Un Lancer à un Million de Dollars

Titre original :
Million Dollar Arm
Production :
Walt Disney Pictures
Date de sortie USA :
Le 16 mai 2014
Genre :
Sport
Réalisation :
Craig Gillespie
Musique :
A.R. Rahman
Durée :
120 minutes
Disponibilité(s) en France :
Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis :

Le synopsis

J. B. Bernstein, un agent sportif se rend en Inde pour organiser un jeu de télé réalité intitulé "Million Dollar Arm". Le but : dénicher les talents du baseball de demain. A la clef pour les deux élus, une nouvelle vie aux Etats-Unis, dans une prestigieuse équipe de baseball de Major League...

La critique

rédigée par
Publiée le 21 mai 2014

Un Lancer à un Million de Dollars voit le label Disney revenir au film sportif, un genre qu'il avait abandonné depuis plusieurs années et dont il était pourtant auparavant très friand. Arborant ici un thème segmentant (le baseball, sport américain par excellence), le long-métrage offre néanmoins, non seulement un dépaysement bienvenu grâce à son action se déroulant en partie en Inde, mais aussi et surtout, le récit d'une belle aventure humaine reléguant d'ailleurs les exploits sportifs à un rang presqu'anecdotique.

Le label Disney a toujours été un gros consommateur de sport. Pratiquer une discipline physique est, en effet, une institution aux Etats-Unis et il n'est donc pas étonnant de voir les studios de Mickey mettre régulièrement en avant des exploits sportifs dans leurs catalogues. Ainsi, c'est vraiment à partir des années 1990 que le sport devient le sujet principal des longs-métrages disneyens. Les films sont alors soit des comédies comme Les Petits Champions ou Rasta Rockett, soit des histoires fantaisistes comme Angels : Une Equipe aux Anges ou Air Bud. A partir années 2000, les films sportifs Disney deviennent des histoires vraies traitées de façon réaliste et dramatique. Le Plus Beau des Combats en 2000 est de la sorte le premier du lot. Il sera suivi par Rêve de Champion (2002), Miracle (2004), Un Parcours de Légende (2005), Les Chemins du Triomphe (2006) et Invincible (2006) ; ce dernier étant inédit en France. Tous sont construits sur le même schéma : ils narrent le destin exceptionnel d'un sportif de légende en mettant en valeur le rêve américain ; la réussite par le travail, le courage et la persévérance... Secretariat sorti en 2010 mis à part  - il ne brosse pas le portrait d'un sportif en tant que tel -, le genre est ainsi resté muet au sein des studios durant huit ans.

La genèse d'Un Lancer à un Million de Dollars est étroitement liée à l'évolution même de The Walt Disney Company. L'échec de John Carter a, en effet, accéléré la démission de Rich Ross qui se voit vite remplacé à la tête de la direction cinéma des studios Disney par Alan Horn, remarqué lors de son passage à la tête des studios Warner de 1999 à 2011. Son arrivée marque alors une inflexion notable dans la vision cinématographique de Bob Iger. Celui-ci voyait, en effet, la branche cinématographique de The Walt Disney Company comme un pourvoyeur de franchises que cela soit pour les films d'animation comme pour les "Live". Une des premières conséquences du rachat de Pixar a ainsi été le lancement des suites Toy Story 3 et Cars 2. Pour les longs-métrages à prises de vues réelles, le PDG de Disney souhaite, avec le même objectif, que le studio aux Grandes Oreilles produise moins de films, mais tous des gros budgets. Dans sa quête aux franchises, cette politique a notamment vu quelques succès comme l'adaptation d'histoires classiques (Alice au Pays des Merveilles ou Le Monde Fantastique d'Oz) mais aussi des échecs (L'Apprenti Sorcier, Prince of Persia : Les Sables du Temps ou Tron L'Héritage) voire des flops monumentaux  (John Carter ou Lone Ranger : Naissance d'un Héros). C'est donc en partie pour palier à cette incapacité de créer de nouvelles franchises chez le label Disney, que Bob Iger décide de racheter à coup de millions de dollars Marvel et Lucasfilm Ltd.. Il souhaite, par là, doter The Walt Disney Company d'un certain nombre de titres plus à même de plaire aux garçons, une cible que le label de l'oncle Walt a bien du mal à amener vers lui en dehors de Pirates des Caraïbes. A l'inverse, Bob Iger n'accorde aucun intérêt aux films dont il ne peut pas tirer de franchises. Conséquence : il revend le studio de films d'auteurs, Miramax, limite le label Touchstone Pictures à la distribution des films DreamWorks Pictures et réduit à peau de chagrin les "petits" films intimistes du label Disney. L'arrivée d'Alan Horn change radicalement la donne et montre les limites de la vision purement franchise de Bob Iger. Le nouveau directeur des studios augmente ainsi légèrement le nombre de films et démontre surtout qu'il n'y pas que les grosses productions qui créent un catalogue. Les budgets colossaux s'exportent certes facilement et peuvent rapporter gros (ou inversement couter très cher en cas d'échecs). Les petits films, eux, peuvent souvent compter sur le marché américain pour se rentabiliser et placer le label Disney sur un créneau diffèrent tout en servant aussi de contre-programmation. La comparaison entre 2012 et 2014 est  ainsi flagrante. En 2012, le label Disney ne sort que deux films : John Carter et La Drôle de Vie de Timothy Green. En 2014, le nombre a été triplé avec Muppets Most Wanted, Un Lancer à un Million de Dollars, Maléfique, Alexander and the Terrible, Horrible, No Good, Very Bad Day, McFarland et Into the Woods. Un seul est un gros budget, les cinq autres ont couté moins de 50 millions de dollars !

Un Lancer à un Million de Dollars raconte l'histoire vraie de l'agent sportif, J. B. Bernstein qui, traversant un trou d'air professionnel, imagine une émission de télé réalité indienne sous le nom de The Million Dollar Arm pour la chaîne Zee TV. Le vainqueur remporte ainsi un prix de 100 000 dollars avec l'opportunité d'en gagner 1 million en bonus aux Etats-Unis à la fin du concours. Il décroche, en effet, la possibilité de se faire entrainer sur le sol américain au baseball avec, en but ultime, de se voir sélectionné dans une équipe de la Major League de Baseball. Les deux vainqueurs de la première édition de 2008 se nomment ainsi Dinesh Kumar Patel et Rinku Singh : tous deux ayannt signé par la suite avec les Pirates de Pittsburgh. Si le premier est depuis retourné en Inde dans l'espoir de jouer dans l'équipe nationale, le second est lui resté aux Etats-Unis...

Un Lancer à un Million de Dollars est donc un film de baseball. Incontestablement. Pourtant il est aussi et surtout le récit d'une aventure humaine. Nul besoin donc de connaitre les règles du sport pour apprécier le film mis à part de savoir que les lanceurs doivent envoyer la balle vite et fort. Le film conte ainsi et avant tout l'histoire de destins chamboulés.
Celle tout d'abord des trois jeunes indiens. Ils se voient déracinés afin de réaliser un rêve qu'ils croyaient tout bonnement impossible. Ils arrivent, il est vrai, dans un pays aux mœurs et habitudes différentes. Et comme dans tout changement, les premiers instants sont enthousiasmants avant de découvrir, derrière la nouveauté, la déception et la difficulté ! Quand le vernis craque, le rêve promis n'est plus forcément aussi beau qu'espéré.
Celle ensuite de ce manager qui, dans un creux professionnel, va mettre ses dernières billes dans un projet aussi fou qu'ambitieux. Il va ainsi apprendre beaucoup et devoir changer non seulement ses attitudes vis à vis des autres mais aussi modifier son échelle de valeurs.
Alors, certes, la morale du film n'apporte rien de vraiment nouveau sous le soleil tant c'est le genre d'histoires vraies dont les Américains raffolent : une aventure humaine combinée à un exploit sportif. L'Amérique, toujours à la recherche de héros, trouve décidément dans le sport un terreau idéal….

Un Lancer à un Million de Dollars, par rapport aux autres films sportifs du label, dispose toutefois d'un atout non négligeable : le dépaysement qu'il apporte ! En situant une partie de son action en Inde, il permet, en effet, aux spectateurs de voyager non seulement dans des endroits aussi fascinants que magnifiques mais aussi d'effleurer une autre culture. La musique de A.R. Rahman apporte d'ailleurs beaucoup au ton si particulier du film. Les sonorités indiennes y sont, il est vrai, très présentes, y compris lorsque l'action se déroule à Los Angeles. Tout le long-métrage se voit de la sorte plongé dans un univers qui change d'un film sportif américain classique. Un Slumdog Millionaire du baseball en quelques sortes !

Côté casting, le premier rôle, celui de J. B. Bernstein, est attribué à Jon Hamm. L'acteur connu principalement pour sa participation à la série Mad Men, signe ici une belle prestation pour le personnage. Ce dernier apparait, en effet, sûr de lui, arrogant, avec des préjugés à la pelle : il néglige sans cesse l'aspect humain de son travail pour n'y voir que business, réussite et argent. Cet aspect est d'ailleurs si fortement marqué que son revirement final a un peu de mal à passer pour crédible tant il n'a pas vraiment l'air d'y croire lui-même...
Les trois acteurs indiens sont, quant à eux, tout simplement excellents : Madhur Mittal et Suraj Sharma dans le rôle des deux joueurs (respectivement Dinesh Patel et Rinku Singh) et Pitobash en tant qu'Amit Rohan, un fan de baseball embauché par Bernstein. Les jeunes comédiens arrivent, en effet, non seulement à retranscrire leur passion pour le sport mais également leur grand désarroi et leur décontenance face à la nouveauté que représente la vie américaine.
Lake Bell incarne, elle, Brenda Fenwick, l'infirmière voisine de Bernstein qui va faire chavirer son cœur de pierre : elle a un côté baba-cool assez amusant à mille lieux des bimbos avec qui l'entraineur a l'habitude de sortir...
Enfin, il sera noté la participation de Bill Paxton (il est connu actuellement pour son rôle de l'Agent John Garrett dans la série Marvel, Agents of S.H.I.E.L.D. et a été également le réalisateur du film Disney, Un Parcours de Légende) dans le rôle de l'entraineur Tom House.

Un Lancer à un Million de Dollars a été plutôt bien accueilli par la critique américaine appréciant le charme des acteurs mais reprochant son manque d'originalité dans sa reprise de la formule Disney sur les films de sport. Coté résultat, sa sortie, programmée le 16 mai 2014 face au blockbuster Godzilla, était censée jouer la contre-programmation. Mais voilà, réunissant 15,5 millions de dollars sur son premier weekend, ses recettes se situent tout juste dans la moyenne des films de baseball. Pire, en le comparant aux autres longs-métrages de sport du label, il démarre moins bien que Le Plus Beau des Combats (20 millions de dollars), Miracle (19 millions de dollars), Invincible (17 millions de dollars), Rêve de Champion (16 millions de dollars), Les Chemins du Triomphe (13,5 millions de dollars) et Secretariat (12 millions de dollars) et encore sans compter l'inflation ! Il fait tout de même mieux qu'Un Parcours de Légende et ses pauvres 3.6 millions de dollars. Il n'empêche, avec son budget de 25 millions de dollars, Un Lancer à un Million de Dollars devrait sans mal se rentabiliser.

Disney France a décidé de ne pas sortir le film en France. La décision se comprend. Au premier abord, le sujet ne se prête pas du tout à l'hexagone. Il faut dire que cela parle d'un sport purement américain mais également d'une culture totalement inconnue dans le pays : celle de l'Inde. De plus, l'expérience a déjà été tentée au début des années 2000. Disney France avait, en effet, sorti deux films sportifs sur grand écran : Le Plus Beau des Combats qui avait fait le joli score de 381 294 entrées surement à cause de la présence de Denzel Washington, mais aussi Rêve de Champion, un film de baseball passé complètement inaperçu avec ses 38 803 entrées. L'autre aspect plus technique celui-là et qui conforte plus encore la décision de Disney France de ne pas sortir Un Lancer à un Million de Dollars est la réputation qui colle à la peau du label Disney en France. Dans l'hexagone, les films Disney restent, il est vrai, considérés pour enfants. Or Un Lancer à un Million de Dollars n'est pas du tout un film pour ce public-là. Les enfants de moins de dix ans s'ennuieront ferme devant cette histoire tandis que les adolescents français ne trouveront aucunes ressources pour les captiver. Il s'agit bien d'un film d'adultes. Et même, en tant que film de contre-programmation, un film d'adultes matures. Aux Etats-Unis, Un Lancer à un Million de Dollars a d'ailleurs majoritairement attiré un public d'adulte de plus de quarante ans. Là-bas, ils n'ont pas peur d'aller voir un film Disney tant le label de Mickey n'est pas synonyme de films pour enfants mais de films de qualité avec une morale optimiste et bienveillante. Les Français, sans doute trop cyniques, refusent de voir la différence. Il est donc tout à fait compréhensible que Disney France ne prenne pas le risque financier de diffuser un film qui serait traité au mieux de naïf au pire de niais, s'il n'était pas carrément rejeté sur l'autel d'un anti-américanisme primaire. Une hérésie en soi tant Un Lancer à un Million de Dollars n'hésite pas à égratigner un certain modèle de l'Amérique, en particulier celui de la course à la réussite et du business à tout crin.

Un Lancer à un Million de Dollars n'est pas le meilleur film de baseball du label Disney (Rêve de Champion ou Angels : Une Equipe aux Anges se situent clairement un cran au-dessus), ni le meilleur film sportif (Le Plus Beau des Combats ou Miracle relatent eux de vrais superbes exploits sportifs) mais il livre assurément un belle histoire humaine sur le déracinement et la déception lorsque la réalité n'est pas à la hauteur du rêve. Seule sa morale déjà vue et revue, en particulier celle sur le besoin de famille et d'attention vis à vis des autres, constitue en réalité son gros défaut. Mais le dépaysement offert par l'opus amène une touche différente qui fera pardonner ce message décidément passe-partout...

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