Étroite Surveillance
Titre original : Stakeout Production : Touchstone Pictures Date de sortie USA : Le 5 août 1987 Genre : Action |
Réalisation : John Badham Musique : Arthur B. Rubinstein Durée : 118 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Chris Lecce et Bill Reimers, tous deux détectives de la ville de Seattle, sont certes immatures mais toujours prêts à l’action. Aussi, lorsque le FBI leur confie la surveillance de l’ex-petite amie d’un prisonnier tout juste évadé, ils ne sautent pas vraiment de joie... |
La critique
Premier film d’action portant le label Touchstone Pictures, Étroite Surveillance n’est pas seulement un enchaînement de courses-poursuites et d’enquêtes policières, il est avant tout le terreau fertile d’une histoire d’amour naissante vraiment originale et bourrée d’humour ! Tenu par le duo de choc Dreyfuss – Estevez, il a tous les ingrédients pour devenir un buddy movie culte, à l’instar du succès du duo de L’Arme Fatale sorti la même année. Retour sur un succès commercial et critique qui aurait mérité sans nul doute le développement d’une véritable franchise…
En 1987, le tout jeune label Touchstone Pictures se cherche encore. Filiale de The Walt Disney Company, il permet de viser un public beaucoup plus adulte, produisant ainsi des films au ton irrévérencieux et osé. Il se complaît d’ailleurs dans les comédies, un genre qui le fait connaître avec son tout premier film Splash, mais veut tenter de se rapprocher, toujours avec précaution, des films d’action où l’enquête policière prime sur l’humour. Avec Étroite Surveillance, le label signe alors son premier film d’action, réussi qui plus est, savamment agrémenté d’humour et de romance, un mélange détonnant à attribuer notamment à son réalisateur britannique John Badham qui révéla John Travolta.
Né le 25 août 1939, à Luton en Angleterre, Charles John Smith, qui se nommera plus tard John Badham, est le fils d’un général de l’armée américaine et d’une actrice britannique. En 1944, à la faveur du déménagement de sa famille aux États-Unis, il passe son enfance et adolescence à Birmingham en Alabama, obtenant bien plus tard, en 1970, la nationalité américaine. Il commence d’abord sa carrière à la télévision où il assiste à la production de la nouvelle série de Rod Serling (créateur de La Quatrième Dimension), Night Gallery sur NBC. Il décroche véritablement le succès en 1977, lorsqu’il dirige John Travolta dans son rôle de Tony Manero dans l’immense succès disco La Fièvre du Samedi Soir. Le film reçoit une pluie de nominations aux Golden Globes et aux Oscars et propulse la carrière du jeune Travolta. Quelques années plus tard, il révèle un autre acteur, Matthew Broderick, et effraie le monde dans son thriller sur la Guerre Froide, WarGames. Il enchaîne ensuite les petits succès à l’image de Short Circuit (1986) ou encore Étroite Surveillance et sa suite Indiscrétion Assurée (1993) avec le duo de choc Dreyfuss – Estevez puis Nom de Code : Nina avec Bridget Fonda et Gabriel Byrne. Il tourne également aux côtés de Johnny Depp dans Meurtre en Suspens, un thriller se déroulant en temps réel. Il revient par la suite à ses premières amours, la télévision, en produisant de nombreux épisodes de séries télévisées dont Heroes (NBC), Supernatural ou encore Arrow.
Prenant comme arrière-plan la ville de Seattle mais bien qu’ayant été tourné à Vancouver au Canada, Étroite Surveillance ne passionne pas plus sur le papier. L’histoire des plus banales d’une filature est certes peu alléchante mais se révèle pourtant très prenante, dès le moment où les quiproquos se succèdent à cause d’un policier faisant fi de la morale et de l’éthique professionnelle. Le scénario, à attribuer à Jim Kouf qui se chargera la même année du script de Hidden, se mue donc peu à peu en histoire d’amour rocambolesque agrémentée de scènes d’action honorables, marquantes par leurs lieux atypiques, celle d’ouverture se déroulant dans la poissonnerie d’un port tandis que la scène finale se joue dans une industrie de découpe de troncs d’arbres ! Et force est de constater que la magie de Kouf opère lorsque l'opus obtient l’année suivante le Prix Edgar Allan Poe du Meilleur Film ! Pourtant, le succès n’est pas uniquement lié à l’originalité du scénario mais bien à son casting qui, sans forcément aligner de grandes vedettes du cinéma, démontre un talent et une réelle implication dans ce long-métrage d’action décidément pas comme les autres.
En tête d’affiche, et qui le sera dans deux autres films la même année, Richard Dreyfuss enfile ainsi le costume de détective et se laisse même repousser la moustache ! L’acteur new-yorkais, né en 1947, est une figure du septième art, notamment pour avoir joué l'océanographe dans Les Dents de la Mer mais également dans Le Clochard de Beverly Hills, ou encore en tenant le premier rôle dans Rencontres du Troisième Type. Il obtient l’Oscar du Meilleur Acteur à l’âge de ses trente ans pour le film Adieu, Je Reste et enchaîne ensuite les distinctions. Il troque ici DeVito avec qui il formait le duo détonnant dans Les Filous quelques mois auparavant pour s’enticher du tout jeune Emilio Estevez pour quelques dialogues bien sentis débordant d’humour.
Né en 1962, le frère de Charlie Sheen est, quant à lui, membre du Brat Pack, ce groupe de jeunes stars des années 80 comprenant notamment Tom Cruise ou Brad Pitt. Son premier rôle à succès est celui d’Otto Maddox dans La Mort en Prime tout en enchaînant avec d’autres productions comme Étroite Surveillance, Young Guns ainsi que le Walt Disney Pictures Les Petits Champions. Ici, il forme un duo dynamique et entraînant avec Dreyfuss, toujours prêt à faire une blague ou se jeter dans le feu de l’action.
Le premier rôle féminin est admirablement tenu par la charmante et authentique Madeleine Stowe. Actrice américaine majoritairement connue pour ses rôles à la télévision (The Amazing Spider-Man, La Petite Maison Dans la Prairie), sa popularité se voit propulsée par son interprétation de Maria McGuire, l’ex petite-amie du fugitif dans Étroite Surveillance. Jouant avec une fraîcheur innée, l’actrice distille une douceur et un charme communicatifs à chacune de ses interventions.
Le rôle du méchant est, pour sa part, interprété par Aidan Quinn (Reckless, Michael Collins) qui livre le moins bon jeu du casting en donnant finalement le minimum ; l’acteur n’ayant pas vraiment la carrure d’un vilain pour y croire ne serait-ce qu’un seul instant.
A leurs côtés, d’autres rôles secondaires peuvent être nommés comme celui anecdotique de Forest Whitaker (Good Morning Vietnam, Rogue One : A Star Wars Story) ou encore celui de Dan Lauria (Independence Day) formant avec un contre-duo au deux rôles-titres. Enfin, l’antagoniste de l’histoire signe un dernier duo avec le jeune Ian Kacey (Natty Gann, 21 Jump Street) plus convaincant dans son rôle de méchant débutant que le méchant lui-même.
Bien qu’aux personnalités différentes, le parallèle du duo d’affiche avec celui de Gibson – Glover de L’Arme Fatale sorti la même année ne peut être évité. Malheureusement, l’un connaîtra plus de succès que l’autre, hissant le film de Richard Donner, qui verra trois autres productions lui succéder, au rang des meilleurs buddy movies de tous les temps. Malgré tout, Étroite Surveillance reçoit de nombreuses critiques positives, engrangeant plus de 60 millions de dollars au box-office. Il faut attribuer cela, pas seulement au scénario et au casting mais également à la bande-originale, signée Arthur B. Rubinstein, compositeur américain fétiche du réalisateur John Badham avec qui il collabore dans WarGames ou C'est Ma Vie, Après Tout!. Ici, il réussit à souligner avec légèreté certains moments-phares du film, racontant par la même l’histoire et instillant des rythmes indéniablement ancrés dans les eighties. Les titres This Night Was Made (For One Thing Only) ou Is It Love parlent d’ailleurs d’eux-mêmes. En arrière-plan, parfois à peine perceptible, la musique est à l'évidence un élément extrêmement révélateur dans cette production.
Buddy movie au duo Dreyfuss – Estevez prometteur, Étroite Surveillance étonne et passionne par un scénario original et un casting à la hauteur de l’exercice. Sorti dans un contexte de compétition farouche avec un autre duo au succès fulgurant, il ne démérite pourtant pas dans la tâche qui lui est confiée, livrant un film d’action entremêlé d’une histoire d’amour pertinente engendrant nombre de situations cocasses et drôles. Il ne reste donc qu’à savourer les aventures excitantes d’une franchise avortée…