Le Roi Lion
Titre original : The Lion King Production : Walt Disney Pictures Date de sortie USA : Le 19 juillet 2019 Genre : Animation Motion Capture IMAX 3-D |
Réalisation : Jon Favreau Musique : Hans Zimmer Durée : 118 minutes |
Le synopsis
Au fond de la savane africaine, tous les animaux célèbrent la naissance de Simba, leur futur roi. Le roi Mufasa prend ensuite à cœur de faire comprendre à son fils, les enjeux de sa royale destinée. Mais Scar, le frère de Mufasa et ancien héritier du trône dans la lignée, compte bien reprendre la couronne en se débarrassant à la fois du roi et du prince... |
La critique
Le Roi Lion, version 2019, est la quintessence même de la politique éditoriale de la branche Disney Live Action : ré-imaginer les classiques d'animation du studio. Sauf qu'ici, la limite de l'exercice est atteinte. Le film est, en effet, une prouesse technique inégalée mais dont la froideur numérique et l'ultra-réalisme empêchent toute émotion de transparaître quand ce n'est pas, en plus, la paresse scénaristique où 80% du classique de 1994 est copié, souvent plan par plan, ou alors avec des scènes inutilement rallongées, qui vient annihiler toute ambition. Bien sûr, le ressenti variera forcément d'un spectateur à l'autre tant il est personnel et subjectif mais ce nouveau Roi Lion aura, à l'évidence, bien du mal à permettre au public ne serait-ce qu'effleurer le bonheur ressenti il y a 25 ans. Et la magnifique musique et la nostalgie de l'histoire n'y changeront rien...
Dire que Le Roi Lion, le classique de 1994, est l'un des films Disney le plus adoré et vénéré est un euphémisme. Pourtant, personne avant sa sortie n'aurait parié une seconde sur un succès d'une telle ampleur, y compris d'ailleurs parmi les animateurs des Walt Disney Animation Studios qui le considéraient comme un projet B, de piètre envergure ; la plupart des grands animateurs préférant travailler sur Pocahontas, une Légende Indienne qu’ils jugeaient alors bien plus "noble". Le plébiscite critique et public rendra la réussite encore plus belle transformant ce "petit" film en miracle hollywoodien.
Les premières ébauches du Roi Lion remontent au début de l’année 1989 quand Jeffrey Katzenberg lance un projet original basé sur un script qu'il a reçu via une candidature spontanée : l'histoire de lions dans la savane s'inspirant de la tragédie de William Shakespeare ; Hamlet. Les studios Disney ont, en effet, toujours présenté Le Roi Lion comme un projet original et non une adaptation directe d’un classique de la littérature : son staff insistant longtemps sur le fait que le scénario est l'œuvre de scénaristes maison. Pour peaufiner les contours du projet, un groupe de rédacteurs s'envole d'ailleurs pour le Kenya afin d’y mener de précieux repérages. De leur voyage, ils ramènent les idées de gigantisme et d’épique qui marqueront l'œuvre finale. En revanche, le scénario retenu reste toujours bancal. Jeffrey Katzenberg s’en émeut puis tonne au point d’exiger pour King of the Jungle, (le titre d’alors) une "task force". Mais rien n’y fait : l'histoire ne parvient pas à décoller ! Seule la relation père / fils semble, en réalité, définitivement acquise, le reste demeurant laborieux. Il faudra finalement attendre un changement de scénaristes pour trouver la clé de l'ensemble : l'exil du héros et la création des personnages de Timon et Pumbaa. Tout s'emballe ensuite et permet à l'opus de rentrer en production. Mais ses péripéties ont laissé des traces. La sortie est repoussée : prévue un temps en novembre 1993, elle est re-fixée à l'été 1994.
Le succès du (Le) Roi Lion est alors colossal. Le public se rue, en effet, dans les salles et fait de l’opus le second film de l'année 1994 aux États-Unis derrière Forrest Gump et le premier au niveau mondial. Il rapporte ainsi 783 millions de dollars à l'échelle de la planète dont 312 rien qu'aux États-Unis ! Il demeure le film d'animation le plus rentable pendant près de dix ans jusqu'à son détrônement en 2003 par Le Monde de Nemo. Il le reste toutefois à ce jour dans la catégorie des films à l'animation traditionnelle 2D. L’opus croule aussi sous les prix. Recul aidant, les Oscars paraissent bien chiches en ne lui accordant les fameuses statuettes que pour la Meilleure Musique et la Meilleure Chanson (Can You Feel the Love Tonight ; deux autres titres ayant été aussi nommés : Circle of Life et Hakuna Matata). Les Golden Globes sont eux nettement moins timorés en lui décernant les prix dans les mêmes catégories mais également - et surtout - celui du Meilleur Film pour une Comédie ou Film Musical ; et ce pour la deuxième fois pour Disney après La Belle et la Bête...
Le carton du (Le) Roi Lion porte évidemment en lui l’idée d’en faire une lucrative franchise pour Disney, en sortant parfois des sentier battus. L'exemple le plus flagrant est notamment son adaptation en comédie musicale. Le show est ainsi monté par Disney Theatrical Productions et devient vite l'une des productions les plus populaires jamais conçues par cette structure. Sa caractéristique principale est alors de combiner acteurs costumés en animaux et marionnettes géantes. Le spectacle densifie sa partition en ajoutant de nombreuses chansons par rapport à son film de référence comme L'Écho du Matin chantée par Zazu ; Terre d'Ombre adaptée de Lea Halelela et initialement composée pour le disque Rhythm of the Pride Lands ou One By One également issu du même album. Le succès est immédiat aussi bien auprès du public que de la Critique. Il rafle pas moins de onze nominations aux Tony Awards et en remporte six, dont Meilleure Comédie Musicale, et Meilleur Metteur en Scène attribué, pour la première fois, à une femme : Julie Taymor. Non seulement, le spectacle n'a pas quitté l'affiche depuis sa création, mais des versions ont vu le jour dans de nombreux pays et langues.
La franchise (Le) Roi Lion se décline également sous des formes plus conventionnelles comme des jeux vidéo, des produits dérivés, des livres et des adaptations dans les parcs à thèmes via des spectacles, attractions ou parades. Mais c'est en audiovisuel qu'elle s'est faite la plus dense. Les studios Disney commencent, en effet, en 1995 par la série Timon & Pumbaa - Les Héros du Film Le Roi Lion. Produite par Disney Television Animation, elle comprend quatre-vingt-cinq épisodes doubles répartis sur quatre saisons et se voit diffusée entre le 8 septembre 1995 et le 9 novembre 1996 sur CBS puis sur Disney Channel. La branche film de Disney Television Animation, qui deviendra DisneyToon Studios, produit, quant à elle, deux suites pour le marché de la vidéo : Le Roi Lion 2 : L'Honneur de la Tribu (1998) et Le Roi Lion 3 : Hakuna Matata (2004). Enfin, le court-métrage One By One, réalisé par les Walt Disney Animation Studios, et prévu à l'origine pour faire partie du film Fantasia 2006 sort finalement via des festivals puis en vidéo à l’occasion de la ressortie, en 2004, en DVD du (Le) Roi Lion 2 : L'Honneur de la Tribu. À côté de tout cela, doivent également être notés des courts-métrages éducatifs mettant en scène Timon et Pumbaa : Wild About Safety. Après quelques années de jachère, la franchise revient à la télévision en 2016 avec la série La Garde du Roi Lion produite par Disney Television Animation pour Disney Junior précédée avant cela du téléfilm pilote La Garde du Roi Lion : Un Nouveau Cri.
En 2019, ce nouveau (Le) Roi Lion rentre dans une tradition que la branche chargée des films "live" des studios de Mickey a pris depuis quelques années : ré-imaginer ses anciens classiques de l'animation. Il faut de la sorte remonter à 2010 pour voir les studios Disney relancer le genre en grandes pompes avec leur adaptation d'Alice au Pays des Merveilles par Tim Burton. La formule est toute trouvée : une nouvelle adaptation d'un classique de la littérature enfantine, déjà traité par le passé par les studios, avec la vision, si possible, d'un réalisateur de renom. Ainsi, viennent tour à tour une préquelle au (Le) Magicien d'Oz avec Le Monde Fantastique d'Oz en 2013 réalisé par Sam Raimi, puis en 2014 La Belle au Bois Dormant avec Maléfique par Robert Stromberg ; en 2015, Cendrillon par Kenneth Branagh ; en 2016, Le Livre de la Jungle par Jon Favreau et Peter et Elliott le Dragon par David Lowery ; en 2017, La Belle et la Bête par Bill Condon et en 2018, Jean-Christophe & Winnie par Marc Forster. Enfin en 2019 pas moins de deux films "live" avec Dumbo de Tim Burton et Aladdin par Guy Ritchie viennent compléter le tableau en plus du remake CGI (en images de synthèse, assistées par ordinateur) du (Le) Roi Lion par Jon Favreau. Il faut également ajouter les suites de ces adaptations comme Alice de l'Autre Côté du Miroir en 2016 et Maléfique : Le Pouvoir du Mal en 2019.
Les studios Disney, surtout depuis que Bob Iger a pris les rênes de The Walt Disney Company, ancrent ainsi leur label historique dans une identité parfaitement reconnaissable par le public. Dès lors et forcément, nombreux fans et spectateurs s'accordent à dire que la mode des remakes à foison des classiques d'animation est à la fois inutile et sans imagination, ni prises de risque. Oui, mais voilà : le public en raffole et plébiscite en salles ces histoires classiques où il peut emmener ses enfants découvrir de nouvelles versions, modernes, de films qu'il a aimés dans sa jeunesse. Disney exploite là un juteux filon puisque nombreux de ces opus sont d’immenses succès publics comme La Belle et la Bête qui rapporte 1.2 milliard de dollars dans le monde tandis que Le Livre de la Jungle frôle, lui, le milliard. Il en est de même pour Aladdin qui a rapporté plus de 920 millions de dollars et dont le démarrage en demi-teinte ne laissait pas présager un tel succès ; preuve de son excellent bouche à oreille. Ces succès prouvent aussi que les spectateurs adorent globalement plus les films qui se rapprochent de l'original (Cendrillon, Le Livre de la Jungle, La Belle et la Bête ou Aladdin) que ceux qui s'en éloignent (Alice au Pays des Merveilles, Maléfique, Peter et Elliott le Dragon ou Dumbo). Le Roi Lion qui rentre dans la première catégorie est donc quasiment assuré de cartonner, surtout envisagé à l'aune de l'aura du film de 1994.
C'est le succès en 2016 du (Le) Livre de la Jungle qui convainc donc Disney de confier à son réalisateur, Jon Favreau, la réalisation du (Le) Roi Lion en lui demandant d'utiliser la même technique que pour le film de Mowgli mais de façon encore plus poussée.
Jon Favreau est né à New York en 1966. Il débute sa carrière au cinéma en tant qu’acteur en ayant à son actif de nombreux films, avec des rôles plus ou moins importants. Pour Disney, il double en version originale le personnage Crumford Lorak dans la série animée Les Aventures de Buzz l'Éclair et Hurley dans Mission-G. Il se familiarise aussi avec l’univers des super-héros, en interprétant l’associé de Matt Murdock, Foggy Nelson, dans le film Daredevil puis participe au film Touchstone Pictures, Des Gens Comme Nous, en interprétant le rôle de Jim. Passant à la réalisation en 2001, avec le long-métrage Made, il ne tourne plus beaucoup par la suite signant seulement deux films. Iron Man pour Marvel Studios le révèle ensuite vraiment au grand public ! Il y tient d’ailleurs un rôle, celui du chauffeur Happy Hogan ; fonction qu’il reprend dans Iron Man 2, et Iron Man 3, même s’il laisse, pour ce dernier, la place de réalisateur à Shane Black. Il continue, par la suite, à jouer le rôle de Happy dans d'autres films du MCU dont Spider-Man : Homecoming et sa suite Spider-Man : Far From Home mais aussi Avengers : Infinity War et Avengers : Endgame. Enfin, en 2019, il est le producteur de la série Star Wars : The Mandalorian, première série "live" de la franchise Star Wars.
La plus grande réussite du (Le) Roi Lion de 2019 - et certains diront son seul intérêt - est à l'évidence son visuel tout simplement époustouflant. Il faut toutefois aussitôt tordre le coup à un concept marketing fait pour vendre le film. Le Roi Lion, version 2019, n'est pas un remake en prises de vues réelles. C'est bien intégralement un film d'animation CGI (en images de synthèse assistées par ordinateur), au rendu hyper réaliste. Les studios Disney n'ont ainsi jamais utilisé, sur le territoire américain, pour le qualifier le terme de "Live Action" car tout simplement il n'y a rien de "Live" dans l'opus. Ironiquement, Dinosaure des Walt Disney Animation Studios, sorti lui en 2000, possède plus de prises de vues réelles puisque tous ses décors sont en live ; seuls les personnages et autres effets spéciaux étant animés. Ici donc, tout a été généré par ordinateur via une technologie de pointe véritablement bluffante. Les techniciens derrière ce nouveau mode de production de films n'aiment pourtant pas parler d'animation. Ils mettent d'ailleurs en avant les méthodes de mises en image avec l'utilisation de caméras, notamment pour les travellings, dont les mouvements sont réels puisqu'elles ont été placées dans un studio équipé uniquement d'écrans verts et poussées par des cadreurs. L'idée derrière cette utilisation était d'amener du réalisme (de l'hyper réalisme même) dans la façon dont les personnages et la caméra bougeaient. C'est une sorte de motion capture mais réduit à son strict minimum : le mouvement, sans modèle ! Tout cela fait que Disney, même s'il n'a jamais utilisé le terme de "Live Action", n'a jamais voulu employer le mot d'"Animation". Il s'agit dès lors pour le studio de Mickey de mettre en avant sa nouvelle prouesse technique tout en permettant à l'opus de ne pas être rangé uniquement dans la catégorie des Films d'Animation, bien trop souvent snobée dans les remises de prix, juste en laissant croire pudiquement au public qu'il va voir un film "Live Action". Or, il faut le claironner : Le Roi Lion (2019) est bien un film d'animation comme l'était son illustre aîné ! Il est juste ultra-réaliste et entièrement réalisé par ordinateur, du CGI pure souche.
L'aspect visuel du (Le) Roi Lion est donc bluffant et spectaculaire. Les images sont, en effet, d'un réalisme à couper le souffle et le spectateur a réellement l'impression de voir évoluer de vrais animaux. La technique utilisée pour Le Livre de la Jungle en 2016 a été ici sublimée et rendue encore plus impressionnante. Une fois le constat fait, cette recherche d'ultra réalisme pour transposer une fiction pleine d'émotions porte en elle la clé de l'échec artistique de l'opus tout entier. Les animaux sont d'un réalisme incroyable... que leurs gueules qui bougent pour parler vient plomber tout de go ! L'effet fonctionne il est vrai laborieusement voire pas du tout. À partir de ce postulat, toute l'ossature du long-métrage s'écroule. Le rendu est désastreux avec des animaux dont les lèvres bougent mais dont le doublage (à saluer particulièrement en version originale) semble être placé par dessus, comme posé là à défaut de mieux. Rien ne parait naturel et l'aspect désincarné de l'ensemble provoque la gêne. Pire encore, les félins et autres animaux comme les calaos à bec rouge n'ont jamais - et pour cause - d'expressions très humaines pour montrer leurs sentiments. Les dialogues ne collent donc pas avec les images. Ce malaise se ressent d'ailleurs particulièrement à la mort de Mufasa : le personnage de Simba est en larmes mais son visage ne varie pas d'expression par rapport, par exemple, au moment précédent où il jouait dans la savane. L'émotion ne transpire jamais dans le film et sa désertion empêche le processus d'attachement aux personnages. C'est bien simple, chaque fois qu'ils parlent, le naturel disparaît si bien que le film n'est jamais aussi bon que quand il est muet comme par exemple pour la séquence d'ouverture véritablement époustouflante.
Pourtant, pourquoi ce qui fonctionnait avec Le Livre de la Jungle, ne marche plus sur Le Roi Lion ? Peut-être parce que, malgré le réalisme poussé, Jon Favreau avait opté pour des animaux aux proportions non réalistes. Leur côté légèrement imaginaire les rendait paradoxalement plus plausibles. Le fait aussi qu'un humain, l'excellent acteur Neel Sethi, interagisse avec les personnages animaux apportait également encore plus de crédibilités à l'ensemble. En fait, il aurait peut-être fallu partir sur un film s'éloignant du copier / coller de l'opus de 1994 en proposant un récit encore plus réaliste mais raconté avec un narrateur. Dans le genre, Félins, le film Disneynature de 2011, voit ses lions et ses guépards amener bien plus d'émotions que celles distillées dans Le Roi Lion de 2019. Ou alors, autre solution, partir sur un doublage en voix-off mais sans faire bouger les lèvres comme dans le film "live" de 1993, L'Incroyable Voyage. Même le lion Aslan dans Le Monde de Narnia - Chapitre 1 : Le Lion, la Sorcière Blanche et l'Armoire Magique sorti pourtant en 2005 affiche plus d'expressions que tous ceux du nouveau (Le) Roi Lion. Ici, le spectateur se sent plus proche d'un Babe, le Cochon Devenu Berger et a l'impression d'assister à un spectacle navrant. Et le couperet est sans appel : à partir du moment où il n'est pas possible de s'attacher aux personnages, toute histoire, aussi belle soit-elle, toute musique, aussi envoûtante soit-elle, toute nostalgie, aussi grande soit-elle, ne peuvent sauver de l'ennui !
Ainsi, dans la mesure où les personnages n'arrivent pas à être empathiques, il faut trouver d'autres éléments pour retenir l'attention du public. Et là pointe l'autre gros problème du (Le) Roi Lion, version 2019 : il s'agit d'un copier / coller quasi intégral du film d'animation de 1994. La nostalgie peut avoir du bon quand elle est mise au service d'une histoire en apportant quelque chose de neuf et offrant sa propre vision : cela était le cas avec La Belle et la Bête de 2017 mais aussi avec le Cendrillon de 2015, et dans une moindre mesure dans Aladdin sorti quelques mois plus tôt. Ici, l'opus singe son aîné en reprenant 80%, le tout sans imagination car il suit certaines scènes, plan par plan y compris dans le positionnement de la caméra ! Aucune démarche artistique n'a été entreprise. Comme si Jon Favreau avait tellement eu peur de trahir le matériel d'origine qu'il est strictement resté sur les rails du film de 1994. Le premier (Le) Roi Lion était parfait et certains diront qu'il n'y avait pas besoin de changer ce qui fonctionnait déjà. C'est vrai, mais à condition que les personnages soient convaincants et en mesure de porter l'histoire, ce qui n'est pas le cas ici. Tout le monde s'ennuie devant un mauvais décalque ; et pour les plus fins connaisseurs du film d'animation originel, ceux-là mêmes qui le récitent par cœur, le "revoir" dans ces conditions frisera le calvaire.
Pourtant, Jon Favreau s'autorise quelques modifications. Après tout, le nouveau film possède une demi-heure de plus. Le moins heureux est sûrement de voir le réalisateur rallonger certaines séquences contemplatives présentes dans le premier film mais qui sont étirées ici plus pour montrer les prouesses techniques que pour apporter un complément narratif. Certains éléments de l'histoire sont en revanche approfondis comme ils se devaient de l'être à l'image du personnage de Nala, de Sarabi ou alors des moments de vie sur le Rocher des Lions après le départ de Simba. D'autres sont changés pour des raisons évidentes comme le passage du Timon vahiné absent du nouveau film mais remplacé par un autre thème tout aussi drôle.
Le Roi Lion n'est donc jamais aussi beau que quand les animaux sont muets et que Jon Favreau ose enfin de sortir du rail de son aîné. La scène où Rafiki montre le chemin à Simba pour retrouver Mufasa est à ce titre splendide. Se retrouve d'ailleurs à ce moment-là la fulgurance du (Le) Livre de la Jungle ! Mais une question vient alors aussitôt : quel intérêt le réalisateur a-t-il eu de traiter ainsi ce film ? Car au-delà de l'aspect technique incontestablement bluffant, Jon Favreau donne l'impression d'avoir bridé tout son talent. Les décors aussi réalistes et beaux qu'ils soient sont d'une redondance incroyable. La différence entre la savane, la jungle, le désert est très mince ; la colorimétrie ne changeant quasiment jamais. Or, dans le film d'animation de 1994, les teintes des décors contribuaient aussi beaucoup à l'ambiance et donc à l'émotion. En 2019, tout semble terne et sans vie. En s'emprisonnant dans l'ultra-réalisme, Jon Favreau s'est sabordé ; en s'interdisant tout apport personnel et artistique, il se fait dévorer par l'aura du (Le) Roi Lion, premier du nom. Comme un combat qu'il aurait refusé de mener, une capitulation en rase savane, une commande trop bien exécutée pour vivre d'elle-même...
Côté personnages, Le Roi Lion, version 2019, ne réinvente rien puisque le film est identique à celui de 1994 à une exception près : les hyènes Kamari et Azizi qui remplacent Banzaï et Ed jugées trop parodiques. Et même si l'humour des héritières est différent, il fonctionne plutôt bien.
Pour le reste, Nala est assurément le personnage le plus approfondi. Une longue séquence permet en effet d'expliquer son positionnement dans la meute et la raison pour laquelle elle se retrouve si loin de son territoire quand elle rejoint Simba. Le doublage américain de la chanteuse Beyoncé est particulièrement convaincant et apporte beaucoup de profondeur à la lionne.
L'autre personnage à voir son potentiel exploser à l'écran dans cette nouvelle version est Timon, doublé en américain par Billy Eichner. Il faut dire que les suricates sont des animaux particulièrement expressifs si bien que dans un océan d'intervenants atones, il n'a aucun mal à ressortir du lot. En plus, son humour est toujours aussi percutant.
Tous les autres personnages souffrent en revanche et sans exception du manque d'expression, à commencer - et c'est fâcheux ! - par les lions. Mufasa, Simba, Sarabi et même Scar sont tout bonnement insipides. Et ce ne sont pas les efforts de leurs doubleurs américains, tous excellents (respectivement James Earl Jones qui reprend son rôle de 1994, Donald Glover, Alfre Woodard et Chiwetel Ejiofor) qui sont à blâmer mais bien l'animation qui oublie de rendre les intervenants empathiques. S'il est difficile de différencier un Mufasa d'un Simba, Scar s'écarte lui des couleurs de son pendant 2D pour prendre des tons plus réalistes même si le personnage reste par ailleurs globalement fort bien caractérisé.
Pumbaa (Seth Rogen en anglais), Zazu (John Oliver en VO) et Rafiki (John Kani en VO) n'échappent, quant à eux, pas au sentiment général déjà ressenti avec les félins : il est décidément bien difficile de s'attacher à eux. C'est encore plus flagrant pour Zazu dont la voix ne colle pas du tout à ses expressions faciales alors même que sa présence est plus importante que dans le film originel.
Pour le doublage français, Disney France a choisi de suivre le même principe que la version américaine en ne reconduisant pas le casting de 1994. Seul Jean Reno reprend en effet son rôle de Mufasa tandis que tous les autres personnages changent de doubleurs. Ainsi, il est possible de retrouver Rayane Bensetti (Simba), Anne Sila (Nala), Michel Lerousseau (Scar), Jamel Debbouze (Timon), Alban Ivanov (Pumbaa), Sébastien Desjours (Zazu), Juliette Degenne (Sarabi), Daniel Kamwa (Rafiki) et Sabrina Ouazani (Shenzi).
Peu importe le degré de fidélité qu'ils allaient choisir, Disney et Jon Favreau ne pouvaient pas passer à côté de la partition musicale et chantée tant elle est mythique. À l'époque, Elton John, sollicité spécialement pour l’occasion et aidé dans sa tâche par Tim Rice, le parolier des hits d’Aladdin, avait en effet livré cinq magnifiques chansons. L'Histoire de la Vie (Circle of Life) majestueuse à souhait, Je Voudrais Déjà Être Roi (I Just Can't Wait To Be King) superbement endiablée, Soyez Prêtes (Be Prepared) redoutable d’efficacité, Hakuna Matata, hymne mondial spontané et L'Amour Brille Sous les Étoiles (Can You Feel the Love Tonight) romantique par excellence ont, sans conteste, atteint la perfection.
Mais la magnificence de la bande-son ne s'arrêtait pas à ses seules chansons. L'orchestration et les arrangements musicaux étaient, il est vrai, tout autant somptueux. Hans Zimmer s'est littéralement surpassé sur le projet de sorte que Le Roi Lion de 1994 ne peut plus aujourd’hui être désolidarisé de sa bande originale. Son idée de génie a été de mixer des sonorités africaines avec des chœurs chantées en zoulou, le tout dirigé et composé par le chanteur sud-africain Lebo M.
Pour le film de 2019, toutes les chansons de 1994 ont fort légitimement été reprises mais ré-arrangées et ré-interprétées, histoire sans doute d'apporter un semblant de fraîcheur à un film qui en manque cruellement. La nouvelle version de Soyez Prêtes est ainsi joliment convaincante au contraire parfait de la chanson Pour Toi qui, composée par Beyoncé et rajouté au récit pour insister encore plus sur le personnage de Nala, n'est visiblement pas au niveau. Elle ne mérite pas sa place dans l'opus qui aurait gagné à lui préférer Terre d'Ombre empruntée au musical. Elton John, quant à lui, ne fait pas mentir son talent et livre une nouvelle chanson pour le générique de fin, Never Too Late, tout-à-fait remarquable. Enfin, il sera apprécié les reprises He Lives in You et Mbube par Lebo M.
Peu importe ce que peuvent penser les critiques presse, blogueurs et autres fans de cette nouvelle version du (Le) Roi Lion, la nostalgie est décidément trop forte et fera à coup sûr son ouvrage. Le public va se ruer dans les salles. Paradoxalement d'ailleurs : il critique en effet à tout va les remakes Disney copiés collés mais en réalité les ovationne à chaque sortie, et plus encore quand ils se révèlent aussi proches que possible des originaux. Les studios Disney l'ont bien compris et appliquent ici la recette à la lettre. La compagnie de Mickey aurait d'ailleurs bien tord de s'en priver : Le Roi Lion est quasiment certain de dépasser le milliard de dollars. Un argent qui lui permettra peut-être enfin d'investir dans des projets originaux : car, aussi bancal qu'il est, il vaudra toujours mieux dix (Un) Raccourci dans le Temps qu'un seul (Le) Roi Lion photocopié-collé !
Le Roi Lion de Jon Favreau est une immense déception : sa technique d'hyper réalisme et son choix de ne jamais dévier de l'original animé sont définitivement incompatibles. Il en résulte une oeuvre navrante où le manque d'émotions le dispute à l'ennui de ne jamais être surpris. Et ni sa musique cultissime, ni la force de son histoire ne pourront le sauver d'un résultat redondant, terne et insipide.
Le Roi Lion, faux live action mais vraie prouesse animée, est l'un des pires films Disney de la décennie et, à date, assurément le moins bon des remakes sortis par le label.