La Demoiselle Souris

Il est souvent d’usage, dans les films d’animation Disney, d’offrir aux spectateurs une issue heureuse grâce à laquelle chacun peut dire au revoir aux personnages avec le sentiment que leurs aventures sont bel et bien terminées. Certains longs-métrages se distinguent toutefois par leurs fins ouvertes laissant présager de nouvelles intrigues. C’est en particulier le cas de Basil, Détective Privé, le classique de 1986 qui s’achève avec l’arrivée au domicile du héros d’une mystérieuse Demoiselle Souris.

Après avoir vaillamment combattu et vaincu le Professeur Ratigan au cours d’un duel dantesque au sommet de la tour de Big-Ben, Basil est enfin de retour à la maison. Distingué par la Reine Moustoria en personne, le célèbre détective a ainsi sauvé le Royaume des Souris. Il a par ailleurs permis à Hiram Flaversham de retrouver sa chère petite fille, Olivia. Cerise sur le gâteau, le solitaire et asocial Basil est parvenu à briser sa carapace en se liant d’amitié avec le Docteur Dawson qui l’a accompagné durant bon gré, mal gré, toute son enquête. Tout est donc bien qui finit bien. Happy End!

Mais alors que le bon docteur est sur le point de reprendre sa vie normale, quelqu’un frappe à la porte. « Tiens, qui vient donc voir ? », s’étonne Basil. Sur le perron, une mystérieuse jeune femme s’interroge. « Suis-je… Suis-je au domicile du célèbre Basil de Baker Street ? ». Répondant par l’affirmative, le docteur Dawson autorise la demoiselle à entrer. Son mouchoir à la main, celle-ci est en plein désarroi. « Laissez-moi vous présenter mon fidèle associé, le docteur Dawson, qui m’aide à démêler toutes mes affaires… N’est-il pas vrai, docteur ? », explique Basil qui profite de l’occasion pour convaincre Dawson de rester à ses côtés en devenant son associé.

Dans tous ses états, la Demoiselle Souris tente de contenir ses larmes. Passant son mouchoir sur ses yeux, elle ne tarde pas à découvrir les talents de déduction de Basil qui, rien qu’en la regardant, comprend déjà le nœud du problème. « Comme vous le voyez, Dawson, cette jeune personne nous arrive tout droit de Hampstead, et elle est bouleversée par la mystérieuse disparition d’une bague, une émeraude, qu’elle portait au majeur de sa main droite… Maintenant, racontez-moi votre histoire et n’omettez aucun détail, je vous prie… ».

Alors que l’histoire principale de Basil, Détective Privé s’achève, une nouvelle intrigue est à peine effleurée au moment où le générique de fin s’affiche à l’écran, offrant ainsi aux spectateurs une fin ouverte sur de possibles aventures en devenir. Le mystère reste toutefois entier concernant cette enquête au sujet de laquelle les informations demeurent largement superficielles. Si chacun comprend, grâce à Basil, qu’il s’agit d’une affaire de perte de bijou, aucun indice ne filtre concernant l’identité de sa propriétaire, une charmante Demoiselle souris éplorée.

Créée de toutes pièces par les artistes de Disney afin de donner un prétexte au partenariat naissant entre Basil et le docteur Dawson, la Demoiselle Souris ne fait explicitement référence à aucun protagoniste de Basil Détective (Basil of Baker Street), le best-seller d’Eve Titus et Paul Galdone paru en 1958 et dont les scénaristes se sont servis pour écrire Basil, Détective Privé. Peut-être s’agit-il alors de Mademoiselle Relda, cette ravissante chanteuse d’opéra dont Basil tombe amoureux et dont la personnalité est elle-même inspirée d’Irene Adler, la célèbre aventurière imaginée par Sir Arthur Conan Doyle dans la nouvelle Un Scandale en Bohême parue en 1891.

Le Docteur Watson et Mary Morstan,
gravure de Richard Gutschmidt, Le Signe des Quatre, 1902

L’idée d’Eve Titus, reprise par les auteurs de Disney, étant de transposer les histoires de Sherlock Holmes dans le monde des souris, la charmante Demoiselle peut également représenter Mary Morstan, l’un des personnages du (Le) Signe des Quatre, la deuxième aventure du célèbre détective écrite par Conan Doyle en 1899 avant une parution en 1890. Dans le roman, Morstan se présente en effet au 221B Baker Street pour solliciter l’aide de Sherlock Holmes. Décrite comme une charmante blonde aux yeux bleus, elle tombe bientôt sous le charme du docteur Watson qu’elle épouse à la fin de l’histoire. Dans Basil, Détective Privé, le fait que ce soit le docteur Dawson qui ouvre la porte peut laisser planer l’hypothèse que ladite Demoiselle Souris est bien l’alter égo de Mary Morstan dans le monde des souris.

Visible seulement une poignée de secondes, la Demoiselle Souris possède, comme Mary Morstan au demeurant, de grands yeux bleus, peut-être un indice permettant de confirmer son identité cachée. Sa chevelure, peut-être blonde comme celle de Morstan, est dissimulée sous un large chapeau orné d’une fleur et de plumes. Vert, le couvre-chef est assorti au long manteau revêtu par-dessus une robe rose fermé au niveau du col par une pierre précieuse.

Développée par les artistes de Disney qui prévoyaient peut-être de donner un jour une suite à Basil, Détective Privé, la Demoiselle Souris est animée par Andreas Deja. Né à Gdańsk, en Pologne, le 1er avril 1957, l’artiste se découvre une passion pour l’animation après avoir découvert Le Livre de la Jungle à l’âge de onze ans. Naturalisé allemand, il se met alors en tête de travailler un jour pour les studios Disney à qui il écrit des lettres et envoie ses dessins. Encouragé à persévérer, il suit les cours de l’université Folkwang Hochschule d’Essen d’où il sort diplômé. Passant de l’autre côté de l’Atlantique, il correspond un moment avec le vétéran Eric Larson avant de finalement réaliser son rêve. En août 1980, il est en effet engagé par les studios Disney qui le mettent au travail sur Taram et le Chaudron Magique. Collaborant avec Tim Burton, il produit alors des dizaines de recherches graphiques et anime certains passages avec le héros. Promu animateur puis superviseur, Andreas Deja donne notamment naissance à des personnages comme la Reine Moustoria, Roger Rabbit, le roi Triton, Gaston, Jafar, Scar et Hercule. Créateur de Mickey dans Le Prince et le Pauvre et Fantasia 2000, il anime Flying John, la reine Narissa, Lilo, Alameda Slim, Mama Odie et Tigrou. Associé à la restauration de plusieurs classiques des studios parmi lesquels Blanche Neige et les Sept Nains et Pinocchio, il quitte finalement Disney. Récompensé par un Disney Legends Award le 14 août 2015, il travaille entre 2019 et 2023 sur le film Mushka, sa première réalisation.

En version originale, les quelques répliques de la Demoiselle Souris sont prononcées par Shani Wallis. Née le 14 avril 1933 à Tottenham, dans le nord de Londres, l’artiste monte sur scène dès l’âge de quatre ans. Poursuivant ses études au Royal Academy of Dramatic Art, elle décroche au cours de sa carrière des dizaines de rôles dans le West End avec des apparitions dans Call Me Madam, Irma la Douce, King Cole, Bus Stop, 42nd Street, Follies… Interprète de Nancy dans la comédie musicale oscarisée Oliver! (1968), elle joue également au cinéma dans des films comme Ramsbottom Rides Again (1956), Un Roi à New York (1957), Terror in the Wax Museum (1973), Arnold (1973) et Panique en Plein Ciel (1976). Naturalisée américaine, Shani Wallis mène en parallèle une prolifique carrière de chanteuse.

En France, le rôle est tenu par Jacqueline Porel, la directrice artistique chargée de superviser le doublage de Basil, Détective Privé. Originaire de Divonne-les-Bains où elle naît le 14 octobre 1918, l’actrice évolue dans une famille de comédiens et d’artistes. Elle débute au théâtre dès les années 1930 avec des apparitions dans Septembre, La Grande Catherine, Britannicus et Caroline a Disparu. Au cinéma, elle joue par ailleurs dans Les Beaux Jours, Romance de Paris, La Jeune Folle, La Vérité, Le Capitan, Le Repos du Guerrier et Germinal. Directrice artistique à l’œuvre sur des dizaines de films, Jacqueline Porel prête en outre sa voix à Deborah Kerr, Audrey Hepburn, Maggie Smith, Lana Turner, Katharine Hepburn, Maureen O’Hara et Kim Novak, ainsi qu’à des personnages comme Madame de Trémaine, la Reine et le Porc-Épic. La comédienne disparaît le 29 avril 2012 à quatre-vingt-treize ans.

Comme celles des autres personnages de Basil, Détective Privé, les apparitions de la Demoiselle Souris demeurent très rares.

Elle est ainsi présente dans l’adaptation en bande dessinée du long-métrage animé. Visible seulement dans deux cases, son costume diffère quelque peu de celui du film. Les lecteurs apprennent au passage qu’elle est depuis peu l’héritière d’une immense fortune.

Visible uniquement à la toute fin de Basil, Détective Privé, la Demoiselle Souris permet d’offrir aux spectateurs une sympathique fin ouverte permettant à chacun de donner libre cours à son imagination.