Le Crapaud et le Maître d'École
Titre original : The Adventures of Ichabod and M.Toad Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 5 octobre 1949 Genre : Animation 2D |
Réalisation : James Algar Clyde Geronimi Jack Kinney Musique : Frank Churchill Don Raye Charles Wolcott Gene de Paul Durée : 68 minutes |
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Au milieu d'une bibliothèque, trônent deux livres classiques de la littérature anglo-saxonne, dont les histoires nous sont ici contées : |
La Mare aux Grenouilles Crapaud, féru d'automobile, échange, pour se lancer dans une équipée sauvage, son splendide château contre un cabriolé rouge vif et... volé ! Sa passion dévorante va ainsi le conduire tout droit à la case "Prison" dont il parvient à s'échapper dans le but de prouver son innocence, au terme d'une aventure endiablée, avec ses meilleurs amis, Mc Blaireau, le rat et la taupe... |
La Légende de la Vallée Endormie Ichabod Crane est le nouvel instituteur de la bourgade de Sleepy Hollow. Bien
décidé à épouser la riche Katrina Van Tassel, il parvient à évincer son
adversaire qui, pour se venger, décide, le soir d'Halloween, de lui raconter
l'histoire du cavalier sans tête... |
La critique
Le Crapaud et le Maître d'École, 11ème long-métrage, est le dernier film "package" des studios Disney (si l'on exclut Les Aventures de Winnie l'Ourson, sorti en 1977). La fin de la deuxième guerre mondiale approchant, Walt Disney s'atèle, en effet, à remettre à flot financièrement son studio. Il met ainsi en chantier plusieurs films d'assemblage présentant le double avantage de garder vivant la signature "Disney" auprès du grand public et de permettre à ses artistes de développer leur art de l'animation. Cette stratégie se caractérise très vite par la sortie, respectivement en 1943 et 1945, de deux films sud-américains : Saludos amigos et Les Trois Caballeros. L'armistice signé, s'enchaînent peu après La Boite à Musique (1946), Coquin de Printemps (1947) et Mélodie Cocktail (1948). Alors que le public commence à croire que Walt Disney ne produira plus de grandes histoires animées, Le Crapaud et le Maître d'École vient bousculer ses certitudes naissantes en proposant une œuvre d'un haut niveau de qualité. Même si le film, à l'instar de Coquin de Printemps, est bicéphale, composé de deux moyens-métrages, il touche assurément du doigt l'excellence aussi bien d'un point de vue technique que narratif. Le Crapaud et le Maître d'École annonce en fait le nouvel âge d'or des studios Disney (les années 50 et 60) inauguré dès la production suivante, avec le grand classique et chef d'œuvre inoubliable, Cendrillon.
La première histoire, La Mare aux Grenouilles,
est un classique de la littérature anglaise, extrait du (Le) Vent dans les
Saules. Tiré du roman de Kenneth Grahame, auteur écossais né à Edimbourg en
1859, elle fut publiée, avec bien des réticences, par un éditeur anglais en
1908. La genèse du récit se retrouve en fait dans de petites histoires que
l'écrivain lui-même racontait à son fils, alors enfant, le soir avant de se
coucher. Le livre n'a d'ailleurs bizarrement pas rencontré, à sa sortie, un
grand succès. De nombreuses années se sont ainsi écoulées avant que Rat, Mole,
Badger et Toad (Rat, Taupe, Blaireau et Crapaud) ne deviennent des
incontournables de la littérature anglaise classique.
Walt Disney, pour sa part, ne se fait pas prier pour en acquérir les droits
d'adaptation au cinéma. Il produit en effet, dès 1941, un autre conte de Kenneth
Grahame, The Reluctant Dragon, pour son film
Le Dragon Récalcitrant. La Mare aux Grenouilles, est donc sa deuxième adaptation d'une
œuvre de l'auteur anglais. Elle reprend d'ailleurs un style de narration chère
au Maître de l'animation. Le récit, fidèle en tous points au roman, est en effet
raconté en voix-off par Basil Rathbone. La technique d'animation retenue,
contribue, quant à elle, grandement à la qualité de l'adaptation. De nombreuses
audaces graphiques sont en effet prises. La scène de la prison est d'ailleurs, à
elle seule, un parfait exemple de l'ambition placée dans le film. Les
personnages, aux caractères bien trempés, sont, pour leur part, parfaitement
restitués sur grand écran. Le spectateur s'attache, il est vrai, sans mal, à
Crapaud Baron Têtard et ses passions dévorantes, Monsieur Rat et sa droiture
inflexible, Monsieur Taupe et sa gentillesse absolue ou encore Mac Blaireau et
sa prévenance constante. L'unique chanson Nous Galopons, Galopons, Galopons
retranscrit, enfin, quant à elle, avec justesse, l'ambiance du roman, en
agrémentant le récit d'une ritournelle aussi entraînante que fort bien écrite.
Alliant malice, folie, action et émotion, La Mare aux Grenouilles
est assurément un moyen métrage d'une très grande qualité tant il est très
agréable à suivre.
La seconde histoire est, quant à elle, un classique de la
littérature anglo-saxonne due à l'auteur Washington Irving. Ecrivain américain
du début du XIXe siècle, né à New York, en 1783, il débute sa carrière comme
avocat puis devient ambassadeur des États-Unis en Angleterre, et plus tard en
Espagne. Essayiste prolifique, il est également un biographie reconnu. Au cours
des années 1819-1820, il publie The Sketch Book of Geoffrey Crayon, une
recueil de nouvelles parmi lesquelles se trouvent deux récits très connus :
Rip Van Winkle et The Legend of Sleepy Hollow.
Walt Disney en réalise l'adaptation plus d'un siècle plus tard, sous la forme
du moyen-métrage animé, intitulé La Légende de la Vallée Endormie.
Tim Burton, ancien animateur chez Disney devenu depuis un grand réalisateur
indépendant, adapte quand à lui, avec son talent habituel, la même nouvelle, en
1999, dans un format de film d'acteur, sous le titre Sleepy Hollow.
L'adaptation "cartoon" de Walt Disney reprend, pour sa part, le style de
narration chère au Maître de l'animation. C'est sans aucun doute sa seule
véritable ressemblance avec le moyen-métrage dont elle partage l'affiche. Narré
et chanté avec grand talent par Bing Crosby, La Légende de la Vallée Endormie
revêt en effet un "cachet" américain, totalement absent chez son colistier
La Mare aux Grenouilles.
Son animation est également plus sommaire même s'il convient de constater que la
scène du cavalier sans tête, fort bien réussie, obtient sans aucun doute le
titre du "passage le plus effrayant" d'un film d'animation signé Disney.
Ajoutez à cela, une morale moins gentillette que celles servies habituellement
par les productions traditionnelles du grand Walt et des personnages aux défauts
peu avouables (la cupidité, la bêtise ou la superficialité), et vous obtenez un
film idéal pour la période d'Halloween dont le moyen-métrage deviendra ainsi un
habitué de la programmation.
Le Crapaud et le Maître d'École ne connait plus aucune ressortie au cinéma sous sa forme originale. Comme bien des films d'anthologie chez Disney, les moyens-métrages le composant sont séparés et présentés indépendamment l'un de l'autre. Ses deux séquences sont ainsi diffusées dans l'émission de télévision Disneyland en 1955. La Légende de la Vallée Endormie ressort, en outre, seul, sur grand écran, le 26 novembre 1958. La Mare aux Grenouilles patiente prés de 20 ans pour avoir droit à son tour aux salles obscures ; chose faite le 25 décembre 1975 sous un titre inédit de The Madcap Adventures of Mr. Toad. Le marché de la vidéo subit les mêmes pratiques commerciales et propose, dans un premier temps, les deux œuvres désunies. Il faut ainsi attendre 1999 pour voir Disney, sous la pression des fans, rééditer Le Crapaud et le Maître d'École dans le strict respect de sa version originale. La France, une fois n'est pas coutume, est, fort mal traitée. Le film n'y est jamais sorti au cinéma tandis que, seul, son premier segment a droit à une édition VHS, au début des années 90, dans la collection Mini Classiques. Le public tricolore doit en fait attendre 2003 pour obtenir en DVD l'œuvre originale complète.
Le Crapaud et le Maître d'École est, à l'époque, salué par la critique qui voit en lui un avant-goût du retour de la qualité et de l'innovation chez les Studios Disney, mis à mal, il est vrai, par les années terribles. Le film gagne ainsi un Golden Globe.
Le Crapaud et le Maître d'École se doit absolument d'être vu tant il réunit tous les ingrédients d'un Grand Classique Disney.