La Cuisinière

Merlin l'Enchanteur

En 1963, les studios Disney adaptent la légende de Merlin l’Enchanteur, le célèbre mage dont les pouvoirs sont si puissants qu’ils ont tôt fait de terrifier les plus superstitieux au nombre desquels figure notamment la cuisinière de Sir Hector.

La cuisinière apparaît dans deux séquences de Merlin l’Enchanteur. À la quarante-neuvième minute du film, elle surgit de sa cuisine totalement paniquée. « Seigneur Hector ! Seigneur Hector ! ». Terrifiée, la domestique vient de découvrir les ustensiles et les assiettes en train de voler dans les airs pour être récurés. Elle ignore alors que Merlin a envoûté les balais, les brosses et les éponges afin d’éviter à Arthur d’accomplir sa corvée de ménage.

Dérangeant son maître en plein entraînement avec son fils Kay, la cuisinière est hystérique. « C’est de la magie noire !... », crie-t-elle, « La cuisine… Elle est ensorcelée par l’esprit du mal ! ». Comprenant que Merlin a certainement à voir dans cette histoire, Hector et Kay accompagnent la cuisinière à l’intérieur du château. Commence alors un combat sans merci entre les deux seigneurs et la vaisselle ensorcelée. « Que le ciel nous protège du Malin », s’exclame la cuisinière en constatant à quel point Hector est en mauvaise posture face aux gamelles qui ne tardent pas à prendre le dessus sur lui. Kay est lui-même assailli par les balais. Il faut finalement attendre le retour de Merlin pour que tout rentre dans l’ordre. « Vieux bouc ! », s’agace la cuisinière en se dirigeant vers l'enchanteur, « Si je vous trouve à roder dans ma cuisine, je vous donnerai des… des… ». Elle n’a pas le temps de terminer sa phrase que déjà, l’enchanteur disparaît par magie.

La cuisinière revient ponctuellement dans l’histoire à la soixante-et-onzième minute. Alors qu’Hector et le seigneur Pélinore célèbrent l’accession de Kay au titre de chevalier, elle surgit une fois encore complètement paniquée. « Hobbs a attrapé les oreillons subitement », annonce-t-elle, « Sa figure a doublé. Il a l’air d’un crapaud ! ». Aussi dramatique soit-elle, la nouvelle est en fait excellente pour Arthur, choisi par Hector pour remplacer ce pauvre Hobbs au poste d’écuyer de Kay.

Lorsqu’il se lance dans l’adaptation de L’Épée dans la Pierre, le roman de T. H. White publié en 1938, le scénariste Bill Peet fait le choix de conjuguer magie et humour afin de rendre son script accessible au plus grand nombre. Le récit original est dès lors simplifié et édulcoré. Les pouvoirs de Merlin sont le moteur des événements. De nombreux moments comiques sont en outre ajoutés.

La cuisinière apparaît à la confluence de la magie et de l’humour. Elle entre ainsi dans l’histoire au moment où Merlin a ensorcelé toute la cuisine pour simplifier la corvée de vaisselle d'Arthur. L'hystérie de la cuisinière est alors particulièrement amusante, tout comme le combat mené par Hector et Kay contre la vaisselle enchantée.

La première apparition de la cuisinière est animée par John Lounsbery. Originaire de Cincinnati où il voit le jour le 9 mars 1911, il entame sa carrière chez Disney en 1935. Spécialiste de Pluto qu'il a animé dans de nombreux courts-métrages, il donne vie à des dizaines de personnages remarquables tels que la Reine Grimhilde changée en sorcière, Grand Coquin et Gédéon, Chicken Little, Willie le géant, la rose chef d'orchestre et le chat de Cheshire dans Alice au Pays des Merveilles, Monsieur Darling, le duo Tony et Joe dans La Belle et le Clochard, les rois de La Belle au Bois Dormant, le colonel Hathi, Tigrou ainsi qu'à deux autres loups notables, celui de Pierre et le Loup et celui de Merlin l’Enchanteur. Nommé coréalisateur des (Les) Aventures de Winnie l'Ourson et des (Les) Aventures de Bernard et Bianca, John Lounsbery décède le 13 février 1976 avant que les deux longs-métrages ne soient achevés. Un Disney Legends Award couronne sa carrière.

Également en charge de définir l’apparence des personnages du film, Milt Kahl anime la confrontation entre Merlin et la cuisinière menaçante. Membre, comme John Lounsbery, du groupe très fermé des Neuf Vieux Messieurs, l'artiste naît le 22 mars 1909 à San Francisco, en Californie. Débutant sa carrière modestement à l’âge de seize ans lorsqu’il est embauché comme dessinateur pour le journal The Oakland Post Inquirer puis pour le San Francisco Bulletin, il devient bientôt dessinateur d’affiches de cinéma. Il entre ensuite chez Disney en 1934. Se distinguant grâce à son caractère bien trempé de ses collègues qui redoutent ses colères mémorables, Kahl travaille comme intervalliste sur plusieurs cartoons de Mickey. Son talent lui permet rapidement de devenir animateur puis superviseur de l’animation. Très doué pour animer des humains, il collabore alors à presque tous les longs-métrages animés de Disney et donne vie à des personnages aussi fameux que Pinocchio, dont il définit l’apparence finale, Bambi, Brom Bones, Frère Lapin, Johnny Pépin de Pomme, Cendrillon, le prince Philippe et le roi Hubert, Roger Radcliff et Pongo, Merlin l’enchanteur ou bien encore Tigrou. Derrière l’animation remarquable de Shere Khan et de Madame Médusa, son ultime méchante, Milt Kahl est élevé au rang de Disney Legend en 1989, deux ans après sa mort survenue le 19 avril 1987 à l’âge de soixante-dix-huit ans.

Dessins d'animation de Milt Kahl

Reprenant une partie de l’animation créée par John Lounsbery, l’ultime apparition de la cuisinière est supervisée par John Ewing. Né en 1928 à Wichita Falls, au Texas, ce dernier sert dans l’armée américaine avant de rejoindre les bancs de l’Institut Chouinard. Faisant ses gammes en tant qu’animateur, il est engagé par les studios Disney et travaille dans les années 1950 et 1960 sur différents projets comme Les 101 Dalmatiens, Merlin l’Enchanteur, Winnie l’Ourson et l’Arbre à Miel et Le Livre de la Jungle. En 1967, Ewing quitte finalement les États-Unis et s’installe en Nouvelle-Zélande où il participe à la création de différentes publicités animées. Il poursuit en outre son partenariat avec Disney en planchant sur différents courts-métrages éducatifs produits par la firme de Burbank. Toujours en sous-traitance, il est associé à la création de certains épisodes des séries télévisées Myster Mask et La Bande à Dingo. Sa filmographie compte aussi des titres comme Les Tiny Toons, Spider-Man, Taz-Mania et Les Animaniacs.

En version originale, la cuisinière est incarnée par Barbara Jo Allen. Née le 2 septembre 1906 à New York et élevée par sa tante et son oncle à Los Angeles, la comédienne commence à jouer dès l’université. En 1933, elle rejoint le casting de l’émission radiophonique One Man’s Family diffusée sur NBC. Incarnant Beth Holly, elle apparaît ensuite dans d’autres programmes comme Death Valley Days, I Love a Mystery, Signal Carnival et NBC Matinee avec Bob Hope. Parfois créditée sous le nom de Vera Vague, elle débute dès 1938 au cinéma dans différents courts-métrages avant de jouer dans des longs-métrages comme Broadway qui Danse (1940), Melody Ranch (1940), The Mad Doctor (1940), Design for Scandal (1941), Cowboy Canteen (1944), L’Attaque de Fort Douglas (1956) et Born to Be Loved (1959). À la tête de sa propre émission de radio, Follow the Leader programmée dès 1953 sur CBS, elle prête par ailleurs sa voix à Pâquerette dans La Belle au Bois Dormant (1959), à la mère de Goliath dans Goliath 2 (1960) et à la cuisinière dans Merlin l’Enchanteur (1963). Un temps maire honoraire de Woodland Hills, Barbara Jo Allen disparaît le 14 septembre 1974 à l’âge de soixante-huit ans. Deux étoiles du mythique Hollywood Walk of Fame portent son nom.

En France, le rôle de la cuisinière est confié à Henriette Marion. Née à Paris le 26 octobre 1879, la comédienne se produit au théâtre dès les années 1910 dans des pièces comme Bravo Revue, Notre Amour, La Maison des Cœurs Brisés, La Jeune Veuve, La Maison de Bernarda Alba… Ponctuellement présente au cinéma et à la télévision, elle officie également dans le doublage en prêtant sa voix aux comédiennes Edith Evanson, Sally Corner, Lurene Tyttle, Marion Lorne dans Ma Sorcière Bien-Aimée et Jane Darwell dans Mary Poppins, ainsi qu’à Flora dans La Belle au Bois Dormant, Nanny dans Les 101 Dalmatiens et la cuisinière dans Merlin l’Enchanteur. Henriette Marion disparaît le 5 novembre 1978 à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans.

Personnage somme toute anecdotique, la cuisinière est un faire-valoir comique dont l’hystérie permet d’apporter une petite dose d’humour à Merlin l’Enchanteur.