Mulan
Titre original : Mulan Production : Walt Disney Pictures Date de mise en ligne USA : Le 4 septembre 2020 (Disney+) Genre : Aventure IMAX 3-D Accès Premium |
Réalisation : Niki Caro Musique : Harry Gregson-Williams Durée : 115 minutes |
Le synopsis
La critique
Après une année 2019 remplie de remakes de films d'animation, Mulan est le seul du genre de l'année 2020. Astucieux mélange entre le long-métrage animé éponyme de 1998 et la légende chinoise, cette nouvelle mouture est à la fois la même histoire tout en développant sa propre identité. Dès sa première image, cependant, elle montre de façon évidente qu'elle se destine au désormais lucratif marché chinois même si évidemment elle n'oublie pas d'être fidèle au classique Disney en conservant son déroulé scénaristique et son émotion finale. Mulan gagne, en revanche, un côté épique agrémenté de combats d'arts-martiaux digne de Tigre et Dragon.
Le film s'inspire d'une légende chinoise très populaire en Asie, autant que peut l'être Cendrillon en Occident. Elle raconte, en effet, comment une jeune fille du nom de Mulan se travestit en homme pour prendre la place de son père trop vieux pour être mobilisé dans l'armée. Durant de nombreuses années, elle va ainsi combattre sans que son secret ne soit découvert. Le récit s'est alors popularisé à partir du poème La Ballade de Mulan, dont l'auteur est anonyme et qui semble daté du VIe siècle. Il aurait ensuite été compilé dans le Yuefu, un recueil de chants anciens et modernes des dynasties du Nord et du Sud avant d'être retouché plusieurs fois au fil des siècles... Il n'y a de la sorte aucune preuve que Mulan ait réellement existé. Au contraire même, chaque région chinoise prétend vouloir s'approprier la paternité de l'héroïne alors même qu'aucun fait sérieux n'étaye les différentes théories. Même son nom d'ailleurs porte à controverse. Durant la dynastie Ming, Mulan s'appelle en effet Zhu, puis sous celle de Qing, devient Wei tandis que Xu Wei, auteur de la pièce Mulan, Femme, Remplace son Père sous les Drapeaux lui donne le patronyme de famille Hua. Ce dernier demeure depuis son nom dans la version officielle même si en cantonnais, il se transforme en Fa Mulan.
Le projet de Mulan est arrivé sur le bureau des Walt Disney Animation Studios au début des années 90. Le studio d'animation cherche à l'époque une histoire se déroulant en Asie, que cela soit la Chine, la Corée ou le Japon. Il estime en effet que le continent avait été peu visité par les précédents Grands Classiques Disney. Réalisé par Barry Cook et Tony Bancroft, l'opus est aussi une grande première pour les Walt Disney Animation Studios puisqu'il s'agit du premier long-métrage du label historique de Mickey à être principalement réalisé en dehors du studio de Burbank. L'animation est, il est vrai, confiée à la nouvelle division des studios en Floride (qui a été finalement fermée en 2004). Mulan est ensuite resté dans les mémoires grâce au personnage comique de Mushu et à quelques morceaux de bravoure comme la superbe bataille des Huns sur la montagne enneigée. Le film sort aux États-Unis le 19 juin 1998 avec de très bonnes critiques et le public suit. Son box office est bon, rapportant 120 millions de dollars sur le territoire américain et plus de 300 dans le monde. En France, il est cinquième au top de l'année avec 5.7 millions d'entrées. Comme quasiment tous les films des Walt Disney Animation Studios des années 90, Mulan a droit à une suite produite, en 2005, par DisneyToon Studios pour le marché de la vidéo : Mulan 2 : La Mission de l'Empereur. D'une qualité moindre du point de vue l'animation et d'un scénario plan-plan, il ne rend pas hommage au personnage de Mulan et rend même Mushu assez antipathique...
Ce nouveau Mulan rentre parfaitement dans la tradition que la branche chargée des films "live" des studios de Mickey a pris depuis quelques années : adapter en prises de vues réelles des classiques de l'animation. Il faut de la sorte remonter à 2010 pour voir les studios Disney relancer le genre en grandes pompes avec leur adaptation d'Alice au Pays des Merveilles par Tim Burton. La formule est toute trouvée : une nouvelle adaptation d'un classique de la littérature enfantine, déjà traité par le passé par les studios, avec la vision, si possible, d'un réalisateur de renom. Ainsi, viennent ensuite une préquelle au (Le) Magicien d'Oz avec Le Monde Fantastique d'Oz en 2013 réalisé par Sam Raimi, puis en 2014 La Belle au Bois Dormant avec Maléfique par Robert Stromberg ; en 2015, Cendrillon par Kenneth Branagh ; en 2016, Le Livre de la Jungle par Jon Favreau et Peter et Elliott le Dragon par David Lowery ; en 2017, La Belle et la Bête par Bill Condon ; en 2018, Jean-Christophe & Winnie par Marc Forster et enfin en 2019 pas moins de deux films avec Dumbo de Tim Burton et Aladdin par Guy Ritchie sans compter le remake CGI du (Le) Roi Lion par Jon Favreau ainsi que La Belle et Clochard proposé directement sur la nouvelle plateforme Disney+. Il faut également ajouter les suites de ces adaptations comme Alice de l'Autre Côté du Miroir en 2016 et Maléfique : Le Pouvoir du Mal en 2019.
Les studios Disney, surtout depuis que Bob Iger a pris les rênes de The Walt Disney Company, ancrent leur label historique dans une identité parfaitement reconnaissable par le public. Dès lors et forcément, nombreux fans et spectateurs s'accordent à dire que la mode des remakes à foison des classiques d'animation est à la fois inutile et sans imagination, ni prise de risque. Oui, mais voilà, le public en raffole et plébiscite en salles ces histoires classiques où il peut emmener ses enfants découvrir de nouvelles versions, modernes, de films qu'il a aimés dans sa jeunesse. Disney exploite là un juteux filon puisque nombre de ces opus sont d’immenses succès publics comme La Belle et la Bête qui rapporte 1.2 milliard de dollars dans le monde tandis que Le Livre de la Jungle frôle, lui, le milliard. Ces résultats sont d’ailleurs à comparer avec les tentatives de sortir des sentiers battus que constituent John Carter (2012), À la Poursuite de Demain (2015) ou plus récemment Un Raccourci dans le Temps (2018) qui ont tous signé des échecs en salles alors qu'ils sont (presque) tous réhabilités depuis. Mais voilà, le public a une idée bien précise de ce qu'il attend d'un film Disney et il est difficile pour le studio de sortir de ce chemin balisé. Néanmoins, à trop vouloir tirer sur la corde, le label Disney "live" risque de lasser son public et il lui faudra alors trouver un moyen de se réinventer. En attendant, il profite à plein de cette décennie qui est sans aucun conteste la meilleure en termes de box office et de notoriété pour les films à prises de vues réelles du label Disney. Et ce n'est pas 2019 qui va venir contredire l'appétit du public avec le milliard de dollars qu'a rapporté Aladdin et le 1.65 milliard du (Le) Roi Lion.
Les studios Disney s'intéressent assez tôt à l'idée de faire un remake de Mulan puisque le film devait partir en tournage dès octobre 2010 avec Chuck Russell (The Mask) en tant que réalisateur et Zhang Ziyi (Mémoires d'une Geisha) en actrice pour le rôle titre. Mais le projet se voit annulé au dernier moment. Finalement, la production reprend en 2015 tandis que Disney recherche toujours un réalisateur. Les studios penchent dans un premier temps pour un metteur en scène chinois, demandant notamment à Ang Lee (Tigre et Dragon, Le Secret de Brokeback Mountain). Finalement, ils optent pour une femme, Niki Caro, faisant d'elle la deuxième réalisatrice à se voir confier la réalisation d'un film Disney à plus de 100 millions de dollars de budget après Un Raccourci dans le Temps d'Ava DuVernay.
Niki Caro est née en 1967 en Nouvelle-Zélande. Son premier long-métrage, Memory & Desire, est présenté à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes en 1998 et obtient le Prix du Meilleur Film aux New Zealand Film and Television Awards en 1999. En 2002, Paï : l'Élue d'un Peuple Nouveau, son deuxième long-métrage, obtient un succès critique et public en Nouvelle-Zélande mais aussi dans le reste du monde. Elle réalise ensuite L'Affaire Josey Aimes en 2005 pour Warner et The Vintner's Luck en 2009 en Nouvelle-Zélande. En 2015, elle revient à Hollywood pour réaliser le petit film sportif McFarland chez Disney. Passé inaperçu, il est pourtant une belle réussite qui, au-delà de son sujet sportif déjà-vu dans son traitement, explore un sujet social sous-jacent à grande force narrative, se rendant particulièrement touchant. Deux ans plus tard, en 2017, elle met en image La Femme du Gardien de Zoo avec Jessica Chastain.
Parmi tous les remakes Disney, se remarquent toutefois deux catégories. La première est formée de films qui s'éloignent du matériel de référence pour proposer une relecture de l'histoire originale. Ce fut le cas avec Alice au Pays des Merveilles, Maléfique, Peter et Elliott le Dragon ou Dumbo. L'autre propose des films qui suivent au plus près le matériel de base, que cela soit le conte ou le film d'animation. Ainsi Cendrillon, Le Livre de la Jungle, La Belle et la Bête, Aladdin ou Le Roi Lion s'inscrivent dans cette veine ; Mulan, quant à lui, est assez étonnant car il arrive à être les deux en même temps. Il s'agit grosso modo de la même histoire qui se voit contée selon le même schéma narratif que le film de 1998. Pour autant, le long-métrage arrive aussi à développer sa propre identité qui fait que le spectateur n'a jamais l'impression d'être face à un remake, mais plus devant une réadaptation.
Les scénaristes de Mulan ont, en effet, voulu que le long-métrage à prises de vues réelles soit plus un mélange entre le poème traditionnel et le film d'animation. De plus, comme l'opus est prévu pour être un produit d'appel pour le marché chinois, les idées spécifiquement occidentales du film d'animation ont été gommées. Parmi elles, il y a l'absence de Mushu et de Cri-Kee (même si ce dernier possède un joli clin d'œil). Il faut savoir que la représentation du dragon n'avait pas du tout plu aux Chinois à l'époque car l'animal imaginaire est censé être majestueux et noble. L'apparence miniature et l'exubérance du dragon de Disney ne rentrait donc pas dans la vision sérieuse et réaliste que voulait avoir le film. Pour autant, l'idée d'une créature mythologique, symbole des ancêtres de la famille Hua, est conservée même si elle prend une toute autre apparence. Toujours dans l'idée de rester cohérent, surtout d'un point de vue historique, l'une des scènes iconiques du film d'animation est absente du remake "live" : il s'agit du moment où la jeune fille se coupe les cheveux avec l'épée de son père avant de revêtir son armure. L'explication de cette non inclusion vient du fait qu'à l'époque où se déroule le film, les guerriers chinois avaient les cheveux longs. Le fait de couper ceux de l'héroïne pour montrer son passage du statut de femme à celui d'homme n'aurait ainsi pas eu l'impact émotionnel escompté. Au contraire, elle aurait eu les cheveux plus courts que la majorité des hommes, la faisant passer ainsi encore plus pour... une femme. Autre changement dans le film de 2020, la composition de la famille de Mulan est remodelée. L'héroïne perd ainsi sa grand-mère mais gagne en revanche une petite sœur. La modification est intéressante, surtout qu'elle permet de mettre en évidence le caractère totalement opposé des deux jeunes filles ; l'une étant une future mariée parfaite et l'autre une aspirante guerrière.
Le personnage de Mulan, y compris dans le film d'animation de 1998, était particulièrement intéressant car il montrait une femme qui ne savait pas où était sa place dans une société où sa vie et son destin étaient pourtant déjà régentés par les conventions sociales. Elle ne pouvait supporter l'idée que son père parte à la guerre vu son état de santé. Pour le protéger, elle décide alors de prendre sa place en se faisant passer pour un homme. Elle préfère bafouer l'honneur de sa famille en mentant plutôt que de voir son paternel chéri partir au sacrifice ultime pour sa patrie. Le film de 2020 part du même postulat mais va un peu plus loin. Mulan, en effet, ne prend pas la place de son père uniquement par amour et/ou parce qu'elle ne rentre pas dans les codes de la femme parfaite. Elle le fait aussi car elle sent en elle une âme de guerrière, un esprit combatif appelé chi, entretenu indirectement par son père depuis qu'elle est toute petite. Le parti pris du film est aussi de montrer que la jeune fille pourra atteindre tout son potentiel à partir du moment où elle s'acceptera telle qu'elle est et non en se faisant passer pour ce qu'elle n'est pas. Le beau message du film est aussi de montrer deux façons opposées de faire accepter ou d'imposer aux autres sa différence. La première est de rester fidèle à ses convictions mais en étant honnête et humble face à autrui ; leur confiance se gagnant grâce à ses actes vis-à-vis d'eux. L'autre, au contraire, montre qu'il est contre-productif de rejeter l'ensemble d'une communauté, et de lui appliquer une vengeance punitive sans distinction, même si à un moment, un ou plusieurs individus n'ont pas été capables d'accepter sa différence par peur ou par ignorance.
L'autre bonne nouvelle du film est que Mulan continue d'avoir un intérêt amoureux. Les derniers longs-métrages hollywoodiens proposant des personnages féminins forts se faisaient un point d'honneur à ce que l'héroïne n'ait pas de relation amoureuse afin de prouver qu'elle n'avait pas besoin d'homme pour s'accomplir. Ici, Mulan affiche une attirance vers un jeune homme et cet état de fait a un côté vraiment rafraîchissant. Non seulement elle arrive à s'accomplir en tant que guerrière à part entière, peu importe son genre, mais elle éprouve aussi des sentiments (réciproques) avec un jeune guerrier qui a beaucoup d'admiration pour elle. Ce dernier avait déjà énormément de respect quand il pensait que Mulan était un homme, donnant à cette relation un côté pansexuel bienvenu. Par contre, si la relation amoureuse de Mulan a été maintenue, ce n'est pas le cas du personnage du Capitaine Li Shang. Dans la mouvance #MeToo, les scénaristes n'ont pas voulu que Mulan tombe amoureuse de l'officier afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté de hiérarchie dans leur relation. C'est pour cela que Li Shang a été divisé en deux autres personnages : le Commandant Tung qui sert non seulement de supérieur hiérarchique mais également de mentor à Mulan et le simple conscrit Chen Honghui qui est le camarade et le prétendant de la guerrière.
Comme son aîné, Mulan arrive parfaitement à retranscrire l'émotion autour du thème de la famille. Il s'agissait en effet d'un élément central du film d'animation et il se voit conservé dans le remake. Le long-métrage de 2020 prend d'ailleurs son temps pour installer la relation entre Mulan et le reste de la famille, son père, sa mère et sa sœur. Leur retrouvaille à la fin n'en est que plus forte. Pour autant, si l'émotion de la conclusion fera verser quelques larmes, sur la globalité du long-métrage, elle est un peu le parent pauvre de l'opus. À la différence du film d'animation de 1998, qui savait faire passer du rire au larme, le Mulan de 2020 est globalement plat dans le ressenti qu'il propose aux spectateurs. Il est épique et impressionnant mais, bizarrement, le public ne vibre jamais vraiment pour ses personnages. Le film d'animation, avec quelques scènes fortes tout le long du récit, de celle sous la pluie au début à la foule qui s'agenouille à la fin, savait mieux parler au cœur des spectateurs. Heureusement ici, il reste un message sur la famille vraiment poignant et universel qui fait terminer le film en apothéose.
La où le nouveau Mulan ne peut être pris en défaut, c'est sûrement dans le côté épique qui s'en dégage. Le parti pris est en effet de s'éloigner du ton du film d'animation en montrant des vraies batailles et des combats poussés en nombre. Le film affiche dès lors un côté Tigre et Dragon avec des chorégraphies impressionnantes sans d'ailleurs chercher le réalisme à tout prix, notamment avec les guerriers qui marchent sur les murs et se livrent à des pirouettes invraisemblables comme dans tout bon film de kung-fu. De ce point de vue, le remake en prises de vue réelles propose un côté bien plus fantastique et magique que ne l'était le classique de 1998, et ce malgré la présence de Mushu. L'ensemble dispose véritablement d'une touche originale pour une production Disney, surtout que le tout est porté par des décors de toute beauté invitant au voyage et au dépaysement. Pour renforcer ce côté improbable, les scénaristes ont en outre décidé de changer l'identité des méchants et de ne pas faire intervenir les Huns mais plutôt les Rourans, des nomades venant du nord de la Chine. Leur apparence prend alors des airs de combattants tout droit tirés de Game of Thrones. Cette impression se voit d'ailleurs renforcée par la présence de la sorcière qui les aide avec ses pouvoirs magiques malfaisants à envahir l'Empire du Milieu et faire tomber la dynastie. Une scène iconique du film d'animation ne pouvait toutefois ne pas être présente dans la version de 2020 : celle de l'avalanche. Elle est bien sûr offerte dans le nouveau film et demeure impressionnante bien que légèrement moins qu'en 1998. Dans le film d'animation, Mulan provoque en effet l'avalanche afin de prendre en surprise l'armée des Huns. Surtout, l'enchaînement de la séquence est parfait car les ennemis pensent que Mulan a mal visé quand la fusée part vers la montagne alors qu'elle fait là précisément ce qu'elle avait en tête. Ici, la réaction des Rourans est aberrante, révélant leur absence flagrante de discernement face aux conséquences de leurs actes et de leur choix militaire ; rendant cette scène emblématique légèrement décevante.
Le casting de Mulan est également l'une de ses grandes forces.
Liu Yifei joue à merveille le rôle titre. La comédienne arrive en effet à apporter beaucoup de personnalité à la jeune guerrière entre prestance et fougue. Elle porte vraiment le film sur les épaules et permet aux spectateurs d'être impliqués avec le personnage. Malheureusement, l'actrice n'échappera pas à une polémique durant les événements de Hong Kong durant l'été 2019, saluant les actions de la police locale alors qu'elle était en train de brutaliser les manifestants pro-démocratie. Son commentaire politique consternant d'égoïsme a plombé durablement l'aura du film, une campagne sur les réseaux sociaux appelant à son boycott.
Yoson An interprète quant à lui Chen Honghui, l'intérêt amoureux de Mulan. L'acteur donne à son personnage un côté droit et honnête le rendant particulièrement attachant. La relation qu'il entretient avec Mulan, emplie de respect, d'admiration et d'attirance, constitue indéniablement l'une des grandes réussites du film.
Li Gong est, pour sa part, la sorcière Xian Lang. Possédant un chi d'une puissance incommensurable, elle a été rejetée par les autres car ce genre de don n'est pas attendu chez une femme, d'où son surnom de sorcière. Le personnage est en réalité le moins crédible du film car justement il est le plus improbable. La sorcière rajoute ainsi du fantastique dans une histoire qui n'en avait pas forcément besoin. La nouveauté est certes bienvenue et originale mais sa présence minimise clairement la capacité des Rourans à envahir la Chine sans elle.
À côté d'eux, de nombreux acteurs chinois de renom viennent compléter le casting.
Jason Scott Lee (Le Livre de la Jungle - Le Film ou la voix de David Kawena dans Lilo & Stitch) campe le méchant de l'histoire, l'ignoble Bori Khan. Ce Rouran a décidé de se venger de l'Empereur de Chine qui avait tué son père. Si le personnage est intéressant, il reste tout de même moins impressionnant et cruel que le méchant Shan-Yu dans le film d'animation.
Le père de Mulan, Hua Zhou, est joué par Tzi Ma (Un Lancer à un Million de Dollars). L'acteur arrive parfaitement à faire ressentir tout l'amour et la fierté que le personnage porte à sa fille. Cette relation est vraiment le cœur émotionnel du film et décidément une belle réussite.
Donnie Yen (vu dans Rogue One : A Star Wars Story dans le rôle de Chirrut Îmwe) interprète le Commandant Tung. Il sert à la fois de mentor et de père de substitution à Mulan, lui prodiguant des bons conseils dans sa carrière militaire naissante.
Jet Li (L'Arme Fatale 4) joue, lui, l'Empereur qui essaye de protéger son peuple contre les envahisseurs, livrant une solide prestation.
Enfin, le public remarquera un joli caméo avec l'apparition de l'actrice Ming-Na Wen dont le visage est surtout connu pour son rôle de Melinda May dans Les Agents du S.H.I.E.L.D. mais que les fans Disney connaissent pour être la voix anglaise de Mulan dans le film d'animation.
Côté bande originale, la musique d'Harry Gregson-Williams (Au Royaume des Singes, Penguins) est tout simplement somptueuse. Elle sait se rendre aussi épique qu'envoûtante et invite au dépaysement. Si aucune des chansons du film d'animation n'est reprise (le remake de 2020 ne s'y prêtant absolument pas), les airs instrumentaux de plusieurs d'entre elle comme Réflexion ou Honneur à Tous se font entendre à des moments-clés amenant souvent beaucoup d'émotions.
D'un point de vue visuel, Mulan est là aussi tout simplement parfait. Déjà, les décors sont superbes, que ce soit les paysages grandioses ou la reconstitution impressionnante de la Cité Impériale. De plus, les effets spéciaux sont aussi nombreux et réussis, qu'il s'agisse de la magie de la sorcière comme des acrobaties des combats ou des quelques éléments imaginaires. Et souvent, la réalisation de Niki Caro appuie l'ensemble en apportant un souffle poétique parfaitement adapté pour passer des séquences intenses aux scènes plus douces.
Mulan était prévu pour être un - sinon le plus - gros blockbuster des studios Disney de l'année 2020. Malheureusement, le destin et l'Histoire en ont décidé autrement. Le film devait en effet sortir initialement le 2 novembre 2018 mais s'est vu finalement décalé pour lui laisser plus de temps de production cédant alors sa place à Casse-Noisette et les Quatre Royaumes. Sa sortie est alors positionnée au 27 mars 2020 tandis que son avant-première mondiale a lieu le 9 mars 2020 à Los Angeles : dès lors, Mulan est prêt à sortir ! Sauf que... la crise sanitaire que traverse le monde entier avec la pandémie liée à la maladie infectieuse émergente Covid-19 provoquée par le virus SARS-CoV-2 vient stopper net son lancement. La maladie apparait ainsi le 17 novembre 2019 dans la ville de Wuhan, en Chine centrale, puis se propage à travers la planète. Dès le début du mois de mars 2020, les gouvernements de nombreux pays commencent à confiner leur population pour essayer d'endiguer la propagation du virus. Au final, près de la moitié des habitants du globe se retrouve cloîtrée chez elle. Impossible dans ces conditions de sortir Mulan, surtout que son budget - colossal - est estimé à plus de 200 millions de dollars. Le film est donc repoussé une première fois au 24 juillet 2020 puis une seconde au 21 août 2020 avant que Bob Chapek, CEO de The Walt Disney Company, annonce le 4 août qu'il sortira finalement le 4 septembre sur Disney+ dans les pays qui possèdent la plateforme et au cinéma, notamment en Chine, dans les marchés où la pandémie est maîtrisée. Il s'agit alors d'un « Accès Premium », c'est-à-dire qu'au prix de 29.99 dollars aux États-Unis ou de 21.99 euros en Europe, l'abonné de Disney+ a la possibilité de voir le film autant de fois qu'il veut, en avant-première, plusieurs mois avant qu'il ne soit proposé gratuitement sur la plateforme. Le long-métrage sert ici, pour The Walt Disney Company, de banc d'essai pour bouleverser le mode de distribution de ses productions en renforçant la vente directe aux consommateurs tout en se délestant des coûts partagés avec les intermédiaires comme les salles de cinéma. Curieusement, la France ne suit pas ce modèle et annonce que le film sera mis sur la plateforme sans surcoût le 4 décembre 2020.
Mulan est un remake du film d'animation de 1998 qui sait à la fois être fidèle à son aîné tout en proposant sa propre relecture de la légende chinoise. Plus épique et fantastique que le long-métrage d'animation, il gagne en sérieux et intensité ce qu'il perd un peu en drôlerie et en émotion, même si la fin est particulièrement touchante. Sublimé par une musique extraordinaire et porté par un casting parfait, Mulan version 2020 apporte un vent de fraîcheur avec un personnage féminin fort et déterminé. Une belle réussite !