Le Gang des Chaussons aux Pommes
Titre original : The Apple Dumpling Gang Production : Walt Disney Productions Date de sortie USA : Le 4 juillet 1975 Genre : Western |
Réalisation : Norman Tokar Musique : Shane Tatum Buddy Baker Durée : 100 minutes |
Disponibilité(s) en France : | Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Dans le Far-West de 1879, Russel Donavan, jeune célibataire expert en poker fraîchement débarqué dans la ville de Quake City se voit contraint de prendre en charge trois jeunes orphelins et les problèmes d'intendance qui vont avec. Si ce petit monde finit par former une vraie famille, la situation se complique très vite quand les trois gamins mettent à jour une mine d'or abandonnée. Toute la ville retrouve alors le sens du mot "solidarité" et l'envie "désintéressée" de récupérer la garde des enfants autrefois délaissés ! Mais c'est sans compter sur l'amour qu'ils portent à Russel : les trois petits dégourdis échafaudent en effet le plan de se faire dérober leur or par Theodore et Amos, deux voleurs maladroits formant le "gang des chaussons aux pommes"...
La critique
Le Gang des Chaussons aux Pommes est l'archétype même de la comédie western à la griffe Disney. Vaudeville parfait, le film dresse en effet le portrait d'une multitude de personnages plus attachants les uns que les autres qui se débattent au milieu d'un scénario bien construit, aux rebondissements hilarants.
Durant les années 50 à 70, deux genres de films font les beaux-jours du label
Disney : le western et la comédie burlesque.
Le western a été popularisé chez Disney grâce au succès surprise de la
mini-série Davy Crockett diffusée du
15 décembre 1954 au 14 décembre 1955 dans les deux premières saisons de
l'émission d'anthologie Disneyland.
Davy Crockett, en parfaite adéquation avec les aspirations de la société
américaine des années 50, connait en effet un succès phénoménal. Pour continuer
à faire vivre le mythe et le tiroir-caisse, Walt Disney a ainsi l'idée de
regrouper les trois premiers épisodes pour former un premier film de cinéma Davy Crockett, Roi de
Trappeurs (25 mai 1955) puis fait de même avec les deux derniers dans un
second long métrage Davy Crockett et les Pirates de la Rivière
(18 juillet 1956). Le succès du trappeur va amener un certain nombre de western
Disney au cinéma comme L'Infernale Poursuite
(1956), Sur la Piste de l'Oregon (1956),
Fidèle Vagabond (1957),
L'Honorable Griffin (1967),
Le Pays Sauvage (1971) ou
Un Petit Indien (1973) mais également à la
télévision comme The Saga of Andy
Burnett (1957), Elfego Baca
(1958), Texas John Slaughter
(1958), Cowboy Malgré Lui (1964) ou
Menace on the Mountain (1970).
La comédie burlesque arrive, elle, chez Disney le 19 mars 1959 avec
Quelle Vie de Chien !. Prévu à l'origine pour la
télévision, le projet est refusé par la chaine qui considérait son sujet
inadapté pour Disney. Convaincu du contraire, Walt le sort directement au
cinéma. Réalisé avec un petit budget, le film fait un carton en devenant le
long-métrage le plus rentable de l'année… Expérience aidant, il annonce dans la
foulée l'ouverture d'un nouveau cycle pour les studios Disney qui se
lancent alors dans une longue production de comédies, devenues pour certaines
des classiques telles La Fiancée de
Papa (1961), Monte là-d'ssus (1961),
L'Espion aux Pattes de Velours (1965),
Quatre Bassets pour un Danois (1966),
Le Fantôme de Barbe Noire (1968) ou
Pas Vu, Pas Pris (1972).
Le Gang des Chaussons aux Pommes est donc un mélange des deux genres. Il fonctionne ainsi à merveille tant son alliance de la comédie burlesque et du western s'y fait de façon fluide et convaincante. L'ambiance du western est, en effet, parfaitement retranscrite grâce au soin particulier apporté aux décors. Filmé dans les backlots des Walt Disney Studios de Burbank, l'opus reprend d'ailleurs les extérieurs qui avaient été construits quinze ans plus tôt pour Elfego Baca ou Texas John Slaughter. De même, il est très minutieux dans la reconstitution des intérieurs, tous d'une très belle qualité. Au-delà des décors, le film fait également la part belle à quelques éléments typiques que le spectateur attend des westerns comme les diligences, les saloons, les bandits pilleurs de banque et les mines abandonnées. Il propose en réalité un véritable florilège de western familial.
La comédie n'est pas en reste, et ceci, avant tout, grâce des personnages hauts en couleur. Les trois garnements, pour commencer, sont très amusants avec la benjamine, Celia, qui veut aller aux toilettes toutes les quatre minutes ou encore le cadet, Clovis, qui déteste le contact physique et donne un coup de pied à chaque adulte qui le saisit. Le personnage de Russell Donovan est également amusant en célibataire endurci et joueur notoire n'ayant absolument pas l'habitude de s'occuper d'enfants. Enfin, sur le registre de la famille appelée à se recomposer, celui de Magnolia Dusty Clydesdale est à souligner avec son allure de garçon manquée, conductrice de diligence. La bataille entre Russell et Magnolia dans le saloon vaut d'ailleurs son pesant d'or. La chorégraphie est parfaite et la bagarre très amusante. Côté burlesque, les personnages de Theodore et Amos sont, à n'en pas douter, les plus drôles du film dans un duo qui fonctionne à merveille. Véritables clowns de service, ils apportent des nombreuses scènes hilarantes à commencer par l'improbable vol de l'échelle dans la caserne des pompiers. Tout en mimiques et en gestes, les deux maladroits accumulent les séquences particulièrement réussies dans le genre.
Il faut dire que le casting du (Le) Gang des Chaussons aux Pommes
profite à plein pour soutenir ses attachants personnages d'une galerie de
comédiens juste parfaite. Leur interaction est sans bavure et permet, au-delà de
la comédie pure et dure, une certaine émotion, en particulier entre les enfants
et les deux duos d'adultes, aussi bien Russel et Magnolia que Theodore et Amos.
Russell Donovan est campé par Bill Bixby. Il s'agit pour lui du premier et
unique rôle pour Disney. Principalement présent à la télévision, il est
surtout connu pour son rôle de David Banner dans la série L'Incroyable
Hulk, adapté du comics de Marvel,
et produit par Universal. Ici, il propose un personnage particulièrement
charismatique aussi sympathique que complètement décalé face au destin qui lui
met des bambins dans les pattes. Son apprentissage de substitut de père est à la
fois drôle et touchant, surtout quand il se persuade lui-même qu'il ne tient pas
aux enfants.
Le rôle de Magnolia Dusty Clydesdale est tenu, pour sa part, par Susan Clark qui
signe elle aussi sa seule apparition dans une production Disney. Elle
joue ici un rôle à double-rendu à la foi figure maternelle et femme forte voire
masculine. A l'époque de la sortie du film, les studios Disney n'ont
manifestement pas encore fait leur révolution sexuelle puisque la jeune fille
termine dans l'opus en femme aimante dans une belle robe enrubannée.
Les trois enfants sont, quant à eux, joués par Clay O'Brien (Bobby Bradley),
Brad Savage (Clovis Bradley) et la jeune Stacy Manning (Celia Bradley). Si la
jeune fille ne participera qu'à cette production Disney, Clay O'Brien
jouera également dans les téléfilms Disney The Whiz Kid and the Mystery at Riverton (1974), Hog
Wild (1974) et The Whiz Kid and the Carnival Caper (1976) tandis que
Brad Savage sera vu dans les films La Folle
Escapade (1976), Les Visiteurs d'un Autre Monde
(1978) et le téléfilm The Secret of Lost Valley (1980). Tous les trois
savent se rendre attachants, aussi bien touchants qu'amusants.
Le Gang des Chaussons aux Pommes voit également l'acteur confirmé Don Knotts faire ses premiers pas au sein d'une production Disney. Ses talents de comédiens sont alors très appréciés au point que les studios le rappellent pour d'autres comédies comme La Folle Escapade (1976), Gus (1976), La Coccinelle à Monte-Carlo (1977), Tête Brûlée et Pied Tendre (1978) et Le Retour du Gang des Chaussons aux Pommes (1979). Des années plus tard, l'acteur participe au Disney Channel Original Movie, Les Quintuplés (2000), et prête sa voix au Maire dans le Walt Disney Animation Studios, Chicken Little (2005) et au chien Sniffer dans Cinq Toutous Prêts à Tout (2006). Ici, il campe Theodore, le leader du gang de vaurien le plus maladroit et le plus pathétique de l'ouest. Un rien plus intelligent que son acolyte, il est toujours victime des maladresses de son idiot de partenaire. Sûr de sa supériorité, il n'est pourtant pas capable de se rendre compte qu'il est mal entouré.
Il faut dire que le duo, complété par Tim Conway, fonctionne à merveille. L'acteur a déjà été vu chez Disney dans Nanou, Fils de la Jungle (1973) puis sera remarqué dans Gus (1976), Un Candidat au Poil (1976), Le Retour du Gang des Chaussons aux Pommes (1979) et enfin, des années plus tard dans Un Toutou en Or (1998). Il assurera également du doublage notamment dans les séries Hercule et Cool Attitude mais aussi en reprenant le rôle de Sniffer, après la mort de Don Knotts, dans la série des Air Bud à partir de Les Copains Fêtent Noël : La Légende de Chien Noël (2009). Dans Le Gang des Chaussons aux Pommes, Tim Conway fait des merveilles en Amos, le voleur abruti. Ses mimiques et ses gaffes sont mémorables et il brille à chaque maladresse. La scène de l'échelle est d'une drôlerie merveilleuse où le spectateur rie rien qu'à regarder la prestation de l'acteur. Son personnage est le benêt attachant par excellence.
Pour la réalisation du (Le) Gang des Chaussons aux Pommes, les studios Disney font appel à Norman Tokar, un grand habitué qui a déjà signé pour eux, au cinéma, Compagnon d'Aventure (1962), Sam, l'Intrépide (1963), Les Pas du Tigre (1964), Calloway, le Trappeur (1965), Quatre Bassets pour un Danois (1966), Demain... des Hommes (1966), Le Cheval Aux Sabots d'Or (1968), Un Raton Nommé Rascal (1969), Les Boatniks - Du Vent Dans les Voiles (1970), 3 Etoiles, 36 Chandelles (1972) et pour la télévision, Sammy, Le Phoque (1962), Kilroy (1965) et A Boy Called Nuthin' (1967) ; puis La Folle Escapade (1976), La Course au Trésor (1978) et Le Chat Qui Vient de l'Espace (1978). Le réalisateur livre sur Le Gang des Chaussons aux Pommes des images vraiment réussies : l'ambiance obtenue est superbe et profite au maximum des décors. L'atmosphère si caractéristique de l'ensemble est d'ailleurs posée dès le tout début par l'entrainante chanson d'ouverture, The Apple Dumpling Gang, écrite par Shane Tatum et chantée par Randy Sparks et The Back Porch Majority. Alors, certes, le film ne mise pas sur le mouvement des caméras et nombreux seront ceux à penser la mise en scène très conventionnelle ; pourtant la réalisation choisie sied à merveille au récit.
Les critiques de l'époque seront très moyennes avec le film mais cela ne va pas l'empêcher de plaire au public. C'est simple : avec plus de 35 millions de dollars de recettes, Le Gang des Chaussons aux Pommes est l'un des films Disney les plus rentables de la décennie 1970. Le succès est tel qu'une suite lui sera donnée au cinéma en 1979 avec Le Retour du Gang des Chaussons aux Pommes. Malheureusement, elle n'est du même niveau et commence d'ailleurs sur un véritable contre sens par rapport au premier film. Le vrai "gang des chaussons aux pommes" est, en effet, composé principalement des trois enfants ; Theodore et Amos n'en étant que des membres honoraires. Or, la suite se concentre uniquement sur les deux maladroits enlevant une grande partie du charme du premier opus. Ce dernier aura tout de même droit à un remake à la télévision avec le téléfilm Tales of the Apple Dumpling Gang diffusé en 1982. Il est construit comme un pilote de série ; série qui sera diffusée en 1983 sous le nom de Gun Shy durant six épisodes mais avec un casting totalement différent du téléfilm.
Le Gang des Chaussons aux Pommes possède une coquetterie française dont les cinéphiles se seraient bien passés. Alors que le film était sorti en VHS de location en France dans les années 80 dans sa version intégrale, soit 100 minutes, la version digitale proposée par Disney France dans les années 2010 (et diffusée sur Disney CINEMA) est coupée de 13 minutes pour être réduite à 87 minutes. Parmi les coupures, se remarque l'introduction avant le générique de début. Le coup de ciseau est dommageable car il empêche de comprendre pourquoi Russell se retrouve à avoir la garde des trois enfants mais aussi de rencontrer dès le début du film les personnage de Theodore et Amos qui arrivent sinon bien trop tard dans le film. Cette censure est incroyable dans la mesure où sa seule justification repose sur le fait de retirer des images qui voient Russel se retrouver à jouer au poker dans un saloon tout en fumant le cigare !
Le Gang des Chaussons aux Pommes est l'un des plus grands succès de Disney des années 70. S'il est relativement inconnu de ce côté de l'Atlantique, il est un classique de la filmographie du studio aux Etats-Unis. Un film frais, à l'ambiance western digne de Frontierland servi par un casting admirable. Un film à redécouvrir d'urgence !