Trois Petits Orphelins
Titre original : Three Orphan Kittens Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 26 octobre 1935 Série : Genre : Animation 2D |
Réalisation : Dave Hand Musique : Frank Churchill Durée : 9 minutes |
Disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Trois petits chatons abandonnés se réfugient dans une maison où ils accumulent les bêtises... |
La critique
Les Silly Symphonies se distinguent en deux groupes : ceux qui se focalisent sur le récit comme peuvent l'être Qui a Tué le Rouge Gorge ou Jazz Band contre Symphony Land et ceux qui mettent plus en avant leurs personnages. Trois Petits Orphelins appartient clairement à cette deuxième catégorie. L'histoire a, en effet, peu d'importance ici, l'essentiel étant que le spectateur tombe sous le charme des personnages.
Et c'est le cas dès les premières secondes ! Ainsi, par une une nuit froide, en plein tempête de neige, une voiture anonyme jette par l'une de ses fenêtres un paquet qui atterrit dans un jardin. Il ne tarde pas à révéler son contenu qui n'est autre que trois petits chatons frigorifiés, qui se blottissent aussitôt l'un contre l'autre pour se réchauffer. Le cœur du public ne peut dès lors que fondre et les trois félins instantanément aimés. Information tue dans le court-métrage, il doit être su à ce stade que les trois chatons ont pourtant été désignés par leurs créateurs sous les sobriquets de Fluffy, Muffy et Tuffy. Frigorifiés, les malheureux découvrent alors une fenêtre ouverte sur la cave d'une maison.
Les chatons désormais à l'abri, le ton du cartoon change et devient bien plus léger. Les boules de poils vont ainsi d'abord s'amuser sur la table de la cuisine : le petit gris s'affairant avec une tarte, le roux avec une bouteille de lait et le noir avec le poivre. Bien-sûr, tous font des bêtises et finissent par tomber de la table emmenant dans leurs chutes nappe et vaisselle qui se fracassent par terre. Direction ensuite dans la chambre à jouets où les félins vont faire la fête aux poupées. Ils se retrouvent ensuite au salon où le piano à rouleau les intriguent. Là, ils lancent sans le vouloir la musique automatique, qui joue fort à propos Kitten on the Keys d'Edward Zey Confrey. Deux chatons se démènent alors contre les touches tandis que le troisième, à l'intérieur du piano, se retrouve bien à la peine avec les cordes et les marteaux. Mais voilà, à force de bêtises, la bonne finit par remarquer le trio qui se voit aussitôt jeté dehors avant que la petite fille de la maison ne les prenne d'affection.
Autre temps, autre mœurs, Trois Petits Orphelins propose en outre une petite blague amenée de façon inoffensive à l'époque mais qui s'avère vraiment de mauvais goût à l'époque contemporaine. Un des chats s'amuse en effet avec une poupée afro-américaine : vraie allusion raciste, elle passe totalement inaperçue en France alors même qu'elle a de lourdes résonances aux États-Unis. Cette poupée est, en fait, une caricature de Mammy dans un clin d'œil à une chanson du long-métrage de 1927, The Jazz Singer, le premier film "live" avec dialogue et son synchronisé qui inspira Walt Disney pour Steamboat Willie. Elle fait ainsi référence à l'acteur principal, Al Jolson, une icône de l'époque connue pour ses sketches "blackface". Cette expression qualifie les comédiens blancs qui, grimés en noirs via du maquillage accentuant un contour blanc autour des lèves pour en simuler la grosseur, parodiaient dans des spectacles de vaudeville la vie des afro-américains des plantations du Sud. D'une vision totalement raciste et réductrice, ces sketches, très en vogues à l'époque, tomberaient aujourd'hui sous le coup de la loi.
Plus que son histoire, Trois Petits Orphelins se démarque surtout par son animation exemplaire venues de ses nombreuses prouesses techniques. L'incroyable rendu des carreaux de la cuisine est notamment frappant. Ils donnent réellement l'impression d'être brillants, et tellement propres que le reflet des trois chatons transparaît. Autre fait notable, les artistes ne se trompent jamais sur les personnages qu'ils veulent mettre en avant. La perspective est ainsi toujours faite pour bien mettre en avant les trois petits chats. La bonne comme l'enfant ne sont donc jamais visibles de plein pieds. Leur visage est caché et seuls leurs jambes et bras sont aperçus. L'animation des trois chatons est en outre exemplaire : Fred Moore se charge de celle sur la table tandis que Ham Luske se voit confier celle du piano. Enfin, il faut noter le formidable travail de Ken Anderson qui propose de remarquables designs et perspectives. Quand le chat noir passe par exemple de la chambre d'enfant au salon en chassant une plume, le mouvement est tel que la perspective est crédible, l'ensemble donnant un air de décor en trois dimensions, et cela même alors que tout est réalisé uniquement via du dessin. Du grand art salué par l'Oscar du Meilleur Court-Métrage.
Trois Petits Orphelins est assurément l'un des rares cartoons Disney auréolés d'un Oscar mais qui reste peu connu du grand public. Il est pourtant une véritable pépite bâtie sur une personnification exemplaire de ses personnages et une sublime animation.