Le Castor
La Belle et le Clochard
Date de création : Le 16 juin 1955 Nom Original : Beaver Autre(s) Nom(s) : Mr. Busy Créateur(s) : Joe Rinaldi (Conception Visuelle) George Kreisl Eric Larson Milt Kahl |
Apparition : Cinéma BD Voix Originale(s) : Stan Freberg Voix Française(s) : Paul Villé (Doublage de 1955) Jacques Deschamps (Doublage de 1989) Éric Metayer (Doublage de 1997) |
Le portrait
Lorsqu’ils reprennent l’écriture de La Belle et le Clochard au début des années 1950, les scénaristes de Disney décident de ponctuer le récit de petits moments de comédie pure. Plusieurs séquences sont ainsi ajoutées à l’histoire originale, en particulier l’excursion de Clochard et Lady au zoo et la rencontre avec un castor particulièrement amusant.
Le castor entre dans l’histoire au moment où Lady vit des moments éprouvants. Après le départ de ses maîtres, elle a en effet été confiée à Tante Sarah qui, avec ses deux sinistres siamois, règne à présent en maître sur la maison. Persuadée que la petite chienne est une menace pour ses chats, la vieille femme décide par conséquent de la conduire à l’animalerie afin de lui faire poser une muselière. Terrifiée, Lady parvient néanmoins à s’échapper. Attaquée par de lugubres chiens errants, elle est sauvée in extremis par Clochard qui l’entraîne au zoo afin de trouver un animal capable de couper ses entraves.
Manquant d’être écrasés par un arbre, tous les deux tombent alors sur l’enclos du castor. Bien occupé à réunir tout le bois nécessaire à la construction d’un barrage, l’animal entend toutefois ne pas être dérangé dans son ouvrage. « Débordé ! Je suis débordé », lance-t-il à Clochard, « Je n’ai pas le temps de faire la conversation… Il faut que je traîne ce sycomore jusqu’au barrage ».
Poussant son tronc de toutes ses forces, le castor désespère de parvenir à ses fins. « Faut qu’je fasse descendre ces troncs d’arbres et c’est un cauchemar !!! C’est pas de les scier qui prend du temps, c’est ce sacré bon sang de halage ! ». En écoutant le castor pester, Clochard a soudain une idée de génie. La laisse accrochée au bout de la muselière de Lady pourrait être le remède pour déplacer les gigantesques troncs. « L’idéal, ce serait un harnais », lance-t-il au castor qui continue bon gré, mal gré sa besogne.
« Tu es sérieux ? », interroge le castor, très intéressé par la muselière que lui montre Clochard. « Et comment ça marche ? », demande-t-il, dubitatif, « Est-ce que je peux l’essayer pour voir si c’est ma taille ? ». Extatique, le castor parvient à sectionner l’une des lanières de la muselière. Lady est à présent libérée de ses liens. Le castor est lui-même ravi. « Pas si vite, jeune homme, pas si vite », s’exclame-t-il au moment où Lady et Clochard tournent les talons, « D’abord, il faut que je sois sûr d’être satisfait avant de nous mettre d’accord sur un prix ».
Au comble du bonheur en entendant Clochard lui dire que c’est gratuit, le castor se remet à l’ouvrage. Coiffé de la muselière, il attache la laisse à une branche coupée. Il n’a alors pas le temps de tirer que le tronc se met à rouler à toute vitesse vers la rivière, coupant immédiatement son débit. « Oh ! Du premier coup ! », s’extasie le castor, « Tout seul ! Ça marche !!! ».
Initié dès la fin des années 1930 suite au triomphe en salle de Blanche Neige et les Sept Nains, La Belle et le Clochard trouve sa première inspiration dans un script rédigé par Joe Grant. Mettant en scène la propre chienne de l’artiste, l’histoire est bientôt couplée avec une nouvelle que Walt Disney découvre en 1943, Happy Dan, the Whistling Dog, and Miss Patsy, the Beautiful Spaniel écrite par Ward Greene. Les deux récits sont alors combinés par les scénaristes Joe Rinaldi, Erdman Penner, Ralph Wright et Don DaGradi. Ward Greene est lui-même associé à l’écriture du scénario qu’il adapte dans un nouveau roman titré Les Aventures de Lady et publié en 1955, année de sortie du film.
Ward Greene
Le castor apparaît dans le chapitre IX des (Les) Aventures de Lady. Comme dans le long-métrage, Lady vient d’être muselée par Tante Sarah. Clochard – nommé Kid dans le livre – la conduit alors au zoo. Si, dans le film, le vagabond ignore encore quel animal saura couper les liens, il se met ici directement en quête du castor. Alors que la nuit commence à tomber, Lady et lui croisent par hasard le petit rongeur qui se balade en dehors de son enclos. Loin d’être aimable, celui-ci s’agace d’ailleurs de la présence intempestive des deux chiens. Surtout, contrairement au film, il n’est en rien occupé à construire un barrage. Bien au contraire, même ! Le castor exige qu’on cesse de toujours attribuer à son espèce cette réputation d’éternels travailleurs. « On doit nous confondre avec ces idiotes d’abeilles qui ne cessent de se démener », s’exclame celui qui préfère flâner en toute liberté dans les allées du zoo. Il accepte finalement de couper la muselière, non pour s’en servir ensuite comme d’un harnais, mais simplement pour rendre service à Lady.
Le castor apparaît dans une seule et unique scène de La Belle et le Clochard. Son rôle est alors très différent de celui qu’il tient dans le livre de Ward Greene. Loin de se prélasser, l’animal est en effet cette fois bien occupé à construire un barrage. Les scénaristes de Disney jouent ainsi sur cette habitude qu’ont les castors à se protéger des prédateurs en édifiant des barrages naturels sur les rivières grâce à un enchevêtrement de branchages. Contrairement à ce qui est présenté dans le livre, le castor est ici beaucoup plus avenant et sympathique. Il n’accepte toutefois de rendre service à Lady que parce qu’il y trouve un intérêt personnel alors même que dans l’histoire de Ward Greene, il ne le fait que par pur altruisme.
Le castor apparaît sous les traits d’un petit mammifère à la fourrure marron. Son museau et son ventre sont plus clairs. Particulièrement grassouillet, son visage est marqué par de bonnes joues, de courtes oreilles et des sourcils noirs épais rehaussant un regard chaleureux. Ses longues dents sont aux cœurs de la séquence. C’est en effet grâce à elles qu’il parvient à couper la muselière de Lady. Dépassant largement de sa bouche, ce sont également elles qui provoquent ce léger sifflement lorsqu’il prononce les « S ».
L’apparence graphique du castor est notamment pensée par le scénariste Joe Rinaldi. Originaire de Boston où il naît le 1er août 1914, l’artiste débute sa carrière à la fin des années 1930. Engagé par Disney, il participe notamment à l’écriture de Dumbo, Mickey et le Haricot Magique, Pecos Bill, Le Crapaud et le Maître d’École, Cendrillon, Alice au Pays des Merveilles et Peter Pan. Dessinateur hors pair doué d’un coup de crayon remarquable, Rinaldi donne en particulier tout son cachet à La Belle et le Clochard. Il travaille ensuite sur La Belle au Bois Dormant et Babes in Toyland. Joe Rinaldi décède le 25 novembre 1974 à l’âge de soixante ans.
La première et la dernière apparition du castor sont animées par George Kreisl. Né dans l’Ohio le 27 janvier 1913, il entre chez Disney en 1939 et planche sur plusieurs courts-métrages parmi lesquels Donald a des Ennuis, Rendez-Vous Retardé, Pluto Postier, Pluto Chanteur de Charme, Pluto Bandit, Mickey et Pluto au Mexique, Pluto et le Bourdon, Pluto et le Rat des Champs, Morris, le Petit Élan, Donald et la Sorcière, La Fontaine de Jouvence de Donald ou bien encore Les Cacahuètes de Donald et L’Histoire d’Anybourg. Kreisl anime également les animaux jurés dans Alice au Pays des Merveilles, les Indiens et les pirates dans Peter Pan, ainsi que Lady et le castor dans La Belle et le Clochard. Au début des années 1960, il quitte finalement Disney et rejoint les rangs d’Hanna-Barbera. Associé aux productions des (Les) Jetson, Les Aventures de Yogi l’Ours, puis Le Petit Monde de Charlotte et Journey Back to Oz, il disparaît le 25 novembre 1988 à l’âge de soixante-quinze ans.
Le castor qui mesure la taille de son tronc est animé par Eric Larson. Membre du groupe des Neuf Vieux Messieurs, l’artiste est originaire de Cleveland où il voit le jour le 3 septembre 1905. Apprenant le dessin dès l’adolescence, il débute sa carrière en tant que rédacteur du journal de la fac puis comme graveur et enfin comme scénariste pour la radio. Grâce à l’entremise de Richard Creedon, il est engagé chez Disney le 1er juin 1933. C’est alors le début d’une carrière longue de plus de cinquante ans. Montant les échelons, Larson œuvre ainsi sur des dizaines de cartoons avant de collaborer à la production de Blanche Neige et les Sept Nains. En charge des animaux de la forêt, il enchaîne ensuite avec Pinocchio, Fantasia, Bambi, La Boîte à Musique et Mélodie du Sud. Créateur de Figaro, des chevaux ailés, des centaures, de Monsieur Hibou, de Sacha ou bien encore de Monsieur Lapin, il donne par ailleurs vie à Cendrillon, à la Chenille et à Peg. Remplacé par Clyde Geronimi à la direction de La Belle au Bois Dormant, Eric Larson travaille sur Les 101 Dalmatiens, Merlin l’Enchanteur, Mary Poppins, Le Livre de la Jungle, Les Aristochats, L’Apprentie Sorcière, Robin des Bois et Les Aventures de Winnie l’Ourson. Dernier vétéran encore en poste dans les années 1980, il forme la nouvelle génération avant de se retirer le 28 février 1986. Eric Larson disparaît le 25 octobre 1988.
Le passage durant lequel le castor coupe les liens de Lady est enfin créé par Milt Kahl. Lui aussi membre du groupe très fermé des Neuf Vieux Messieurs, l’artiste naît le 22 mars 1909 à San Francisco, en Californie. Débutant sa carrière modestement à l’âge de seize ans lorsqu’il est embauché comme dessinateur pour le journal The Oakland Post Inquirer puis pour le San Francisco Bulletin, il devient bientôt dessinateur d’affiches de cinéma. Il entre ensuite chez Disney en 1934. Se distinguant grâce à son caractère bien trempé de ses collègues qui redoutent ses colères mémorables, Kahl travaille comme intervalliste sur plusieurs cartoons de Mickey. Son talent lui permet rapidement de devenir animateur puis superviseur de l’animation. Très doué pour animer des humains, il collabore alors à presque tous les longs-métrages animés de Disney et donne vie à des personnages aussi fameux que Pinocchio, dont il définit l’apparence finale, Bambi, Brom Bones, Frère Lapin, Johnny Pépin de Pomme, Cendrillon, le prince Philippe et le roi Hubert, Roger Radcliff et Pongo, Merlin l’enchanteur ou bien encore Tigrou. Derrière l’animation remarquable de Shere Khan et de Madame Médusa, son ultime méchante, Milt Kahl est élevé au rang de Disney Legend en 1989, deux ans après sa mort survenue le 19 avril 1987 à l’âge de soixante-dix-huit ans.
En version originale, le castor est interprété par Stan Freberg. Né le 7 août 1926 à Los Angeles, le comédien étudie sur les bancs de l’université Stanford et de l’université de Redlands avant de débuter une carrière à la radio. Reconnu pour des imitations de diverses célébrités, il succède à Jack Benny sur les ondes de CBS en 1957. L’expérience est cependant de courte durée. Opposé à toute publicité en faveur de l’industrie du tabac et parfois contesté pour certaines blagues sur la bombe H, il est débarqué au bout de quinze semaines. À la tête de sa propre agence de publicité, Freberg, Ltd. créée en 1958, il prête sa voix à des dizaines de personnages animés parmi lesquels la souris Bertie, le cheval Charlie, l’ours Junior ou bien encore le castor de La Belle et le Clochard. Narrateur de la série Les Wuzzles, Stan Freberg disparaît le 7 avril 2015.
Dans le premier doublage français de La Belle et le Clochard réalisé en 1955, le castor est vocalisé par Paul Villé. Originaire du 10e arrondissement de Paris où il voit le jour le 18 octobre 1881, l’acteur évolue dans une famille d’artistes. Son père est en effet directeur de théâtre. Sa mère est, quant à elle, artiste lyrique. Au cinéma, Villé apparaît notamment dans Falstaff, Madame Sans Gêne, Le Père Lampion, Golgotha, Remontons les Champs Élysées, Une Si Jolie Petite Plage, La Valse de Paris, Ma Femme est Formidable, Si Versailles m’Était Conté, Les Misérables, ou bien encore Signé Arsène Lupin, La Folie des Grandeurs et Stavisky. Souvent cantonné à des seconds rôles, le comédien joue en parallèle au théâtre dans des pièces comme Madame Filoumé, Mon Père Avait Raison et À Travers le Mur du Jardin. Il mène enfin une carrière dans le doublage en prêtant sa voix, entre autres, à Walter Brennan, Adolphe Menjou et Desmond Llewelyn. Interprète d’Amos dans Franklin et Moi et du Lapin Blanc dans Alice au Pays des Merveilles, Paul Villé disparaît le 25 décembre 1977 à l’âge de quatre-vingt-seize ans.
Pour le redoublage de 1989, Paul Villé laisse sa place à Jacques Deschamps. Né le 14 août 1931 à Montpellier, le comédien suit les cours du Conservatoire de Toulouse puis commence sa carrière sur les planches dès les années 1950. Présent ponctuellement au cinéma ou à la télévision dans des fictions telles que Les Cousins et Le Samouraï, il se spécialise très tôt dans le doublage. Voix de Clint Eastwood dans ses premiers westerns et de Robert Stack dans Les Incorruptibles, Jacques Deschamps campe notamment le Roi dans Cendrillon, le castor dans La Belle et le Clochard, Merle Gogan dans Peter et Elliott le Dragon, Amos Slade dans Rox et Rouky, Dalben dans Taram et le Chaudron Magique, Fidget et Sherlock Holmes dans Basil, Détective Privé, Louie dans Oliver & Compagnie et le Roi Triton dans La Petite Sirène. Jacques Deschamps disparaît le 6 septembre 2001.
En 1997, le rôle du castor est repris par Éric Metayer. Fils de l’humoriste Alex Metayer né le 23 janvier 1958 dans le 15e arrondissement de Paris, il étudie au cours Florent avant d’apparaître dans son premier film, Un Étrange Voyage, en 1980. Sa filmographie est complétée avec des titres comme Hiver 54, l’Abbé Pierre, Les Mille et Une Nuits, La Belle Histoire, Les Chatouilles et Quand Tu Seras Grand. Il mène en parallèle une belle carrière au théâtre avec des apparitions dans Mariages et Conséquences, Panique au Plazza, Un Monde Fou, Les Aventures de Rabbi Jacob, Chats et Souris et Les 39 Marches qu’il met également en scène. Éric Metayer est par ailleurs une voix familière prêtée à des personnages comme Watto, Miss Piggy, Rizzo le rat, Rantanplan, Scrappy-Doo, Bonkers, José Carioca, Gurki, L’Hippocampe, Iago, Peine et Panique, Bob Razowski et Pikly.
Comme l’ensemble des personnages de La Belle et le Clochard, le castor est présent dans l’adaptation de l’histoire en bande dessinée.
Dans le court-métrage Donald et l’Écologie sorti en 1961, un castor est visible dans la forêt souillée par les déchets laissés derrière lui par Donald. Le sifflement émis entre ses dents lorsqu’il parle peut laisser penser qu’il s’agit d’un caméo de l’animal déjà présent dans La Belle et le Clochard.
Donald et l'Écologie (1961)
Le castor n’est pas présent au générique de la version en prises de vues réelles de La Belle et le Clochard réalisée par Charlie Bean en 2019. Un petit hommage est cependant rendu au personnage. Clochard parvient en effet à retirer la muselière de Lady en la coinçant entre les dents d’une statue en bronze représentant… un castor !
La Belle et le Clochard (2019)
Lorsqu’ils se lancent dans l’adaptation des histoires de Winnie l’Ourson après que les studios ont obtenu les droits de l’œuvre d’A. A. Milne en 1961, Walt Disney et ses auteurs décident d’ajouter un personnage totalement inédit pour accompagner les héros de la Forêt des Rêves Bleus.
Les artistes imaginent alors une taupe convoquée pour tenter d’aider Winnie, coincé dans l’entrée du terrier de Coco Lapin après avoir mangé trop de miel. Si sa fourrure n’est plus brune mais grise, l’apparence de ce nouveau protagoniste de Winnie l'Ourson et l'Arbre à Miel est par certains aspects très proche de celle du castor de La Belle et le Clochard. Lorsqu’il parle, il émet par ailleurs lui aussi un léger sifflement entre ses dents.
Personnage secondaire visible dans une seule et unique scène, le castor est un protagoniste adorable qui permet d’apporter un bon moment de comédie à La Belle et le Clochard.