Mélodie Cocktail
Titre original : Melody Time Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 27 mai 1948 Genre : Animation 2D / Film "Live" |
Réalisation : Clyde Geronimi Wilfred Jackson Jack Kinney Hamilton Luske Musique : Benny Benjamin Eliot Daniel Jack Fina Kim Gannon Ray Gilbert Walter Kent Johnny Lange Ernesto Nazareth Oscar Rasbach Nikolai Rimsky-Korsakov George Weiss Bobby Worth Allie Wrubel Durée : 75 minutes |
Le synopsis
Anthologie de sept courts-métrages musicaux, Mélodie Cocktail
a pour maître de cérémonie un chapeau ayant la voix de Buddy clark. Chacune des
séquences, dont le titre s'anime grâce à un pinceau sur une partition de
musique, est chantée par un artiste des années 40-50. |
C'est un Souvenir de Décembre Frances Langford raconte l'histoire, dans les années 1800, d'une romance
hivernale entre deux humains et deux lapins. |
Une mouche vit un véritable cauchemar fantaisiste sur une musique jouée par
Freddy Martin et son orchestre. |
Johnny Pépin de Pomme Dennis Day raconte la vie du célèbre pionnier qui parcoura l'ouest des
Etats-Unis en plantant des pommiers. |
Le Petit Remorqueur Toot | Petit Toot Les Andrews Sisters chantent l'histoire d'un petit bateau, qui, voulant
ressembler à son père, rencontre bien des ennuis. |
A la Gloire d'un Arbre Fred Waring et les Pennsylvanians interprètent un poème, ayant pour thème les
arbres, de Joyce Kilmer. |
C'est la Faute de la Samba Chantée par les Dinning Sisters, cette séquence raconte l'apprentissage par
Donald et José Carioca de la samba enseignée par Aracuan accompagné à l'orgue
par Ethel Smith. |
La critique
La fin de la deuxième guerre mondiale approchant, Walt Disney s'atèle à remettre à flot financièrement son studio. Il met ainsi en chantier plusieurs films "packages" présentant le double avantage de garder vivant la signature "Disney" auprès du grand public et de permettre à ses artistes de développer leur art de l'animation. Cette stratégie se caractérise très vite par la sortie, respectivement en 1943 et 1945, de deux films sud-américains : Saludos amigos et Les trois Caballeros. L'armistice signé, s'enchaînent peu après La boite à musique (1946) et Coquin de printemps (1947).
Mélodie Cocktail, 10ème long-métrage des studios Disney, sort quant à lui un an plus tard. Il partage avec Fantasia mais surtout avec La boîte à musique (dont il reprend l'idée d'utiliser des chansons 'pop' interprétées par des artistes contemporains alors très connus), la particularité supplémentaire d'être composé de plusieurs séquences musicales. La critique sera bizarrement plus tendre avec le petit frère qu'avec l'aîné. Le format des "films compilations de cartoons" semble digéré. Après trois productions dans le genre, la (mauvaise ?) surprise ne choque en effet plus ! Il faut dire que Mélodie Cocktail propose, à l'exception de quelques rares pépites détonantes, des dessins animés en rapport avec la signature Disney - et en ce sens assurément conventionnel. Le film vaut ainsi plus pour sa panoplie musicale que pour son graphisme. Il est, à l'évidence, bien plus agréable à suivre que La boîte à musique dont les séquences, contrairement à Mélodie Cocktail, sont beaucoup trop courtes. Mais ce choix a un prix : le nombre de cartoons est en effet ici très faible. Le film ne réunit que sept séquences là où La boîte à musique en proposait dix. Le final, somme toute abrupt, en rajoute d'ailleurs sur le sentiment de frustration d'un spectateur qui reste sur sa faim une fois le rideau tombé.
Once upon a wintertime (C'est un Souvenir de Décembre) nous sert une histoire d'amour dessinée à la manière d'une carte de voeux. Les couleurs improbables donnent à l'ensemble un effet certes attrayant mais irréel. La scène de la glace se brisant dans la rivière résume à elle seule la technique utilisée. Juste suggérée par des mouvements rapides mais précis, elle étonne pour un Disney qui en aurait fait, il y a quelques années encore, une représentation bien plus réaliste. Cette séquence annonce les prémisses des animations minimalistes que les studios plébisciteront dans les années 50 comme Péché Mignon ou Les Instruments de Musique...
Bumble Boogie semble n'être que le résultat d'une collaboration avortée entre Walt Disney et Salvador Dali. Les deux Maîtres avaient en effet prévu de réaliser ensemble un court-métrage, Destino, dès le milieu des années 40. Ils n'étaient malheureusement jamais parvenus à le finaliser. C'est, en fait, Roy Disney, le neveu de Walt, qui achèvera le fameux cartoon quelques cinquante ans plus tard, en 2003. La séquence est totalement surréaliste et rappelle le style d'After you've gone de La boîte à musique. Le personnage principal est terriblement attachant tandis que le décor mêle une nature bucolique à l'univers musical : les pétales épousent la forme de touches de piano et les papillons, les notes de musique. Petite merveille, ce cartoon confirme, s'il en était besoin, le talent des studios Disney et leurs capacités à sortir des sentiers battus.
Trees (A la gloire d'un arbre), véritable ode à la poésie, à la chanson et la nature, est, par sa simplicité, véritablement époustouflant. Les artistes ont en effet suivi un fil rouge somme toute réducteur - un arbre - pour parvenir à d'étonnants tableaux et prouesses visuelles. Un tour de force qui en met plein les yeux.
Little Toot (Le Petit Remorqueur Toot | Petit Toot) est sans aucun doute la séquence la plus faible de l'anthologie. Cartoon sans surprise où un objet est personnifié par une technique vue et revue chez Disney, il ne sait, en effet, à aucun moment être prenant. Rien à voir avec Pedro de Saludos amigos qui avait su, en son temps, capter l'attention des spectateurs.
Blame it on the Samba (C'est la Faute de la Samba) retrouve avec bonheur la folie visuelle et communicative des (Les) trois Caballeros. En utilisant trois des personnages du film de 1945, Donald, José Carioca et l'Aracuan, le cartoon reprend en effet ce qui avait fait le succès du premier opus : un mélange réussi de toons et d'acteurs aux premiers rangs desquels l'actrice Ethel Smith qui joue ici du piano.
Les deux pièces maîtresses de Mélodie Cocktail sont, sans aucun doute, les deux séquences basées sur la légende d'un personnage du folklore américain : Johnny Appleseed (Johnny Pépin de Pomme) et Pecos Bill.
Johnny Appleseed (Johnny Pépin de Pomme) est animé dans un style qui sera plébiscité dans les années 50, préférant l'impressionnisme au réalisme. Le dessin est ainsi attrayant et chaleureux tandis que les chansons sont particulièrement bien écrites et invitent même à les fredonner. Le cartoon offre également une apparition à un petit écureuil qui ne dit pas son nom : Tic ? Mystère...
Pecos Bill, long final de l'anthologie, est présenté par un groupe de vrais cow-boys racontant la légende à Luana Patten et Bobby Driscoll, les jeunes acteurs de Mélodie du Sud et Coquin de printemps pour la seule Luana. Le cartoon ancré dans un style caricatural savoureux n'est pas sans rappeler les mythiques Tex Avery. Véritable petit bijou, il est toutefois pénalisé par une fin brutale qui laisse bon nombre de spectateurs sur leur faim. Et c'est tout Mélodie Cocktail qui se voit entaché du sentiment de frustration de celui qui n'a pas été rassasié.
Mélodie Cocktail connaît le même sort que les
autres anthologies Disney des années 40. Il ne ressort jamais au cinéma en tant
qu'œuvre unitaire mais voit ses séquences dissociées, montées séparément et
présentées sur le grand écran, respectivement le 19 février 1954 pour Pecos Bill, le 13 août 1954 pour
Little Toot
(Le Petit Remorqueur Toot), le 17 septembre 1954 pour Once Upon a Wintertime (C'est un
Souvenir de Décembre), le 1er avril 1955 pour Blame it on the Samba
(C'est la Faute de la Samba) et le 25 décembre 1955 pour Johnny Appleseed (Johnny Pépin de
Pomme). Trees (A la gloire d'un arbre) et Bumble Boogie sont quant à eux mis bout à bout pour constituer
le court-métrage autonome Contrasts in Rhythm, sorti le 11 mars 1955.
Enfin, cinq des cartoons le composant sont également jumelés à quatre de
La boîte à musique pour former le long-métrage Music Land
présenté au cinéma aux Etats-Unis, le 5 octobre 1955.
A noter :
L'édition européenne du DVD bénéficie
actuellement de la version non-censurée du
cartoon, Pecos Bill. En Amérique du Nord, la cigarette
du célèbre cow-boy a été digitalement
supprimée de l'image et une séquence de la
chanson-titre (celle où Pecos capture une
tornade en s'en roulant une) a disparu... La
prochaine édition française de ce film
devrait subir, à n'en pas douter, les mêmes
coupes. Il est donc temps de s'en procurer
le DVD avant qu'il ne soit complètement
épuisé et, avec lui, sa précieuse version !