Sœur Souris

Robin des Bois

En 1973, les studios Disney offrent au public de revivre les palpitantes aventures de Robin des Bois. Plutôt que de proposer une version classique de la célèbre légende, les artistes font alors le choix d’offrir chacun des rôles à une ménagerie bigarrée au sein de laquelle figure notamment Sœur Souris.

« Bravo ! Bravo ! ». Sœur Souris fait son entrée dans l’histoire au moment où Robin et Marianne viennent enfin de prononcer leurs vœux de fiançailles. Accompagnée par son mari, Croquenote, la petite nonne sort alors avec enthousiasme de la capuche de Frère Tuck afin d’applaudir les deux amants. Particulièrement joyeuse, elle participe ensuite à la fête improvisée dans la forêt par les habitants de Nottingham.

La joie des uns et des autres est cependant rapidement refroidie. Furieux après avoir découvert que les villageois se payaient allègrement sa tête, le Prince Jean a décidé d’augmenter comme jamais les taxes. Accablés par autant d’impôts, les sujets sont alors des dizaines à croupir en prison, tant et si bien que les rues deviennent désertes au grand dam de Frère Tuck et Croquenote qui se lamentent tous les deux de cette triste situation.

Dans leur église bien vide, tous les deux font cependant en sorte de réconforter les cœurs, le premier en continuant de sonner les cloches pendant que le second joue de l’orgue. « Oh… Peut-il y avoir encore de l’espoir quand ce tyran de Prince Jean taxe jusqu’au cœur et à l’âme du pauvre peuple ? », s’interroge pour sa part Sœur Souris. Posant son balai, la petite religieuse décide de faire contre mauvaise fortune bon cœur en offrant à Frère Tuck l’ultime pièce d’or que son mari et elle avaient réussi à mettre de côté.

Glissé dans le tronc des pauvres, le sou est une source d’espoir qui ne tarde pas à être ruinée par le Shérif de Nottingham. Ordonnant à son mari de ne surtout pas chercher querelle au gros lourdaud, Sœur Souris est incapable de contenir sa colère lorsque ce dernier s’autorise à confisquer la maigre offrande. « Ouh ! Remettez-la en place !!! », s’agace-t-elle.

Indignée, Sœur Souris assiste, impuissante, au combat opposant le Shérif de Nottingham à Frère Tuck. « Sainte Vierge… », murmure-t-elle. Incapable de retenir ses larmes, elle s’effondre lorsque le moine est mis aux arrêts.

La situation est dramatique. Mais grâce à l’intervention de Robin et de son compagnon Petit Jean, les choses rentrent finalement dans l’ordre. Le Prince Jean et ses complices sont neutralisés. Mieux ! Le bon Roi Richard est enfin de retour de la Croisade. La joie est dès lors de retour à Nottingham où les habitants fêtent en grandes pompes les noces de Robin et Marianne. Depuis la fenêtre de l’église, Sœur Souris et Croquenote participent à la célébration en jetant quelques grains de riz sur les nouveaux mariés.

À la fin de la décennie 1960, la division animation des studios Disney vit des jours sombres. La mort de Walt Disney, suivie quelques années plus tard par celle de son frère Roy, a laissé un grand vide. Le Livre de la Jungle et Les Aristochats, les derniers projets initiés du vivant de Walt, sont à présent achevés. Les artistes se posent alors la question de continuer ou non de produire d’autres longs-métrages animés. Hésitant à renoncer, ces derniers décident bientôt de poursuivre l’œuvre du papa de Mickey en lançant la production d’un nouveau classique adapté de la légende de Robin des Bois.

Galvanisant, le projet est chapeauté par la vieille garde, Wolfgang Reitherman, Ken Anderson, Milt Kahl, Frank Thomas, Ollie Johnston, John Lounsbery, Eric Larson et Hal King qui penchent pour une version totalement inédite de l’histoire, incarnée à l’écran par un casting uniquement constitué d’animaux anthropomorphes. En cela, ils reprennent un concept déjà initié au début des années 1960, au moment de la production de Chantecler et le Renard, une adaptation conjointe de Chantecler d’Edmond Rostand et du (Le) Roman de Renard qui, faute d’avoir convaincu Walt Disney, ne verra finalement jamais le jour.

Le rôle de la femme du sacristain est alors confié à une petite souris. Curieusement, celle-ci ne possède pas de nom. En version originale, Frère Tuck la nomme « Little Sister ». En version française, il l’appelle seulement « ma sœur ». Avec une pointe de familiarité plus que déplacée, le Shérif de Nottingham l’interpelle quant à lui en disant « Ma p’tite mère ».

Comme l’ensemble des personnages du film, Sœur Souris est conçue par Ken Anderson et Milt Kahl.
Né le 17 mars 1909 à Seattle, dans l’État de Washington, Kenneth Anderson étudie l’architecture en Europe puis à Washington avant de partir pour Los Angeles afin de trouver un travail dans l’animation. Engagé comme décorateur de plateau par MGM, il rejoint les studios Disney en 1934 et travaille sur plusieurs courts-métrages comme La Déesse du Printemps et Trois Petits Orphelins. Repéré par Walt Disney, il est nommé directeur artistique sur Blanche Neige et les Sept Nains, un poste qu’il occupe ensuite lors de la production de Pinocchio et de Fantasia. Animateur sur Le Dragon Récalcitrant et Mélodie du Sud, il participe ensuite à l’écriture de Mélodie Cocktail, Danny, le Petit Mouton Noir et Cendrillon. Promu directeur artistique de La Belle au Bois Dormant, des (Les) 101 Dalmatiens, Merlin l’Enchanteur et Le Livre de la Jungle, Ken Anderson travaille également aux cotés de Walt Disney à la création de Disneyland et de certaines attractions comme Peter Pan’s Flight et Mr. Toad’s Wild Ride. Après la mort de Walt, il planche sur des films comme Les Aristochats, Robin des Bois, Peter et Elliott le Dragon, Les Aventures de Winnie l’Ourson et Les Aventures de Bernard et Bianca. Associé à l’édification d’Epcot, Anderson prend finalement sa retraite en 1978. Parfois surnommé le « Dixième vieux monsieur », en référence aux Nine Old Men, il meurt le 13 décembre 1993, deux ans après avoir reçu un Disney Legends Award pour l’ensemble de sa carrière.

Ken Anderson

Membre du groupe très fermé des Neuf Vieux Messieurs, Milt Kahl naît le 22 mars 1909 à San Francisco, en Californie. Débutant sa carrière modestement à l’âge de seize ans lorsqu’il est embauché comme dessinateur pour le journal The Oakland Post Inquirer puis pour le San Francisco Bulletin, il devient bientôt dessinateur d’affiches de cinéma. Il entre ensuite chez Disney en 1934. Se distinguant grâce à son caractère bien trempé de ses collègues qui redoutent ses colères mémorables, Kahl travaille comme intervalliste sur plusieurs cartoons de Mickey. Son talent lui permet rapidement de devenir animateur puis superviseur de l’animation. Très doué pour animer des humains, il collabore alors à presque tous les longs-métrages animés de Disney et donne vie à des personnages aussi fameux que Pinocchio, dont il définit l’apparence finale, Bambi, Brom Bones, Frère Lapin, Johnny Pépin de Pomme, Cendrillon, le prince Philippe et le roi Hubert, Roger Radcliff et Pongo, Merlin l’enchanteur ou bien encore Tigrou. Derrière l’animation remarquable de Shere Khan et de Madame Médusa, son ultime méchante, Milt Kahl est élevé au rang de Disney Legend en 1989, deux ans après sa mort survenue le 19 avril 1987 à l’âge de soixante-dix-huit ans.

Milt Kahl

Personnage mineur de Robin des Bois, Sœur Souris fait partie de la grande famille des souris Disney. Depuis des décennies, des dizaines de rongeurs peuplent en effet la filmographie des studios, à commencer par Mickey Mouse. Timothée, Gus et Jaq, Amos et Roquefort ont à leur tour allongé la liste complétée, avec les années, par Bernard, Bianca ou bien encore le détective Basil. Vêtue d’une robe bleue, d’un tablier blanc et coiffée d’un bonnet blanc attaché par un ruban, Sœur Souris possède cette apparence typique des souris Disney créées durant les années 1970. Mickey, Timothée, Gus, Jaq et Amos possédaient en effet de larges yeux constitués de formes blanches et ovales au centre desquelles trône une pupille. Avec Roquefort dans Les Aristochats, les artistes de Disney reviennent toutefois à la mode ancienne consistant à ne représenter les yeux de leurs souris qu’avec de simples ronds noirs dépourvus de contour blanc.

En version originale, Sœur Souris est incarnée par Barbara Luddy. Née à Great Falls, dans le Montana, le 25 mai 1908, l’actrice débute une carrière de chanteuse durant la Première Guerre mondiale. Après avoir participé à différents concerts pour récolter des fonds destinés à la Croix-Rouge, elle joue dans divers vaudevilles avant d’aller tenter sa chance à Hollywood. Au départ simple figurante, elle obtient progressivement des rôles plus importants dans les courts-métrages Rose of the World, East Side West Side ou Born to Battle. Un temps engagée au sein de la troupe de Leo Carillo avec qui elle tourne en Australie et en Nouvelle-Zélande, Barbara Luddy se tourne bientôt vers la radio où elle apparaît dans des émissions comme The First Nighter Program, Margot of Castlewood, Lonely Woman et Grand Hotel. Reconnue pour sa voix familière, la comédienne est choisie par les studios Disney pour vocaliser Lady, Pimprenelle, Rover, Maman Gourou, Sœur Souris et la Veuve Lapin. Barbara Luddy disparaît le 1^er avril 1979 à l’âge de soixante-dix ans.

En France, le rôle est tenu par Colette Ripert. Originaire de Pernes-les-Fontaines où elle voit le jour le 17 janvier 1930, l’actrice joue au cinéma dans des films comme Trente et Quarante, Sylvie et le Fantôme, Les Jeux sont Faits, La Dame de Chez Maxim, J’Avais Sept Filles et Twist Again à Moscou. Également présente à la télévision, elle se produit en parallèle au théâtre dans Le Don d’Adèle, Oscar ou Nid d’Embrouilles. Colette Ripert disparaît le 15 mai 1999 à l’âge de soixante-neuf ans.

Sœur Souris apparaît dans certaines adaptations en bande dessinée de Robin des Bois.

La petite souris est également présente dans The Wizard's Ring, une aventure inédite incluse dans l'album The Adventures of Robin Hood publié au moment de la sortie du film.

Personnage mineur mais particulièrement adorable, Sœur Souris complète avec mignonnerie le formidable bestiaire de Robin des Bois.