David Hand

Le 21 décembre 1937, Walt Disney marque l’Histoire du cinéma avec la sortie de Blanche Neige et les Sept Nains. Premier long-métrage animé sonore et en couleur jamais réalisé, le film crée alors l’événement en élevant le papa de Mickey au rang de génie du Septième Art. Mais dans l’ombre du géant, figure également une équipe de directeurs de séquence, William Cottrell, Wilfred Jackson, Larry Morey, Perce Pearce et Ben Sharpsteen, tous réunis derrière un homme, le réalisateur David Hand.

David Dodd Hand est né le 23 janvier 1900 à Plainview, dans le New Jersey. Débutant sa carrière à la fin des années 1910 comme dessinateur de presse, il s’installe bientôt à Chicago où il suit des cours d’art commercial au sein de l’Art Institute de la ville. Sans le sou, il trouve un emploi au sein du Andy Gump Studio de Wallace Carlson avant de rejoindre le studio de John Randolph Bray à New York. Là, il fait ses gammes dans le domaine du cinéma d’animation avec certains des plus grands pionniers de l’époque. Aux cotés de Milt Gross, il œuvre ainsi notamment sur la série Nize Baby. David Hand travaille ensuite pour les frères Fleischer, qui lui offrent un poste de réalisateur sur la collection Out of the Inkwell. Il passe quelques temps plus tard chez Walter Lantz qu’il tente de convaincre que l’avenir est à présent dans le cinéma sonore. Pour lui, il réalise The Cat’s Nine Lives et The Tail of the Monkey en 1926.

Somme toute peu apprécié par ses collègues qui le trouvent souvent trop prétentieux, David Hand s’envole bientôt vers la côte Ouest. Le 23 janvier 1930, jour de son anniversaire, il est alors engagé par Walt Disney, qu’il admire beaucoup depuis qu’il a découvert Willie, le Bateau à Vapeur en novembre 1918. Associé à la production de plusieurs courts-métrages parmi lesquels Monkeys Melodies, Frolicking Fish, Arctic Antics, Les Joueurs de Pan, Mickey Pionnier, Symphonie Enchaînée, Gare au Gorille, Mickey et les Embouteillages, La Chasse à l’Élan, Mélodies Égyptiennes, Mickey Jardinier, Les Orphelins de Mickey, Le Vilain Petit Canard ou bien encore Les Insectes Amoureux, il anime en particulier les oiseaux dans le classique Des Arbres et des Fleurs, connu pour être le premier cartoon en couleur de l’Histoire, couronné aux Oscars. Il travaille ensuite sur les cartoons Rien qu’un Chien, Le Cauchemar de Mickey, Chien Enragé…

L'équipe d'artistes de Walt Disney devant le studios d'Hyperion :
Jack King, Les Clark, Tom Palmer, Burt Gillett, Bert Lewis, Dick Lundy, Norman Ferguson, Floyd Gottfredson
David Hand, Wilfred Jackson, Walt Disney, John Cannon et Ben Sharpsteen.

Parfois accusé par certains de ses collègues de livrer une animation peu réaliste, David Hand, dont les talents de meneur d’hommes sont reconnus par tous, est promu au poste de réalisateur en 1932. Au même titre que Burt Gillett, Ben Sharpsteen et Wilfred Jackson, il prend alors sous son aile une petite équipe d’artistes qu’il dirige lors de la production de Trader Mickey et Bâtissons, ses premières réalisations avec Mickey et Minnie Mouse en vedettes. Au cours des années suivantes, Hand, qui est aussi chargé de former les jeunes recrues, supervise également plusieurs classiques des studios comme The Mad Doctor, Le Roi Neptune, Quel Ressort, La Souris Volante…

En 1934, Walt Disney lance la production de son tout premier long-métrage. Gardant sa position à la tête de l’équipe de scénaristes, il délègue alors la réalisation à David Hand, devenu avec le temps l’un de ses hommes de confiance et un bon ami. Les deux hommes partagent en effet la même passion pour l’équitation et il n’est pas rare qu’ils se retrouvent en dehors des heures de bureau au sein des Rancheros Visitaderos, un groupe de cavaliers qui organise régulièrement des promenades équestres dans la région de Santa Barbara ou dans la vallée de Santa Ynez. À son poste de réalisateur, Dave Hand est dès lors chargé de faire appliquer à la lettre les ordres de son patron auprès des superviseurs de séquences. L’artiste doit pour ce faire jongler avec les personnalités de chacun, gérer les différentes étapes de réalisation, chapeauter les réunions et surtout gérer un budget qui, inexorablement, s’envole.

En parallèle de Blanche Neige et les Sept Nains, Dave Hand supervise Robinson Mickey, Le Kangourou de Mickey, Le Petit Chat Voleur, L’Équipe de Polo, De l’Autre Côté du Miroir, Les Alpinistes, Papa Pluto ou encore Mickey Magicien et Hiawatha, le Petit Indien. Il réalise en outre Trois Petits Orphelins, Qui a Tué le Rouge-Gorge et Cousin de Campagne, couronnés tous les trois aux Oscars. Épaulé par Jack Cutting, son assistant réalisateur, il enchaîne avec Bambi, l’adaptation animée de l’œuvre de Felix Salten également dirigée par Perce Pearce. Il sert ensuite comme superviseur de l’animation sur Victory Through Air Power, son dernier projet pour Disney.

Dave Hand entouré de ses réalisateurs, Ralph Ayres, Pat Griffin,
Brian O'Hanlon, Henry Stringer and Bert Felstead.

Second dans la hiérarchie des studios juste derrière Walt Disney, qui ne laisse aucune marche de manœuvre à ses collaborateurs, David Hand, parfois frustré d’être ainsi dirigé par un homme plus jeune que lui, fait le choix de quitter les studios en 1944. Libéré de ses engagements, il s’envole alors pour le Royaume-Uni où le producteur J. Arthur Rank lui confie en 1946 les rênes de son tout nouveau département d'animation. Installé dans son bureau de Moor Hall, Hand est dès lors occupé à former une nouvelle génération d’animateurs locaux à qui il enseigne les rudiments de son art. Avec Rank, il fonde rapidement le Gaumont-British Animations Studio et réalise dix-neuf films appartenant pour neuf d’entre eux à la série Animaland et pour les dix autres à la collection des Musical Paintbox Films. En 1948, David Hand supervise en outre les publicités Ye Olg English Car-Tunes pour la marque Esso.

L’expérience anglaise prend fin en 1950 au moment de la fermeture du Gaumont-British Animations Studio. Avant son retour aux États-Unis, Dave Hand apprend que ses dernières productions viennent d'être sélectionnées pour le Festival of Britain. Invité à l'événement, l'artiste serre alors la main à Elizabeth Bowes-Lyon, la femme du roi George VI. De retour aux États-Unis, Hand est recruté par The Alexander Film Company, une société du Colorado spécialisée dans la production de films commerciaux et de films d’entreprise. Avec ses équipes, il lance également la réalisation d’une adaptation animée du roman de science-fiction Les Premiers Hommes sur la Lune d’H. G. Wells. Mais le projet n’aboutit finalement pas. Une transposition animée de La Chasse au Snark, d’après Lewis Carroll, avorte également. David Hand reste finalement dix-huit ans au sein de l’Alexander Film Company jusqu’à sa retraite en 1967, année où il s’installe à Cambria, sur la côte californienne.

Souvent déçu, voire frustré de ne pas voir son nom clairement associé dans l’esprit du public à la réalisation de Blanche Neige et les Sept Nains, David Hand est mort le 11 octobre 1986 à San Luis Obispo. Il avait quatre-vingt-six ans. Deux ans plus tôt, il recevait un Winsor McCay Award pour l’ensemble de sa carrière. En 1994, les studios Disney eux-mêmes honoraient le réalisateur à titre posthume en lui décernant un Disney Legends Award. « Dave fut l’homme grâce auquel Walt fut en mesure de transformer ses rêves en animation », écrivaient Frank Thomas et Ollie Johnston dans leur ouvrage The Illusion of Life : Disney Animation, « Il savait reconnaître la qualité et lorsque Walt demandait que quelque-chose soit dans le film, Dave s’assurait systématiquement que ce soit bien le cas ».