Jazz Band contre Symphony Land
Titre original : Music Land Production : Walt Disney Animation Studios Date de sortie USA : Le 5 octobre 1935 Série : Genre : Animation 2D |
Réalisation : Wilfred Jackson Musique : Leigh Harline Durée : 9 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Les dirigeants du pays des Symphonies et de l'île du Jazz se livrent à un conflit armé au grand dam de leur héritier respectif amoureux l'un de l'autre... |
La critique
Jazz Band contre Symphony Land est une pépite alliant la magie de l'animation à une incroyable imagination dans le récit, le tout porté par une caractérisation des personnages exemplaire et une utilisation de la musique époustouflante.
Dans un récit qui s'inspire fortement de Roméo et Juliette de William Shakespeare, Jazz Band contre Symphony Land raconte donc le conflit qui perdure entre deux contrées musicales : le Pays de la Symphonie et l'Île du Jazz. La première est le royaume de la musique classique dont la souveraine, un violoncelle anthropomorphe, surveille d'un air endormi ses sujets. A l'ombre de sa mère, la princesse, un violon anthropomorphe, s’ennuie au milieu des ballets de danse et décide de s’éclipser. Sur la seconde, l'Île du Jazz, la vie est en revanche bien plus animée par une musique vivante et moderne et tout n'est que fêtes et danses endiablées sous l'orchestration enthousiaste d'un roi, un saxophone anthropomorphe. Son fils s'ennuie, lui aussi, et ne rêve que d'une chose, retrouver sa bien-aimée princesse coincée sur l'autre île, par delà la Mer de la Discorde. Le récit est ainsi à la fois d'inspiration classique mais aussi parfaitement ancré dans son temps. Dans les années 30, deux générations s'affrontaient, en effet, sur la question de cette musique moderne qu'était alors le jazz, musique du diable pour les anciens, vent de fraîcheur pour les plus jeunes. D'ailleurs, le père saxophone n'est pas moins qu'une caricature de Paul Whiteman, surnommé le Roi du Jazz. Le cartoon est de la sorte aussi une allégorie à ce conflit de génération essayant de montrer qu'aimer un style de musique n'empêche pas d'en adorer un autre.
À la suite d'un petit flirt bucolique des deux amoureux, le jeune saxophone se fait malheureusement arrêter par la reine violoncelle surprotectrice et se voit, ni une, ni deux, emprisonné. Mais il parvient tout de même à envoyer un message à son père pour lui demander son aide. L'impétueux roi du jazz ne fait pas dans la demi mesure et lance directement un conflit armé à travers des coups de semonces, dont les obus ne sont autres que des notes aux accents jazzy. La reine réplique alors aussitôt par une symphonie destructrice. La princesse décide alors d'intervenir afin de faire cesser le combat, son bien-aimé, redevenu libre, lui apportant son soutien. Après une bataille où les deux îles risquent de perdre leur héritier dans cet affrontement décidément aveugle, tout est bien qui finit bien... par deux mariages : les deux jeunes tourtereaux d'un côté et le roi et la reine de l'autre ! Le Pont de l'Harmonie est ainsi créé par dessus la Mer de la Discorde réunissant enfin les deux royaumes.
D'un point de vue visuel, Jazz Band contre Symphony Land est une merveille d'inventivité. Les artistes ont, en effet, eu l'excellente idée de pousser le design du cartoon à l'extrême par rapport à la thématique. Les personnages sont ainsi une anthropomorphisation d'instruments de musiques, à corde pour le Pays de la Symphonie, à vent pour l'Île du Jazz. Mais les clins d'œil vont bien au delà. Par exemple, les marches d'escaliers ont la forme de touches de piano, la longue vue est une clarinette, le canot un xylophone, les feuilles des arbres la forme de notes de musique tandis que les troncs sont des contrebasses. Et que dire de la prison-métronome ou alors de la lettre écrite non pas avec des mots mais des notes de musique ?! Le design est porté, en plus, par une animation exemplaire et surtout une avancée significative dans les effets spéciaux notamment sur le rendu de la fumée, de l'eau ou des explosions sans oublier les ombres qui sont de plus en plus réalistes en devenant transparentes grâce à un nouveau processus spécialement mis en place pour ce cartoon.
Jazz Band contre Symphony Land est, en outre, un véritable conte musical où tous les personnages, instruments de musiques, utilisent des "notes" pour s'exprimer. Là encore, le procédé parfaitement innovant lui donne un cachet incroyable. Le compositeur, Leigh Harline, truffe ainsi la bande originale de morceaux de musique classique comme La Symphonie Héroïque de Ludwig van Beethoven, Gavotte de François Gossec ou La Chevauchée des Walkyries de Richard Wagner. Il complète le tout de deux compositions originales : The Saxes Have It qui introduit l'Île du Jazz et Jazz Fireworks lors des scènes de bataille. Le court-métrage est de la sorte extraordinaire en ce qu'il allie parfaitement le son et l'image. Chaque détail sonore est travaillé à l'exemple du jeune saxophone qui écrit sa lettre en notes de musique. Alors qu'il se trompe, le spectateur entend un couac ; cette astuce narrative pour illustrer la faute d'orthographe que le jeune prince s'empresse de corriger étant juste brillante.
Jazz Band contre Symphony Land est un chef d'œuvre des studios Disney, l'ambassadeur parfait des Silly Symphonies, la quintessence même de ce que le public attend de la série musicale.
Il ne faut pas confondre le cartoon de 1935, Jazz Band contre Symphony Land, qui possède le même titre en anglais que le long-métrage compilation de 1955, Music Land, qui reprend certaines séquences de deux films d'anthologie des années 40, La Boîte à Musique et Mélodie Cocktail.