Le Prophète

En 1997, les studios Disney plongent les spectateurs au cœur de la mythologie grecque avec Hercule, leur trente-cinquième grand classique animé. Loin d’être un cours d’Histoire classique, le long-métrage prend alors la forme d’une comédie dont l’un des ressorts principaux repose sur la présence tout au long de l’histoire d’anachronismes et de références amusantes à l'époque contemporaine.

Après avoir suivi l’entraînement intensif de Philoctète et sauvé Mégara des griffes du centaure Nessus, Hercule débarque enfin à Thèbes, le « Joyau de la Grèce », afin d’y faire ses preuves. Élevé à la campagne, le héros est immédiatement impressionné par l’effervescence de la ville. « Ne me lâche pas, p’tit... La cité est un vrai guêpier », prévient alors Philoctète qui manque de se faire écraser par un chauffard en traversant la rue, « Y’a que ça, ici, des dingues ! ».

Le satyre ne croit pas si bien dire. Après avoir été alpagués par un vendeur à la sauvette cherchant à leur refourguer un cadran solaire, Hercule, Philoctète et Pégase sont assaillis par un écervelé complètement paniqué. « La fin est prooooooooche !!! », hurle-t-il, « Ne le sentez-vous paaaas ???!!! ». Vêtu d’un simple fût de colonne soutenu par une paire de bretelles, le prophète est complètement hystérique. Les cheveux décoiffés, les yeux cernés et le visage mal rasé, ce dernier est rapidement effrayé à la simple vue d’Hercule et de Pégase. « Si, si, merci pour l’info. Mais oui, on va y penser, t’inquiète pas... », lui répond alors Philoctète tout en tirant le héros par la cape pour l’éloigner au plus vite de ce fou furieux qui part en courant dans le sens inverse...

Au moment de lancer la production d’Hercule, les artistes de Disney font tout de suite le choix de faire quelques entorses à la mythologie grecque. Hors de question, en effet, de dépeindre les exploits du célèbre héros de manière exhaustive. Seuls quelques fragments de l’histoire sont ainsi conservés comme le combat contre l’Hydre. L’intrigue change également de méchant en attribuant ce rôle non pas à Héra, la reine des dieux, mais à Hadès, le maître des Enfers. Surtout, Hercule est envisagé dès le départ comme une comédie menée tambour battant au son des rythmes gospels interprétés par les Muses. L’humour est alors omniprésent tout au long du film grâce à des personnages dont le rôle est purement comique et des situations ubuesques n’ayant pour autre but que de faire rire ou sourire le public.

Le prophète forcené répond dès lors à ces deux exigences. Visible seulement une dizaine de secondes, son rôle n’a pas d’autre intérêt que d’amuser les spectateurs. Totalement anachronique, il permet en outre de se moquer gentiment de l'époque contemporaine en pointant du doigt tous ces oiseaux de mauvais augure et autres prédicateurs totalement déboussolés qui, souvent, arpentent les rues des villes et prennent à parti les promeneurs. Dans Hercule, le personnage apparaît sous la forme d'un écervelé aux cheveux hirsutes. Les cernes sous ses yeux laissent entrevoir un nombre important de nuits sans sommeil. Nu comme un ver, il n'est couvert que d'un fût de colonne tenu sur ses épaules grâce à deux bretelles. Le spectateur peut par ailleurs imaginer que le pauvre bougre erre dans les rues depuis un moment au vu du nombre de messages complotistes, prophétiques et alarmistes gravés çà et là sur les murs et les escaliers de la ville.

Le générique d’Hercule mentionne que les habitants de Thèbes sont animés par Nancy Beiman. Élève de l’Institut CalArts, l'artiste fait ses premières gammes au sein du studio de Richard Williams basé à Londres. Dans les années 1980, elle participe alors à la production de films comme Gnomes, Winnie l’Ourson et Une Sacrée Journée pour Bourriquet et Le Petit Grille-Pain Courageux. Cofondatrice en 1986 du studio Caged Beagle Productions aux côtés de Dean Yeagle, elle s’installe ensuite à Berlin, en Allemagne, où elle collabore avec Gerhard Hahn sur plusieurs projets parmi lesquels la série animée Benjamin Blümchen et, plus tard, le long-métrage Astérix et les Indiens. Pour Disney, Beiman a notamment travaillé sur Dingo et Max, Hercule et La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers en donnant naissance à des personnages comme les Moires, Margaret et Billy Bones.

Le prophète apparaît brièvement dans le niveau 4 de l’adaptation d’Hercule en jeu vidéo.

Si les autres habitants de Thèbes sont inoffensifs et uniquement là pour peupler les rues, le prophète est pour sa part un danger pour le joueur. En courant dans tous les sens, il peut en effet bousculer Hercule et, dès lors, faire diminuer la jauge de vie du héros. Le joueur doit donc avoir le réflexe de faire bondir Hercule afin qu'il évite le fou furieux !

Simple figurant anonyme, le prophète fait partie de ces personnages mineurs d’Hercule qui ne servent absolument à rien hormis à faire rire le public.