Basil, Détective Privé
Titre original : The Great Mouse Detective Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 2 juillet 1986 Genre : Animation 2D |
Réalisation : Burny Mattinson David Michener Ron Clements John Musker Musique : Henry Mancini Durée : 73 minutes |
Le synopsis
En cette nuit de l'année 1897, Mr Flaversham, génial inventeur, célèbre l'anniversaire de sa jeune fille, Olivia. Mais la fête tourne court quand une horrible créature le kidnappe. Déboussolée, la pauvresse se décide alors à chercher de l'aide auprès du célèbre détective Basil.
D'abord bien peu compréhensif, ce dernier se fait plus réceptif quand il comprend que l'auteur de l'enlèvement ne peut-être que Fidget, une chauve-souris fidèle et stupide serviteur du démoniaque Professeur Ratigan. Régnant sur les bas quartiers de Londres, ce Vilain n'a, en effet, d'autres obsessions que de renverser la Reine des Souris au Palais de Buckingham pour s'emparer du pouvoir.
Commence alors une longue et difficile enquête semée d'embûches et de dangers...
La critique
Deuxième film de la nouvelle génération Disney, Basil, Détective Privé, le 26ème long-métrage des studios de Mickey est un film sans prétention, si ce n'est celle de faire oublier le désastre commercial (et certains diront artistique) de Taram et le Chaudron Magique. Le long-métrage se devait, en effet, d'être une œuvre reconnue tout en étant construit sur un budget maîtrisé. Le parfait contraire de son prédécesseur en quelque sorte ! Le pari fut, fort heureusement, relevé.
Basil, Détective Privé est une adaptation du roman pour enfants, Basil of Baker Street, d'Eve Titus. Cette auteure américaine, née le 16 juillet 1922 à New York et décédée le 4 février 2002 à Orlando en Floride, qui fut également pianiste de concert, poétesse et nouvelliste pour des magazines, est, en effet, surtout connue pour ses aventures des souris anthropomorphes Anatole et Basil dont tous les opus ont été illustrés par Paul Galdone. Sa série sur Basil -une souris habitant sous la maison de Sherlock Holmes- a fait ainsi l'objet de cinq volumes : Basil of Baker Street (1958), Basil and the Lost Colony (1964), Basil and the Pygmy Cats (1971), Basil in Mexico (1976) et Basil in the Wild West (1982).
Basil, Détective Privé nait de
la frustration de certains artistes, nouveaux venus chez Disney, ressentie à la
suite des innombrables problèmes rencontrés au cours de la production de
Taram et le Chaudron Magique. Agacés par l'ambiance détestable qui y régnait
alors, ils décident, en effet, de faire sécession et mettent en chantier un
projet parallèle : l'adaptation de Basil of Baker Street. Ron Clements et
John Musker (futurs réalisateurs de La Petite Sirène, Aladdin, Hercule, La
Planète au Trésor ou La Princesse et la
Grenouille) sont les premiers d'entre eux. La fronde ne porte pourtant pas
immédiatement ses fruits. Le dossier reste, il est vrai, six mois en suspens, en
attente d'une décision managériale. C'est le changement de Direction Générale,
initié par Roy
Disney qui fait bouger les lignes. Le neveu de Walt Disney ne tarde pas, en
effet, à prendre en charge le département Animation du studio de son oncle et,
convaincu de la qualité du pré-travail réalisé sur l'adaptation de l'histoire de
Basil, à soutenir le projet. Il n'a ainsi aucun mal à convaincre Michael Eisner
et Jeffrey Katzenberg d'assister à la présentation des story-boards. Michael
Eisner est d'ailleurs un familier de ce processus qu'il a appris à connaitre du
temps où il était responsable de la programmation des émissions "Jeunesse" sur
ABC, avant de prendre la tête de la Paramount... Jeffrey Katzenberg n'est pas en
reste puisque, lui-aussi, et toujours chez Paramount, y a pris l'habitude
d'analyser des story-boards de films, mais uniquement "Live" et, pour la
plupart, du genre "Action". En revanche, ni l'un, ni l'autre n'a l'habitude de
se voir présenter un film en entier, uniquement du point de vue de son
story-board. La séance est donc délicate : s'éternisant en longueur, elle est
même qualifiée de "difficile" par les intervenants. Pourtant, les nouveaux
patrons de Disney en sortent relativement enthousiastes. Ils posent néanmoins
deux conditions : le film doit être fait en moitié moins de temps que
Taram et le Chaudron Magique et avec un budget divisé par deux. Ils
assignent pour cela pas moins de quatre réalisateurs : Burny Mattinson, David
Michener, Ron Clements et John Musker.
Fin 1984, Basil of Baker Street, qui devient The Great Mouse Detective,
est mis en chantier. Il est terminé en juillet 1986 sans dépassement de budget.
Malgré la marque de confiance de la nouvelle Direction sur le projet Basil, le moral des animateurs Disney n'est pas bon. L'échec de Taram et le Chaudron Magique, puis le déménagement de leurs bureaux à Glendale, dans des préfabriqués, marquent les esprits. Pire, le staff de la compagnie, noyauté par les financiers, montre à la moindre occasion que l'Animation est le cadet de ses soucis, quand elle n'est pas présentée comme un boulet à trainer... Fort heureusement Roy Disney veille au grain, aidé en cela par Jeffrey Katzenberg : tous deux veulent, au contraire, revitaliser la division historique du studio. Ils partent ainsi sans tarder à la recherche de nouveaux talents passant de 160 personnes à 600. Les deux hommes pensent d'ailleurs qu'un manager à temps plein, véritable coach, capable de canaliser l'énergie des artistes et de la guider vers l'excellence (au contraire d'un technicien ou bureaucrate) est indispensable à la réussite de l'entreprise. Ils finissent par trouver la perle rare en la personne de Peter Schneider. Metteur en scène de renom, il commence sa carrière au théâtre en 1972. Il est alors connu pour son travail sur bon nombre de musicals, tel The Breakup Notebook, Regina, Norman's Ark ou Grand Hotel - The Musical. C'est après avoir organisé le festival d'Arts Olympiques à Los Angeles durant les jeux de 1984, qu'il est embauché chez Disney. Bien qu'il ne connaisse rien à l'animation, Peter Schneider est choisi pour amener un regard neuf et un nouvel état d'esprit. Devenu le premier Président de la nouvelle filiale Disney, Walt Disney Feature Animation, il fait preuve d'un sens managérial et artistique d'une exemplarité rare. Il canalise alors mieux que personne l'énergie et les idées des animateurs Disney, révélant toute l'étendue de leurs talents.
Le tout premier atout de Basil, Détective Privé est à l'évidence son script. Le scénario, certes très simple, est, en effet, terriblement efficace. Il déroule ainsi, sans temps mort, les péripéties d'une brillante souris détective. Le suspense, notamment, est omniprésent et rend l'action trépidante. Son rythme provient d'abord d'une importante coupe, rognant pas moins de 20 minutes de film. Il prend ensuite sa force dans les nombreux gags visuels ou répliqués, les dialogues étant, à ce titre, savoureux par moment. L'une des scènes les plus réussies est ainsi celle où Basil et Dawson, prisonniers de Ratigan doivent affronter son ingénieux et mortifère stratagème. Le Vilain utilise, il est vrai, un nombre impressionnant d'armes, se déclenchant les unes à la suite des autres après un compte à rebours monté tel un jeu de domino que même les auteurs de Saw ne renieraient pas. Basil et Dawson s'en sortent bien-sûr haut-la-main, le plus drôle étant qu'ils prennent la pose pour la photo finale que le mauvais rat avait prévu pour célébrer sa victoire. Tout simplement jouissif !
Le scénario de Basil Détective Privé
brillant plus par son rythme que par son originalité, sa galerie de personnages
aurait dû faire la différence : force est de constater que cela n'est pas
vraiment le cas !
Le plus gros problème vient du héros principal qui emporte difficilement
l'adhésion. Il semble froid et ses motivations plus axées sur l'esprit de
vengeance que la main tendue vers son prochain. Basil donne ainsi plus
l'impression d'accepter d'aider la petite Olivia pour coincer Ratigan que par
bonté d'âme. En outre, son aversion pour les enfants n'est forcément très
inspirée dans un film Disney dans la mesure où l'inconscient collectif de
génération entière de spectateurs est marqué à jamais par l'action généreuse
de SOS Société et de Bernard et Bianca en particulier... Après, il est vrai que le côté bourru et vieux garçon du
personnage a tout de même un certain charme, rehaussé d'ailleurs en français par
le magnifique doublage opéré par Roger Carel.
Le Docteur Dawson est lui beaucoup plus attachant. Malgré sa grande
intelligence, il conserve en effet une amusante attitude d'enfant alliée à une
bienveillance permanente. Sa véritable personnalité apparait d'ailleurs dans une
scène riche en enseignements, où, enivré, il perd toutes notions de savoir-vivre
et danse en public sans retenue. En réalité, celui qui ne devrait être qu'un
faire-valoir du héros joue tout au long de l'aventure un trop fort contrepoids ;
une situation menant alors au parasitage d'images entre les deux, preuve
indéniable de la mauvaise construction du casting tout entier.
Si le héros ne brille pas par son humanité, la victime, elle, est, dans son
registre, tout à fait convaincante. Olivia, une petite souris qui vient de voir
son père enlevé sous ses yeux, est en effet un personnage terriblement attachant
dont les ressources sont nombreuses. Ainsi, passé le choc du kidnapping, elle ne
verse pas dans l'apitoiement mais reste au contraire déterminée à faire face à
l'adversité.
Face aux camps des gentils dont la cohésion n'est pas forcément évidente, celui
des vilains est autrement plus convaincant. Charismatiques à souhait, Ratigan et
Fidget sont, en effet, des personnages impressionnants de noirceur. Le premier,
en particulier, doublé dans la version originale par Vincent Price et animé de
main de maître par Glen Keane (heureux papa d'Ariel dans
La Petite Sirène ou de La bête dans La
Belle et la Bête) est la méchanceté personnifiée. Son esprit malade,
calculateur et inventif fait, il est vrai, des merveilles. Le second est, lui,
une belle transposition de Crapaud, le seul personnage réussi de
Taram et le Chaudron Magique. Pas très futé, maladroit, il sait néanmoins se
montrer parfois tout aussi effrayant que son Maître. Il est, à n'en pas douter,
un idéal acolyte de méchant !
Les personnages principaux, gentils comme méchants, évoluent bien évidement au
milieu d'une galerie de rôles secondaires plus ou moins bien définis. Certains
sont toutefois à distinguer. La reine des souris animée par Andreas Deja (Gaston
dans La
Belle et la Bête ou Jafar dans Aladdin), le
chien de Toby, fort sympathique et la chatte de Ratigan, Felicia, aux multiples
mimiques disposent, en effet, des ressources suffisantes pour véritablement
exister dans le récit. Tous les autres, en revanche, ne font que passer...
Si l'histoire de Basil, Détective Privé tout comme sa galerie de
personnages ne sont pas totalement vertueuses, il est une décision qui apparait
elle tout à fait salutaire : le film marque, en effet, le retour des chansons.
Disney effectue là un virage à 180 degrés par rapport à son film précédent qui
en était, imbécilement, dépourvu. La leçon sera d'ailleurs retenue : véritables
institutions dans les longs-métrages de la firme de Mickey, les chansons ne
feront plus défaut à aucune de ses productions pour les quinze années à venir.
Curieusement, ici, c'est le vilain qui se taille la part du lion : Ratigan a, il
est vrai, l'honneur d'interpréter deux des trois morceaux du long-métrage (The
World's Greatest Criminal Mind, Goodbye So Soon), volant, au passage,
un peu plus, la vedette à Basil. Si la deuxième chanson, jouée au travers d'un
tourne-disque, ne fait qu'accompagner le fabuleux stratagème pour se débarrasser
du détective, la première -un vrai morceaux de music-hall dont Broadway ne
rougirait pas !- est, elle, destinée à accompagner le récit. Enfin, la troisième
chanson échappe aussi à Basil : Let Me Good to You est, il est vrai,
interprétée par une danseuse de la taverne où Dawson s'enivre, permettant
d'ailleurs à ce dernier de développer sensiblement son capital-sympathie.
Toujours côté musique, le film dispose également d'une superbe partition écrite
et orchestrée par Henry Mancini, particulièrement connu pour son générique de
La Panthère Rose.
Académique sur bien des points, Basil, Détective Privé innove pourtant
sur le plan de la technologie. Il est, en effet, le premier film d'animation
Disney à utiliser aussi intensément les images de synthèse. Dans la somptueuse
scène finale, course poursuite mémorable à l'intérieur de Big Ben, les rouages
de la fameuse horloge londonienne sont ainsi réalisés en 3D et servent de décors
aux personnages animés, eux, en 2D puis intégrés. Le résultat final est tout
simplement époustouflant, surtout pour l'époque.
En revanche, si les progrès techniques sont visibles, l'animation (budget oblige
!) n'est pas forcément parfaite tout au long du film : la majorité des plans est
certes superbe mais les arrière-plans, eux, trop souvent statiques, gêneront les
amateurs d'animation les plus attentifs.
Basil, Détective privé est accueilli par des critiques bienveillantes et
soulagées de voir Disney de retour avec un film plus modeste et plus léger. Pour
autant, victime d'une campagne de promotion défaillante comme les équipes de
Mickey s'en rendent parfois coupables (Kuzco,
l'Empereur Mégalo, La
Planète au Trésor...), le succès commercial lui échappe. Il ne rapporte
ainsi que 21 millions de dollars (soit la même somme que
Taram et le Chaudron Magique) là où La Belle et
le Clochard ressorti la même année engrange 10 millions de plus. Il n'empêche :
Basil, Détective Privé, compte tenu du son budget maitrisé, est un
long-métrage économiquement rentable (d'autant plus qu'il a droit à une
ressortie au cinéma en 1992 sous le titre de The Adventures of the Great
Mouse Detective !)
Mieux, il redonne de l'espoir aux équipes Disney qui prennent, avec lui,
conscience que le succès est à portée de pinceau. L'imagination revient ainsi
doucement au pouvoir avec des projets qui marqueront, eux, l'histoire de
l'animation tels
Qui
Veut la Peau de Roger Rabbit ou encore
La Petite Sirène.
Basil, Détective Privé se doit d'être (re)découvert : il s'agit d'un dessin animé sans prétention, certes, mais terriblement sympathique !