Sarah Hawkins

À la fin des années 1990, les studios Disney s’attaquent à un énième monument de la littérature anglaise, L’Île au Trésor de Robert Louis Stevenson. En salle en 2002, le long-métrage, intitulé La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers, propose cependant une toute nouvelle approche. L’intrigue est en effet déplacée dans l’espace intersidéral. Plusieurs personnages voient dès lors leur rôle et leur apparence changer. Seuls quelques protagonistes conservent dans les grandes lignes la description offerte par Stevenson, à l’image de Madame Hawkins, la mère de Jim.

Mistress Hawkins est l’un des premiers personnages évoqué par Robert Louis Stevenson dans L’Île au Trésor. L’auteur est cependant avare en informations la concernant. Dans les premiers chapitres, le lecteur apprend qu’elle tient une auberge, l’Amiral-Benbow, un point de passage important pour les voyageurs se rendant à Bristol. Pour tenir l’établissement, Mistress Hawkins ne peut compter que sur l’aide de son fils, Jim. Son mari est en effet très malade. Alité, il décède d’ailleurs peu de temps après le début de l’intrigue.

Robert Louis Stevenson

Vivant avec peu de moyen, Mistress Hawkins voit un jour arriver dans son auberge un mystérieux marin balafré et colérique. Nommé Billy Bones, il exige une discrétion totale concernant sa présence. Le bonhomme est en effet recherché par une bande de forbans qui parvient malgré tout à retrouver sa trace. Lorsque Bones se voit remettre la Marque noire, sa peur est telle qu’il trépasse d’une crise cardiaque. Sans attendre, Jim et sa mère fouillent les affaires du vieux capitaine afin de trouver de quoi payer ses dettes. Récupérant pour seul butin un paquet de toile cirée, ils sont interrompus par un groupe d’hommes qui fait irruption dans l’auberge. Effrayée, Mistress Hawkins s’évanouit. Jim la porte dans ses bras afin de la mettre à l’abri.

Gravure de Louis Rhead, 1915

Réfugié chez le squire John Trelawney, Jim et sa mère ouvrent le paquet de toile cirée. Au milieu de nombreux documents, figure une carte portant l’indication « Ici le gros trésor ». Ni une, ni deux, Trelawney part pour Bristol afin d’affréter un navire. Son ami le docteur Livesey servira comme chirurgien de bord. Jim, pour sa part, sera employé en qualité de simple mousse. Il doit dès lors dire au revoir à sa mère qui, pour le remplacer, engage un autre garçon.

Gravure de George Roux, 1885

Mistress Hawkins ne revient qu’à la toute fin de l’intrigue. Grâce au fabuleux butin découvert sur l’île au trésor, Jim peut enfin lui assurer une existence heureuse et prospère.

Comme dans le roman de Stevenson, Sarah Hawkins est l’un des premiers personnages de La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers à apparaître à l’écran. Vêtue d’une simple chemise de nuit, elle fait irruption dans la chambre de son fils qui, au lieu de dormir, est en train de lire en cachette. « Et moi qui te croyais endormi depuis plus d’une heure ! ».

Incapable de résister au regard et au sourire du petit garçon, Sarah s’assoit près de lui afin de lire pour la énième fois l’histoire de la légendaire Planète sur laquelle le célèbre pirate Nathaniel Flint aurait amassé durant une vie entière de pillages le trésor de mille univers. « Allez, on ne joue plus à présent. Il est grand temps que ce petit spationaute s’endorme ». À peine a-t-elle éteint la lumière et refermé la porte de la chambre que son fils, caché sous sa couverture, replonge avec gourmandise dans son livre.

Douze ans plus tard, Jim est devenu un adolescent turbulent. Forte tête incapable de respecter les autorités et la loi, il a très mal vécu le départ soudain de son père qui, après s’être embarqué à bord d’un navire, n’est jamais revenu. Elle aussi abandonnée, Sarah Hawkins dirige désormais seule l’auberge familiale. Essayant tant bien que mal de satisfaire des clients parfois pénibles, elle peut fort heureusement compter sur le soutien sans faille du docteur Doppler, son ami de longue date à qui elle confie régulièrement tous ses tracas.

Le quotidien n’est malheureusement pas de tout repos pour la pauvre femme. Sarah est épuisée par le travail. L’argent ne rentre pas correctement. Surtout, les ennuis de Jim avec la justice ne cessent de croître. Lorsqu'il est une fois de plus ramené à l’auberge par deux officiers de police courroucés, elle tente de lui trouver des circonstances atténuantes. « Il fera en sorte de ne pas recommencer », promet-elle avant de réprimander Jim qui lui tourne le dos.

Cherchant à tout prix à éviter que Jim ne gâche son avenir, Sarah n'en peut plus. « Je suis pratiquement au bout du rouleau », confie-t-elle avec désespoir au docteur Doppler. « Depuis que son père est parti, il ne s’est jamais vraiment remis… Vous savez à quel point il est brillant. Il a construit tout seul son premier surf solaire à huit ans ! Malgré cela, il ne s’intéresse pas à l’école… Il a continuellement des ennuis… Et quand je lui parle, j’ai l’impression de m’adresser à un étranger… Je ne sais plus où j’en suis Delbert… ».

Ouvrant son médaillon holographique, Sarah regarde vers le passé avec nostalgie. « Je rêve de le voir un jour ouvrir la porte et de le retrouver comme autrefois. Un petit garçon souriant, heureux d’avoir trouvé un nouvel ami et me suppliant de le laisser l’adopter ». Les rêveries de Sarah sont brutalement interrompues lorsque Jim passe la porte accompagné de Billy Bones, un mystérieux marin dont le vaisseau vient de s’écraser près de l’auberge. « James Pleiades Hawkins !!! », hurle la mère de famille qui assiste, impuissante, à la mort du pauvre bougre.

Personne n’a réellement le temps de comprendre ce qu’il se passe que déjà, l’auberge est prise d’assaut par un groupe de forbans armés jusqu'aux dents. La porte vole en éclats. Les meubles sont retournés. Il faut fuir de toute urgence ! Prise par la main, Sarah est conduite à l’étage par Jim. Après avoir sauté par une fenêtre et pris place dans la calèche du docteur Doppler, la mère de famille n’a plus que ses yeux pour pleurer au moment où sa maison est dévorée par les flammes.

Mise à l’abri dans la luxueuse demeure du docteur, Sarah est inconsolable. Elle n’est cependant pas au bout de ses peines. Jim vient par hasard de déverrouiller la mystérieuse sphère que Bones lui a remise avant de trépasser. À l’intérieur, se cache la carte permettant de retrouver le fameux magot de Flint. Prétextant qu’il ne s’agit-là que de simples histoires destinées à divertir les enfants, Sarah tente de raisonner son fils, en vain. Jim ne veut rien entendre. Le Docteur Doppler, qui rêve de partir à l'aventure, n'aide pas. Sarah ne peut dès lors empêcher son garçon de partir à l’aventure afin de retrouver le formidable trésor.

Comme dans le roman, Sarah Hawkins ne revient qu’à la toute fin de l’histoire. Ignorant tout de l’incroyable – et dangereuse – aventure à laquelle Jim vient de participer, elle attend, fébrile, sur le quai de l’Astroport. Sa joie est alors immense au moment de serrer son fils dans ses bras. Grâce aux richesses récupérées in extremis sur la Planète au trésor, l’auberge familiale est reconstruite, plus belle encore qu’elle ne le fût jadis. Pouvant compter sur l’aide providentielle de B.E.N. pour tenir la maison, Sarah voit enfin l’avenir s’éclaircir, et ce d’autant plus que Jim est parvenu à intégrer les rangs de la marine intergalactique. Happy End!

Lorsqu’ils s’emparent de L’Île au Trésor de Robert Louis Stevenson, les réalisateurs John Musker et Ron Clements, avec leur équipe de scénaristes, font immédiatement le choix d’aborder l’œuvre sous un angle totalement nouveau. Le livre a en effet été maintes fois porté à l’écran, y compris par les studios Disney en 1950. Aussi, il paraît nécessaire de présenter une version novatrice et jusqu’ici jamais vue de l’histoire de Jim Hawkins. Pour commencer, l’intrigue du film est déplacée dans l’espace. Les eaux de l’océan Atlantique sont remplacées par la voûte éthérée. Le XIXe siècle est pour sa part changé en un futur lointain dans lequel le passé et la modernité s’allient dans un style steampunk totalement assumé.

Le roman d’aventures ayant été changé en récit de science-fiction, nombre de personnages voient leur rôle et leur apparence être totalement redéfinis. Certains sont purement supprimés de l’histoire, à l’image de Pew, John Hunter, Richard Joyce ou Israel Hands. D’autres fusionnent, comme le squire John Trelawney et le docteur David Livesey qui servent d’inspiration au Docteur Doppler. D’autres, encore, voient leur rôle évoluer, au premier rang desquels le capitaine Alexandre Smollett qui laisse la barre de son navire au capitaine Amélia. Ben Gunn devient quant à lui un robot abandonné, B.E.N.. La majorité des personnages de l’histoire arborent désormais les traits d’extra-terrestres de toutes tailles et de toutes formes, à commencer par John Silver représenté sous les traits d’un cyborg.

Seuls Jim Hawkins et sa mère conservent finalement une apparence humaine. Se voyant attribuer un prénom, Sarah, le rôle de cette dernière est globalement assez similaire aux écrits de Robert Louis Stevenson. Comme le livre, le film reste assez avare en informations la concernant. Pour connaître le passé de Sarah Hawkins, il faut alors se plonger dans l’ouvrage Treasure Planet: A Voyage of Discovery dans lequel l’historien Jeff Kurtti et l’autrice Jody Revenson dressent un portrait plus précis. Il est ainsi noté que Sarah et son mari Leland se sont installés à Mondragore juste avant la naissance de Jim. À l’époque, la planète possède une industrie minière florissante et tous les deux espèrent encore parvenir à faire fortune. Marié très jeune, Leland ne parvient cependant pas à assumer ses responsabilités de père. Malheureux, il comprend qu'il n'obtiendra jamais la vie dont il a toujours rêvé pour ses proches et lui. L’année des huit ans de Jim, il décide donc de partir, laissant derrière lui sa famille. Parvenant difficilement à sauver la face, Sarah transforme la maison familiale en auberge afin de gagner un peu d’argent. Accaparée par sa clientèle, elle délaisse malgré elle Jim qui, choqué par le départ de son père, sombre dans la petite délinquance.

Dessins de storyboard

L’apparence de Sarah Hawkins est notamment définie par Peter Clarke. Diplômé de la Parsons New School for Design, l’artiste est engagé aux studios Disney en janvier 1995. Il participe alors au layout de Pocahontas, une Légende Indienne puis à la conception des personnages de Fantasia 2000 (séquence inspirée de Pomp and Circumstance), Dinosaure, Atlantide, l’Empire Perdu et La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers. Après un bref passage de six mois chez DNA Productions entre janvier et juillet 2006, il rejoint les rangs de Blue Sky et planche sur L’Âge de Glace et ses deux premières suites. De décembre 2007 à février 2013, il passe chez ArenaNet. Il continue ensuite de travailler comme concepteur visuel pour divers courts-métrages inspirés du jeu vidéo World of Warcraft. Clarke collabore aussi à la création de certaines marionnettes utilisées lors des tournages de Star Wars : The Mandalorian et Star Wars : Le Livre de Boba Fett.

Peter de Sève apporte également son talent à la création de Sarah Hawkins. Originaire du Queens où il naît en 1958, l’artiste se fait notamment connaître en signant des dizaines de couvertures pour la revue The New Yorker. Trouvant son inspiration dans les comic books qu’il dévorait étant enfant, il se tourne vers la caricature d’humains et d’animaux ce qui attire bientôt l’attention des studios d’animation de la côte Ouest. Engagé par Disney, il contribue ainsi à la production du (Le) Bossu de Notre-Dame, Mulan, Tarzan, Kuzco, l’Empereur Mégalo et La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers. Dans le même temps, il travaille aussi pour Pixar (1001 pattes (a bug’s life), Le Monde de Nemo, Ratatouille), pour DreamWorks, S.K.G. (Le Prince d’Égypte) et pour Blue Sky (L’Âge de Glace, Robots, Epic : La Bataille du Royaume Secret, Ferdinand). Crédité aux génériques de Hop et Le Petit Prince, Peter De Sève est l’auteur d’A Sketchy Past.

L’animation de Sarah Hawkins est supervisée par Jared Beckstrand. Après avoir travaillé aux côtés de Don Bluth sur les films Rock-O-Rico, Poucelina et Le Lutin Magique, puis avec Richard Rich sur Le Cygne et la Princesse, il intègre les studios Disney au milieu des années 1990. Intervalliste durant la production de Pocahontas, une Légende Indienne, il devient l’un des animateurs composant l’équipe de Ken Stuart Duncan. À ses côtés, il donne vie à Esmeralda, Mégara et Jane Porter. Il enchaîne ensuite avec des personnages comme Pacha, Sarah Hawkins, Maggie et Charlotte LeBœuf. Après son départ de Disney, Jared Becktrand rejoint les studios fondés par Duncan. Sa filmographie s’allonge alors avec des titres comme Kung Fu Panda : Les Secrets des Maîtres et Le Retour de Mary Poppins. Pour Warner Bros., il collabore ensuite aux productions de Space Jam : Nouvelle Ère, Tom et Jerry à New York et Tom et Jerry au Far-West.

La scène d’introduction avec Sarah Hawkins en train de lire puis de jouer avec son petit garçon est quant à elle animée par Glen Keane. Né à Philadelphie le jour le 13 avril 1954, le dessinateur est l’un des prodiges de sa génération. Passé par CalArts avant d’être engagé par Filmation, il rejoint Disney en 1974. Sous l’égide d’Eric Larson, Frank Thomas, Ollie Johnston, John Lounsbery, Wolfgang Reitherman et Milt Kahl, les derniers pionniers qui partent tous progressivement à la retraite, il collabore à la conception des (Les) Aventures de Bernard et Bianca, Peter et Elliott le Dragon, Rox et Rouky, Le Noël de Mickey, Taram et le Chaudron Magique, Basil, Détective Privé et Oliver & Compagnie. Créateur de Ratigan, Georgette et Sykes, il brille en 1989 puis durant la décennie 1990 en donnant vie à Ariel, Marahute, la Bête, Aladdin et Tarzan, puis à John Silver dans La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers. À l'origine du style de Raiponce, il quitte Disney et réalise Duet, Nephtali et Dear Basketball qui lui vaut de remporter l’Oscar du Meilleur Court-Métrage d’Animation en 2018. En 2020, il dirige le long-métrage Voyage vers la Lune distribué sur Netflix.

En version originale, Sarah Hawkins est interprétée par la comédienne Laurie Metcalf. Née le 16 juin 1955 à Carbondale, dans l’Illinois, elle étudie l’art à l’Université de l’État et décroche son diplôme en 1976. Dans les mêmes classes que John Malkovitch, Joan Allen et Gary Sinise, elle débute sa carrière de comédienne au sein de la Steppenwolf Theatre Company. Enchaînant les pièces, elle tourne également pour la télévision et le cinéma. Son rôle le plus célèbre reste alors celui de Jackie Harris, la meilleure amie de Roseanne dans la série éponyme, rôle qui lui vaut de décrocher trois Emmy Awards. Mère de Sheldon Cooper dans The Big Band Theory, elle apparaît au cinéma dans Recherche Susan Désespérément, Affaires Privées, JFK, Escroc Malgré Lui, Scream 2 et Lady Bird. Elle prête en outre sa voix à Madame Davis dans la saga Toy Story.

En France, le rôle est offert à Ninou Fratellini. Issu de la dynastie Fratellini célèbre dans le milieu du cirque, l’actrice a notamment prêté sa voix à Vitali dans Le Roi Lion 2 : L’Honneur de la Tribu, à Neera dans Dinosaure ainsi qu’à Franny dans Bienvenue Chez les Robinson. Elle est aussi la doubleuse de Michelle Fairley (Catelyn Stark) dans la série Game of Thrones.

Mistress Hawkins n’apparaît pas dans L’Île au Trésor, la première adaptation du roman de Robert Louis Stevenson produite par les studios Disney en 1950. Une pirouette permet en effet de se passer d’elle. Lorsqu’il est interrogé sur l’absence de sa mère, Jim (Bobby Driscoll) précise qu'elle est « partie à la ville ». Madame Hawkins est pareillement trappée dans L’Île au Trésor des Muppets où elle est remplacée par un autre personnage, Mrs. Bluveridge, interprété par la comédienne Jennifer Saunders.

Comme l’ensemble de la distribution de La Planète au Trésor - Un Nouvel Univers, Sarah Hawkins apparaît dans l’adaptation du film en bande dessinée. Dans le comics L’Île au Trésor publié en 2019, le personnage disparaît de nouveau, remplacé par Linda, une tante de Jim ici interprété par Mickey.

Accablée par des événements sur lesquels elle n’a aucune prise, Sarah Hawkins incarne avec justesse et émotion une mère aimante et surtout préoccupée pour son fils, tête brulée rêvant de partir à l’aventure.