Rebelle
Titre original : Brave Production : Pixar Animation Studios Date de sortie USA : Le 22 juin 2012 Genre : Animation 3D 3-D |
Réalisation : Mark Andrews Musique : Patrick Doyle Durée : 90 minutes |
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Au cœur des terres sauvages et mystérieuses des Highlands d'Ecosse, Merida, l'impétueuse fille du roi Fergus et de la reine Elinor, ne veut pas devenir princesse ! Virtuose de l'arc, elle refuse, en effet, de se voir confinée dans un rôle d'apparat qu'elle déteste par dessus tout. S'obstinant ainsi à défier une tradition millénaire sacrée aux yeux de tous, elle précipite bien involontairement son royaume dans le chaos. Il lui faudra, dès lors, faire preuve de beaucoup de détermination pour déjouer la terrible malédiction qu'elle a déclenchée...
La critique
Rebelle est le 13ème long-métrage des Pixar Animation Studios. Il a ainsi, bien malgré lui, le funeste dessein de devoir faire oublier aux fans du label, la déception de Cars 2. L'objectif est clair : Pixar revient avec lui à ce qui a fait sa réputation. Loin de la facilité de la dernière aventure de Flash McQueen et de son acolyte Martin, Rebelle offre, en effet, en plus de ses images somptueuses, une musique envoutante, un humour subtil et des personnages attachants. Tout ce qui a manqué, peu ou prou, à son prédécesseur ! Le film marque d'ailleurs un certain nombre de traitements totalement inédits chez le studio de Luxo Jr. Il s'agit ainsi, pour lui, du tout premier conte de fée, du tout premier personnage principal venu du beau sexe et de la toute première action située dans un contexte historique ! Autant de nouveautés que de défis à relever. Mais voilà, en s'aventurant dans le genre, pour la première fois de son histoire, Pixar craint la comparaison avec son grand frère, les Walt Disney Animation Studios dont les contes de fées avec des personnages féminins charismatiques sont, depuis 75 ans avec Blanche Neige et les Sept Nains jusqu'au dernier en date Raiponce, le fonds de commerce ! Et forcément, aller en territoire conquis par d'autres ôte mécaniquement à celui qui s'y aventure, aussi compétent soit-il, l'exploit de la démarche. Or, l'originalité étant justement la marque de fabrique de Pixar, la sensation de manque est d'autant plus grande ! Pour la première fois de son histoire, le studio de Luxo Jr entend surfer sur un héritage qui n'est pas le sien ! A vouloir se la jouer Disney sans le revendiquer, il prend le risque de s'éloigner des recettes de son ainé qui, sur le genre, fonctionnent toujours, et tout le temps. Le spectateur ressort ainsi de Rebelle, certes satisfait, pas totalement comblé. Après le déception de Cars 2, le temps des pépites du quatuor Ratatouille, WALLE, Là-Haut, Toy Story 3 n'est visiblement pas revenu...
Il n'empêche : il serait spécieux de trop bouder son plaisir : Rebelle mérite attention ! Sa création doit, à l'origine, beaucoup à Brenda Chapman. Native de l'Illinois, après des études à la California Institute of the Arts, la jeune femme commence à travailler en tant qu'animatrice chez DiC Entertainment notamment sur Dennis la Malice et S.O.S. Fantômes. Elle rentre par la suite chez Disney où elle travaille en tant qu'intervalliste sur Qui Veut la Peau de Roger Rabbit, puis au département histoire et storyboard sur La Petite Sirène, Bernard et Bianca au Pays des Kangourous, La Belle et la Bête, Le Roi Lion, Le Bossu de Notre-Dame et Fantasia 2000. Outre un - déjà - joli parcours professionnel, Disney lui offre l'opportunité de rencontrer Kevin Lima (le réalisateur de Tarzan et d'Il Était une Fois) qu'elle épousera... En 1994, elle quitte néanmoins les studios de Mickey, alors en pleine tempête managériale, pour suivre Jeffrey Katzenberg lors de la création de DreamWorks. Il faut dire que ce dernier ne lui offre pas moins que le poste de réalisatrice de son premier long-métrage d'animation traditionnelle, Le Prince d'Egypte. Elle devient ainsi la première femme à la tête d'un film d'animation 2D au sein d'un grand studio américain. Elle travaille ensuite sur les histoires de Shrek, Chicken Run et Sinbad : La Légende des Sept Mers. En septembre 2003, Joe Ranft la convainc de rejoindre Pixar où elle travaille sur l'histoire de Cars - Quatre Roues avant de se lancer dans l'aventure de Rebelle.
L'inspiration première du film, remonte donc au milieu des années 2000 et prend sa source dans la relation personnelle de la réalisatrice elle-même avec sa fille. Le but n'était pourtant pas, pour elle, de donner uniquement dans le traitement d'une relation mère / fille mais plutôt d'avoir une vision moderne et élargie de la famille, transposée à l'époque des contes de fées, un univers cher à Brenda Chapman. Elle pense ainsi situer le lieu dans un large périmètre, quelque part dans l'Europe du Nord. Mais ses origines écossaises et son attirance pour le pays de ses ancêtres font leur œuvre. Bien vite, Rebelle dont le nom de code est alors The Bear and the Bow prend définitivement pour lieu de base l'Ecosse. De même, se fixent assez vite l'apparence de Merida avec sa tignasse rousse bouclée et son goût pour l'indépendance. D'autres aspects du film se font eux bien plus délicats à mettre en place ! L'histoire, en premier lieu, donne du fil à retordre. Le scénario s'avère compliqué à l'excès et la réalisatrice a alors du mal à le simplifier sans le dénaturer. La saison de l'action pose également problème. A l'origine, les paysages sont envisagés enneigés avant qu'il ne leur soit préféré une représentation de l'Ecosse plus verte et infiniment plus bucolique. Enfin, la réalisatrice place bien trop d'éléments magiques dans la première mouture de l'histoire au point de gêner la Direction de Pixar, peu à l'aise avec l'ambiance obtenue. Le désaccord artistique s'accentuant avec John Lasseter, Brenda Chapman se voit alors retirée du projet, immédiatement réorienté et renommé en Brave. La réalisatrice, malgré ce moment difficile, et contrairement à de nombreuses rumeurs, ne quitte pourtant pas le studio qui la crédite même en tant que réalisatrice sur le film ; un geste à souligner tant la chose est rare quand un artiste quitte un projet en cours de route...
Les rênes sont alors transmises à Mark Andrews. Après avoir réussi ses études à la CalArts, il débute sa carrière chez Warner où il travaille sur les films d'animation comme Excalibur, L'Épée Magique, Le Géant de Fer ou Osmosis Jones. A la suite d'un rapide détour par Sony pour Spider-Man puis chez Cartoon Network où il planche sur Star Wars : Clone Wars, il intègre Pixar en décembre 2000. Il travaille alors sur l'histoire de films comme Les Indestructibles, Cars - Quatre Roues, Ratatouille et Toy Story 3 et réalise parallèlement le court-métrage L'Homme Orchestre. Il participe également à l'écriture de l'histoire de John Carter tout en étant le réalisateur de la deuxième équipe ; Rebelle étant sa première réalisation d'un long-métrage d'animation...
Mark Andrews amène plusieurs changements au projet. Le principal consiste à recentrer l'histoire sur Merida et alléger profondément la complexité du récit. De nombreux éléments magiques sont abandonnés au profit d'une accentuation du traitement de la relation mère / fille devenue point central du scénario. Pour autant, le récit est toujours bancal et ne donne pas entièrement satisfaction. Si Rebelle se laisse, en effet, suivre avec grand plaisir, une sorte de complexe d'infériorité vis à vis des œuvres « conte de fée » venues des Walt Disney Animation Studios se ressent à son visionnage. Les studios Pixar l'ont bien compris et le marquète d'ailleurs très bien : ils répètent à l'envie qu'il s'agit là de leur premier conte de fée et de leur première héroïne ! En revanche, ils refusent catégoriquement la comparaison avec Disney et éludent la question quand elle leur est soumise. Comme s'il fallait taire la prédominance de Disney sur le genre ! Paradoxe aidant, cet autisme ne tient pas le choc face au reflexe presque inné des critiques et du public à souligner dans Rebelle ses côtés (trop) disneyens. Car le vrai problème n'est pas, en soi, de s'être inspiré du catalogue Disney mais de vouloir le nier. Cela fait 75 ans que le label de Walt Disney adapte des contes de fées avec des héroïnes ! Impossible, dans ces conditions, et plus encore pour une entité de la compagnie de Mickey, de ne pas trouver ici des références à l'une des œuvres emblématiques de son label. La Petite Sirène, dans la relation d'Ariel et de son père, fait immanquablement penser à Merida et sa mère tandis que la fin de Pocahontas, une Légende Indienne signe la relation avec son père ; et naturellement le thème de Frère des Ours est à l'évidence repris largement. Tout cela fait courir à Rebelle le risque certain du reproche de manque d'originalité. Réussi mais pas inédit : voilà la caractéristique principale du film !
Gêné aux entournures par un domaine que Disney maitrise mieux que lui, Pixar retient donc son audace légendaire. Rebelle peine ainsi par des bridages qui l'empêchent de développer son incroyable potentiel. Tout d'abord, Merida n'est pas une princesse vivant au sein d'une famille à problèmes : pas de rivalités ou même de jalousies ! Tout le monde est ici aimant. Elle est, dans ce contexte, une adolescente typique avec ses deux parents et ses petits frères. Comme il se doit à l'ère contemporaine, elle se croit incomprise de ses ainés, à commencer par sa mère à l'endroit de laquelle elle réserve des mots parfois très durs. La morale du film est, de fait, limpide : plus que de réparer, il convient surtout de ne jamais négliger l'amour de sa famille. D'ailleurs, pour le coup, le titre français apparait bien mieux inspiré que l'original, Brave, tout comme la première appellation, The Bear and the Bow, semblait, elle, plus en adéquation avec la thématique du récit ! Car, si Merida est courageuse, elle n'est, en réalité, jamais vraiment en danger ou alors de façon extrêmement limitée, et dans le temps, et dans l'intensité... Pire, il n'y a pas de vrai méchant dans Rebelle ?! Erreur de débutant, tant Walt Disney, pour le genre, n'a cessé de répéter que c'est toujours le vilain, si tant est qu'il soit réussi, qui transcende le héros ou l'héroïne. Or, Pixar, plus par posture que par réelle réflexion, a préféré zapper cette exigence. Dès lors, le problème est manifeste dans la construction du récit : d'incessants allers-retours entre le château et la forêt plombent la notion de quête ou de découverte d'un monde et révèlent un tâtonnement scénaristique coupable. Mais quel est le but de tout cela ?! Mystère.
La qualité de Rebelle ne peut néanmoins être réduite à ces réserves d'écriture ! Pixar a, en effet, tellement mis la barre haute qu'un film simplement bon est quelque peu déroutant pour son auditoire habituel, nourri depuis toujours à la quasi perfection. Car – et que cela soit dit haut et fort – il y a des belles choses dans Rebelle ; à commencer par l'humour (amené par la quasi totalité des personnages de façon toujours subtile) et l'émotion (avec la relation mère/ fille et une fin tire-larmes au possible) ; tous deux omniprésents...
Dans ce constat, la véritable réussite du film est assurément à rechercher du
côté de ses personnages, tous plus attachants les uns que les autres.
Merida est, au sein d'eux, une jeune fille pleine de fougue et de caractère.
Comme toute adolescente moderne qui se respecte, elle souhaite s'accomplir dans
une autre vie que celle imaginée pour elle par sa mère. Loin des carcans venus
de son rang, elle veut simplement galoper aux quatre vents avec son cheval Angus
à travers les Highlands de l'Ecosse et parfaire, par la même, sa maitrise du tir
à l'arc. Plus proche de son père, niveau caractère, elle a hérité de son courage
et de son talent d'archer. A l'inverse, elle ne comprend absolument pas sa mère,
bien trop posée et diplomate pour son esprit fougueux. Rien ne caractérise au
mieux Merida que sa chevelure rousse bouclée et complètement hors de contrôle.
Il est d'ailleurs amusant d'apprécier la symbolique des tentatives désespérées
de sa mère pour la dompter alors que Merida ne cherche qu'à la libérer, quitte à
avoir au moins une mèche rebelle (la justesse du titre français prend là aussi
tout son sens !). La jeune fille est parfaitement doublée par Kelly MacDonald (Finding
Neverland) ; sa voix française bénéficiant de la grâce de Bérénice Bejo,
tout droit venue de The Artist.
La Reine Elinor représente ici la paix, le respect des traditions et
l'abnégation face aux responsabilités de gestion d'un royaume. C'est réellement
elle qui tiens les rênes de la politique et de la diplomatie entre les clans
réunis. A la fois pleine de grâce et de sagesse mais toujours d'une grande force
de caractère, elle est le parfait opposé de sa fille, en ce qu'elle est posée et
calme. Elle ne pense, en réalité, qu'au bien-être de sa famille et de son royaume
et ne parvient pas à comprendre les réactions égotistes de son héritière. C'est
Emma Thompson qui lui prête sa voix en anglais signant là sa deuxième
participation à un film de l'entité Disney après le rôle du Capitaine Amelia
dans le
Walt Disney Animation Studios,
La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers.
Le Roi Fergus est, quant à lui, le père de Merida et le protecteur du Royaume.
Héroïque guerrier, il aime à raconter ses exploits pour le plus grand bonheur de
sa fille tandis que ses garçons le jugent plutôt ennuyeux. A ses côtés, le reste
de la famille royale se compose, en effet, de trois triplés, Harris, Hubert et
Hamish, aussi roux que leur sœur et toujours prompts à faire des bêtises. Ces
trois canailles amènent beaucoup d'humour surtout dans leur capacité à imaginer
des tours pendables à leur servante préférée. Leur relation avec Merida est
également touchante tant ces quatre-là s'aiment et s'entraident dans les coups
durs comme dans les bêtises...
Outre la famille régnante, le royaume comporte trois seigneurs, Lord Dingwall,
Lord Macintosh et Lord MacGuffin. Respectivement chefs de leurs clans, ils sont
indisciplinés et débordants de zèle. Autrefois en guerre les uns contre les
autres, ils ont été unifiés par l'épée du Roi et amenés à faire la paix par la
diplomatie de la Reine. Chacun est accompagné de son fils ainé, assez original
dans son genre : le jeune Macintosh est, dans le trio, le séducteur de ses dames
; le jeune MacGuffin baragouine, lui, un dialecte écossais incompréhensible pour
la plupart de gens tandis que le jeune Dingwall est le gringalet, maladroit de
service. Ils amènent beaucoup d'humour au récit et, en particulier, quand ils se
comportent comme des « gaulois autour d'un banquet »...
L'autre vrai personnage du film est à l'évidence l'Ecosse elle-même !
Rebelle sait, en effet, parfaitement restituer l'aura de ce magnifique pays.
Les décors de ses Highlands et Castle y sont tout simplement époustouflants. Le
folklore n'est pas en reste aux travers de la représentation de ses habits
typiques comme le kilt ou de sa musique de cornemuse envoutante à souhait, sur
fond de légendes et autres cercles de monolithes. Et que dire de l'effet sur
l'auditoire du mythe des Will o' The Wisps.
En Écosse, par un phénomène
naturel, des gaz des marécages et des marais se répandent, il est vrai, sur la
terre et rayonnent de leur couleur bleue ; des légendes ancestrales voulant que
certains se sont perdus à les suivre, pensant qu'ils étaient formés de petites
fées... Rebelle surfe avec bonheur sur le thème et fait de ces petites
lumières, éclairant le chemin, les guides de Merida dans la forêt : elles la
conduisent à bouleverser son destin, donnant au film tout entier une petite
touche de magie fort sympathique.
Pour restituer toutes ces beautés, Pixar s'est, une fois de plus, surpassé. Le film jouit, en effet, d'une technique irréprochable au point de faire croire aux spectateurs qu'ils sont transposés sur place. Jamais aucun film d'animation en image numérique n'a été aussi organique. Le public se prend à rêver de pouvoir toucher les mousses épaisses et pourtant fragiles qui recouvrent les Highlands écossaises. De même, l'eau n'a jamais été aussi crédible qu'elle soit limpide ou croupie. Un gros travail a été également fait sur les habits, que se soit les robes, les tartans et autres capes de fourrures. De la sorte, jamais des personnages Pixar n'avaient porté autant de couches de vêtements de façon si naturelle ; le rendu des texture,s faits de soie ou de tissus plus rugueux, étant plus que bluffant. La chevelure de Merida est du même acabit, impressionnante par son naturel et sa beauté. Au final, la seule chose, quelque peu contestable, dans l'animation est celle des humains non caricaturaux (Merida, Elinor...), un tantinet en dessous des prouesses réalisées par Disney sur Raiponce ou Flynn. Il n'empêche : chacun des instants du film vaut le détour, y compris l'ultime, formé par une sympathique scène rajoutée en toute fin, après générique, sorte d'hommage à l'anime d'Hayao Miyasaki, Le Château Ambulant...
Enfin, pour compléter le tableau d'honneur, la musique est à souligner par ce qu'elle a de magnifique dans son utilisation, toute en finesse et assurance, des sons de l'Ecosse. Patrick Doyle, compositeur autochtone, a su, par elle, parfaitement retranscrire l'ambiance du film. Il a transcendé l'histoire et les décors en y amenant beaucoup d'authenticité, mêlant la grandeur à l'intime. Les spectateurs se retrouvent ainsi plongés mille ans en arrière dans un voyage fabuleux au travers d'un héritage musical à la fois celtique et écossais. Une sensation magnifiée par la présence d'une chanson gaélique, Noble Maiden Fair, également signée du compositeur mais interprétée par Emma Thompson et Peigi Barker. Trois autres titres viennent d'ailleurs agrémenter le film dont deux chantées par Julie Fowlis en anglais (et Maeva Méline en français), Touch the Sky et Into the Open Air. Ce sont de magnifiques airs entrainants, interprétés par dessus l'action et non directement par les personnages. Enfin, la chanson du générique de fin, Learn Me Right est portée par Birdy, jeune chanteuse britannique d'à peine seize ans.
Refusant d'intégrer l'héritage qui lui vient de son studio-grand frère, Pixar s'est contenté avec Rebelle de livrer un beau film ; là où il avait le potentiel d'en faire une véritable pépite. Les spectateurs se résoudront donc à déguster des images somptueuses, des personnages attachants, de l'humour bien senti, des musiques magnifiques et des chansons entêtantes, tout en regrettant une histoire peu originale et manquant d'audace...