Là-Haut
Titre original : Up Production : Pixar Animation Studios Date de sortie USA : Le 13 mai 2009 (Ouverture du Festival de Cannes) Le 29 mai 2009 Genre : Animation 3D 3-D |
Réalisation : Pete Docter Bob Peterson Musique : Michael Giacchino Durée : 96 minutes |
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
A 78 ans, Carl n'envisage plus qu'une chose : finir tranquillement sa vie dans la petite maison où il a passé toute une existence paisible auprès de son épouse Ellie. Veuf désormais, il reste, en effet, attaché à son passé en refusant les propositions mirobolantes d'un promoteur pour racheter son bien. Quand des circonstances exceptionnelles le contraignent d'intégrer une maison de retraite, il prend une ultime fois les choses en mains et, transformant sa demeure en dirigeable, s'envole pour l'aventure, vers la partie du monde où sa femme et lui s'étaient promis un jour de s'installer.
Il ne se doute pas alors qu'il a emporté avec lui un jeune passager clandestin, Russell et que le voyage sera loin d'être de tout repos...
La critique
Là-Haut est déjà le dixième film des studios Pixar. Le studio à la lampe de bureau, partie intégrante de Disney depuis Cars - Quatre Roues, affiche en effet dix long-métrages au compteur qui ont tous eu la particularité d'émerveiller leur public. Et chacun a d'ailleurs toujours poser la même interrogation : comment, après lui, parvenir encore à faire rêver, dépayser et finalement, époustoufler son auditoire ? Jamais, jusqu'alors, Pixar n'a déçu, ni le public, ni la Critique. Ce sans-fautes artistique et commercial fait de lui le seul studio à pouvoir s'énorgueillir de n'avoir que de véritables merveilles dans son catalogue. Là-Haut, dernier en date, ne déroge pas à la règle. Film ambitieux et complet, il emmène le spectateur dans un tourbillon d'émotions, du rire au larme, à la découverte de contrées exotiques et mystérieuses dans une aventure fascinante. Une pépite !
La réussite de Là-Haut repose d'abord sur son réalisateur,
Pete Docter.
Devenu en quelques années seulement un des piliers de Pixar, il a, somme toute,
une jeune carrière derrière lui. Il se découvre dès l'âge de huit ans une vraie
passion pour l'animation et réalise alors ses premiers « flipbooks ». Il étudie
par la suite au California Institute of the Arts - CalArts à Valencia, en
Californie, une école fondée par Walt Disney lui-même, où il signe plusieurs
films d'étudiants dont Winter, Palm Springs. Son projet de fin
d'études, Next Door, est logiquement primé aux "Oscars des Ecoles".
Diplôme en main, Pete Docter se consacre d'abord à l'animation 2D dans plusieurs
studios prestigieux dont celui de la Walt Disney Company. Les débuts de sa
collaboration avec Pixar remontent en fait à 1990. Il commence
d'abord par animer et réaliser des films publicitaires, puis, aux côtés de John Lasseter et d'Andrew Stanton, développe l'histoire et les personnages de
Toy Story, le tout premier long métrage animé
entièrement réalisé en images de synthèse et le premier "Pixar" de l'histoire du
cinéma. Il en assurera finalement la supervision de l'animation. Il travaille
ensuite sur le scénario de Toy Story 2 et le
storyboard de 1001 Pattes. Sorti renforcé de cette
collaboration, il a la chance d'être le premier artiste à succéder à John Lasseter en tant que réalisateur d'un film Pixar. Pete Docter fait ainsi ses
débuts avec Monstres & Cie, nommé à l'Oscar du
meilleur film d'animation et qui reste, aujourd'hui encore, une des œuvres les
plus poétiques du studio. Il contribue également au développement de l'histoire
de WALLE, lui valant une nomination à l'Oscar du
meilleur scénario original. Là-Haut devient donc sa
deuxième réalisation de long-métrage qu'il partage toutefois avec un
co-réalisateur en la personne de Bob Peterson.
L'origine du film est incroyablement banale. Elle provient, en effet, d'un dessin de personnage représentant un homme âgé un peu bougon vendant des ballons colorés. Cette image simplissime a tout bonnement enflammé l'imagination de Pete Docter et Bob Peterson qui ont brodé, autour d'elle, tout un imaginaire les transportant même sur une île déserte perdue au milieu de l'océan. Le duo s'amusait à délirer gentiment quand il s'est vu imposer naturellement le point de départ de toute l'aventure du film, emblématique et frappant : une maison emportée dans les airs par des milliers de ballons ! Si l'image est forte, les deux créateurs du projet prennent vite conscience qu'elle ne peut toutefois constituer que l'un des éléments de l'intrigue. Aussi, c'est à partir et autour d'elle qu'ils bâtissent l'histoire du voyage initiatique d'un vieil homme, Carl, et d'un jeune aventurier de 8 ans, Russell, que le hasard réunit dans une aventure extraordinaire...
Car la vraie force de Là-Haut est indéniablement son récit. D'une
richesse et d'une profondeur insoupçonnable, il sait aussi se montrer, ça et là,
d'une simplicité réjouissante. Le tourbillon d'émotions proposé est, en fait,
permanent et impressionne par sa capacité à faire passer le spectateur du rire
au larme, en un petit clin d'œil avec une grande intensité ; aucun film
d'animation n'est assurément jamais allé aussi loin. Et pour cause !
Là-Haut ne s'interdit rien ou presque. Abordant des thèmes ambitieux, il se
fait fort de ne jamais donner dans le mélodramatique ou la niaiserie. Tout est
juste et subtile, agrémenté de moment drôles, cocasses et légers. Le film
enchaine ainsi les sujets délicats avec finesse : l'amour, la vieillesse, la fin
de vie, le deuil, les promesses jamais tenues, les sales coups du destin, les
souvenirs, la nostalgie du temps passé, les conflits de génération,
l'apprentissage de l'existence mais aussi la recherche de sa place dans la
société... Là-Haut s'amuse avec les codes qu'il dynamite habilement et
renvoie comme autant d'erreurs quotidiennes. Le film réhabilite notamment la
vieillesse en montrant une facette méconnue des personnes âgées. Les spectateurs
redécouvrent en réalité "leurs" vieux et réapprennent à voir en eux les hommes
et les femmes qu'ils n'ont jamais cessé d'être. Plus question, après
Là-Haut, de railler un ancien attaché à ses bibelots et autres souvenirs
camelotes...
Non content d'être une comédie dramatique sociétale, Là-Haut est aussi,
d'une manière fort habilement amenée, un magnifique film d'aventures. Oubliant
les aventuriers-gros-bras à l'américaine (difficile en effet de convaincre sur
ce registre avec un personnage central de 78 ans !), il rend un bel
hommage à l'animation japonaise. La maison qui s'envole dans les airs grâce à
des milliers de ballons, le sauvetage d'un oiseau rare, le vieil aventurier
resté ancré dans les années 30 ou encore les décors superbes de l'Amérique du
Sud sont autant de clins d'œil appuyés aux meilleures histoires emplies de
poésies et d'exotisme du Maître incontesté des animes, Hayao Miyazaki.
Pour développer son récit et atteindre ses ambitieux objectifs, Là-Haut
s'appuie sur une galerie de personnages exceptionnels de présence.
Carl Fredricksen, doublé sobrement et brillament en français par le chanteur
Charles Aznavour, est sans contexte le plus beau, le plus profond et le plus
complexe des personnages créés par les magiciens de Pixar. L'idée même d'avoir
choisi un vieillard de 78 ans comme personnage principal d'un film d'animation
est aussi brillante que fantasque. Elle torpille à merveille le culte tout
puissant réservé à la jeunesse dans les sociétés modernes. D'ailleurs, pour s'en
convaincre, il suffit de voir les marchés financiers lourdement sanctionner la
Walt Disney Company, malmenant son cours de bourse, à la seule évocation d'un
projet de film d'animation portant comme personnage central un vieil homme. La
crise étant passée par là, il est maintenant aisé d'envisager que les traders se
commettent une fois de plus avec Carl dans l'erreur d'analyse. Le personnage a
en effet toutes les capacités à emporter l'adhésion du public, dans toutes les
phases de son évolution. Du vieux bougon solitaire du début, à l'ancien respecté
et intégré de la fin, il passe par toute une série de stades qui le rendent
toujours plus attachant. Ses motivations sont limpides, son épaisseur
incontestable : il incarne finalement une certaine idée de la sagesse,
malicieuse à souhait. Si Carl Fredricksen a, en effet, l'apparence d'un
vieillard, il n'en reste pas moins un grand enfant, et particulièrement
quand il s'agit d'en gérer un autre, bien réel celui-là.
Russell, un jeune scout de 8 ans, croise la route de Carl avec la ferme
intention (certes, toute dictée dans son manuel de bonnes actions !) de l'aider
dans ses tâches quotidiennes, même contre son gré. Point d'altruisme dans sa démarche ! Au contraire, un calcul simple : le
vieillard doit lui permettre de décrocher le dernier badge d'explorateur qui lui
manque pour accéder au rang supérieur. Obèse, en mal de reconnaissance, le gamin
est le pendant parfait du vieil homme : le premier peine à trouver sa place dans
la société tandis que le second lutte pour la conserver. D'abord insupportable,
(le spectateur applaudit honteusement des deux mains à la vue de la solution
radicale envisagée par Carl pour s'en débarrasser), Russell gagne peu à peu en
sympathie (sa jeunesse et sa maladresse ouvrant la voie à de nombreux gags) pour
se révéler finalement terriblement attachant.
Au cours de leur périple, Carl et Russel rencontrent des acolytes cocasses et
sympathiques.
Kevin est le premier d'entre eux. Baptisé par Russell, comme il le ferait d'un
meilleur ami imaginaire, il est, en réalité, une femelle oiseau rarissime haute
de 4 mètres, incapable de voler. Elle se terre au plus profond de la jungle, non
loin des chutes du Paradis. Doté d'un fascinant plumage et d'un cou
interminable, Kevin fait preuve d'une vivacité exceptionnelle en dépit de sa
taille imposante. Sa relation avec les deux explorateurs, drôle la plupart du
temps, est le point de départ d'une aventure hors du commun.
L'autre acolyte du duo est Doug. Adorable golden retriever, il vit, à l'origine,
auprès d'une meute de chiens lancée à la recherche de Kevin. Raillé par ses
congénères pour sa bêtise supposée, il est équipé, comme eux, d'un collier
ultrasophistiqué capable de transformer ses pensées en paroles. Dénué de toute
capacité de recul, il sort tout ce qui lui passe par la tête, sans contrôle, à
la manière d'un jeune enfant non encore éduqué. Il devient vite une vraie
mascotte et se révèle adorable dans ses interventions.
En parfait Disney par procuration, Là-Haut possède un méchant
charismatique que le destin a bien sûr fabriqué contre son gré. Au début des
années 30, Charles F. Muntz, un riche et séduisant aventurier, fait, il est
vrai, rêver le monde entier en parcourant le globe à bord de son spectaculaire
dirigeable, découvrant au cours de ses nombreuses et périlleuses expéditions,
des trésors insoupçonnés. Alors qu'il ramène un beau jour l'étrange squelette
d'une créature des montagnes d'Amérique du Sud, il est immédiatement accusé, par le monde
scientifique unanime, d'escroquerie intellectuelle et d'affabulation grossière.
Défait de toutes ses décorations, conspué par la presse, Charles F. Muntz, se
retire et se met en quête d'un spécimen vivant pour témoigner de sa bonne foi et
retrouver son rang. Devenu aigri, méchant et sournois, il affronte Carl et
Russel dans un combat pour s'emparer de Kevin.
Comme tout bon vilain Disney qui se respecte, Charles F. Muntz est accompagné de
faire-valoir. Une meute de chiens (collègues de Doug) est ainsi à son service.
Tous équipés d'un collier les dotant de la parole, soucieux de bien faire sans
en avoir toujours les capacités, ils livrent ainsi des numéros
impressionnants... de drôlerie, à commencer par l'effet provoqué par un mauvais
fonctionnement du haut parleur de leur voix virtuelle.
Fort d'une histoire remarquable et d'une galerie de personnages exemplaire, Là-Haut bénéficie en outre du savoir-faire technique des studios Pixar dont la maturité est atteinte. Ils n'ont visiblement plus rien à prouver et démontrent, une fois encore, la parfaite maitrise de leur art qui décidément surclasse tous les concurrents. Dés lors, la technique n'est là que pour mieux souligner l'histoire. Les décors dans la ville, le ciel ou la jungle sont ainsi somptueux, l'animation parfaite. La technologie Disney Digital 3-D, que Pixar utilise ici pour la première fois (contrairement à Disney qui l'a déjà testée avec succès pour Chicken Little, Bienvenue chez les Robinson et Volt, Star Malgré Lui), est, quant à elle, également utilisée à bon escient. La 3-D reste, en effet, subtile sans jamais être agressive. Elle s'apprécie notamment lors des magnifiques plans d'envol de la maison ou à l'occasion des scènes d'actions en fin de film... La musique de Michael Giacchino vient pour sa part magnifier l'ensemble. Rappelant parfois Ratatouille, elle sait, il est vrai, parfaitement souligner le récit qu'il se situe dans l'émotion, l'action ou le comique.
Non content d'être parfait en tous points, Là-Haut se paye le luxe
d'ouvrir, en demeurant hors compétition, le Festival de Cannes 2009. Cette
présence n'est pourtant pas une première pour Disney. Les studios de Mickey ont,
en effet, par le passé, brillé sur la croisette. Leur toute première
participation remonte ainsi à 1946 avec la présentation, en compétition, du film
La Boite à Musique : il remporte alors le Grand
Prix International du dessin animé. L'année suivante est projeté
Dumbo, quelques mois avant sa sortie en France qui
redécouvrait à l'occasion les chefs d'œuvres de Walt Disney dont elle avait été
privée durant la guerre. Présenté lui aussi en compétition, il remporte le Grand
Prix du dessin animé. En 1953, Peter Pan repart
lui bredouille. Il faut attendre ensuite pas moins de 37 ans pour revoir un
Disney à Cannes avec, en 1990, la projection hors compétition de
La Petite Sirène puis en 1992, toujours hors
compétition, de La Belle et la Bête. Avec
Là-Haut, Disney, certes sous sa double signature Pixar, renoue avec les
fastes cannoises. Le film est en fait un évènement à plus d'un titre. Déjà,
c'est la première fois qu'un film d'animation est présenté en ouverture du
festival. Il faut voir là - enfin !- une véritable reconnaissance des
professionnels du cinéma. Pour la première fois donc, le cinéma d'animation
n'est pas relégué au second plan comme un sous-cinéma destiné uniquement aux
enfants. Il s'impose comme un art à part entière pour tous les publics,
apte à recevoir une reconnaissance générale et mondiale. Le Festival de Cannes
fait ainsi un beau cadeau à tous les amoureux de l'animation. La date est donc à
marquer d'une pierre blanche, d'autant que c'est aussi la première fois que
Cannes ouvre avec un film 3-D. Cette technologie est présentée aujourd'hui comme
une révolution au même titre que la parole ou la couleur. Pourtant, le procédé
est quasiment aussi vieux que le cinéma ! Dans les années 50 (en 1953 pour être
précis) les studios hollywoodien ont, d'ailleurs, déjà tenté de relancer la mode
de la 3 Dimension, en réponse au développement jugé dangereux de la télévision.
Les studios Disney ont à cette époque tenté l'expérience avec, entre autres, le
cartoon, Les Cacahuètes de
Donald. Sans véritablement de succès.
Effet mode, vraie révolution ou moyen habile de faire passer tous les cinémas au
numérique ou de combattre la concurrence du téléchargement, il est trop tôt pour
le dire. Une chose est sure : les studios Disney sont aujourd'hui les fers
de lance du renouveau du cinéma en 3 Dimension. Ils ont été, dans les années
2000, la première major américaine à investir dans le procédé, ont déposé, pour
se faire, un label (le Disney Digital 3-D) et projettent avec, à l'heure actuelle,
une petite vingtaine de films.
Dernière histoire 100% originale de Pixar, avant les suites Toy Story 3 en 2010 et Cars 2 en 2011, (dont la seule évocation fait craindre déjà une baisse de régime du studio) Là-Haut s'impose comme une nouvelle pépite pixarienne. Emotion, action, poésie, drôlerie... Tout est au rendez-vous, là-haut dans le ciel mais surtout au cinéma. Du grand, du vrai, du Pixar !
A noter :
Là-Haut a remporté le Golden Globes du Meilleur Film d'Animation et de la Meilleure Musique.