Titre original : Hercules Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 27 juin 1997 Genre : Animation 2D |
Réalisation : Ron Clements John Musker Musique : David Zipel Alan Menken Durée : 93 minutes |
Le synopsis
Dans la Grèce antique, Hadès, le seigneur des Enfers rêve de prendre sa revanche - et par la même le pouvoir - sur son rival de toujours, Zeus. Aussi, ne voit-il pas d'un très bon œil l'arrivée d'Hercule, fils de Zeus et d'Héra, et désormais unique héritier désigné du Dieu des Dieux. Dés lors, une seule idée occupe les pensées du Dieu des morts : se débarrasser coûte que coûte du bébé gênant ! Hadès ordonne aussitôt à deux de ses sous-fifres, Peine et Panique, de le faire passer de vie à trépas. Mais c'est sans compter sur les biens piètres compétences des deux sbires qui, tout juste parvenus à kidnapper le bébé, échouent lamentablement dans leur tentative criminelle finale. Hercule, abandonné sur terre, est alors recueilli par un couple de mortels...
La critique
Après un film animalier (Le Roi Lion) et deux films sérieux (Pocahontas, une Légende Indienne et Le Bossu de Notre-Dame), les Walt Disney Animation Studios souhaitent revenir à quelque chose de plus léger pour leur 35ème long-métrage. Ils optent donc pour Hercule une comédie qu'ils voient comme Aladdin. Ils décident même d'aller encore plus loin dans la dérision via un humour décapant, des références antiques délirantes et un rythme endiablé ne souffrant d'aucuns temps-morts. Comme beaucoup de films d'animations Disney de l'époque, la stylisation d'Hercule est aussi poussée au maximum lui donnant un aspect unique, en lui faisant perdre malheureusement toute apparence universelle. Il faut dire que les artistes de Disney ont assumé là pleinement leur choix grâce des associations osées au vu du thème de la mythologie grecque, faisant d'ailleurs grincer alors quelques dents. Il n'y a pourtant ici que la preuve que le studio est revenu à une maturité tranquille après sa longue traversée du désert. Hercule, malgré son apparente légèreté, démontre en effet que Disney sait prendre des risques visuels tout en se moquant de ses propres travers.
Hercule, de son nom tiré de la mythologie romaine dérivé d'Héraclès, lui-même basé sur la mythologie grecque, est ainsi un héros connu pour sa force hors du commun. Il existe d'ailleurs de nombreuses variantes du mythe, la plus connue étant assurément celle que conte Homère dans L'Iliade et L'Odyssée. Né à Thèbes, Héraclès est donc le fils de Zeus, le Dieu des Dieux, et d'Alcmène, femme d'Amphitryon, roi de Tirynthe. Séduit par la beauté de la reine Alcmène, Zeus profite en effet de l'absence d'Amphitryon dans son royaume pour prendre son apparence, entrer dans le lit de la reine pour une nuit de 36 heures. Le lendemain, le roi, de retour de son expédition, s'unit, à son tour, à Alcmène. La reine met ensuite au monde deux enfants, l'un de Zeus, Héraclès, l'autre d'Amphitryon, Iphiclès. Héraclès voit sa vie influencer par deux extrêmes : la bienveillance et l'amour de Zeus, et la haine d'Héra, cherchant sans cesse à éliminer les enfants illégitimes de son époux infidèle. Ainsi, la Déesse du mariage poursuit-elle Héraclès de façon impitoyable. Peu de temps après sa naissance, elle envoie, par exemple, deux grands serpents pour supprimer le très bambin, Héraclès ; qui les étranglera sans mal en dépit de son jeune âge. C'est ainsi le tout premier exploit du jeune héros qui multipliera ensuite les prouesses dans les domaines les plus variés. Un fois adulte, Héraclès épouse la princesse de Thèbes, Mégara et lui donne plusieurs enfants. Héra soumet alors Héraclès à une crise de folie, au cours de laquelle il tue toute sa famille. Face à ce drame, il s'en remet à la réponse de l'oracle d'Apollon à Delphes qui lui demande de se purifier de son crime en se mettant au service d'Eurysthée. Ce dernier, sur la recommandation d'Héra, lui impose, en guise de châtiment, des tâches réputées particulièrement difficiles voire impossibles, les fameux "travaux d'Héraclès".
Les douze travaux d'Héraclès sont ainsi non seulement l'un des épisodes les plus célèbres de la mythologie grecque mais aussi une source iconographique majeure de l'art occidental. La liste de ces fameux travaux est d'ailleurs la suivante : étouffer le lion de Némée à la peau impénétrable et rapporter sa dépouille ; tuer l'hydre de Lerne dont les têtes tranchées repoussent sans cesse ; battre à la course la biche de Cérynie aux sabots d'airain et aux bois d'or, créature sacrée d'Artémis ; ramener vivant l'énorme sanglier d'Érymanthe ; nettoyer les écuries d'Augias, qui ne l'ont jamais été ; tuer les oiseaux du lac Stymphale aux plumes d'airain ; dompter le taureau crétois de Minos pour le rendre à Poséidon ; capturer les juments mangeuses d'hommes de Diomède ; rapporter la ceinture d'Hippolyte, fille d'Arès et reine des Amazones ; vaincre le géant aux trois corps Géryon et voler son troupeau de bœufs ; rapporter les pommes d'or du jardin des Hespérides gardé par Ladon ; descendre aux Enfers et enchaîner Cerbère, le chien aux trois têtes.
La première ébauche d'Hercule chez Disney remonte au début 1992. Trente artistes, scénaristes ou animateurs, attendent alors nerveusement de présenter à la Direction leurs idées pour un nouveau long-métrage, chacun disposant de deux minutes pour convaincre. La première idée à être présentée est L'Odyssée d'Homère. Les responsables trouvent alors le récit trop long et dépourvu de personnages centraux. La deuxième est celle de Joe Haidar. Animateur chez Disney depuis un peu plus de deux ans, ayant travaillé entre autre sur Bernard au Pays des Kangourous, La Belle et la Bête et Aladdin, l'artiste voit bien vite son sang ne faire qu'un tour. Il entend, en effet, proposer lui aussi une histoire autour de la mythologie grecque ! Son point de départ est la Guerre de Troie au cours de laquelle chaque camp souhaite utiliser une arme secrète. Hercule en choisit une sans penser une seconde aux conséquences. A la fin du film, il apprend l'humilité et l'importance de peser chacune de ses décisions. La présentation tourne vite au désastre. De tous les projets présentés ce jour-là, trois dont les deux projets grecques sont néanmoins retenus et mis en processus de pré-développement. Un seul, Hercule, arrive finalement au bout de la procédure de réalisation, même si le rôle de Joe Haidar, son initiateur, se limite à cette seule présentation.
Les studios Disney veulent revenir à la comédie après tous les projets
sérieux des dernières années (Le Roi Lion, Pocahontas, une Légende Indienne
et Le Bossu de Notre-Dame). Pour cela, ils font
appel à deux grands réalisateurs des studios Disney : Ron Clements et John
Musker, heureux papas de
Basil, Détective Privé (1986),
La Petite Sirène (1989), Aladdin
(1992) puis de
La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers (2002)
et de
La Princesse et la
Grenouille (2009).
John Musker est né à Chicago le 8 novembre 1953. Après une formation d'animateur
de deux ans chez CalArts, il est
engagé chez les studios Disney en 1977. Pour son premier travail, il est
assistant sur
Le Petit Âne de Bethléem, un
moyen-métrage d'animation réalisé par Don Bluth. Il devient ensuite animateur
pour Rox et Rouky, l'occasion pour lui de rencontrer
Ron Clements. Sur
Taram et
le Chaudron Magique, il devient storyboardeur. Il est promu ensuite avec son
collègue Ron Clements, réalisateur dès Basil, Détective Privé.
Et ce n'est pas moins de six films qu'ils réaliseront ensemble.
Ron Clements, lui, est né le 25 avril 1953 à Sioux City dans l'Iowa. Après avoir
travaillé quelques mois comme animateur à Hanna-Barbera Productions
(aujourd'hui Cartoon Network Studios), il rentre chez Disney en 1976. Il
y fait son apprentissage aux côtés de
Frank Thomas pendant deux ans. Il grimpe alors progressivement dans la
hiérarchie du studio : animateur de personnages dans
Les
Aventures de Bernard et Bianca et Peter et Elliott le Dragon
(1977), superviseur de l'animation dans Rox et Rouky
(1981), coscénariste dans
Taram et
le Chaudron Magique (1985), il passe finalement à la mise en scène dans
Basil, Détective Privé en 1986.
C'est à la fin novembre 1992, après la sortie d'Aladdin, que Ron Clements et John Musker commencent à réfléchir sérieusement à des idées pour un nouveau film. Les responsables du département animation de l'époque, Peter Schneider et Thomas Schumacher, leur proposent alors de passer en revue les 35 projets se trouvant dans les cartons du studio. L'Odyssée et Hercule sont deux de ceux-là. Hercule leur plait tout de suite car l' histoire est manifestement moins sacrée que celle d'Homère. Les réalisateurs pensent ainsi qu'il sera plus facile de prendre des libertés par rapport au support mythologique, l'histoire d'Hercule, ayant elle-même de nombreuses variantes. Le fait que cela soit un demi-dieux et un demi-humain permet en outre d'avoir deux visions différentes avec deux mondes à explorer. Enfin, il a les capacités de devenir le premier super-héros de l'histoire de Disney !
Les premières ébauches du script remontent donc au début 1994. Les éléments clés sont un héros naïf, une héroïne blasée de la vie et un méchant puissant dans une bataille de l'idéalisme contre le cynisme. Le premier problème à résoudre est d'ailleurs celui de la naissance d'Hercule. Difficile pour Disney de parler de relation extraconjugale, d'enfant illégitime et de proposer Héra comme méchante. Il faut donc trouver un autre moyen de rendre Hercule mortel et dénicher un autre méchant. Hadès, le Dieu des Enfers, semble le candidat idéal ; le contraste entre le royaume souterrain, l'Olympe divin et la vie sur Terre offrant de grandes possibilités visuelles.
Hercule s'inspire donc librement de la mythologie grecque : à travers ses lieux, ses objets et ses personnages, les artistes Disney s'en donnent, il est vrai, à cœur joie. Si les douze travaux ne sont pas le cœur du film, ils sont ainsi très présents dans le long-métrage ! Tout le monde reconnait le passage du fabuleux combat contre l'hydre de Lerne. Dans la chanson De Zéro à Héros, de courtes séquences parlent également du sanglier d'Érymanthe ou des oiseaux du lac Stymphale. Dans la scène de la villa, des allusions sont faites au lion de Némée, aux écuries d'Augias et à la ceinture d'Hippolyte, reine des Amazones. Enfin, il y a bien-sûr à la fin du film la capture de Cerbère, le chien des Enfers. Après, certes, Hercule s'éloigne de bien des aspects de la mythologie pour les besoins de l'histoire. La seule liberté qu'il est difficile de comprendre reste le choix du nom du héros, et donc du film : pourquoi retenir Hercule, le nom de la mythologie romaine et non Héraclès, le nom de la mythologie grecque. C'est d'autant plus incompréhensible que tous les autres personnages disposent bien de leurs noms grecques tandis que l'action se déroule aussi en Grèce ! Seule reste aujourd'hui l'hypothèse d'une décision commerciale ou juridique, Hercule étant plus aisément déposable qu'Héraclès... Mais là encore, l'explication semble vaseuse !
La comédie reste le maître mot du film ! En fait, et pour résumer l'approche, tout ce qui fait Aladdin a été poussé au centuple dans Hercule. Ici le drame et la mélancolie sont réduits à la portion congrue pour que tout aille à cent à l'heure au détriment d'ailleurs assumé des thèmes forts que sont la perte d'un enfant ou de ses parents, la mort de l'être aimé, le sacrifice sans parler de la véritable nature d'un héros ! Tout doit être fait dans la bonne humeur afin que le spectateur ressente une allégresse durant tout le récit. Chaque personnage amène ainsi une touche de drôlerie soit dans son attitude, son design, ses dialogues ou sa personnalité. Et que dire également des anachronismes qui pullulent dans le film ? Même s'ils peuvent en gêner certains, ils offrent l'opportunité de brocarder les dérives de la starisation hollywoodienne, et notamment disneyenne ! La compagnie de Mickey n'a, en effet, pas attendu le lourdaud Shrek pour pratiquer l'autodérision et se moquer d'elle-même ! La petite scène où Peine et Panique se déguisent en animaux tout mignons permet par exemple à Mégara de sortir une phrase truculente : "Une paire de rongeurs qui cherchent un parc d'attraction". Autre petit clin d'œil amusant, lors de la scène du lion de Némée où le fauve a l'apparence de Scar !
Alors qu'au sein des Walt Disney Animation Studios,
le style d'un dessin animé a toujours été essentiellement en rapport avec la
technologie (la Xerox) ou quelques
individualités qui imprimaient leurs marques sur une période (Mary Blair, Eyvind
Earle) ; durant les années 90, le studio a tenté d'avoir un style propre à
chaque film. C'est ainsi très vrai pour Aladdin, Pocahontas, une Légende Indienne
puis Mulan et
Tarzan et un peu moins pour
La Belle et la Bête, Le Bossu de Notre-Dame
et Le Roi Lion...
Le style d'Hercule doit donc énormément à Gerald Scarfe, un artiste ayant
collaboré avec Disney uniquement pour ce film. Né le 1er juin 1936 à St. John's
Wood à Londres, il est un dessinateur et caricaturiste anglais, connu pour avoir
travaillé avec Pink Floyd sur leur concept d'album, de concert et de film,
The Wall, dont il a fait les animations, mais aussi en tant que
caricaturiste pour le Sunday Times et illustrateur pour le New Yorker.
Sa collaboration sur Hercule est prévue à l'origine pour quelques dessins
d'inspiration. Finalement, il suit le projet durant trois ans allant jusqu'à
concevoir 400 personnages ! L'apparence d'Hadès n'a ainsi quasiment pas changé
par rapport à sa vision première. Le style d'Hercule doit d'après les
artistes Disney répondre à une exigence délicate à satisfaire : être fidèle au
style grec, avoir la patte de Scarfe et le look Disney. Une quadrature du cercle
difficile à atteindre mais dont ils se sont parfaitement acquittés, donnant au
film un style si unique. Le tout est d'ailleurs rehaussé par des décors de toute
beauté avec trois univers parfaitement distincts : les Enfers, la Terre et
l'Olympe. Chacun utilise alors un minimum de couleurs afin de mettre en avant
les différentes atmosphères du film et insister sur la comédie via des ambiances
chaudes et saturées le tout empli de parfums méditerranéens.
La force du casting est assurément l'une des clés de la réussite d'Hercule.
Bizarrement, le personnage le plus faible est son rôle titre ! Déjà, comme dans
de nombreux Disney, il dispose de plusieurs apparences en fonction de son âge.
Ici, il en a même trois : bébé, adolescent et adulte. S'il reste maladroit et
bienveillant tout au long du film ; il a de quoi décevoir tout de même puisqu'il
semble perdre un peu de QI au fur et mesure qu'il grandit ! Du jeune homme
gauche qui se cherche, il devient en effet un adulte béta sans cervelle. Mais
dans tous les cas, sa naïveté le rend attachant en tout point et notamment dans
son histoire d'amour avec Mégara. C'est Tate Donovan qui prête sa voix en
version originale tandis qu'Andreas Deja
est responsable de sa superbe animation qui ne le porte toutefois pas au niveau
du rang d'Aladdin !
Pour rester dans la comparaison, Mégara, au contraire, a bien plus de profondeur
que Jasmine. Les artistes se sont inspirés, pour elle, des femmes fatales des
comédies noires hollywoodiennes des années 30 en lui donnant un cynisme à toute
épreuve qui la rend étrangement moderne. Son passé brisé et sa nonchalance
cachent néanmoins un être fragile qui va ôter le masque au fur et à mesure et se
laisser totalement aller au contact d'Hercule. Elle, si désabusée, va ainsi
découvrir qu'il existe des êtres exempts de tricherie ou d'arrière-pensée !
Philoctète est un satyre, entraineur de héros, qui accepte de prendre sous son
aile le jeune fils de Zeus alors même que dans la mythologie, il est simplement
son compagnon ; le vrai entraineur du héros étant Chiron, le centaure, également
coach de Jason ou d'Achille. Ici, la biquette a donc un caractère de cochon mais
fait de son mieux pour entrainer les demi-dieux. Danny DeVito assume le doublage
si caractéristique du personnage en anglais tandis qu'en français, il est tout
aussi remarquable grâce à un Patrick Timsit taillé pour le rôle. Quant à son
animation, c'est Eric Goldberg, l'un des coréalisateurs de Pocahontas, une Légende Indienne
et l'animateur du Génie dans Aladdin, qui l'a
prend logiquement en charge.
Pegase est le compagnon à quatre pattes du héros, comme il en existe dans
quasiment tous les films Disney. A l'image de son maître, ce cheval ailé mais
dénué de la parole n'a pas beaucoup de jugeote et s'avère être un étalon à tête
de moineau. Il reste néanmoins un partenaire fidèle d'Hercule, un peu trop même
devenant extrêmement jaloux quand il voit son maître s'intéresser de trop près à
la gente féminine.
Enfin, dans l'univers terrestre, il existe un nombre incalculable de personnages
secondaires ou tertiaires en premier lieu desquels se trouvent les parents
adoptifs d'Hercule, Alcmène et Amphitryon, mais également quelques habitants de
la ville de Thèbes...
Le royaume des Enfers représente un vivier d'être maléfiques qu'Hercule va
devoir combattre.
Le premier d'entre-eux est naturellement le responsable du lieu, l'irrésistible
Hadès. Même s'il n'est pas le méchant le plus effrayant de la galerie Disney, il
est clairement l'un des plus charismatiques et des plus drôles. Il a un ainsi
côté américain avec ce zeste de producteurs hollywoodiens plein de bagou et
bonimenteur à souhait. Ce qui fait sa force, c'est qu'il est tellement
sympathique que le spectateur ne le déteste pas ! Au contraire, il l'apprécie
pour ses réparties et ses dialogues savoureux. Son animation signée de Nik
Ranieri est tout simplement superbe, rehaussée par la bonne idée de lui avoir
placé une flammette en guise de cheveux, changeant comme le feu, de couleur (du
bleu au jaune) en fonction de son humeur. James Woods, sa voix anglaise, s'est
amusé à livrer sur le personnage des improvisations appuyant toute sa force et
sa fraicheur tandis que sa voix française, assurée par Dominique Collignon-Maurin,
ne lui a rien enlevé tellement elle colle à merveille au débit de ce méchant
décidément hors normes.
Peine et Panique sont les sbires d'Hadès tellement bêtes et incapables que le
spectateur a de quoi se demander comment le Dieu des Enfers acceptent encore
auprès de lui des collaborateurs pareils. Ils sont pourtant indispensables à la
réussite du film tant leur maladresse contrebalance jouïssivement les grands
plans machiavéliques d'Hadès. Tout le monde ne peut, par exemple, qu'éclater de
rire quand Hadès cherchant un moyen de se débarrasser d'Hercule voit ses deux
acolytes porter des chaussures aux couleurs du héros...
Parmi les personnages secondaires du monde des Enfers, les Moires, Clotho,
Lachésis et Atropos, sortent à n'en pas douter du lot. Bien que vivant aux
Enfers, Hadès ne semble pas avoir d'autorité sur elle. Il faut dire qu'elles
détiennent entre leurs mains le destin de tous les êtres, y compris des Dieux,
tout en s'occupant de tenir le fil de la vie de chaque être humain et de décider
de la mort de chacun.
Le troisième univers du film est l'Olympe, lui aussi très peuplé.
Zeus et Héra y sont ainsi les vrais parents d'Hercule ; Zeus étant en plus le
Dieu des Dieux. S'aimant sans ombrage, les deux forment un couple qui s'éloigne
fortement de la mythologie grecque. En outre, Zeus ne semble pas aussi
omnipotent qu'il ne l'est habituellement, ne pouvant par exemple, pas rendre son
fils divin. Héra, finalement peu présente dans l'histoire est quant à elle une
mère et épouse aimante et bienveillante, dépourvue de toute méchanceté...
Les narratrices de l'histoire sont naturellement les Muses mais avec là aussi,
des différences notables par rapport à la mythologie grecque puisqu'en réalité
il y a au total neuf muses. Dans Hercule, le nombre est réduit ainsi à
cinq : Calliope (poésie épique), Clio (histoire), Melpomène (tragédie),
Terpsichore (danse) et Thalie (comédie). Il manque donc Érato (poésie lyrique),
Euterpe (musique), Polymnie (rhétorique) et Uranie (astronomie).
Beaucoup de dieux apparaissent enfin dans le long-métrage même s'il est
difficile de préciser qui est qui. Certains sont évidents comme Apollon, Athéna,
Héphaïstos, Narcisse ou Hermès, d'autres beaucoup moins.
Hercule dispose en outre de superbes effets spéciaux. De nombreux exemples ponctuent ainsi le film comme le berceau en nuage réalisé en morphing, la flamme d'Hadès, les laves ou la neige des Titans. Mais l'image qui reste dans l'inconscient des spectateurs est assurément l'hydre de Lerne. Il s'agit là du deuxième personnage Disney à être entièrement réalisé en image de synthèse après le Tapis dans Aladdin. Il faut dire que sa réalisation en animation traditionnelle présentait beaucoup trop de contraintes ; d'abord, parce que les têtes poussent comme les mauvaises herbes dans un jardin mais aussi, parce que le mouvement voulu par le réalisateur est tel qu'il prend des airs d'hélicoptère en vol qui suit Hercule et Pégase plongés dans un dédale de cous mythologiques. Roger Gould aidé de Rasoul Azadani ont ainsi chorégraphié cette séquence extraordinaire : de petites touches ayant cherché à la transformer pour qu'elle paraisse avoir été faite en 2D. Au final, malgré tout, et aussi à l'époque, elle ne s'intègre pas parfaitement au reste du dessin animé même si elle demeure superbement réalisée et haletante.
La musique d'Hercule est à l'image du film : totalement inattendue. C'est Alan Menken qui revient à nouveau à la composition après La Petite Sirène, La Belle et la Bête, Aladdin, Pocahontas, une Légende Indienne et Le Bossu de Notre-Dame. Alors qu'il est à l'époque complètement débordé, l'enthousiasme des réalisateurs (Il a déjà composé les chansons de leurs deux précédents films !) le convainc de participer à l'aventure. Il collabore, ici, avec David Zippel qui écrit les paroles des chansons. Là encore, Hercule est à l'image des films des années 90 : construit comme une véritable comédie musicale. Ce sera d'ailleurs le dernier film musical du genre chez Disney avant un très long moment, jusqu'à La Princesse et la Grenouille en 2009 signé des mêmes réalisateurs. Les chansons d'Hercule sont ainsi tout sauf ce que le spectateur s'attend à entendre dans un film sur la mythologie grecque : du gospel, du rythm and blues, du vaudeville et de la pop ! Un mélange totalement détonnant avec au total six chansons plus trois reprises sans compter les ritournelles du générique. Le Gospel Pur, De Zéro à Héro et Une Étoile est Née sont ainsi chantées par les Muses tandis que Philoctète chante Il me Reste un Espoir, Hercule interprète Le Monde Qui Est le Mien et Mégara fredonne Jamais Je n'Avouerai. Même si le mélange est étonnant, les chansons sont toutes très réussies ; Le Monde Qui Est le Mien obtiendra néanmoins la seule nomination du film aux Oscars mais perdra la statuette face My Heart Will Go On, la fameuse chanson de Titanic.
Les critiques américaines sont globalement positives sur le film saluant sa drôlerie et son originalité sans parler du personnage d'Hadès qu'elles jugent extraordinaire. Seule la presse grecque trouve en réalité à redire reprochant à l'opus de trahir l'héritage et l'histoire du pays pour des considérations mercantiles. Le public américain est manifestement moins impressionné par le film et ne lui accorde que la deuxième place lors de son weekend de sortie avec 21 millions de dollars, exactement comme Le Bossu de Notre-Dame. Sauf qu'à la différence de lui, il ne dépassera pas la barre fatidique des 100 millions de dollars, seul palier permettant de le voir considéré à jamais comme un blockbuster. Hercule s'arrête pitoyablement à 99 millions de dollars ! Cette contreperformance pour une œuvre dont le thème est plus facile d'accès que l'adaptation de Notre-Dame de Paris aura de lourdes conséquences dans les choix de la Direction de Disney par la suite... Car apparemment, le style trop particulier d'Hercule allié à un personnage principal un peu creux a rebuté une partie du public. C'est encore plus vrai à l'international puisque l'opus ne rapporte que 253 millions de dollars à comparer aux 325 du (Le) Bossu de Notre-Dame. En France, il n'arrive que cinquième du box office annuel avec 4.4 millions d'entrées.
Hercule remporte tout de même un succès suffisant pour accéder à sa propre série télé dérivée, Hercule, sur une saison de 65 épisodes, dont 55 diffusées en syndication et 13 sur ABC. Elle a droit, aussi, à un long-métrage d'animation dérivé Hercules : Zero to Hero. Sorti directement en vidéo, il est en fait une compilation et un remontage de quatre épisodes de la série. Bizarrement, l'opus ne sortira jamais en France et ne sera même pas doublé en français...
Sans être parfait, Hercule est un film à saluer pour deux raisons principales : Hadès, son méchant tout simplement inoubliable et ses partis pris artistiques, visuels, scénaristiques ou musicaux, formidablement osés. Hercule est alors la preuve de la maturité retrouvée des studios Disney quitte à déplaire à une frange de son public. Alors certes, il reste le grand classique des Walt Disney Animation Studios le moins aimé de la décennie 90 après Bernard au Pays des Kangourous. Mais comme souvent en pareil cas, le temps fait son œuvre et Hercule retrouve, petit à petit, la seule place qu'il mérite, celle d'un film culte.