Mickey et la Terre des Anciens
Éditeur : Glénat Date de publication France : Le 16 septembre 2020 Collection : Créations Originales |
Auteur(s) : Denis-Pierre Filippi (Scénario) Silvio Camboni (Dessin) Samuel Spano assisté de Jessica Bodart (Couleurs) Nombre de pages : 68 |
Le synopsis
Dans un monde imaginaire où les continents ont disparu, chacun doit lutter au quotidien pour sauver ses quelques maigres lopins de terre suspendus dans le ciel. Menacés d’un effondrement certain, ils ne tiennent d'ailleurs dans les airs que grâce aux liens fabriqués jour après jour par Mickey, un maître cordier vivant encore avec le traumatisme de la perte de son meilleur ami Dingo, disparu dans un vortex au cours d’une expédition. Vivement sollicité par ses voisins qui connaissent la qualité de ses cordages, le héros, solitaire, entre bientôt et malgré lui dans la clandestinité afin de lutter contre le Fantôme noir, infâme seigneur qui, avec ses sbires, s’acharne à voler la terre des plus pauvres pour son propre intérêt… |
La critique
Après l’avoir plongé dans les profondeurs sous-marines d’un monde recouvert par la glace et les eaux avec Mickey et l’Océan Perdu, le duo Denis-Pierre Filippi et Silvio Camboni est de retour en librairie pour emporter cette fois le lecteur dans les nuages avec Mickey et la Terre des Anciens, le douzième volume de la prestigieuse collection des Créations Originales éditée par Glénat.
Annoncée à Chronique Disney dès 2011 et lancée le 2 mars 2016 avec la publication de ces deux premiers tomes, Mickey’s Craziest Adventure et Une Mystérieuse Mélodie, la collection des Créations Originales est partie de l’envie de Jacques Glénat, grand fan de Mickey devant l’Éternel, de créer une nouvelle série offrant aux auteurs les plus célèbres de la bande dessinée franco-belge la possibilité de mettre en scène les héros de Disney dans des aventures totalement inédites. Dans la veine de la collection Spirou vu par… éditée par Dupuis, Mickey, Donald, Dingo et toutes les vedettes de l’écurie Disney sont ainsi passés entre les mains de certains des plus grands artistes européens, de Nicolas Keramidas à Tébo, en passant par Cosey, Régis Loisel, Fabrizio Petrossi et Lewis Trondheim qui leur ont offert une seconde jeunesse avec La Jeunesse de Mickey, Café Zombo, Mickey et l’Océan Perdu, Donald’s Happiest Adventure, Mickey à Travers les Siècles, Horrifikland, Mickey All Stars, Super Mickey et Minnie et le Secret de Tante Miranda.
Douzième titre de la collection, Mickey et la Terre des Anciens est signé par Denis-Pierre Filippi au scénario et Silvio Camboni au dessin.
Né en 1972 dans le sud-ouest de la France, Denis-Pierre Filippi nourrit sa passion pour la bande dessinée dès le plus jeune âge avec le journal Spirou que son père lui fait découvrir à l’âge de huit ans. En même temps que ses études en philosophie, il se lance en tant que scénariste au début des années 1990 en écrivant des contes pour enfants. Cherchant à s’associer à des dessinateurs de BD pour illustrer ses histoires, il sort ainsi son premier ouvrage, Orull le Faiseur de Nuages, conçu avec le concours de Tiburce Oger et publié chez Delcourt en mars 1998. Suivent alors Un Drôle d’Ange Gardien, Le Livre de Jack, Songes, John Lord et Marshall. Diplômé d’une maîtrise en philosophie validée en 2000, Filippi poursuit sa carrière avec les scénarios d’Ethan Ringler, Agent Fédéral, Les Corsaires d’Alcibiade, Nouveau Monde et Terra Prohibita.
Entre deux ateliers d’écriture, Denis-Pierre Filippi s’associe au dessinateur Silvio Camboni. Né en 1967 en Italie, ce dernier débute sa carrière en 1989 en collaborant à la création d’une centaine d’histoires de Mickey et ses amis pour le compte de Disney Italia. Dessinateur de Baby Leg en 1999, il participe en outre avec Mo au dessin du (Le) Vin Illustré en Bande Dessinée et Le Foot Illustré en Bande Dessinée puis avec Francesco Artibani aux aventures de Willy Wonders. Avec Filippi, il est par ailleurs l’illustrateur des six volumes de Gargouilles éditées par Les Humanoïdes Associés, des deux tomes de Néfésis parus chez Dupuis, du (Le) Voyage Extraordinaire chez Vents d’Ouest et donc de Mickey et l’Océan Perdu puis Mickey et la Terre des Anciens chez Glénat.
Avec sa collection Créations Originales, Glénat est parvenu à coup sûr à redonner ses lettres de noblesse à la bande dessinée Disney. Chaque volume se révèle ainsi être un objet des plus chics avec son beau format 24 x 32, son dos entoilé et son papier de belle qualité. Le vernis et le rendu doré utilisés pour mettre en valeur le titre et la superbe rose des vents dessinée sur la quatrième de couverture sont eux aussi du plus bel effet et terminent de donner à Mickey et la Terre des Anciens des airs de produit de luxe.
Dès la couverture, le lecteur ressentira immédiatement une forte envie de découvrir l’ouvrage. L’illustration réalisée par Silvio Camboni est, il est vrai, de toute beauté. Les îles flottant dans les airs et les oiseaux de légende ne manqueront pas de rappeler à certains les superbes paysages de Pandora, le monde imaginaire d’Avatar créé par James Cameron. Une touche du (Le) Seigneur des Anneaux se fait également sentir avec cette cité de conte de fées, cette cascade et surtout les deux immenses statues du Fantôme noir sculptées dans la roche qui font nécessairement penser au majestueux Argonath marquant l’entrée du royaume du Gondor. Des références à l’œuvre de J. R. R. Tolkien, volontaires ou non, sont également présentes dans les pages du livre, avec en particulier le château du Fantôme noir dont l’architecture rappelle par certains points celle d’Orthanc, la tour de Saroumane, ou celle de Barad-dûr, le repaire de Sauron. La citadelle du royaume, avec son Flougoussier, l’arbre à Pettibris, ces oiseaux magiques aux airs de colibris, possède quant à elle des airs de Minas Tirith, la capitale du Gondor.
Passées la superbe couverture et les traditionnelles page de garde et page de titre, le lecteur est directement happé par le récit. ll se retrouve alors plongé dès la première planche au cœur d’un ciel tempétueux traversé par un oiseau mythologique. Les cases disséminées tout autour de l’image principale créent un climat de tension extrême. Mickey est en train de tenir tant bien que mal un cordage. Minnie est suspendue dans le vide. Dingo est absorbé par un terrifiant vortex. Souvenir d’un passé pas si lointain, ces images sont en réalités celles d’un cauchemar qui fait sursauter à la page suivante un Mickey traumatisé. Il se réveille dans une maison nichée au cœur d’un arbre enraciné sur un lopin de terre suspendu dans le ciel. Le lecteur ne sait pas ce qu’il fait là. Aucune information claire n’est donnée sur le cadre géographique et chronologique des événements. Ce suspense est forcément palpitant. La suite de l’histoire s’annonce grandiose.
Mickey et la Terre des Anciens met en scène les plus emblématiques personnages de l’écurie Disney. Mickey interprète le rôle d’un maître cordier, métier devenu indispensable aux habitants de ce monde imaginaire obligés d’utiliser des bouts de toutes tailles pour accrocher en elle les terres aériennes toujours menacées de s’effondrer dans le vide. Minnie, quant à elle, campe une aventurière, une chausseuse de dérivants, seuls indices pour retrouver un jour le légendaire continent caché qui sauvera chacun de ce monde en pleine déliquescence. Horace et Clarabelle sont eux aussi de la partie dans le rôle d’un couple de fermiers. Le commissaire Finot est également là. Dingo ponctue certaines pages de sa maladresse. Pat Hibulaire endosse le costume d’un forban, le chef de la Guilde dont les projets semblent aussi flous que malhonnêtes. Enfin, le rôle du grand méchant incombe au Fantôme noir, seigneur scélérat et voleur de terres qui a fait les belles heures de la bande dessinée sous la plume de Floyd Gottfredson et Merrill de Maris depuis sa création en 1939. En plus des corbeaux composant l’armée du Fantôme, Filippi et Camboni rendent un autre bel hommage aux BD d’antan en offrant un rôle au trio Ecks, Doublex et Triplex, trois méchants singes incontournables des aventures de Mickey apparus pour la première fois en 1932 dans Le Château Blaggard, également signé par Gottfredson et inspiré du cartoon The Mad Doctor.
Outre le plaisir de retrouver les héros de Disney dans de nouvelles aventures sortant de l’ordinaire, un peu dans la veine du collégial (Le) Noël de Mickey suivi au cinéma quelques années plus tard par Le Prince et le Pauvre, Mickey et la Terre des Anciens vaut également, certains diront surtout, pour son aspect visuel à couper le souffle. Avec ses tonalités d’Avatar, du (Le) Seigneur des Anneaux, de Robin des Bois et même, par certains aspects, de Star Wars avec l’évocation d’une rébellion cherchant à contrer les plans infâmes du grand méchant, la bande dessinée jouit d’un style graphique et d’un dessin juste époustouflants. Achevés durant le confinement lié à la pandémie de la COVID-19 par un Silvio Camboni cloitré avec sa famille dans sa maison de Sardaigne, les paysages montrant ce monde suspendu dans les airs avec ses îles s’effondrant du haut du ciel sont juste magnifiques et invitent forcément au rêve. Parmi les planches les plus spectaculaires, la capitale de ce monde mystérieux dirigé par le Fantôme noir, montrée dans toute sa superbe pages 16 et 17, est remarquable. Le domaine d’Horace et de Clarabelle mis en scène page 24 puis pages 28 et 29 est lui aussi vraiment très, très beau, au moins autant que la scène de l’attaque de la Guilde pages 50 et 51.
Le coup de crayon extraordinaire de Silvio Camboni est absolument une prouesse du même genre que celle que le lecteur avait découverte dans Le Voyage Extraordinaire et Mickey et l’Océan Perdu, deux autres claques visuelles en leur temps. Le tout est d’ailleurs admirablement sublimé par la colorisation exécutée avec maestria par Samuel Spano, assisté de Jessica Bodart. Les couleurs sont en effet magnifiques, les teintes turquoise, bleues, vertes et orangées offrant à l’ensemble une qualité indéniable donnant presque envie de sortir une loupe et de rester à contempler chaque dessin pendant de longues minutes voire même, sacrilège évidemment, de sortir une paire de ciseaux pour immortaliser certaines planches dans de jolis cadres !
S’il ne fallait faire qu’un seul reproche à Mickey et la Terre des Anciens, ce serait son goût de « pas assez ». Le script de Denis-Pierre Filippi est haletant, et ce dès la première page. Absorbé, le lecteur se laisse porter par l’intrigue aux multiples enjeux et aux nombreux rebondissements. La recherche de ce continent caché, seul moyen de réchapper à ce monde imaginaire en pleine décomposition, est un enjeu captivant. L’aventure est au rendez-vous. Le mystère qui règne est intrigant à souhait. Les lignes de dialogues, souvent concises pour laisser la place au dessin, ponctuent suffisamment le récit pour informer le lecteur sans en dire trop. Finalement, l’histoire se laisse lire très facilement. Mais en refermant l’ouvrage, il en restera cependant une certaine frustration, celle d’avoir assisté à la fin de l’histoire beaucoup trop vite. Elle est en effet expédiée en vitesse dans les dernières pages, au point de se dire « tout ça pour ça ». Ce qui, à n’en pas douter, ressemble à une aventure épique, est finalement soldé en deux coups de cuiller à pot, laissant le lecteur sur sa faim tant il pouvait espérer assister à un grand final qui, comme diraient certains, fait finalement et malheureusement « pschit »… Dix pages de plus pour terminer l’histoire n’auraient, dès lors, pas été de trop pour laisser monter la pression un peu plus et offrir au public d’être enfin rassasié avec un grand final magistral.
Malgré une fin expédiée vite fait bien (?) fait, Mickey et la Terre des Anciens n’en reste pas moins un superbe ouvrage. Fort d’une belle histoire et de dessins spectaculaires offrant aux lecteurs la possibilité de suivre Mickey et sa bande hors des sentiers battus, il mérite dès lors de trôner en bonne place dans toute bibliothèque Disney digne de ce nom.