apprentie sorcière est mis en sommeil car considéré trop proche de la comédie musicale mettant en scène Julie Andrews. Sa production reprend finalement en 1969. Le producteur et scénariste, Bill Walsh, récupère le scénario adapté des deux livres, en y apportant quelques modifications. Il replace ainsi l'histoire à l'époque de la Seconde Guerre Mondiale et la situe en pleine menace d'invasion nazie. Il fait d'Emilius Brown un personnage contemporain d'Eglantine et des enfants, supprime le rôle de la tante de la fratrie dont il modifie l'ordonnancement : Carrie, ainée dans le roman, devenant la cadette dans le film. Enfin, l'île de Ueepe prend le nom de Naboombu et se voit désormais peuplée d'animaux et non de cannibales.

Les chansons sont logiquement confiées aux compositeurs attitrés des studios Disney, les frères Sherman, qui ont à leur actif bon nombre de mélodies disneyennes (Merlin l'Enchanteur, Le Livre de la Jungle, Summer Magic, Mary Poppins, Le Plus Heureux des Milliardaires ou The One and Only, Genuine, Original, Family Band). Il faut dire que Walt Disney les avait déjà sollicités, avant Mary Poppins, pour signer les chansons de L'apprentie sorcière. Ayant quitté les studios à sa mort, c'est au tour de Bill Walsh de les convaincre, au nom de la fidélité, de se pencher à nouveau sur le projet, pour terminer tout simplement le travail engagé. Au final, une grande majorité des chansons de L'apprentie sorcière sont ainsi écrites dès 1964, dormant depuis dans les cartons de la compagnie. Une d'entres elles n'est toutefois pas de la partie. The Beautiful Briny est, il est vrai, à l'origine prévue pour Mary Poppins. Elle devait souligner la séquence du "compas magique" dans laquelle Mary Poppins utilise l'objet de bureau pour se projeter dans les endroits les plus exotiques possibles, et notamment l'amener dans les profondeurs de l'océan. The Beautiful Briny viendra finalement accompagner la séquence de l'île de Naboombu. La bande son de L'apprentie sorcière ne démérite pas, par ailleurs. D'autres chansons sortent évidemment du lot. Portebello Road livre ainsi une ode sur la rue du marché aux puces, The Age of Not Believing appuie la tentative de Charlie pour utiliser le lit magique, et Substitutiary Locomotion sert une valse des objets entrainante à souhait. Sans égaler l'aura de la partition de Mary Poppins, les titres de L'apprentie sorcière sont dignes d'intérêt.

Assis sur scénario dont l'essentiel avait été validé par Walt Disney lui-même, soutenu par une bande-son dont le Maître semble avoir tiré les ficelles post-morten, L'apprentie sorcière joue assurément la sécurité. D'ailleurs, le choix du réalisateur n'échappe pas à ce sentiment. Bill Walsh fait, en effet, appel à un fidèle parmi les fidèles, Robert Stevenson. Ce dernier a signé, pour la compagnie de Mickey, pas moins de dix-neuf long-métrages (Mary Poppins, Un amour de coccinelle, L'Espion aux Pattes de Velours, etc.), un téléfilm (Saint-Bernard et Cambrioleur), et plusieurs épisodes de séries télé. Souffrant d'une réputation de bon technicien, maitrisant parfaitement son métier mais dénué d'un vrai sens artistique, il présente néanmoins l'avantage d'offrir toujours un travail de réalisation, soigné et efficace, épousant à merveille la ligne éditoriale disneyenne, à commencer par le rendu obtenu sur la magie, la fantaisie et le comique. L'apprentie sorcière est, à n'en pas douter, l'une des plus belles réalisations de Robert Stevenson.

Le film bénéficie, en outre, d'un casting particulièrement bien inspiré. Les deux acteurs principaux sont notamment ultra-attachants.
Le rôle d'Eglantine Price, la sorcière débutante, est ainsi tenu par Angela Lansbury. Plusieurs noms ont d'abord circulé avant le sien, portant sur des actrices fort différentes comme Lynn Redgrave, Leslie Caron, Judy Carne, et même Julie Andrews. C'est finalement la maturité d'Angela Lansbury qui lui permet de décrocher la timbale. Si elle est aujourd'hui connue du grand public pour son rôle dans la série télévisée, Arabesque, multi-rediffusée à travers le monde, elle est, à la fin des années 60, surtout célèbre pour sa carrière au cinéma et à Broadway. L'apprentie sorcière est d'ailleurs l'un ses tout derniers films puisqu'elle n'en fera plus qu'une demi-douzaine après. Elle devient, par la suite, une véritable icone pour les fans de Disney qui la retrouvent en voix de Madame Samovar dans La belle et la bête ainsi qu'en maitresse de cérémonie dans la dernière séquence de Fantasia 2000. Le personnage d'Eglantine Price est magnifiquement porté par Angela Lansbury qui sert une vieille fille aussi atypique qu'attachante. Difficile, en effet, de résister à son charme.
Le rôle d'Emilius Browne, envisagé à l'origine pour Ron Moody, est finalement tenu par David Tomlinson. Connu du public pour son rôle du paternel de la famille dans Mary Poppins, il est aussi le méchant d'un autre classique Disney de 1969, Un Amour de Coccinelle. Sa présence dans L'apprentie sorcière s'avère après coup peu heureuse. S'il ne démérite pas dans sa prestation de comédien, bien au contraire, il renforce, malgré lui, l'impression de copie de Mary Poppins qui traine à la réputation du film. Certes les deux personnages joués sont radicalement différents : Emilius Browne est, en effet, un charlatan solitaire, vieux garçon à bon fond tandis que Monsieur Banks est lui un homme marié rigide et réactionnaire ! Mais les spectateurs ne peuvent s'empêcher de faire l'amalgame.
Les trois enfants, Carrie, Paul et Charlie, sont, quant à eux, correctement interprétés, respectivement par Cindy O'Callaghan, Roy Snart et Ian Weighill. Attachants, ils parviennent sans aucun mal à provoquer un sentiment d'identification chez le jeune public.
Enfin, la présence de Roddy McDowall, dans le rôle secondaire du curé, doit être salué, moins par sa force que par sa fidélité aux œuvres Disney. S'il est surtout connu, il est vrai, pour son rôle dans La planète des singes, il a, en fait, participé à plusieurs films du studio de Mickey en plus de L'apprentie sorcière : L'Espion aux Pattes de Velours, L'Honorable Griffin et Le Chat Qui Vient de l'Espace et Le Trou Noir dans lequel il prête sa voix à V.I.N.C.E.N.T.

De tous ses atouts, L'apprentie sorcière peut spécialement se prévaloir, avec grande fierté, de la séquence plongeant les acteurs "live" dans l'animation 2D. Cette partie, accusée à tort de trop lorgner vers Mary Poppins, est un petit bijou en soi, d'une qualité rare. Eglantine, Emilius et les enfants s'y retrouvent, en effet, dans les pages du livre de conte sur l'île de Naboombu, un royaume où évoluent des animaux anthropomorphiques. Voyageant à bord du lit magique, ils atterrissent dans le fond du lagon où les deux adultes participent à un concours aquatique de danse. Arrivés sur terre, ils rencontrent le lion, Roi du royaume et détenteur de la fameuse Etoile d'Astaroth. Afin de la récupérer en profitant d'une cohue, Emilius décide d'arbitrer un match de football européen auquel participe le monarque. Le passage, disposant d'une action trépidante et d'une interaction entre toons et humains tout simplement impressionnante, vaut son pesant d'or. Il porte la technique du mélange live / animation à un niveau jamais atteint auparavant. Les personnages toons, considérés de manière autonome, sont, en outre, amusants à souhait, explosant, par un design fort attachant, leur capital sympathie. Ward Kimball, un des Neuf Vieux Messieurs signe la séquence. Connu pour son animation du personnage de Jiminy Cricket dans Pinocchio et pour la réalisation de nombreux courts-métrages comme Toot, Whistle, Plunk and Boom ou Man in space, il ne dément pas ici sa réputation d'éminent animateur. L'apprentie sorcière constitue malheureusement sa dernière participation à un long-métrage des studios Disney, tout juste avant de prendre sa retraite.

La valeur technique du film ne se limite pas cependant aux seuls passages animés. Les effets spéciaux sont, en effet, légions et offrent aux spectateurs de véritables trouvailles visuelles, à la fois bluffantes et magiques. L'astuce pour se transporter dans le monde parallèle (Paul tournicote la boule terminant le montant du lit !) est très bien rendue tout comme les destinations visées. Certaines scènes sont ainsi particulièrement impressionnantes à l'image de l'attaque des armures à la fin du film ou, plus sobrement, du déplacement dans l'air des différents objets. Les décors de Peter Ellenshaw qui participent, pour leur part, grandement à l'exceptionnelle qualité de l'ensemble, en restituant à merveille l'ambiance du Londres pendant la deuxième Guerre Mondiale. Donald McKayle y ajoute lui de magnifiques chorégraphies dont l'entrainant passage organisé autour de la chanson Portebello Road est sans aucun doute le meilleur exemple, proposant au public définitivement conquis des danses de plusieurs régions du monde.

L'apprentie sorcière, dont la gestation s'est faite dans le temps et la douleur, n'est pas au bout de ses peines pour parvenir jusqu'au public. Il affiche ainsi, à l'origine, une durée d'un peu moins deux heures et demi à la façon (décidément !) de Mary Poppins. Il veut, en fait, se rendre attractif en tant que grand film familial de Noël, sa sortie étant programmée pour le 13 décembre 1971. Pourtant, à quelques jours de sa présentation aux spectateurs, il est amputé d'une chanson (A step in the right direction) et ramené à 139 minutes. Projeté aux responsables du studio juste avant sa première en Angleterre, il fait l'unanimité contre lui. Passant outre l'avis du réalisateur, la direction de la firme de Mickey décide finalement de couper plusieurs scènes pour contenir l'action dans un temps plus court, environ deux heures, 117 minutes exactement. Plusieurs chansons passent à la trappe, soit entièrement (With a flair, Nobody's Problems), soit partiellement (Eglantine, Portebello Road). Des pans entiers de chorégraphie sont zappés, à l'exemple de la séquence de Portebello Road qui perd pas moins de six minutes. Les scènes avec Roddy McDowall connaissent le même sort et se réduisent à peau de chagrin. Pire, le film, à l'occasion de sa ressortie en 1979, est entièrement redécoupé pour atteindre 98 misérables minutes. Nombres de chansons sont supprimées, seules restant Portebello Road, Substitutiary Locomotion et The Beautiful Briny.
L'apprentie sorcière doit patienter jusqu'à l'édition américaine en VHS du 25ème anniversaire, en 1996, pour avoir la chance de se présenter au public dans une version la plus proche de celle voulue par le réalisateur. La plupart des éléments coupés a été fort heureusement retrouvée même si certaines scènes de Portebello Road ne doivent leur grand retour qu'à la conservation de copies de travail, recolorisées pour l'occasion afin de les fondre dans la qualité de l'ensemble. La séquence A step in the right direction n'a pas eu, elle, la même chance et demeure toujours introuvable. Seule la chanson, partie intégrante de la bande originale lors de sa sortie initiale, est encore disponible, la partie filmée ayant été perdue. Une reconstitution de la scène, à partir de photographies, est toutefois visible en bonus des DVDs Zone 1 et Zone 2 ! Les autres chansons coupées sont en revanche bien présentes. Le titre Nobody's Problems n'était cependant pas orchestré puisqu'Angela Lansbury s'était limitée à une simple démonstration, avec, pour seul accompagnement, un soliste de piano. L'orchestration était alors bien prête mais n'avait pas encore été montée, au moment de la coupe. Les séquences parlées rajoutées ne bénéficient pas toutes, en revanche, de la bande son initiale. Angela Lansbury et Roddy McDowall ont, en effet, dû revenir en studio afin de redoubler certains passages. David Tomlinson, trop faible physiquement n'a pas pu, lui, livrer de nouvelles interventions en tant qu'Emelius Browne. Des raccords ont du ainsi être réalisés. La sortie en DVD Zone 1, en 2001, présente à nouveau la version restaurée. La France n'a droit, elle, qu'au montage court de 117 minutes. Il lui faudra attendre la sortie DVD Zone 2 en 2003 pour avoir enfin accès à l'édition normale, dite longue et correspondant à celle du réalisateur. Tout naturellement, un redoublage intégral est effectué pour l'occasion face à l'impossibilité de partir du doublage d'origine.
La version longue présente l'avantage de donner au film toute sa valeur, en lui rendant notamment la fluidité de l'histoire et la belle construction des personnages. Elle livre aux spectateurs tout autant des clés pour obtenir un récit limpide et agréable à suivre que des numéros musicaux époustouflants.

L'apprentie sorcière subit une véritable volée de bois vert de la part des critiques lors de sa sortie, au motif qu'il ne serait qu'un grossier plagiat de Mary Poppins. Le public, boudeur, partage ce sentiment. Loin de toute polémique, ce procès apparait vite, pour le moins, expéditif ! Certes, comme Mary Poppins, le film est une comédie musicale. Comme Mary Poppins, son animation est mélangée à des acteurs réels. Comme Mary Poppins, il est réalisé par Robert Stevenson. Comme Mary Poppins, ses chansons sont écrites par les frères Sherman. Comme Mary Poppins, enfin, son histoire décrit un parcours initiatique mêlant magie et chérubins. Les points communs sont nombreux mais restent secondaires. La différence fondamentale entre les deux long-métrages repose sur la nature même des films. Mary Poppins est une œuvre à tableaux décousus tandis que L'apprentie sorcière relève des films d'aventure.

Décrié à sa sortie, L'apprentie sorcière est toutefois nommé pour cinq Oscars (Meilleures chansons, Meilleures Musiques, Meilleurs Décors, Meilleurs Costumes et Meilleurs Effets Spéciaux) et remporte le dernier.

Devenu aujourd'hui un classique plein de charme désuet, il est à réserver aux aficionados des comédies musicales américaines.

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