Walt & El Grupo
Titre original : Walt & El Grupo Production : Walt Disney Family Foundation Films Date de sortie USA : Le 09 septembre 2009 Le 26 avril 2008 (San Francisco International Film Festival) Distribution : Walt Disney Studios Genre : Documentaire |
Réalisation : Theodore Thomas Musique : James Stemple Durée : 106 minutes |
Disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Le voyage en Amérique Latine effectué par Walt Disney, son épouse et seize de ses collaborateurs en 1941 se voit restitué aux travers de documents d'archives, de lettres manuscrites, souvenirs et autres témoignages... |
La critique
Au début des années 40, alors que l'Europe s'enfonce irrémédiablement dans les affres de la guerre, les Etats-Unis ne sont, eux, que très légèrement impliqués même si de sombres nuages s'amoncèlent à l'horizon. Le Président des USA, Franklin D. Roosevelt, s'inquiète, il est vrai, de l'influence grandissante de l'Allemagne nazie sur ses voisins d'Amérique du Sud. Il semble, avec le recul, vouloir déjà préparer le peuple américain à entrer dans le conflit. Son gouvernement, via le Département d'Etat des affaires latino-américaines, demande d'ailleurs, très vite, à Walt Disney de se préparer à participer à l'effort de guerre en défendant, en interne et à l'international, les valeurs américaines. Le papa de Mickey pose tout de même une condition incontournable : il exige de voir son implication se limiter à des considérations artistiques et jamais politiques. Sa vision des choses prend rapidement forme à l'occasion d'un voyage en Amérique du Sud dont le but premier est de rencontrer des artistes locaux et capter l'ambiance des pays visités. Il y convie, en effet, non seulement ses propres collaborateurs mais aussi des représentants du gouvernement américain. L'importance du voyage se mesure sans mal à sa durée : débuté le 17 août 1941, il s'étale sur plusieurs mois. Il faut dire que, bousculé par une grève, extrêmement dure, qui frappe alors ses studios, Walt Disney s'implique, bien volontiers, dans ce périple !
En 1941, ses animateurs entament, il est vrai, un conflit qui reste le plus long de l'histoire de sa compagnie (cinq semaines) et qui change, à jamais et profondément, l'ambiance de travail chez Disney. Nul ne sait exactement comment la grève à démarré. La légende veut que, lors du chantier de Blanche Neige et les sept nains, Walt Disney lui-même, conscient de la masse de travail colossale que génère son ambitieux projet, promet à ses artistes des primes exceptionnelles selon les résultats commerciaux de ce qui deviendra le tout premier long-métrage d'animation de l'histoire du cinéma. Le film devenu un énorme succès tout comme un phénomène de société, les collaborateurs du Maître s'attendent donc à récolter le fruit de leur travail. Ils ne verront rien venir ! Walt Disney, jugeant Hypérion Avenue trop petit pour les nouveaux projets, préfère, en effet, oublier sa promesse et investir tous les bénéfices dans un nouveau studio à Burbank. La colère et l'incompréhension n'ont alors cessé de monter entre ses collaborateurs et lui, pour aboutir finalement à une grève totale. Cette situation est d'autant plus surprenante, que les artistes des studios Disney étaient, à l'époque, assurément les mieux payés de tout Hollywood. Le conflit est extrêmement dur. Walt Disney en sort blessé et trahi. Il change dès lors irrémédiablement ses relations au sein de sa compagnie. Finie la gestion paternaliste : il se résout à prendre une posture de chef d'entreprise. Pourtant, la fin de crise ne s'obtiendra qu'avec l'éloignement du Maître, dont le départ pour l'Amérique latine a le don d'apaiser les tensions. La gestion du conflit est déléguée à son staff, histoire de dépassionner les débats...
La proposition du gouvernement américain vient donc à point nommé. Walt Disney part ainsi sur le continent sud-américain avec deux "valises" encombrantes : la nécessité de s'éloigner de ses studios au bord de la rupture sociale et la volonté de son pays de l'impliquer dans la préparation à l'effort de guerre. Il en a une troisième, plus personnelle celle-là. Walt tente en effet de se remettre du décès de sa mère. Désireux d'offrir ce qu'il y a de mieux à ses parents, il leur a demandé (et obtenu) de les voir venir s'installer en Californie dans une confortable maison achetée par ses soins à côté de celle de Roy. Tout semble devoir se passer pour le mieux ; la famille Disney, réunie au grand complet, participe à l'équilibre de Walt. Il sera malheureusement de courte durée : un problème avec le four de la cuisine parentale mal installé engendre des fumées toxiques qui tuent Flora Disney et blessent grièvement Elias Disney. Walt Disney ne se remettra jamais vraiment du décès accidentel de sa mère, et du lent déclin de son père, finalement mort de chagrin.
Le créateur de Mickey embarque donc avec sa femme,
Lillian, et seize collaborateurs choisis
sur le volet pour l'Amérique Latine. Dès leurs arrivées dans leur
première destination, toute l'équipée se
surnomme
"Le Groupe". Il se trouve, en
effet, que le mot est le même en
portugais et en espagnol (Grupo), seul
l'article changeant de O à El. La version
hispanique l'emporte finalement et la
troupe conserve la dénomination d'El Grupo.
Les collaborateurs en faisant partie sont : Bill Cottrell
(un scénariste), Hazell Cottrell (sœur de Lilly Disney et
épouse de Bill Cottrell), John Rose (business manager), Janet Martin Lansburgh
(publicitaire), Jack Cutting (porte parole
du groupe), Norm Ferguson (producteur), Ted Sears
(scénariste), Webb Smith (scénariste), Herb Ryman
(layout & camera), Jim Bodrero (croquiste), Jack Miller
(croquiste), Lee Blair (layout & camera), Mary Blair
(croquiste), Frank Thomas (animateur), Chuck Wolcott
(musique) et Larry Lansburgh (réalisateur).
Le périple se déroule en cinq étapes :
Brésil, Argentine, Uruguay, Chili et
Pérou.
Le Brésil est assurément la plus
prolifique. Se situant au début du voyage,
tous les participants ont, en effet, la motivation et
l'excitation nécessaires pour rassembler
le maximum de matériels possibles. Les films
réalisés avec témoignent d'ailleurs de ce
constat. L'ambiance de la ville de Rio
de Janeiro ou de Baïa, les couleurs, les
chansons, la musique et la fameuse danse de
la Samba sont, il est vrai, parfaitement
saisis et retranscrits. Mieux : un tout nouveau
personnage, plus brésilien que jamais,
voit le jour pour l'occasion : José
Carioca devient rapidement une institution dans son pays
et acquiert une
popularité jamais démentie depuis, en
particulier dans la bande dessinée où sa carrière
est florissante.
L'Argentine constitue également une étape
importante. En plus de la visite de
Buenos Aires, la capital du Tango, les
artistes de Disney s'attardent beaucoup
dans la Pampa, la campagne argentine terre
du Gaucho. Ils récoltent ainsi beaucoup de
matériels mais bizarrement les exploitent
peu en dehors
des deux courts-métrages
El Gaucho Goofy et Le Gauchito
Volant, respectivement extraits des films
d'animation
Saludos Amigos (1943) et
Les Trois Caballeros (1943).
La troisième étape est l'Uruguay avec la
visite de sa capitale Montevideo. Comme
pour le Brésil et l'Argentine, Walt
Disney y est reçu en véritable chef
d'état. Il est d'ailleurs particulièrement
apprécié pour sa convivialité et sa
simplicité, mais aussi son intérêt et sa curiosité
pour les indigènes. Il a malheureusement
la douleur d'apprendre pendant son séjour
uruguayen la mort de son père. Dévasté par
la nouvelle, il envisage un temps
d'annuler la suite du périple. La quasi impossibilité de changer
d'avion à l'époque et de nombreuses difficultés
administratives (le monde est en
guerre !) le dissuadent finalement d'écourter
son programme. Contraint et résigné, le
patron d'El Grupo reprend la route ;
l'ambiance sera, néanmoins, à jamais
plombée. La
motivation se révèle ainsi plus ardue ;
l'Uruguay n'inspirant au final qu'un
travail de seconde zone. Le cartoon Le Pélican et la
Bécasse (1944), prévu à l'origine pour faire partie du film
Les Trois Caballeros, puis sorti
finalement en qualité de court-métrage indépendant,
aurait en effet pu situer son action dans n'importe
quel pays alors visité.
Les artistes de Disney repassent ensuite par
l'Argentine et se divisent pour l'occasion en deux
groupes, l'un partant au Pérou, vers la Cordillère des
Andes et en particulier le lac Titicaca.
Il en ressort un travail remarquable, mis superbement en image dans le
cartoon
Le Lac Titicaca, extrait du film
d'animation
Saludos Amigos (1943), notamment sur
le rendu des couleurs et de l'ambiance locale,
dû,
entre autre, au talent de Mary Blair,
Le Chili constitue la dernière étape du
voyage. Contrairement aux autres, elle ne
revêt pas de caractère officielle dans la
mesure où le pays est alors un allié de l'Allemagne Nazie,
ennemi déclaré des USA. Hors de question
dans ces conditions de donner l'impression
d'un rapprochement politique de
quelque nature qu'il soit. Walt Disney est
donc accueilli en qualité de simple
créateur de Mickey. Durant cinq jours, ses artistes
et lui gouttent à la vie de
Santiago. Les matériels recueillis servent
de base au
cartoon
Pedro, extrait du film d'animation
Saludos Amigos (1943).Comme pour Le Pélican et la
Bécasse, il se caractérise par une
universalité peu enclin à restituer
véritablement l'ambiance du pays censé
pourtant être représenté.
Le Chili marque la fin du périple : El Grupo prend le paquebot à Santiago pour rentrer en Californie.
Sans chômer,
Walt Disney s'attèle avec son équipe à réaliser
plusieurs projets autour de l'Amérique
Latine. Les plus connus sont les deux
films d'animation :
Saludos Amigos (1943) et
Les Trois Caballeros (1945) ; auxquels
s'ajoutent des œuvres moins ambitieuses
comme le court-métrage
documentaire,
Au Sud de
la Frontière Avec Disney (1942), la
séquence du film d'animation
Mélodie Cocktail, C'est la Faute de
la Samba (1948), ainsi que les
cartoons Pluto et l'Armadillo
(1943) Le Pélican et la Bécasse
(1944) et
Le Clown de la Jungle (1947).
Les longs-métrages d'animation rencontrent
un franc succès sur les deux continents
américains. L'enthousiasme
est toutefois plus important au Brésil et
au Pérou dont les films retranscrivent parfaitement
l'ambiance du pays. L'Argentine et
l'Uruguay
trouvent en revanche les parties qui leur
sont consacrées, trop imprégnées du comique
nord-américain tandis que le
Chili reproche lui aux artistes de ne pas
avoir trouver mieux comme personnage pour
le représenter. Pour sa défense, il faut
dire qu'il est extrêmement difficile de
transmettre à tout le personnel d'un
studio, l'enthousiasme d'un voyage vécu
par un nombre restreint de collaborateurs
! Enfin, et pour la petite histoire, le gouvernement
américain ne mit au final pas un centime
sur la table. Alors qu'il était pourtant
l'instigateur de ces projets
sud-américains et avait mis une option
autour des films garantissant au studio de
compenser les pertes éventuelles, le
succès des œuvres fut tel que Walt Disney
s'abstint de solliciter le Trésor
Américain...
Walt & El Grupo, superbe
documentaire axé sur une période clé des
studios Disney, est signé de Theodore Thomas, le fils de Frank Thomas, déjà auteur du remarquable
Frank & Ollie. A travers des
témoignages d'enfants des membres de
l'équipe qui lisent avec émotion les
lettres envoyées à leurs conjoints ou
amis, de documents d'époques et des
reportages actuels sur les lieux
originairement visités, le film apporte
un éclairage nouveau sur le
fameux voyage des artistes Disney en
Amérique du Sud. Riche en informations, il
parvient ainsi à capter son auditoire et à
le surprendre au détour de révélations
bluffantes, comme par exemple, l'état de
ruines du fameux hôtel URCA de Rio de Janeiro
vu à la
fin de
Saludos Amigos. Qui, en regardant le
long-métrage, imagine un seul instant que
ce lieu puisse être aujourd'hui à
l'abandon... Et pourtant, l'hôtel URCA
n'est intemporel que par la magie Disney
!!!
Commandé par The
Walt Disney Family Foundation, dont les
portes du musée ont ouvert à l'automne 2009, Walt & El Grupo
est, en réalité, achevé en 2008, année où
il est diffusé dans différents festivals,
et en
particulier le San Francisco International
Film Festival, en
avant-première, le 26 avril 2008. Walt
Disney Pictures décide ensuite de le
proposer
de façon plus étendue dans plusieurs
salles de New-York et Los Angeles, et
notamment à
Disneyland Anaheim lors de
l'exposition D23, un salon créé pour les fans
afin de célébrer tous les pans de la Walt
Disney Company.
Walt & El Grupo est un documentaire incontournable ; à voir d'urgence pour envisager toujours mieux le processus créatif de Walt Disney.