Le Roi de l'Île du Jazz
Date de création : Le 05 octobre 1935 Nom Original : Isle of Jazz’s King Autre(s) Nom(s) : The Saxophone King Créateur(s) : Albert Hurter (Conception Visuelle) Clyde Geronimi (Animation) Leonard Sebring (Animation) Dick Huemer (Animation) |
Apparition : Cinéma BD Jeux Vidéo |
Le portrait
Le 5 octobre 1936, les studios Disney complètent la série des Silly Symphonies avec une variante tout à fait décalée de Roméo et Juliette. Intitulée Jazz Band Contre Symphony Land, celle-ci troque en effet l’Italie et les légendaires amants de Vérone pour un monde musical utopique dans lequel des instruments de musique anthropomorphes se livrent une guerre sans merci sous la direction de leurs souverains respectifs, notamment un Roi Saxophone, maître incontesté de l’Île du Jazz.
Située à l’est de la Mer de la Discorde, l’Île du Jazz est un royaume joyeux où la musique et la fête battent leur plein. Assis sur son trône, le Roi de l’Île du Jazz adore en effet convoquer ses sujets afin de les voir danser et s’amuser. Lui-même participe aux festivités. Une baguette dans chaque main, il se charge ainsi en personne de jouer de la musique, utilisant sa tête pour frapper une cymbale et son propre corps comme percussion. Si le souverain s’amuse comme un fou, ce n’est toutefois pas le cas de son fils qui, assis près de lui, s’ennuie à mourir. Peu enclin à écouter du jazz toute la journée, le jeune Prince Saxophone nourrit davantage d’intérêt pour la ravissante Princesse Violon qui vit de l’autre côté de la mer, au Pays de la Symphonie, royaume rival de l’Île du Jazz.
Occupé à badiner avec une jeune femme ukulélé, le Roi apprend bientôt que son fils est retenu prisonnier au Pays de la Symphonie. Ce dernier s’est en effet aventuré de l’autre côté du rivage pour rencontrer la Princesse Violon. Surpris par la Reine Violoncelle, il a alors été capturé et mis aux arrêts. Pour le Roi Saxophone, cet emprisonnement est inacceptable. Appelant ses troupes au combat, c’est surtout une bonne occasion de déclarer la guerre à son ennemi. À grand renfort de cuivres et de bois, il envoie une pluie de notes destructrices sur le Pays de la Symphonie qui, sans tarder, réplique avec ses orgues dévastateurs.
Sur les deux rives de la Mer de la Discorde, les dégâts sont colossaux. Le calme n’est finalement instauré de nouveau que grâce à l’intervention courageuse du Prince et de la Princesse qui, au péril de leur vie, parviennent à réconcilier leurs deux pays. Mieux ! En traversant la mer pour sauver leur progéniture, le Roi et la Reine tombent à leur tour sous le charme l’un de l’autre. Leur mariage ne tarde pas à être célébré, marquant ainsi l’union des deux royaumes désormais reliés l’un à l’autre par le Pont de l’Harmonie. Happy End!
Imaginée par William Shakespeare en 1597, Roméo et Juliette fait partie des histoires les plus adaptées au cinéma. Dès 1908, le cinéaste italien Mario Caserini livre ainsi l’une des premières versions cinématographiques de la célèbre tragédie. La scène du balcon est ensuite reprise en 1929 par John Gilbert qui donne la réplique à Norma Shearer dans Hollywood Chante et Danse de Charles Reisner. Produit par MGM, la comédie musicale est rapidement plébiscitée par le public. Tant et si bien que le studio au lion décide de mettre en chantier une nouvelle adaptation complète du classique de Shakespeare. Réalisée par George Cukor, la production est alors portée par Norma Shearer, qui reprend pour l’occasion le rôle de Juliette, et Leslie Howard choisi pour incarner Roméo. En salle le 3 septembre 1936, Roméo et Juliette est toutefois un échec critique et commercial qui enterre pour la décennie suivante toute tentative de la part des grandes majors hollywoodiennes de porter une quelconque œuvre de Shakespeare sur grand écran.
Un an avant la sortie du film de Cukor, les studios Disney livrent eux-mêmes leur propre version de l’histoire. Scénarisé par Pinto Colvig, le court-métrage offre cependant une vision totalement nouvelle de l’œuvre. Très simplifiée, l’intrigue est déplacée des rues de Vérone vers un monde imaginaire peuplé d’instruments de musique anthropomorphes. Les personnages sont évidemment eux-mêmes changés. Roméo est représenté sous la forme d’un petit saxophone alto. Juliette devient quant à elle un violon. Pour chaque héros, seul un des deux parents est conservé. Le rôle de Montaigu échoie ainsi à un saxophone ténor qui n’est, au passage, plus un simple Lord, mais le roi de son propre pays, l’Île du Jazz.
L’apparence graphique du Roi de l’Île du Jazz est notamment issue de l’imagination d’Albert Hurter. Né à Zurich, en Suisse, le 11 mai 1883, l’artiste étudie l’art et l’architecture à Berlin puis à Paris avant de rejoindre les États-Unis en 1914. Engagé par les studios new-yorkais Barré-Bowers, il décide bientôt de partir pour la côte Ouest, à Los Angeles où il fonde sa propre entreprise de publicité. Peinant à se faire une place, il intègre finalement les équipes de Disney en 1931. Il participe alors à définir le style graphique de nombreux courts-métrages de Mickey et de plusieurs Silly Symphonies. Contribuant, entre autres, à la création des Trois Petits Cochons et de Donald, il imprime également sa marque sur les productions de Blanche Neige et les Sept Nains, Pinocchio et Fantasia. Auteur de nombreuses recherches graphiques pour de futures adaptations d’Alice au Pays des Merveilles, Dumbo, Bambi ou Cendrillon, Albert Hurter quitte Disney en 1940. Malade, il s’éteint le 28 mars 1942 à l’âge de cinquante-sept ans.
Dans sa version finale, le Roi de l’Île du Jazz est une caricature du chef d’orchestre Paul Whiteman. Originaire de Denver où il voit le jour le 28 mars 1890, celui-ci grandit dans une famille de musiciens. Débutant sa carrière comme altiste dans l’orchestre symphonique de Denver, il fonde son propre groupe en 1919 et enregistre ses premiers disques pour le compte du label Victor dès 1920. Le succès est alors au rendez-vous, plus encore lorsque Whiteman collabore avec le producteur de revues Florenz Ziegfield. Jouant des partitions écrites parfois spécialement pour lui par des compositeurs aussi illustres que George Gershwin et Igor Stravinsky, Paul Whiteman est sacré « Roi du Jazz » dès la fin des années 1920. Produit par Universal en 1930, le film musical La Féérie du Jazz (The King of Jazz en version originale) lui est même dédié. Diminuant progressivement ses apparitions, Whiteman disparaît le 29 décembre 1967.
La première apparition du Roi est réalisée par Clyde Geronimi. Né à Chiavenna, en Italie, le 12 juin 1901, l’artiste débute chez Walter Lantz dès 1924. Sept ans plus tard, il rejoint Disney et planche sur des dizaines de cartoons comme Le Vilain Petit Canard, L’Arche du Père Noé, Le Grand Méchant Loup, La Déesse du Printemps, La Fanfare, Le Rival de Mickey et Papa Pluto. En 1938, il devient l’un des réalisateurs les plus prolifiques des studios. Il supervise ainsi, entre autres, Chien d’Arrêt, Colleurs d’Affiche, Le Voyage de Mickey, Tends la Patte ou Education for Death, puis coréalise Le Crapaud et le Maître d’École, Cendrillon, Alice au Pays des Merveilles, Peter Pan, La Belle et le Clochard, La Belle au Bois Dormant et Les 101 Dalmatiens. En désaccord avec Walt Disney qui souhaite lui confier la gestion des productions en prises de vues réelles filmées en Europe, Clyde Geronimi claque la porte des studios à la fin des années 1950 et passe chez UPA où il réalise les séries The Dick Tracy Show, The New Casper Cartoon Show, Famous Adventures of Mr. Magoo et L’Homme-Araignée. Il meurt le 24 avril 1989 à l’âge de quatre-vingt-sept ans. Un Disney Legends Award remis en 2017 couronne sa carrière.
Le Roi dirigeant ses armées tel un chef d’orchestre est animé par Leonard Sebring. Né dans le Kansas le 21 juin 1896, il entre chez Disney en 1932 et participe alors à la production de cartoons tels que Mickey au Moyen-Âge, L’Arche du Père Noé, Au Pays de la Berceuse, La Cigale et la Fourmi, La Déesse du Printemps, Carnaval des Gâteaux, Le Rival de Mickey et Cabaret de Nuit. À la fin des années 1930, il rejoint les équipes de Rudolf Ising et Hugh Harman chez MGM. Leonard Sebring disparaît en mai 1978.
La réconciliation puis le mariage des deux souverains sont enfin créés par Dick Huemer. Né à New York le 2 janvier 1898, il est le créateur de nombreux personnages parmi lesquelles Toby the Pup et Scrappy. Repéré par Walt Disney qui le rencontre à de nombreuses reprises lors de ses passages dans la Grosse Pomme, il accepte de rejoindre les studios le 16 avril 1933. Il sert alors comme animateur sur divers cartoons. Nommé réalisateur de Chasseurs de Baleines et de Dingo et Wilbur, il signe les scénarios de plusieurs films, le plus célèbre restant Dumbo, écrit en duo avec Joe Grant. Après Alice au Pays des Merveilles, Dick Huemer œuvre sur les émissions télévisées de Walt Disney et les documentaires de la collection True-Life Adventures. À la retraite en 1973, il décède le 30 novembre 1979.
En août 1935, une page illustrée par Tom Wood reprend les grandes lignes de Jazz Band Contre Symphony Land dans la revue Good Housekeeping.
Très populaire, le court-métrage Jazz Band Contre Symphony Land fait partie des œuvres les plus diffusées à la télévision puis en vidéo. Le 27 mars 1959, le public a notamment l’occasion de le voir ou de le revoir dans l’émission Toot, Whistle, Plunk and Boom, le vingt-quatrième épisode de la première saison de l’émission Walt Disney Presents diffusée sur ABC. Pour l’occasion, le Roi de l’Île du Jazz est présenté sous le nom de King Sax.
Epic Mickey : Le Retour des Héros
En 2012, le Roi de l’Île du Jazz peut être aperçu furtivement dans le jeu vidéo Epic Mickey : Le Retour des Héros aux côtés de la Reine du Pays de la Symphonie et de leurs enfants.
Souverain amusant au cœur d’un opus des Silly Symphonies particulièrement charmant, le Roi de l’Île du Jazz est un sympathique personnage typique des productions Disney des années 1930.