Le Roi Lion 2
L'Honneur de la Tribu
Le synopsis
Dans le royaume de feu Mufasa, une génération passe : de l'union de Simba et Nala naît en effet une petite Kiara.
Reproduisant la même insouciance et obstination que ses parents à son âge, la petite lionne aime s'aventurer dans la savane et déjouer la surveillance de ses baby-sitters attitrés, les farfelus Timon et Pumbaa. Tout se passe bien néanmoins... jusqu'au jour où Kiara pénètre dans le territoire interdit et fait la connaissance du jeune lion Kovu. Fils de la perfide Zira, ce dernier a été en fait choisi par le traître Scar pour réhabiliter son clan et s'emparer par la même du territoire de Simba. Mais l'amour en décide autrement...
La critique
Le Roi Lion 2 : L'Honneur de la Tribu est le second opus de la saga du (Le) Roi Lion.
Le Retour de Jafar est à l'origine de l'ineptie qui consiste à faire des suites vidéo aux Grands Classiques Disney. Il a, en effet, trois ans auparavant, ouvert une véritable boite de Pandore. En réalité, cette toute première suite d'Aladdin n'a jamais été prévue en tant que séquelle officielle du film. Il s'agissait ainsi des cinq premiers épisodes de la série télé Aladdin - narrant la même histoire et composant, en quelque sorte, son épisode pilote - que des responsables du département vidéo du studio ont l'idée de réunir en un seul opus pour le proposer à la vente. Bien qu'exécrable d'un point de vue artistique, la solution s'avère vite excellente d'un point de vue économique. Le film obtient, il est vrai, des résultats commerciaux impressionnants au point de décrocher le titre de la vidéo la plus vendue de l'année 1994 sur le marché américain. Le carton financier est total : peu d'investissements pour beaucoup de recettes. Il n'en faut pas plus pour que le studio de Mickey, au sein duquel les financiers ont alors pris le pouvoir, s'engouffre dans ce filon de la médiocrité qui a le don enviable de rapporter gros sur le court terme, tout du moins. Et tant pis : et pour l'image, et pour la réputation !
Un département au sein des studios Walt Disney Television Animation est donc spécialement chargé de s'occuper des suites de Grands Classiques, récents comme anciens. Les succès de Disney de la décennie 90, au cinéma comme à la télévision, ayant permis l'ouverture de studios-succursales à travers le monde (et notamment au Japon, en Australie et au Canada), c'est naturellement à ces derniers qu'est assigné le fardeau, devenu la priorité des priorités des plannings de productions. L'investissement et le temps sont, en effet, bien moins importants pour réaliser ces ersatz de films ; la recherche sur les personnages et les décors étant bien évidemment pompée sur le premier opus livré lui par Walt Disney Animation Studios. Il ne reste qu'à chercher une bonne histoire et animer le tout. Et quoi de mieux pour faire tourner le tiroir caisse que de proposer une suite à ce qui est, à l'époque, le plus grand succès des films d'animation, tous studios confondus : Le Roi Lion.
Et contre toute attente, Le Roi Lion 2 : L'Honneur de la Tribu, même s'il n'atteint pas la perfection du premier opus, étonne par sa qualité. Il est alors la première suite vidéo d'un Grand Classique Disney à être visionnable sans dégout. Cette prouesse, qui ne dit pas son nom, se doit d'abord à une histoire simple mais efficace, des personnages globalement attachants, et une musique toujours aussi envoutante.
Si Le Roi Lion semble s'inspirer d'Hamlet,
Le Roi Lion 2 : L'Honneur de la Tribu prend clairement sa source d'une
autre pièce de Shakespeare : Roméo & Juliette. Le scénario ne
s'embarrasse d'ailleurs pas d'une volonté d'originalité. Il reprend ainsi là où
s'est arrêté le premier opus et en applique strictement les mêmes codes. En
terrain connu, le spectateur assiste donc à une ouverture majestueuse, des
moments père / enfant, une chanson romantique, une ritournelle colorée se basant
sur une expression africaine, et bien sûr, l'air du méchant...
A côté de cela, le film construit sa légitimité scénaristique aux forceps ; son
idée de supposé mariage entre Zira et Scar apparaissant, en effet, tout sauf
crédible tant, dans le premier film, le méchant affichait ostensiblement un
statut de célibataire endurci. Il faut, dès lors, se creuser les méninges pour
trouver à la justifier. La seule solution acceptable semble être que Zira -
devenue la « femme » de Scar alors qu'il était sur le trône - a refusé la
victoire de Simba et choisi l'exil, si elle n'a pas été carrément bannie. Mais le
statut du couple de méchants n'est pas le seul à être contestable. La situation
de Vitani et Nuka , leurs enfants, et Kovu, le second fils de Zira, pose
problème. Comment Scar a-t-il pu choisir comme héritier un enfant qui n'est pas
de lui ? Ce tour de passe-passe généalogique, qui ne sert en réalité qu'à
permettre l'idylle entre les deux représentants des clans opposés, est somme
toute un peu gros...
Enfin, et cela relève plus de l'anecdote, les auteurs des deux films semblent ne
pas être d'accord sur le sexe de l'enfant de Simba. Si, à la fin du
(Le) Roi Lion, tout le monde s'accorde à penser
que le bébé que brandit Rafiki est un petit lionceau, il se transforme en une
jeune lionne dans la suite...
Toutes ces interrogations ne pèsent finalement pas bien lourd dans le déroulement du (Le) Roi Lion 2 : L'Honneur de la Tribu car, si l'opus enfonce à l'évidence des portes ouvertes, il reste pour autant efficace et sincère.
Côté personnages, toute la joyeuse troupe est de retour telle que les
spectateurs l'avait laissée à la fin du (Le) Roi Lion
même si ses principaux composants, aux premiers rangs desquels se trouvent Nala,
Timon, Pumbaa et Zazu, assument ici des rôles plutôt effacés, au regard du
premier film. Rafiki échappe, lui, à la règle et reprend exactement le même rôle
changeant simplement de disciple, du père à la fille. Simba, quant à lui, marche
dans les traces de son père Mufasa, oubliant peu à peu son immaturité d'antan.
Devenu roi, il a désormais le poids de sa charge sur les épaules et ne déroge
plus au protocole. Il renforce même dans cette aventure la sagesse dont les
prémices apparaissent en toute fin du film référent.
Heureuse surprise : tous les intervenants historiques du (Le) Roi Lion 2 :
L'Honneur de la Tribu bénéficient des mêmes doubleurs que dans le premier
opus, et ce, aussi bien en anglais qu'en français. Une belle prouesse pour une
simple suite en vidéo !
Parmi les nouveaux castés, Kovu, le fils adoptif de Scar, est un personnage
particulièrement intéressant tant la complexité de son statut est grande. Son
évolution au fil de l'histoire est, ainsi, riche de surprises tout comme son
apprentissage de l'amour, pour lequel il abandonne finalement toutes velléités
de vengeance.
Kiara, la fille de Simba et de Nala, est clairement le mélange du couple
emblématique du (Le) Roi Lion. Elle possède, il
est vrai, la fougue de son père et le tempérament bien trempé de sa mère. Rien
d'étonnant dès lors à la voir tenter de faire bouger les lignes et d'apporter
toute son idéologie de jeunesse à son père qui reste arcbouté sur ses principes.
Zira est, sans aucun doute, la grande déception du casting. Cette vilaine, à
l'aura bien fade, est, en effet, plus hargneuse que méchante, toute figée
qu'elle est dans sa volonté de vengeance. Ses traits, de caractère comme
d'apparence, sont ainsi grossiers et constituent en soi une véritable insulte à Scar dont la classe et la stature sont à l'évidence d'un bien autre niveau.
A ses cotés, se trouve Nuka son fils ainé qui présente la particularité d'être
un attardé. Sa seule justification dans le film est donc de légitimer le statut
d'héritier de Kovu, aussi bien par son handicap mental que par sa mort, censée
renforcer la volonté de vengeance chez son demi-frère.
Vitani, sa fille, s'inscrit, elle aussi, dans le genre des personnages utiles
uniquement pour souligner une situation ou un sentiment ; l'intérêt de sa
présence se trouvant dans sa capacité à pardonner au clan de Simba.
Le Roi Lion 2 : L'Honneur de la Tribu affiche un atout dont la plupart des suites vidéo sont totalement dépourvues. Sa bande–son, d'une qualité remarquable (Certains Grands Classiques Disney peuvent même à rougir face à elle !), est tellement réussie qu'elle permet d'ailleurs à elle-seule de gommer les quelques imperfections de l'opus, relevées ici et là. Le premier titre inédit est ainsi somptueux : He Lives in You, écrit à l'origine par Lebo M. et figurant dans l'album Rhythm of the Pride Lands, sorti le 28 février 1995 et s'inspirant du (Le) Roi Lion, fait frissonner son auditoire. Il sera d'ailleurs repris dans le musical de Broadway monté, à travers le monde, par Julie Taymor. Dans le film, c'est Tina Turner qui l'interprète avec une conviction incroyablement communicative. Mais les autres chansons ne sont pas en reste. We Are One, (où Simba parle avec Kiara enfant) et Not One of Us (où Kovu se fait bannir de la terre des lions) sont elles-aussi excellentes tout comme Love Will Find away, la chanson d'amour, et Upendi, le pendant d'Hakuna Matata, sont entêtantes à souhait. Au final, seul My Lullaby, entonnée par Zira, reste vraiment dispensable.
Le Roi Lion 2 : L'Honneur de la Tribu méritait à n'en pas douter une sortie en salles... Si seulement son animation n'avait pas été si perfectible ! Elle est clairement le gros – et seul – handicap de taille de l'opus. Pénalisé par des coupes budgétaires, son rendu se situe à des années lumières de son film de référence, même si ses artistes n'ont pas démérité au regard des quelques tentatives d'effets spéciaux menées au fil du récit, comme lors de la chanson du bannissement de Kovu...
Disney a cru dans son « produit » : la compagnie de Mickey place, en effet, pas moins de 15 millions de cassettes VHS dans les rayons américains lors de sa sortie le 27 octobre 1998. Bien lui en a pris : 3.8 millions partent en 3 jours tandis que la quasi-totalité du stock s'épuise lors de sa mise au coffre au début de l'année 2000.
Malgré des défauts évidents (mais pourquoi a-t-il fallu que la suite du Roi Lion ait été pensée pour le marché de la vidéo ?), Le Roi Lion 2 : L'Honneur de la Tribu est une très belle réussite : parce qu'il ne trahit pas l'héritage de ses personnages historiques, parce que les entrants sont attachants, parce que sa musique est envoutante, parce que son histoire tient finalement la route et parce que la faiblesse de son animation lui est pardonnée...