Docteur Frankenollie

En 1995, le public retrouve (enfin) Mickey sur grand écran dans Mickey Perd la Tête, une aventure des plus surprenantes dans la longue filmographie du petit héros qui, pour l’occasion, devient malgré lui le cobaye des terrifiantes manipulations génétiques d’un scientifique fou, le Docteur Frankenollie.

Passant ses journées à jouer aux jeux vidéo, Mickey s'est mis dans l’embarras. Il a en effet oublié l’anniversaire de son premier baiser avec Minnie. Afin de réconforter sa belle, heurtée par tant de négligence, le héros fait alors mine d’avoir en réalité tout prévu. Se saisissant d’un vieux journal, il montre ainsi à Minnie une publicité pour un mini-golf dans lequel les deux amoureux pourraient passer ensemble une bonne après-midi. Mais Mickey est pris à son propre piège lorsque sa chère et tendre aperçoit sur la même page une autre réclame pour un sublime voyage à Hawaï…

Désemparé à l’idée de décevoir une fois de plus sa dulcinée, Mickey doit trouver au plus vite les 999,99 dollars nécessaires à payer ce fameux séjour au soleil. Espérant trouver une solution dans la page des petites annonces, il tombe bientôt sur une offre d’emploi rédigée par un certain Docteur Frankenollie. Pour Mickey, l’aubaine est royale. Il se rend donc sans tarder à l’adresse de de mystérieux scientifique, au 1313, impasse de la Lobotomie…

À peine a-t-il enfilé sa belle cravate avant de frapper à la porte que Mickey se retrouve soudain aspiré par le sol. Ni une, ni deux, le voilà solidement attaché sur un fauteuil médical placé au centre d’un incroyable et inquiétant laboratoire. « Docteur Frankenollie, à votre service ! », s’exclame le propriétaire des lieux qui surgit de nulle part, « Vous êtes venu pour l’annonce ?! ».

Examinant son nouveau cobaye sous toutes les coutures, le Docteur est extatique. « Ne soyez pas timide », explique-t-il pour calmer les craintes de Mickey, « C’est plus qu’une annonce, l’ami. C’est une aventure ! ». Ignorant les plaintes de la souris qui ne cherche plus qu’une chose, s’enfuir, Frankenollie ne perd pas une seconde pour exposer ses plans. « Que je vous présente votre nouveau compagnon de jeu ! Je l’ai fabriqué moi-même… ».

En appuyant sur une commande, le Docteur Frankenollie fait entrer dans la pièce Julius, un gigantesque monstre. « Oooohhhh ! Ils sont mignons quand ils couinent », s’amuse-t-il en étouffant les cris de Mickey. Après avoir brutalement allumé un moniteur, le scientifique fou utilise une plate-forme pour se placer à hauteur du visage de sa créature. « Julius, Julius ! Mon bébé ! Papa va te faire cadeau d’une cervelle toute neuve ! ».

À l’aide de boutons et de leviers, le Docteur Frankenollie actionne son invention. Partout, des arcs électriques parcourent le laboratoire. Mickey est foudroyé, tout comme Julius. L’expérience se termine lorsque toute la machinerie explose. « Je ne me sens pas dans mon assiette... », se lamente Mickey dont le cerveau vient d’être déplacé dans la tête du monstrueux Julius.

Le transfert a donc bel et bien réussi ! Mais le « bon » Docteur Frankenollie n’est plus là pour le constater. Après avoir lui aussi pris la foudre, le savant fou est en effet resté accroché à sa machine, raide-mort. Son corps est alors réduit en poussière par Mickey qui, désormais enfermé dans le corps de Julius, tente de le ranimer afin que celui-ci annule l’expérience…

Alors que la production du (Le) Roi Lion touche à sa fin, les animateurs des studios Disney sont dans l’attente du projet suivant. Afin de les maintenir occupés, la réalisation d’un nouveau court-métrage avec Mickey Mouse est alors lancée sous la direction de Chris Bailey. Intitulée Mickey Perd la Tête, cette nouvelle aventure marque ainsi le retour sur les écrans de la célèbre souris qui, après être apparue dans Le Noël de Mickey (1983) et Le Prince et le Pauvre (1990), revient au format du court-métrage quarante ans après Mickey à la Plage dont la sortie remonte à 1953.

Pour ce nouveau sujet avec Mickey, les équipes de Disney décident de s’inspirer des premiers cartoons en noir et blanc du héros, lorsqu’il était encore un petit bonhomme espiègle capable de faire les pires bêtises. Écrit par Tim Hauser dont le scénario est validé par le non-conventionnel Jeffrey Katzenberg, le directeur d’alors de Walt Disney Pictures qui souhaite redonner un petit coup de fouet à la division animation, Mickey Perd la Tête trouve également son origine dans les vieux films fantastiques produits dans les années 1930. Ces derniers avaient déjà à l’époque influencé Walt Disney et ses artistes lors de la réalisation de The Mad Doctor (1933), notamment, ou bien du (Le) Mouton Devient Loup (1937). Frankenstein, le classique réalisé en 1931 par James Whale d'après l’œuvre de Mary Shelley, est en particulier la source la plus prégnante. Le casting de Mickey Perd la Tête est dès lors agrémenté par la célèbre figure du scientifique fou menant des expériences anéthiques.

Le rôle du savant excentrique est ainsi offert au Docteur Frankenollie. Il s’agit alors de l’unique personnage créé spécialement pour le film, le reste de la distribution étant composé des historiques Mickey, Minnie, Pluto et Pat Hibulaire. Le méchant apparaît sous les traits d’un singe, peut-être un chimpanzé. Parodie de Victor Frankenstein, il porte une blouse blanche et des gants en caoutchouc noirs. Équipé, lors de sa première apparition, de grosses lunettes le protégeant de la lumière, il est doté sur le haut de son crâne d’une étrange ampoule qui s’allume lorsqu’il a une idée de génie.

Feuille de modèles

L’apparence du Docteur Frankenollie n’est pas sans rappeler celle des Professeurs Ecks, Doublex et Triplex. Certaines sources mentionnent que le personnage devait d'ailleurs au départ être incarné par le Professeur Ecks mais que l’idée n’a finalement pas été retenue. Créés par Floyd Gottfredson, les trois méchants apparaissent pour la première fois en 1932 dans la bande dessinée Le Château Blaggard. Inspiré du cartoon The Mad Doctor, l’histoire prend place dans un lugubre château où Mickey, accompagné par Horace, est invité à tester la nouvelle invention du trio de scientifiques simiesques, à savoir un rayon hypnotisant permettant de contrôler la volonté des gens. À l’époque déjà, la souris, tout comme son ami équin, se retrouve donc la proie des expérimentations de singes savants totalement amoraux. Si Gottfredson n’a jamais réutilisé ses trois personnages, ces derniers ont malgré tout signé d’autres apparitions sous la mine d’autres dessinateurs, durant les décennies 1970, 1980 et 1990, ou plus récemment dans l’album Mickey et la Terre des Anciens.

Le Château Blaggard (1932)

L’adresse du laboratoire du Docteur Frankenollie est elle-même une référence au Disneyland Park. La maison du savant est en effet située au 1313, impasse de la Lobotomie (1313 Lobomoty Lane dans la version originale). Le Parc d’attraction, quant à lui, a été construit au 1313 Harbor Boulevard. Mickey Perd la Tête est alors une belle occasion, pour les artistes, de se moquer des bien-pensants qui estiment que les Parcs Disney sont des lieux abêtissants pour le public !

Le nom du personnage est enfin un beau clin d’œil à deux artistes de légende des studios Disney, Frank Thomas et Ollie Johnston. Le premier est notamment l’animateur des Nains, Pinocchio, Bambi glissant sur la glace, Madame de Trémaine, le Bouton de Porte et la Reine de Cœur, le Capitaine Crochet, Lady et le Clochard mangeant leur plat de spaghettis, Madame Mim affrontant Merlin ou bien encore Winnie et Porcinet et Bernard et Bianca. Le second a pour sa part donné vie à Pinocchio, Anastasie et Javotte, Alice, Monsieur Mouche, Archimède, Shanti, le Prince Jean ou Rufus. Frank Thomas et Ollie Johnston ont en outre animé en duo les Fées de La Belle au Bois Dormant, les Pingouins de Mary Poppins, Mowgli et Baloo et Rox et Rouky. Amis indissociables récompensés chacun par un Disney Legend Award en 1989, les deux artistes étaient tout le temps évoqués par leurs prénoms, Frank & Ollie, origine du nom du Docteur Frankenollie.

Frank Thomas et Ollie Johnston

La première apparition du Docteur Frankenollie est supervisée par Andreas Deja. Né à Gdańsk, en Pologne, le 1^er avril 1957, l’artiste se découvre une passion pour l’animation après avoir découvert Le Livre de la Jungle à l’âge de onze ans. Naturalisé allemand, il se met alors en tête de travailler un jour pour les studios Disney à qui il écrit des lettres et envoie ses dessins. Encouragé à persévérer, il suit les cours de l’université Folkwang Hochschule d’Essen d’où il sort diplômé. Passant de l’autre côté de l’Atlantique, il correspond un moment avec le vétéran Eric Larson avant de finalement réaliser son rêve. En août 1980, il est en effet engagé par les studios Disney qui le mettent au travail sur Taram et le Chaudron Magique. Collaborant avec Tim Burton, il produit alors des dizaines de recherches graphiques et anime certains passages avec le héros. Promu animateur puis superviseur, Andreas Deja donne notamment naissance à des personnages comme la reine Moustoria, Roger Rabbit, le roi Triton, Gaston, Jafar, Scar et Hercule. Créateur de Mickey dans Le Prince et le Pauvre, Mickey Perd la Tête et Fantasia 2000, il anime la reine Narissa, Lilo, Alameda Slim, Mama Odie et Tigrou. Associé à la restauration de plusieurs classiques des studios parmi lesquels Blanche Neige et les Sept Nains et Pinocchio, il quitte finalement Disney. Récompensé par un Disney Legends Award le 14 août 2015, il présente en 2023 son premier court-métrage animé, Mushka.

D’autres animateurs œuvrent également sur le savant fou sans que leur nom soit clairement défini au générique. Envoyé à Paris, dans feu les studios Disney de Montreuil où le court-métrage a été produit, Andreas Deja a ainsi collaboré avec Bohlem Bouchiba, Uli Meyer, Chris Bradley, Dominique Monféry, Sylvain Deboissy, Sergio Pablos, Patrick Delage, Catherine Poulin, Marc Eoche Duval, Yoshimichi Tumara et Stéphane Sainte-Foi.

En version originale, le Docteur Frankenollie est interprété par Kelsey Grammer. Né le 21 février 1955 à Saint Thomas, dans les Îles Vierges, le comédien commence à se produire au théâtre dès l’adolescence. Étudiant à la Juilliard School, il rejoint la troupe de l’Old Globe Theatre de San Diego puis fait ses débuts à Broadway en 1981 dans MacBeth de William Shakespeare. Sa carrière au théâtre se poursuit alors avec, entre autres, Othello, Richard II, La Cage aux Folles, Finding Neverland, Big Fish et Man of La Mancha. Après quelques rôles plus ou moins secondaires, Kelsey Grammer devient une vedette du petit écran grâce aux séries Wings et Frasier. Au cinéma, le comédien est également à l’affiche de films comme X-Men : L’Affrontement Final, Fame, Expendables 3, Transformers : L’Âge de l’Extinction et Jesus Revolution. Il prête enfin sa voix à plusieurs personnages de dessins animés tels que Tahiti Bob dans Les Simpson, Vlad dans Anastasia ou bien Papi Pépite dans Toy Story 2.

En France, le rôle est offert à Richard Darbois. Voix familière auprès du public français, l’acteur naît le 7 décembre 1951 à Montréal. Débutant sa carrière dans les années 1970, il devient la doublure française de Richard Gere, Harrison Ford, Bill Murray, Danny Glover, Dan Aykroyd, Patrick Swayze et Jeff Goldblum. Il incarne par ailleurs des dizaines de personnages animés comme Le Génie, Buzz l’Éclair, Willie le géant, Oogie Boogie, Maestro Forte, Shan-Yu, Kron, Henry J. Waternoose, Bruce, Butch, Louis ainsi que Batman.

Le Docteur Frankenollie apparaît dans l’adaptation en bande dessinée de Mickey Perd la Tête parue en 2004 dans Mickey Mouse And Friends #269. Le personnage est cependant quelque peu différent. Son pelage, noir, est en effet marron. Sa blouse, blanche, est colorée en bleu. Uniquement représenté sur deux pages, sa fin est pour sa part identique, le scientifique terminant pulvérisée par l’énergie déployée par sa propre invention.

Runaway Brain (2004)

Aujourd’hui renié par les studios Disney qui regrettent à ses côtés une représentation monstrueuse de Mickey, le scientifique a tout de même eu l’honneur de quelques produits dérivés. Le méchant possède ainsi une statuette à son effigie sortie en 2009 dans la prestigieuse Walt Disney Classics Collection. Il est également représenté en deux versions dans la série des Disney Vinylmation. Il possède enfin une peluche Tsum Tsum à son image.

Le Docteur Frankenollie apparaît dans le jeu vidéo Disney’s Online Cybernettiquette Comix sorti en 2009. Il met en scène Dingo qui, après avoir reçu un mystérieux courriel, est mis en garde par Mickey. Prenant pour exemple l’histoire de Blanche Neige qui, à force de faire confiance à tout le monde, fut bernée par la Reine, ce dernier prévient son ami des dangers de tels envois dont la provenance n’est pas certaine. Mickey a alors raison de se méfier, l’e-mail réceptionné par Dingo étant en réalité un virus créé par le Docteur Frankenollie.

Disney’s Online Cybernettiquette Comix (2009)

Le méchant est présenté comme l’inventeur d’une gamme de jouets vendue dans les Parcs Disney américains. Intitulée Disney "TRONICS" GvE, celle-ci prend la forme de boites contenant chacune deux figurines, l’une incarnant le bien, l’autre le mal. L’un des duos est formé par des robots du Prince Philippe et de Maléfique changée en dragon. Un autre par Stitch et le Capitaine Gantu. Un set comprend La Bête et Gaston. Un autre Mickey en Apprenti Sorcier face à Chernabog. Simba est vendu avec Scar. Une autre version renferme Peter Pan et le Capitaine Crochet.

Disney "TRONICS" GvE

Dans l’attraction Magic of Disney Animation ouverte de 1989 à 2015 au Parc Disney’s Hollywood Studios, les visiteurs pouvaient découvrir le processus d’animation avant de rencontrer différents personnages Disney, en particulier Minnie. Dans la loge de cette dernière, trônait l’affiche d’un faux film, The Bride of Frankenollie, supposément produit par Mortimer Mouse et réalisé par James Monstro. Le même poster est également présenté au Disney’s Hollywood Hotel à Hong Kong Disneyland Resort.

Inaugurée le 4 mars 2020 aux Disney’s Hollywood Studios, l’attraction Mickey & Minnie's Runaway Railway offre une discrète référence au personnage. L'annonce passée dans le journal par le Docteur est en effet visible à l’intérieur du kiosque à billets du El CapiTOON Theater.

Bien que visible dans une seule et unique séquence d’un seul et unique court-métrage, le diabolique Docteur Frankenollie n’en reste pas moins un formidable méchant rendant joliment hommage à l’œuvre passée de Disney ainsi qu’aux savants fous des vieux classiques du Septième Art.