Flying John
Date de création : Le 01 janvier 2000 Nom Original : Flying John Créateur(s) : Eric Goldberg Susan Goldberg Andreas Deja |
Apparition : Cinéma |
Le portrait
Au début des années 1990, Roy E. Disney, fils de Roy O., lance la production de Fantasia 2000. Avec ce film, il concrétise alors l’un des rêves avortés de son oncle, Walt Disney, celui de donner une suite à Fantasia, le concert animé sorti en 1940. Pour ce faire, les plus grands compositeurs passés et contemporains sont convoqués, en particulier George Gershwin dont l’une des plus belles partitions, Rhapsody in Blue, illustre avec brio la vie tumultueuse d’une poignée de New-Yorkais parfois désabusés par leur morne existence, à l’image de Flying Joe, un homme écrasé par l’autoritarisme de sa femme et dont le rêve le plus fou serait de pouvoir un jour s’envoler loin d’elle.
La clarinette de Jim Kanter sort les premières notes. Une ligne claire trace les contours des gratte-ciel dont les lumières percent l’obscurité de la nuit. Le jour sur le lève sur la skyline de New York. La ville et ses habitants s’éveillent. Les résidents du Goldberg, un immeuble d’appartements cossu, surgissent par la porte tambour. Parmi eux, le brave Flying John est tiré au dehors manu militari par sa corpulente femme, Margaret, une épouse hautaine et stricte qui règne sans partage sur le couple.
Margaret est en effet une femme de caractère alors même que John, de son côté, est un être doux et rieur. Il aime s’amuser. Une marelle tracée à la craie sur le sol est une distraction à laquelle il ne peut résister. Mais Margaret veille au grain. D’un simple coup d’œil désobligeant, elle ordonne à son mari de cesser de sautiller sur le champ !
Un peu plus tard, c’est le petit ouistiti accompagnant un joueur d’orgue de barbarie qui attire son attention. L’animal est mignon avec son petit chapeau et son gilet. John se penche et s’amuse à l’imiter. Tous les deux se mettent à danser sur le trottoir. La chorégraphie a tôt fait d’être interrompue par Margaret qui, une fois encore, ne souffre pas ce genre de comportement...
Remis à sa place, John est contraint de suivre sa femme sans broncher jusqu’à l’intérieur du Pampered Pooch, un magasin d’accessoires pour chiens où Foo-Foo, le petit animal chéri de madame, ne manquera pas d’être très gâté. Panier, coussin, gamelle, jouets, couvertures, brosses, ours en peluche... Rien n’est trop beau pour le petit toutou à sa mémère. Pendant que sa femme dépense sans compter, Flying John passe de son côté le temps en jouant avec un petit os en caoutchouc avant de s’écrouler sur le sol sous le poids des dizaines d’articles achetés par Margaret...
Laissant sa femme dilapider des fortunes pour son chien, Flying John s’éloigne vers la fenêtre. Blasé et désabusé, il regarde au dehors. En contrebas, il aperçoit deux amants en train de glisser sur la patinoire du Rockefeller Center. Lui-même s’imagine alors virevolter sur la glace jusqu’à s’envoler au-dessus des nuages dans un grand vent de liberté. Son rêve est cependant brisé lorsque l’employé de la boutique lui montre l’interminable facture laissée par sa femme...
Particulièrement agacé par le comportement de Margaret, John reprend le chemin de la maison avec une pile de paquets si haute qu’elle lui obstrue la vue. Il ne se rend dès lors pas compte que sa femme vient d’être happée et soulevée du sol par un crochet de chantier. Ce n’est que plus loin qu’il découvre l’absence de sa femme. Regardant autour de lui, il aperçoit bientôt une affiche faisant la promotion d’un concert de jazz au club du coin. John adore la musique. Sa femme semble avoir tout bonnement disparu. Quelle aubaine !
N’imaginant pas une seconde que son épouse est en train d’hurler à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol, John assiste au concert depuis la scène où il danse, bras dessus, bras dessous, avec quatre merveilleuses femmes !
Époux malheureux et malmené par sa femme, John est l’un des protagonistes du segment inspiré de Rhapsody in Blue, l’une des œuvres maîtresses de George Gershwin composée en 1924. Mêlant jazz et musique classique, le morceau, magnifique, illustre ici le quotidien de quelques New-Yorkais désabusés rêvant chacun d’une autre vie. Joe, un chômeur touché de plein fouet par la Dépression, espère ainsi trouver au plus tôt un travail. Duke, un ouvrier de chantier, rêve pour sa part de pouvoir un jour se consacrer pleinement à sa passion pour la musique. Rachel, une petite fille confiée à sa nounou, aimerait quant à elle pouvoir passer plus de temps avec ses parents obnubilés par leur travail. John, pour sa part, souhaiterait obtenir un peu plus de considération de sa femme, Margaret, qui le brime sans cesse et lui interdit formellement toute forme d’amusement.
Héros truculent surnommé par ses créateurs « Flying John » (« John, l’épris de liberté »), John est l’exact opposé de son épouse Margaret. Elle est hautaine et pompeuse. Lui s’avère être un petit bonhomme très aimable et affable. Margaret est une adulte stricte et rigide. John se comporte quant à lui comme un petit garçon désireux de s’amuser. Elle déteste toute forme de jeu. Lui adore être distrait par toutes les distractions qui peuvent, çà et là, jalonner son chemin.
Comme l’ensemble des personnages de l’opus, Flying John sort tout droit de l’imagination d’Eric Goldberg, le réalisateur de la séquence, et de celle de son épouse Susan.
Né à Levittown, en Pennsylvanie, le 1er mai 1955, Eric Goldberg fait ses études au Pratt Institute de Brooklyn d’où il sort diplômé en dessin. Dès le milieu des années 1970, il est engagé par Richard Williams pour qui il travaille comme animateur sur le film Raggedy Ann & Andy: A Musical Adventure. Installé à Londres, Eric Goldberg fonde bientôt son propre studio, Pizazz Pictures, spécialisé dans la réalisation de publicités animées. À la fin des années 1980, il rejoint les studios Disney et se voit confier l’animation du Génie dans Aladdin, un travail qui lui vaut une nomination aux Annie Awards. Collaborant avec la légende Chuck Jones pour créer la séquence animée de Madame Doubtfire, Goldberg est promu co-réalisateur de Pocahontas, une Légende Indienne aux côtés de Mike Gabriel avant d’être choisi pour donner vie à Philoctète dans Hercule.
Eric et Susan Goldberg
Après les segments inspirés de Rhapsody in Blue et du (Le) Carnaval des Animaux inclus dans Fantasia 2000, Eric Goldberg réalise les séquences animées du long-métrage Les Looney Tunes Passent à l’Action réalisé par Joe Dante pour le compte de Warner Bros.. Prêtant au passage sa voix à Titi, Marvin le Martien et Speedy Gonzales, l’artiste, nommé aux Annie Awards, anime avec Bob Kurtz le générique de La Panthère Rose en 2006 avant de revenir chez Disney. Là, il réalise l’animation de l’attraction Grand Fiesta Tour Starring The Three Caballeros installée à Epcot. Il collabore aussi à la production de Comment Brancher son Home-Cinéma avec Dingo puis à celle de La Princesse et la Grenouille où il anime le personnage de Louis. Une fois encore en lice aux Annie Awards, il supervise Coco Lapin dans Winnie l’Ourson et les tatouages de Maui dans Vaiana, la Légende du Bout du Monde. Il participe en outre à la conception du storyboard des (Les) Mondes de Ralph ainsi qu’à l’animation du court-métrage À Cheval avec Mickey qu’il anime dans les spectacles Nighttime Spectaculars au Disneyland Park, Disney Gifts Of Christmas And Celebrate! à Tokyo Disneyland et We Love Mickey à Hong Kong Disneyland. En 2010, un Winsor McCay Award couronne l’ensemble de sa carrière.
Eric Goldberg collabore avec son épouse Susan (Sue) Goldberg. Mariée le 7 septembre 1982, celle-ci est née le 6 octobre 1957. Engagée chez Disney, elle participe aux productions de Pocahontas, une Légende Indienne, Le Bossu de Notre-Dame, Hercule puis à Les Simpson : Le Film pour le compte de 20th Century Fox. Artiste élevée au rang de directrice artistique chargée de la mise au net de la séquence animée de Madame Doubtfire, elle collabore avec son mari lors de la production de Fantasia 2000. Elle est alors récompensée par un Annie Award pour son travail. Susan Goldberg participe également à la réalisation du film Magic Lamp Theater à Tokyo DisneySea ainsi qu’à celle d’A Monkey’s Tale pour le centre culturel bouddhiste d’Hong Kong. Toujours pour Disney, elle conçoit la façade de l’Animation Pavilion de Disney California Adventure.
Pour l’animation de John, Eric Goldberg est épaulé par une petite équipe d’artistes dont fait notamment partie Andreas Deja. Né à Gdańsk, en Pologne, le 1er avril 1957, l’artiste se découvre une passion pour l’animation après avoir découvert Le Livre de la Jungle à l’âge de onze ans. Naturalisé allemand, il se met alors en tête de travailler un jour pour les studios Disney à qui il écrit des lettres et envoie ses dessins. Encouragé à persévérer, il suit les cours de l’université Folkwang Hochschule d’Essen d’où il sort diplômé. Passant de l’autre côté de l’Atlantique, il correspond un moment avec le vétéran Eric Larson avant de finalement réaliser son rêve. En août 1980, il est en effet engagé par les studios Disney qui le mettent au travail sur Taram et le Chaudron Magique. Collaborant avec Tim Burton, il produit alors des dizaines de recherches graphiques et anime certains passages avec le héros. Promu animateur puis superviseur, Andreas Deja donne notamment naissance à des personnages comme la reine Moustoria, Roger Rabbit, le roi Triton, Gaston, Jafar, Scar et Hercule. Créateur de Mickey dans Le Prince et le Pauvre et Fantasia 2000, il anime la reine Narissa, Lilo, Alameda Slim, Mama Odie et Tigrou. Associé à la restauration de plusieurs classiques des studios parmi lesquels Blanche Neige et les Sept Nains et Pinocchio, il quitte finalement Disney. Récompensé par un Disney Legends Award le 14 août 2015, il travaille depuis décembre 2019 sur le film Mushka.
L’apparence graphique de Flying John, comme celle de l’ensemble des personnages de Rhapsody in Blue, s’inspire de l’œuvre incontournable de l’illustrateur Al Hirschfeld. Né à Saint-Louis le 21 juin 1903, l’artiste suit les cours de l’Art Students League de New York. Passant durant son cursus par Paris et Londres où il apprend la peinture, le dessin et la sculpture, il est repéré en 1924 par la rédaction du New York Herald Tribune grâce à l’entremise de son ami l’attaché de presse Richard Maney. Publiée dans le New York Times et dans des dizaines d’autres journaux et revues, l’œuvre d’Hirschfeld se distingue par son style inimitable et l’usage de lignes épurées tracées à l’encre noire avec une plume de corbeau taillée par ses soins. Durant sa carrière longue de près de quatre-vingts ans, le dessinateur a ainsi croqué les plus grandes célébrités du XXe siècle. Outre Rhapsody in Blue, son style a inspiré Eric Goldberg au moment d’animer le Génie d’Aladdin. Honoré par la Medal of Art remise par la National Endowment of the Arts, par le National Medal of Arts et par une étoile sur le St. Louis Walk of Fame, Al Hirschfeld est mort le 20 janvier 2003. Une partie de son œuvre est exposée au Metropolitan Museum of Art et au Museum of Modern Art de New York et au sein de l’Université d’Harvard.
Pour concevoir le personnage de Flying John, Eric Goldberg s’est notamment inspiré du journaliste et écrivain John Culhane. Né le 7 février 1934 à Rockford, dans l’Illinois, l’auteur se passionne très tôt pour le cinéma d’animation. Élève de l’Université de Saint-Louis, il accomplit l’un de ses rêves les plus chers grâce à Diane Disney qui lui permet de rencontrer son père Walt un jour d’août 1951. Son diplôme en poche, il devient journaliste et travaille pour divers titres de presse. Spécialiste de l’œuvre de Disney, il rencontre fréquemment les pionniers parmi lesquels Milt Kahl qui s’inspire de lui pour dessiner Monsieur Snoops, l’acolyte de Madame Médusa dans Les Aventures de Bernard et Bianca. Auteur de nombreux ouvrages, Culhane signe notamment un livre sur la conception de Fantasia ainsi que l’art-of de sa suite, Fantasia/2000: Visions of Hope. Intervenant régulier dans les making-of des films de Disney, il décède le 30 juillet 2015 à l’âge de quatre-vingt-un ans.
En 2023, les Walt Disney Animation Studios célèbrent en grande pompe leur centième anniversaire avec Il Était une Fois un Studio, un court-métrage spécial dans lequel sont exceptionnellement rassemblés des centaines de personnages Disney d’hier et d’aujourd’hui.
Il Était une Fois un Studio
Flying John est notamment de la partie et figure sur la grande et belle photo de famille prise sur l’esplanade du Roy E. Disney Animation Building.
Personnage truculent et amusant, John fait partie de ces personnages épris de liberté qui continuent de véhiculer cette belle dose d’optimisme et de joie si présente dans l’œuvre de Disney.