Le Juge
Date de création : Le 05 octobre 1949 Nom Original : The Judge Créateur(s) : Ollie Johnston Harvey Toombs Rudy Larriva |
Apparition : Cinéma Voix Originale(s) : Leslie Denison Voix Française(s) : Albert Médina |
Le portrait
En 1949, les studios Disney adaptent Le Vent dans les Saules, le classique de Kenneth Grahame publié en 1908. Utilisé en première partie du long-métrage Le Crapaud et le Maître d’École, le moyen-métrage met alors en scène Crapaud, Baron Têtard, un amphibien excentrique qui, accusé d’un vol de voiture, doit bientôt comparaître devant un juge et sa cour.
Obtenant le silence grâce à quelques coups de maillet sur son bureau, le juge ouvre le procès. Après avoir laissé le greffier du tribunal résumer la situation et les charges retenues contre Crapaud, il donne bientôt la parole au procureur, le représentant de l’accusation invité à convoquer ses témoins à la barre.
Trônant sur son fauteuil, le visage figé et les yeux fermés, le juge écoute les témoignages du Rat, de la Taupe et de MacBlaireau. Il demande ensuite à Crapaud, qui assure lui-même sa défense, de venir à son tour à la barre. La tête nonchalamment posée au creux de sa main, il laisse chacun plaider. Interpellé par le procureur agacé par le ton désinvolte de Cyril Trottegalop, il ramène le silence dans la salle avant d’autoriser ce dernier à parler dans « son langage habituel ».
Racontée avec panache et quelques expressions familières, l’histoire de Cyril Trottegalop a tôt fait de passionner le juge, enfin sorti de sa torpeur. Observant le cheval droit dans les yeux, il n’en perd pas une miette. Crapaud aurait donc échangé son propre manoir contre la fameuse voiture. Aussi étonné que le procureur par les clauses de ce contrat tout à fait incongru, le juge ne peut se retenir de pouffer.
Particulièrement influençable, le magistrat n’hésite pas à se lever de son siège pour serrer la main de Monsieur Moustache, le barman présenté par Crapaud comme une personne d’une grande intégrité. Extatique, il donne alors l’impression de rencontrer pour la première fois une personne décrite comme honnête ! Mais le barman n’est en réalité qu’une petite frappe, une crapule qui s’autorise, non sans malice, à livrer un faux témoignage. Ses accusations contre Crapaud provoquent immédiatement un brouhaha immense dans la salle d’audience. Afin de ne pas perdre le contrôle de son procès, le juge tape frénétiquement sur son bureau. Visiblement dépassé par les événements, il rend dans l’instant son verdict. Crapaud est reconnu coupable et emmené immédiatement en prison. La justice a (mal) parlé...
Le juge de La Mare aux Grenouilles apparaît sous les traits d’un homme rondouillard et nonchalant reconnaissable entre mille grâce à son costume typique des cours de justice britanniques. Le personnage porte ainsi la traditionnelle toge noire à grandes manches. Il est également coiffé d’une perruque blanche longue semblable à celle qu’arborent fièrement les présidents de tribunaux anglais depuis le XVIIe siècle. Une petite paire de lunettes posée sur son nez aquilin complète son costume.
Tantôt éteint, tantôt galvanisé par les témoignages racontés à la barre, le juge est l’archétype même du magistrat incompétent souvent représenté à l’écran, notamment dans l’univers du dessin animé. Élément comique de la séquence, incapable de discerner la vérité du mensonge, l’honnête homme de la crapule, son apparence renforce encore son côté ridicule. Sa petite taille et son manque d’ardeur tranchent en particulier avec la grandeur et l’énergie outrancière du procureur.
Les apparitions du juge sont animées par Ollie Johnston, Harvey Toombs et Rudy Larriva.
En charge du fou-rire entre le juge et le procureur, Ollie Johnston naît le 31 octobre 1912 à Palo Alto, en Californie. Membre du groupe très fermé des Neuf Vieux Messieurs, il suit les cours de l’Institut Chouinard puis entre chez Disney en 1935. Débutant comme intervalliste sur plusieurs courts-métrages avec Mickey, il monte en grade et devient animateur puis superviseur. Au générique de presque tous les longs-métrages d’animation Disney, de Blanche Neige et les Sept Nains à Rox et Rouky, il a notamment donné vie à Pinocchio, Pan-Pan, Javotte et Anastasie, Alice, Monsieur Mouche, Jock, les trois fées de La Belle au Bois Dormant, Nanny, Archimède, Mowgli et Baloo, le Prince Jean, Winnie et Porcinet ainsi que Rox et Rouky. Grand passionné de trains anciens, élevé au rang de Disney Legend en 1989, Ollie Johnston est mort le 14 avril 2008 à l’âge de quatre-vingt-quinze ans.
Harvey Toombs s’occupe quant à lui de la confrontation entre le juge et Cyril Trottegalop. Né en février 1909 à Kansas City, l’artiste débute sa carrière chez Disney à la fin des années 1930. Au générique de Pinocchio, Fantasia, Bambi, Dumbo, Cendrillon, Alice au Pays des Merveilles, Peter Pan ou bien encore La Belle et le Clochard et La Belle au Bois Dormant, il anime Donald dans plusieurs courts-métrages ainsi que les personnages d’Angus MacBlaireau, de Peter Pan et de Lady ainsi que les trois fées. Il quitte finalement Disney à la fin des années 1950 et œuvre sur Les Aventures d’Aladin pour le compte d’UPA. Associé à la production de plusieurs séries télévisées parmi lesquelles Johnny Quest et L’Araignée d’après les aventures de Spider-Man, il décède en mars 1968.
Rudy Larriva anime la confrontation avec Monsieur Moustache puis la dernière apparition du juge. Né le 12 février 1916 à El Paso, au Texas, le dessinateur travaille d’abord sous la direction de Chuck Jones, alors sous contrat avec Leon Schlesinger, puis rejoint les équipes de Disney au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le 25 février 1946. Là, il collabore à une poignée de films avant son départ dès le 28 mai 1948. Il poursuit alors sa carrière chez UPA puis Warner Bros. Réalisateur de plusieurs courts-métrages avec Bip-Bip et le Coyote, il supervise entre autres la série Alvin et les Chipmunks dans les années 1980. Rudy Larriva est mort le 19 février 2010.
Se contentant de quelques minces lignes de dialogues, le juge est interprété en version originale par Leslie Denison. Originaire du Warwickshire, en Angleterre, où il naît le 16 juin 1905, le comédien apparaît au générique de dizaines de longs-métrages réalisés entre les années 1940 et les années 1960, parmi lesquels Charlie Chan in Rio, La Blonde de mes Rêves, Son of Lassie, Le Fils de Robin des Bois, La Flèche Noire, Aventure en Irlande et L’Abominable Homme des Neiges. Rarement crédité, il collabore de temps à autres avec les studios Disney en prêtant sa voix au sosie de Donald dans Donald et son Double, au canard colérique dans Voix de Rêve, à la voix intérieure de Donald dans L’Agenda de Donald, au juge et à une fouine de La Mare aux Grenouilles. Leslie Denison meurt le 25 septembre 1992 à Austin, au Texas.
En français, le juge est doublé par Albert Médina. Né le 3 février 1920 à Marseille, le comédien apparaît dans des dizaines de pièces de théâtre au cours d'une carrière débutée dès les années 1940 et longue de plus de quarante ans. Il apparaît en outre au cinéma dans des films comme Alerte au Deuxième Bureau, Pot-Bouille, Maigret Tend un Piège, Impossible... Pas Français et Mon Oncle d'Amérique. Également présent à la télévision, il participe en parallèle à quelques doublages parmi lesquels celui du (Le) Roi et l'Oiseau dans lequel il prête sa voix au Belluaire et au Haut-Hurleur et Les Aventuriers de l'Arche Perdue dans lequel il campe Sallah (John Rhys-Davies). Albert Médina disparaît le 5 août 2009.
Petit second rôle fort amusant, le juge fait partie de ces personnages qui, s’ils n’apportent pas grand-chose à l’histoire, offrent néanmoins tout leur charme aux productions Disney des années 1940.