Félicia

Lorsqu'il se met en tête de renverser la monarchie et de s'emparer du trône du Royaume des souris, l'infâme Professeur Ratigan sait s'entourer. Il dispose de l'aide de nombreux sbires au premier rang desquels la chauve-souris à jambe de bois Fidget. Il met également la main sur le pauvre Hiram Flaversham, fabriquant de jouets obligés malgré lui de créer un clone mécanique de la Reine Moustoria. Surtout, le « Napoléon du Crime » s'offre le soutien précieux de Félicia, énorme chatte qui, dans ce monde de souris, est un atout indéniable.

Lorsqu'ils se lancent dans l'adaptation de Basil of Baker Street d'Eve Titus, les scénaristes de Disney disposent des nombreux personnages créés par l'auteure américaine et dessinés par l'illustrateur Paul Galdone. Basil, Dawson, Ratigan, Mrs. Judson sont ainsi au casting. Mais cela ne semble pas suffisant. Les artistes peuplent ainsi leur histoire d'autres protagonistes, de la petite Olivia au chien Toby, en passant par la chauve-souris Fidget et la chatte Félicia, qui est donc une création Disney absente de l'œuvre d'Eve Titus. Le félin apparaît dans l'histoire lorsque le méchant, indisposé par l'attitude désinvolte de l'un de ses hommes de main, décide de l'éliminer. Le brave Bartholomée, souris alcoolique, vient en effet de le traiter de « rat le plus scélérat » et au passage de ruiner son numéro musical. Et ceci est intolérable. Indisposé, Ratigan le condamne immédiatement à mort.

Le Professeur sort une clochette de sa veste. Tout le monde semble savoir ce qu'elle signifie. Avec le tintement, il appelle sa « petite biche », l'énorme Félicia. Le glas sonne. Une ombre apparaît sur un mur. La Terre tremble. Derrière Bartholomée, ivre mort et chantant, la chatte s'approche. Du point de vue des souris, elle est colossale. Un miaulement plus tard, la souris a été avalée. Ratigan essuie la bouche de sa « princesse », de sa « chouchoute » qui fait son rot, signe que le rongeur est bien digéré. Un peu plus tard, à nouveau agacé, c'est son bras-droit Fidget, que le méchant donne en pâture à sa chatte. La chauve-souris a en effet égaré la liste donnée par son maître et mis Basil sur sa trace. C'est intolérable. Hors-champ, la clochette résonne. Le repas peut commencer ! Pour Félicia, l'exercice est cependant plus compliqué. Car si la souris ivrogne s'est laissée croquer sans broncher, la chauve-souris tente tant bien que mal de se sortir de là. Fidget a cependant plus de chances que Bartholomée. La chatte n'a pas encore réussi à l'avaler lorsque Ratigan revient sur sa décision et épargne celui qu'il pense pouvoir encore utiliser pour piéger le détective.

A la fin du film, celle qui n'a pas mangé Fidget se voit offrir un met plus délicat. Félicia est en effet associée au coup d'Etat de Ratigan. Et son rôle est simple. Elle doit servir de monture aux sbires du méchant et les conduire au palais. Surtout, désormais remplacée par un robot à son image, la Reine Moustoria doit disparaître sur le champ et Félicia est chargée de se repaître de la souveraine ficelée. Bondissant au balcon du palais, la chatte pense faire un bon repas mais c'est sans compter sur Basil et surtout sur Toby le chien, qui fonce sur le félin avec fureur. Pris de panique, l'animal pense se sauver en bondissant par-dessus un mur. Narguant Toby, elle ignore encore qu'elle s'apprête à sauter dans l'enclos de la garde canine royale ! Suite et fin de Félicia dont les miaulements de détresse et les touffes de poils projetées en l'air laissent entrevoir le sort !

Félicia fait partie de ces nombreux animaux qui peuplent la galaxie Disney et servent de bras droit aux méchants, à l'image de Lucifer, de Si et Am, de Brutus et Néron, de Roscoe et Desoto, de Joanna, de Flotsam et Jetsam ou encore de Iago. Enorme félin, la chatte tient un double rôle dans Basil Détective Privé. Elle représente tout d'abord une menace extrême. Car si Ratigan est grosso modo de la même taille que ses ennemis, il dispose avec la chatte d'un pouvoir immense. La scène du meurtre de Bartholomée laisse entendre que le Professeur est prêt à tout et que Félicia est son arme ultime contre ses ennemis. Mais la chatte possède également une grande force comique. Enorme et grasse, coiffée d'un nœud violet ridiculement petit comparé à sa corpulence, Félicia semble être complètement idiote. N'obéissant qu'au son de la clochette de Ratigan, elle parait dépourvue d'esprit d'analyse. Ne pensant qu'à manger, elle ne parle pas, ne réfléchit pas. C'est d'ailleurs bêtement qu'elle disparaît de l'intrigue en se précipitant toute seule dans la gueule des chiens de la garde royale.

Le personnage de Félicia a notamment été développé par Mike Gabriel. Réalisateur de Bernard et Bianca au Pays des Kangourous, Pocahontas, une Légende Indienne et Lorenzo, Gabriel entre chez Disney après être passé sur les bancs de CalArts en 1979. Assistant animateur sur Rox et Rouky, il suit les cours d'Eric Larson et collabore à Taram et le Chaudron Magique et Oliver & Compagnie. Il est crédité au générique de La Ferme se Rebelle, Volt, Star Malgré Lui, La Princesse et la Grenouille, Winnie l'Ourson, Rebelle, Frankenweenie et Les Mondes de Ralph, notamment comme directeur artistique. Même si elle ne parle pas, Félicia est doublée pour ses miaulements par Frank Welker qui prête aussi sa voix au chien Toby. Welker est un habitué de l'animation Disney puisqu'il interprète des personnages nombreux comme Max, Joanna, Abu, Rajah, Flit, Cri-Kee ou Lucifer.

Félicia n'apparaît dans aucune autre production animée des studios Disney. Néanmoins, elle est présente dans plusieurs bandes dessinées. Elle reprend son rôle dans l'adaptation du film. Mais elle intervient également dans d'autres histoires notamment publiées dans Le Journal de Mickey à la fin des années 1980. Le lecteur découvre ainsi que la chatte a logiquement réussi à s'échapper des crocs des chiens de la garde. Elle répond d'ailleurs toujours aux ordres de Ratigan qui semble avoir également survécu.

Si Félicia n'est pas un personnage marquant dans la longue liste des méchants de Disney, elle n'en reste pas moins l'une des protagonistes les plus savoureux de Basil Détective Privé, alternant entre menace et bouffonnerie. Une jolie prestation, donc.