Les Petits Champions
Le synopsis
Redoutable avocat aux résultats impressionnants, Gordon Bombay est arrêté en état d'ivresse puis condamné à un travail d'intérêt général. Ancien champion de hockey, il devra ainsi, malgré la promesse qu'il s'était faite de ne plus jamais remonter sur des patins à glaces, entraîner l'équipe du 5e district de la catégorie pee-wee (11-12 ans) de Minneapolis-Saint Paul... réputée être la plus nulle de la région ! |
La critique
Les Petits Champions marque une première pour Walt Disney Pictures qui se lance avec ce long-métrage dans ce qui deviendra une tradition pour le label : le film sportif. Et s'il se fait accueillir par une critique négative, le public, lui, plébiscite l'opus, au point de le rendre culte pour toute une génération, ouvrant ainsi la création d'une franchise lucrative pour Disney.
Avec Les Petits Champions, Disney s'essaye donc au film sportif. Étonnamment, c'est un genre qu'il avait peu exploré mis à part à la télévision, notamment par exemple avec le téléfilm Tiger Town en 1984, ou alors en distribuant via Buena Vista Pictures un long-métrage non produit par lui (chose assez rare avant 1985) comme Take Down en 1979. Le succès des (Les) Petits Champions va alors changer la donne : le label se met en effet à produire plusieurs films sur le sport durant les années 90, souvent des comédies, comme par exemple Rasta Rockett en 1993, Angels : Une Équipe aux Anges en 1994 ou Une Équipe de Nases ! en 1995. Dans les années 2000, Disney continue la tradition des films sportifs mais se tourne plutôt vers des drames tirés d'histoire vraies. Le plus célèbre est sûrement le magnifique Le Plus Beau des Combats en 2000, mais il peut être aussi cité Rêve de Champion en 2002, Miracle en 2004 ou encore Invincible en 2006. Dans les années 2010, l'intérêt du public pour ce genre de films se tarit mais cela n'empêche pas Disney d'offrir quelques très beaux films comme McFarland en 2015 ou La Dame de Katwe en 2016. Dans les années 2020, l'arrivée de Disney+ permet au label de proposer à nouveau des aventures sportives, dont le superbe Safety en 2020.
L'inspiration du film Les Petits Champions se trouve dans un autre long-métrage, La Chouette Équipe (The Bad News Bears), sorti en 1976 par Paramount Pictures, dans lequel un ancien joueur de baseball alcoolique se retrouve entraîneur d'une jeune équipe. Mais si le baseball était particulièrement présent dans le cinéma américain, les films sur le hockey sur glace se comptaient eux sur les doigts d'une main à l'époque de la sortie du long-métrage Disney. ll faut dire qu'avant la victoire de l'équipe olympique des États-Unis de hockey sur glace en 1980 (racontée très justement dans le film Disney Miracle, en 2004), les Américains étaient peu férus de ce sport. Grâce à ce succès sportif inattendu, le hockey devient, petit à petit, de plus en plus populaire, notamment à Los Angeles, où un grand joueur canadien, Wayne Gretzky, vient s'installer en 1988. À côté du stade où il vivait, habitait alors un jeune scénariste, Steven Brill (qui plus tard réalisera le film La Colo des Gourmands pour Walt Disney Pictures en 1995). Ce dernier, sans emploi, passe son temps à la patinoire et, inspiré par La Chouette Équipe qu'il avait adoré enfant, écrit un script sur une jeune équipe de hockey.
Le scénario tombe finalement dans les mains de The Walt Disney Company. Rien d'étonnant à cela : Michael Eisner, alors PDG de Disney, avait été auparavant responsable de la production des films des studios Paramount Pictures. Il avait notamment supervisé la sortie de La Chouette Équipe. Il a, en outre, tout de suite été attiré par l'idée de faire un film sur le hockey sur glace ; son fils, à l'époque, s'étant pris au jeu de ce sport. Si le script de Steven Brill était plutôt, au départ, à destination des adultes, il va finalement se voir remanié pour devenir plus drôle et familial afin de mieux s'accorder avec le label Walt Disney Pictures. La romance adulte devait notamment être plus présente mais le centre de gravité du film a été, en définitive, décalé vers les plus jeunes. Cela se remarque d'ailleurs au début de l'opus où l'humour est typique des films à destination des enfants de l'époque avec des blagues sur des flatulences ou des vannes sur le fait de coucher avec la mère d'un copain, sans parler des chutes où les adultes tombent en poursuivant les gamins et se font alors mal à l'entre-jambe. Heureusement, le scénario ne va pas abuser du procédé et, passé les dix première minutes, le long-métrage redevient sérieux alternant sport, émotion et camaraderie. Le film reste ainsi amusant, grâce notamment aux réparties entre les enfants, mais perd très vite le côté lourdingue des blagues de son ouverture.
Pour mettre en images Les Petits Champions, Disney fait alors appel à un jeune réalisateur, Stephen Herek. Né en 1958 au Texas, ce dernier réalise son premier film en 1986, la comédie horrifique Critters, suivie par les comédies L'Excellente Aventure de Bill & Ted en 1989 et Panique chez les Crandell en 1991. Après Les Petits Champions en 1992, il va continuer, au cours de sa carrière, une belle collaboration avec les studios Disney pour laquelle il met en scène Les Trois Mousquetaires (1993), toujours pour Walt Disney Pictures, l'excellent Professeur Holland (1995) pour Hollywood Pictures, l’incontournable Les 101 Dalmatiens (1996) encore une fois pour le label Disney et Mister G. (1998) pour Touchstone Pictures. Il tourne également 7 Jours et une Vie chez 20th Century Fox en 2002, Duo de Glace, Duo de Feu, un ABC Family Original Movie en 2010 ainsi que D'un Noël à l'Autre, un ABC Original Movie en 2019.
Les Petits Champions propose une histoire assez classique mais qui fonctionne bien. Elle raconte comment Gordon Bombay, un avocat talentueux mais sans scrupule, se retrouve à s'occuper d'une équipe de jeunes joueurs de hockey sur glace. Le jeune homme est en effet arrêté alors qu'il conduit en été d'ivresse. Et son patron refuse de lui faire sauter ses travaux d'intérêt général afin qu'il apprenne la pondération, la patience et la gentillesse. Forcément, au début, il traîne plutôt des pieds, se croyant supérieur et pensant ne pas mériter de perdre du temps avec une bande de gamins, totalement nuls en hockey, qui se fichent de tout et en particulier de son autorité. Mais au fur et à mesure que le temps passe, l'entraîneur va réellement changer d'opinion sur les enfants et les aider à progresser en créant un véritable esprit d'équipe. Il y a certes dans le film quelques facilités, à l'image du patron de cabinet qui va le pousser à avoir une déontologie alors que lui-même n'en montrera guère quand un problème juridique se créera avec l'équipe que gère son employé. Le patron demandera donc vite à Gordon Bombay de choisir entre un gros client du cabinet, impliquant par ricochet son emploi bien rémunéré et sa position d'avocat, et une bande de jeunes bien gentils mais sans intérêt. Pour Gordon Bombay, l'ultimatum est en réalité un non-choix. La ficelle est grosse mais elle permet de montrer le revirement du jeune homme et son évolution de mentalité. Elle amorce aussi un changement dans sa vie, moins sécurisée financièrement mais plus épanouie sentimentalement.
Les Petits Champions développe aussi une belle morale sur la réussite et l'éducation. La personnalité impitoyable de Gordon Bombay qui refuse l'échec et qui met tout en œuvre pour réussir, même les procédés les moins éthiques, tient en réalité son origine dans sa jeunesse. Alors qu'il était enfant, lui aussi jouait au hockey sur glace. Talentueux, il avait alors un entraîneur qui lui mettait une grosse pression, voulant simplement et uniquement l'excellence. Mais lors d'un match crucial, le jeune Gordon craque et rate un tir, faisant perdre son équipe. Son coach l'a tellement humilié que cet échec constituera la déception qui le suivra toute sa vie. Une fois adulte, il va alors reproduire inconsciemment ce que lui avait inculqué à son insu son entraineur. Et c'est finalement au contact des jeunes enfants du 5e district qu'il va se rendre compte qu'il existe des choses plus importantes que la performance ou la victoire. Le plaisir du jeu et l'envie d'être ensemble avec son équipe sont ainsi bien plus forts que toutes les coupes du monde. Et pourtant, il va aussi découvrir que lorsque les jeunes se sentent bien et ont confiance en eux, la réussite est souvent au rendez-vous. L'important est donc de faire de son mieux et de croire en soi sans se mettre une pression aussi stressante qu'inutile.
Pour incarner Gordon Bombay, Stephen Herek tombe très vite sous le charme d'Emilio Estevez. Né en 1962, le fils de Martin Sheen et le frère de Charlie Sheen est membre du Brat Pack, ce groupe de jeunes stars des années 80 comprenant notamment Rob Lowe ou Demi Moore. Son premier rôle à succès est celui d’Otto Maddox dans La Mort en Prime tout en enchaînant avec d’autres productions comme Breakfast Club, Maximum Overdrive, Young Guns ainsi qu'Étroite Surveillance pour Touchstone Pictures. Emilio Estevez est ici parfait pour le rôle de Gordon Bombay. Il est d'abord imbu de lui-même, sûr de lui et assez antipathique, mais il arrive pourtant au début du film à se rendre aussi amusant dans sa façon dont il néglige les enfants dans un premier temps avec des réparties qui font mouche. Puis, au fur et à mesure qu'il change au contact des gamins, il devient de plus en plus attachant. Il faut dire que son histoire personnelle est plutôt bien écrite et qu'il se transforme aussi en sorte de père de substitution pour l'un des pré-adolescents et en un compagnon attentif pour la mère de celui-ci.
Mais bien sûr, si Les Petits Champions est devenu culte auprès de toute une génération, ce n'est pas pour le coach mais bien grâce à la ribambelle de jeunes joueurs qui propose une diversité bienvenue. Ce qui frappe alors dans l'équipe est d'abord la franche camaraderie qui existe entre tous les membres. Les enfants sont certes nuls au hockey sur glace mais ils s'amusent bien et prennent plaisir à être ensemble. Aucun adulte n'a réussi à les canaliser et ils perdent à chaque match ; pour autant ils ont appris à prendre cela avec philosophie et tant qu'ils continuent à jouer, rien ne peut les atteindre. Ainsi, rien d'étonnant, vu l'ambiance qu'ils dégagent, à ce que le jeune public ait eu envie de rentrer dans ce groupe convivial, même virtuellement en regardant le film. En plus, le groupe est assez diversifié, mélangeant les couleurs de peaux, les garçons et les filles, les religions, les milieux sociaux, les situations familiales, les caractères (du timide ou plus bourrin) mais aussi en proposant diverses morphologies (du petit maigre au grand gourmand). Les jeunes spectateurs ont donc forcément un membre de l'équipe auquel s'identifier.
Quand Gordon Bombay arrive, les jeunes ne croient pas du tout au jeune homme. Surtout qu'il ne s'en cache pas, pour lui, ils sont plus un fardeau qu'autre chose. Mais au final, il arrive à les unir, encore plus qu'ils ne le sont, sous une seule bannière. Il leur trouve un nom, les Ducks, un emblème, un équipement sportif dont des maillots. Et surtout, il leur montre qu'ils comptent pour lui. Si au début, il leur apprend plutôt comment tricher, très vite, il préfère revenir à un jeu plus réglementaire. Les jeunes joueurs apprennent donc à utiliser leurs forces et leurs faiblesses et, petit à petit, trouvent une façon de jouer qui les mène vers la victoire. De plus, l'entraîneur agrandit et enrichit l'équipe en recrutant de nouveaux joueurs. Certains ont suivi, de loin, la première équipe mais sans jamais avoir osé demander à participer ; d'autres sont plus des adeptes du patinage artistique que du hockey sur glace ; un autre encore vient d'une équipe concurrente mais doit en changer suite au redécoupage du district où il vit. Même si le film ne réinvente pas la poudre, Les Petits Champions arrive à rendre l'équipe des Ducks particulièrement attachante et son parcours aussi crédible que grisant. Quand les jeunes finissent par collectionner les victoires, sans tricher, en toute honnêteté, le spectateur, enfant comme adulte, ne peut en effet qu'être porté par l'énergie et la camaraderie qu'ils dégagent.
La réussite du film Les Petits Champions tient principalement à son jeune casting.
Jake Gyllenhaal et Leonardo DiCaprio ont auditionné pour le rôle de Charlie Conway mais c'est finalement Joshua Jackson (connu pour avoir été Pacey Witter dans la série Dawson) qui est choisi. Il campe ainsi un personnage sympathique, honnête et droit, avec un bel esprit de leader, même si ce n'est pas fatalement le meilleur joueur. Pour autant, à cause du divorce de ses parents et du départ de son père, il possède un côté fragile qui le rend vraiment attachant.
Parmi le reste du casting, il sera particulièrement apprécié Elden Henson dans le rôle de Fulton Reed, le gaillard qui a une puissance de tir phénoménale ; Shaun Weiss dans le rôle de Greg Goldberg, le gardien un peu enrobé et particulièrement peureux ; Marguerite Moreau dans le rôle de Connie Moreau, la fille au caractère bien trempé ; Brandon Adams et Jussie Smollett respectivement dans les rôles de Jesse Hall et Terry Hall, les deux frères afro-américains ; Matt Doherty campant Lester Averman, le turbulent blagueur à lunette ; et enfin Vincent Larusso assumant le personnage d'Adam Banks, le joueur qui vient de l'équipe adverse.
Si Les Petits Champions se fait descendre par la critique, le film est néanmoins un succès. Avec un budget de 14 millions de dollars, il en rapporte au moins 50 millions rien qu'au États-Unis. Et sa réussite est encore plus probante en vidéo. Au fil des années, le long-métrage devient culte pour toute une génération. En France, le film proposé le 24 mars 1993 au cinéma et n'attire alors que 164 000 spectateurs. Pour autant, sa popularité grandit également grâce à la vidéo. Ce succès inattendu incite Disney à faire prospérer le film au point d'en créer une franchise. Deux autres opus voient ainsi le jour, même s'ils n'obtiendront pas le même succès en salles, mais avec tout de même une réussite suffisante pour être rentables : Les Petits Champions 2, le 25 mars 1994, et Les Petits Champions 3, le 4 octobre 1996. Une série télévisée animée voit aussi le jour, Mighty Ducks - Les Canards de l'Exploit, diffusée entre le 7 septembre 1996 et le 10 janvier 1997 sur la chaîne ABC. Elle met en scène des canards extra-terrestres joueurs de hockey sur glace. Bien plus tard, le 26 mars 2021, Disney+ propose une série inédite, à prises de vues réelles cette fois-ci, Les Petits Champions : Game Changers, et fait même revenir l'acteur Emilio Estevez dans le rôle de Gordon Bombay.
Logo des Mighty Ducks d'Anaheim de 1993 à 2005
En attendant, à l'époque, Les Petits Champions provoque, en tout cas, une belle vague d'engouement pour le hockey sur glace auprès des jeunes Américains. Et le succès du film va donner une idée incongrue à Michael Eisner dans son envie de faire fructifier l'aura du film. The Walt Disney Company obtient en effet de la Ligue Nationale de Hockey, le 10 décembre 1992, l'octroi d'une franchise qui se voit immédiatement valorisée par l'installation de l'équipe des Mighty Ducks à Anaheim, une ville située dans la banlieue de Los Angeles et présentant l'avantage d'abriter Disneyland Resort. Les joueurs sont ainsi les premiers locataires de l'Anaheim Arena, bientôt renommée Arrowhead Pond of Anaheim avant de devenir le Honda Center. L'équipe devient très vite très populaire auprès du jeune public. À tel point d'ailleurs qu'en 1996, au pic de leur célébrité, le marchandisage de Ligue Nationale de Hockey qui rapporte environ un milliard de dollars par an est constitué à 80% de produits à l'effigie des Migthy Ducks. Mais l'aura de l'équipe va petit à petit faiblir. Finalement, The Walt Disney Company restera propriétaire de l'équipe jusqu'en 2005 avant de la revendre à des particuliers qui la rebaptisent, sobrement, les Ducks.
Les Petits Champions est un film sportif pour le jeune public particulièrement efficace. S'il doit lui être pardonné son entame avec ses blagues par trop enfantines, l'opus se rattrape très vite et propose une histoire divertissante portée par des acteurs attachants. Rien d'étonnant dès lors à ce que Les Petits Champions soit devenu culte pour de nombreux jeunes spectateurs de l'époque.