Poudre à Canon
Date de création : Le 05 octobre 1949 Nom Original : Gunpowder Créateur(s) : Wolfgang Reitherman Ward Kimball John Sibley Hugh Fraser |
Apparition : Cinéma Voix Originale(s) : Clarence Nash |
Le portrait
Beaucoup de chevaux Disney ont laissé un souvenir intemporel dans la mémoire du public. Parmi eux, figurent en bonne place Cyril Trottegalop, Major, Frou-Frou, Philibert ou bien encore Pégase. D’autres, en revanche, ont été oubliés à l’image de Poudre à Canon, la monture peu vaillante d’Ichabod Crane dans Le Crapaud et le Maître d’École.
Poudre à Canon (Gunpowder dans le texte original) est l’un des personnages secondaires de La Légende du Val Dormant, un classique de la littérature américaine écrit par Washington Irving en 1820. Présenté par l’auteur comme appartenant à un fermier voisin, un hollandais soupe au lait nommé Hans Van Ripper, l’animal est décrit « maigre et hirsute ». « Les traits fourbus », il possède « un cou de brebis » et une tête « pareille à un marteau ». Sa crinière et sa queue sont « fanées et emmêlées ». L’animal est en outre borgne. L’un de ses yeux a en effet perdu sa pupille, ce qui lui donne l’air « spectral » quand l’autre œil, encore viable, brille de « manière démoniaque ».
Certainement fougueux durant sa jeunesse, Poudre à Canon était autrefois la monture favorite de son maître. Mais les années aidant, il n’est plus à présent qu’un vieux bourrin qui n’est plus vraiment bon à grand-chose… Son propriétaire accepte néanmoins de le prêter à Ichabod Crane, l’instituteur du Val Dormant invité comme tous les habitants du coin à la grande fête organisée comme chaque automne chez Baltus Van Tassel, le plus riche fermier de la région.
Ichabod poursuivi par le Cavalier sans tête,
Gravure de F.O.C. Darley, 1849.
L’équipage, alors, n’a pas vraiment fière allure. Poudre à Canon n’est plus très fringant. Ichabod, d’ailleurs, ne l’est pas plus ! Les étriers, en effet, ne sont pas assez longs pour permettre à l’immense instituteur d’allonger ses jambes. Ses genoux, dès lors, ne descendent pas plus bas que la selle. Le maître est de plus obligé de courber l’échine et de plier ses bras pour pouvoir tenir en main les rênes de sa monture.
Le Cavalier sans tête aux trousses d'Ichabod Crane,
huile sur toile de John Quidor, 1858, Smithsonian American Art Museum, Washington.
Parvenant malgré tout à emmener son maître d’un soir à sa soirée, Poudre à Canon patiente une bonne partie de la nuit dans l’écurie du vieux Baltus Van Tassel. Endormi, l’animal rêve alors de montagnes de maïs et d’avoine et de champs remplis de trèfles. Mais bientôt, il est réveillé sans ménagement par Ichabod. La fête est terminée. L’instituteur veut rentrer chez lui le plus vite possible. À coup de pied, il sort le cheval de ses songes et se met en route. D’autres coups de cravaches sont bientôt nécessaires pour faire avancer l’animal récalcitrant.
Ichabod Crane, huile sur toile de William J. Wilgus, vers 1856,
National Gallery of Art, Washington.
Au moment d’arriver au niveau du pont enjambant la rivière juste à côté de l’église, des bruits de sabots se font mystérieusement entendre au loin. C’est le terrible Cavalier sans tête qui pointe à l’horizon. Soldat hessois décapité par un boulet de canon lors de la guerre d’indépendance, le revenant terrorise depuis des années la région. Terrifié, Poudre à Canon se lance au triple-galop sans attendre les ordres d’Ichabod qui manque d’être éjecté. Sa selle vient en effet de céder et de tomber par terre. Manquant de glisser, le maître d’école est obligé de se cramponner au cou du cheval.
Bientôt, le Cavalier sans tête lance une citrouille dans la direction d’Ichabod qui, ainsi assommé, s’écroule sur le sol. Sans se soucier du sort réservé au professeur, Poudre à Canon poursuit sa fuite en avant. Le lendemain matin, il est retrouvé seul en train de brouter paisiblement devant la porte de son maître. Son licol traîne sous ses sabots. Sa selle et surtout son cavalier d’un soir ont tous les deux disparu…
Dans Le Crapaud et le Maître d’École, Poudre à Canon entre dans l’histoire pour emmener, comme dans le livre, Ichabod Crane jusqu’à la luxueuse demeure de Baltus Van Tassel. L’animal est alors décrit avec sarcasme comme « un fier destrier ». Mais force est de constater que son dynamisme est somme toute relatif. Poudre à Canon apparaît en effet sous les traits d’un cheval nonchalant. Il traîne derrière lui sa charrue qu’Ichabod, aveuglé par l’amour qu’il porte pour la belle Katrina, n’a même pas pris la peine de détacher !
Poudre à Canon est de retour dans l’intrigue quelques minutes plus tard. La nuit est tombée. La fête du vieux Baltus est terminée. Ichabod, terrifié après avoir entendu les histoires de fantômes racontées par Brom Bones, a pris le chemin du retour. Sur le dos de sa monture, il traverse la lugubre forêt avec la peur au ventre. Pour aller plus vite, il frappe la croupe du cheval avec son parapluie. Mais rien n’y fait. Poudre à Canon s’arrête bientôt. La peur panique de l’instituteur tranche alors avec le calme du cheval qui, fatigué, décide de finir sa nuit le derrière appuyé contre l’une des tombes du cimetière.
Rapidement, Ichabod se rend toutefois compte du ridicule de la situation. Chaque petit bruit, aussi effrayant soit-il, ne provient en réalité que de plantes ou d’animaux tout à fait inoffensifs. Le maître d’école rigole alors de bon cœur avec son cheval. Mais soudain, un rire démoniaque déchire la nuit. En une fraction de seconde, la peur s’empare du maître et de sa monture qui découvrent le terrifiant Cavalier sans tête surgissant de derrière les sépultures. Effrayé, le cheval se carapate immédiatement en oubliant son maître qui, après l’avoir rattrapé, s’accroche à lui tant bien que mal pour ne pas tomber.
Hystérique et les yeux hagards, Poudre à Canon poursuit sa course à travers la forêt. Le terrible revenant aux trousses, il dévale une crête et tombe dans la rivière. Même sous l’eau, il continue à courir avec pour seul objectif d’atteindre le pont, seul espoir d’échapper au Cavalier qui, lui, ne peut traverser. Bientôt, le cheval glisse dans la gadoue. Étourdi, il repart au galop, mais dans la mauvaise direction. Ichabod cravache frénétiquement avec son parapluie et parvient à remettre sa monture dans la bonne voie. Tous les deux passent le pont. Mais le Cavalier n’a pas dit son dernier mot. Il lance une citrouille enflammée en direction d’Ichabod. Le lendemain, il ne reste près de la rivière que le chapeau de l’instituteur et les quelques traces de fer laissées par le cheval…
Anonyme dans l’œuvre de Disney, Poudre à Canon apparaît sous les traits d’un cheval à la robe grise. Sa queue, ébouriffée, et sa crinière, tout aussi minable, témoignent qu’il n’est plus de première jeunesse. Les paupières lourdes, le dos affaissé et le squelette saillant, l’animal a perdu toute once de vitalité. Contrairement au livre, il possède cependant encore ses deux yeux, tantôt bleus, tantôt verts, et souvent exorbités lorsque la peur s'empare de lui. Tout en rondeur, Poudre à Canon s'inscrit dans la droite lignée des chevaux Disney de l'époque et ressemble par certains aspects beaucoup à Cyril Trottegalop, à Bride Abattue, la monture de Pecos Bill, ou bien encore à l'étalon de Dingo dans Saludos Amigos.
La scène de la course-poursuite entre Ichabod et le Cavalier sans tête, véritable chef-d’œuvre d’animation, est principalement conçue par Wolfgang Reitherman. Membre du groupe très fermé des Neuf Vieux Messieurs, l’artiste originaire de Munich, en Allemagne, s’installe avec sa famille en Californie où il suit les cours de l’Institut Chouinard. Diplômé en 1933, il intègre les studios Disney et travaille comme assistant puis comme animateur sur plusieurs courts-métrages, notamment avec Dingo. Intégré au projet Blanche Neige et les Sept Nains pour lequel il donne vie au Miroir magique, il collabore ensuite à la production de presque tous les longs-métrages de Disney pour lesquels il crée notamment les personnages de Monstro, du Tyrannosaure, de Timothée, du Lapin Blanc, de Crochet et du Crocodile ou bien encore la scène de combat entre Clochard et les chiens des rues. Après avoir épaulé Clyde Geronimi à la tête de La Belle au Bois Dormant, il est promu au poste de réalisateur et supervise tous les classiques des (Les) 101 Dalmatiens aux (Les) Aventures de Bernard et Bianca. Producteur de Rox et Rouky, Reitherman prend sa retraite en 1980. Élevé au rang de Disney Legend à titre posthume en 1989, il décède dans un accident de voiture le 22 mai 1985 à l’âge de soixante-quinze ans.
Certaines apparitions de Poudre à Canon sont quant à elles dessinées par Ward Kimball et John Sibley.
Également membre des Neuf Vieux Messieurs, Ward Kimball est originaire de Minneapolis, dans le Minnesota. Il entre chez Disney en 1934 et participe à la production de quelques cartoons avant d’animer les nains dans Blanche Neige et les Sept Nains. Connu pour son côté loufoque, Kimball anime ensuite Jiminy Cricket, Bacchus, Jim Crow et sa bande de corbeaux, les Trois Caballeros, Lucifer, Tweedle Dee et Tweedle Dum ou bien encore le Chapelier Toqué. Réalisateur du court-métrage Les Instruments de Musique qui remporte l’Oscar en 1954, Ward Kimball conçoit et présente les épisodes sur l’espace diffusée au sein de l’émission Disneyland. Membre du groupe de jazz dixieland The Firehouse Five Plus Two et grand amateur de train, l’artiste travaille ensuite sur plusieurs programmes de télévision ainsi que sur les films Babes in Toyland, Mary Poppins, L’Apprentie Sorcière… Nommé Disney Legend en 1989, il décède le 8 juillet 2002 à l’âge de quatre-vingt-huit ans. Une des locomotives de Disneyland porte son nom.
Né à Danville, dans l’Illinois, John Sibley entre chez Disney en 1937. Spécialiste de Dingo, il participe à la production de presque tous les longs-métrages animés de Blanche Neige et les Sept Nains aux (Les) Aventures de Winnie l’Ourson et s’occupe en particulier de personnages comme les dinosaures de Fantasia, le Gauchito volant, Ichabod Crane, Si et Am, les rois Stéphane et Hubert ainsi que le duo Jasper et Horace. Il disparaît le 15 février 1973 à l’âge de soixante-et-un ans.
Hugh Fraser, quant à lui, est né à Butte, dans le Montana, le 15 août 1904. Engagé au milieu des années 1930, il collabore avec Norman Ferguson avec qui il travaille sur la majorité des longs-métrages Disney, de Blanche Neige et les Sept Nains à La Belle et le Clochard, ainsi que sur des dizaines de courts-métrages avec Pluto et Dingo. Très doué pour les caricatures et les scènes cartoonesques, il donne en particulier vie à Grand-Coquin et Gédéon, les éléphantes de Dumbo, les souris de Cendrillon, le Morse et le Charpentier. Quittant Disney pour Hanna-Barbera au milieu des années 1950, il disparaît le 6 janvier 1994 à l’âge de quatre-vingt-neuf ans.
Pour assurer les hennissements et les autres effets vocaux de Poudre à Canon, les réalisateurs Clyde Geronimi, James Algar et Jack Kinney font appel à une légende du doublage, Clarence Nash.
Né le 7 décembre 1904 à Watonga, en Oklahoma, Nash débute sa carrière dans les années 1920 en participant à l’émission The Merrymakers diffusée sur les ondes de KHJ, une station de radio basée à Los Angeles. Employé ensuite par l’Adohr Milk Company, un distributeur de lait, il est engagé par les studios Disney en 1932. Là, il prête alors sa voix à Donald Duck pour les cinquante années à suivre.
Clarence Nash
Clarence Nash s’occupe au passage du doublage de Riri, Fifi et Loulou et de Daisy. Il produit aussi les miaulements de Figaro ou bien encore les aboiements des (Les) 101 Dalmatiens. Collaborant en parallèle avec Hanna-Barbera, l'artiste vocal se retire en 1983 après une ultime interprétation de Donald dans Le Noël de Mickey. Gratifié à titre posthume du titre de Disney Legend, il meurt le 20 février 1985 à l’âge de quatre-vingts ans.
Cheval anecdotique de l’écurie Disney, Poudre à Canon n’en reste pas moins un personnage hilarant au cœur d’une scène à tous points de vue formidable.