Rogue One
A Star Wars Story
Titre original : Rogue One : A Star Wars Story Production : Lucasfilm Ltd. Date de sortie USA : Le 16 décembre 2016 Genre : Science-fiction IMAX 3-D |
Réalisation : Gareth Edwards Musique : Michael Giacchino Durée : 130 minutes |
Le synopsis
L'Empire construit dans le plus grand secret une arme redoutable, de la taille d'une petite lune, capable de détruire des planètes entières. Un groupe restreint de soldats, mené par la jeune Jyn Erso, s'organise alors pour en dérober les plans et les fournir à l'Alliance Rebelle dans l'idée d'en trouver le point faible et stopper l'hégémonie impériale... |
La critique
Il est difficile d'appréhender un film comme Rogue One : A Star Wars Story tant il constitue vraiment une prise de risque énorme pour Lucasfilm Ltd. qui s'émancipe, avec lui, du canevas classique des sept derniers épisodes. Éloigné dans le ton et la forme des précédents films qui se focalisaient sur la famille Skywalker, Rogue One : A Star Wars Story n'en reste pas moins pourtant totalement intégré à l'univers de George Lucas au point que le fan Star Wars ne sera pas du tout gêné en le visionnant. Assumant pleinement son caractère de film de guerre, il propose un rendu parmi les plus sombres, intenses et poignants de toute la saga. Son récit ne se focalise pas ainsi sur les Jedi, la Force et les héros connus mais emprunte en effet une voie plus proche des romans et des comics de l'univers. En réalité, à l'exception du dispensable film d'animation Star Wars : The Clone Wars, Rogue One : A Star Wars Story est peut-être la première œuvre cinématographique de l'Univers Étendu ! Véritable claque visuelle, avec sa dose de fan service, et surtout les meilleures quarante-cinq dernières minutes de toute la saga, il prouve une fois de plus que l'univers Star Wars est infini et peut proposer tout un panel d'histoires aussi diverses que variées. Et le tout, pour le plus grand bonheur des spectateurs !
Le 30 octobre 2012, à la surprise générale, George Lucas annonce avoir vendu son entreprise ainsi que la totalité des droits sur ses films, dont Star Wars et Indiana Jones, à The Walt Disney Company. La nouvelle fait l’effet d’une bombe chez les fans et les professionnels du cinéma. Pourtant, ce rachat apparaît totalement logique. Tout d'abord, Disney a déjà prouvé sa parfaite capacité à digérer de précédentes franchises acquises : Les Muppets en 2004, Pixar en 2006 et Marvel en 2009. De plus, les deux labels (Disney et Lucasfilm) ont toujours eu des liens forts, non seulement de par les valeurs véhiculées dans leurs films, mais aussi la maîtrise de l’art du marchandisage sans parler de leurs collaborations dans les parcs à thèmes. Star Tours, rebooté avec succès en 2011, est en effet toujours une valeur sure des resorts Disney. Les différentes attractions inspirées d’Indiana Jones sont elles aussi très populaires que ce soit Indiana Jones Adventure : Temple of the Forbidden Eye (Disneyland), Indiana Jones Epic Stunt Spectacular! (Disney's Hollywood Studios), Indiana Jones Adventure : Temple of the Crystal Skull (Tokyo DisneySea) ou Indiana Jones et le Temple du Péril (Disneyland Paris).
Cerise sur le gâteau, en même temps que le rachat, Disney annonce la sortie de Star Wars : Le Réveil de la Force pour 2015, le 18 décembre 2015 pour être exact, premier volet d’une nouvelle trilogie que les fans n’attendaient plus... Il n’y avait, il est vrai, plus eu de film Star Wars depuis 10 ans ! Les aficionados étaient aux aguets et le résultat finalement à la hauteur des attentes faisant de Star Wars : Le Réveil de la Force un véritable raz de marée. Pourtant, une sortie à Noël n’était pas une date habituelle pour la saga et il y avait un (petit) risque que le succès soit freiné par les fêtes ou le mauvais temps. Que nenni : rien n'a résisté à Star Wars VII ! Plus de 2 milliards de recettes mondiales (soit le troisième film à réaliser cet exploit après Titanic et Avatar) dont 936 rien qu’aux États-Unis (un record absolu dépassant de 175 millions de dollars le précédent détenu par Avatar - encore lui !). En France, avec plus de 10 millions d’entrées, il obtient le meilleur résultat pour un film américain depuis Avatar (toujours lui !) en 2009. Plébiscité par la presse des deux côtés de l'Atlantique, le public a embrassé le film même si certains spectateurs ont reproché à J.J. Abrams, le réalisateur du nouveau Star Wars, de n'avoir livré qu'un copier / coller de Star Wars : Un Nouvel Espoir dans son scénario et ses planètes visitées. Par contre, tous s'accordent sur les nouveaux personnages jugés ultra-attachants.
Quand Disney rachète les droits de Star Wars, il se trouve que George Lucas a déjà écrit un première esquisse des trois épisodes suivants, qui évolueront toutefois beaucoup sous la direction de Kathleen Kennedy, la nouvelle responsable de Lucasfilm Ltd.. Le maître a même posé les bases de one-shots qui deviendront les films indépendants labélisés A Star Wars Story. Si les Épisodes I à VII gravitent autour de la famille Skywalker et s’inscrivent dans une continuité narrative, les films autonomes, désignés un temps sous l'appellation Star Wars Anthology avant de se voir nommés A Star Wars Story, peuvent eux se dérouler n’importe quand dans la chronologie, introduire de nouveaux personnages et explorer une grande variété de genres cinématographiques, du film de guerre au film de casse et ainsi de suite. Ces opus peuvent également adopter potentiellement une vision plus intimiste et plus humble de leur thème surtout par rapport à l'ampleur des films principaux. Le but est clairement de raconter un évènement dans l'univers Star Wars mais par un autre point de vue, ouvrant une grande richesse narrative et une large palette de styles.
Mais comment entamer cette nouvelle collection de films autonomes ? Kathleen Kennedy n'a pas eu à chercher très longtemps car John Knoll lui apporte l'idée sur un plateau. Ce dernier est directeur de la création et superviseur sénior des effets visuels chez Industrial Light & Magic. Depuis 30 ans, il a supervisé les effets visuels de plusieurs des films de la saga dont la dernière trilogie. Il est également connu pour n’avoir aucun équivalent en termes de connaissance et de passion pour Star Wars. Pour lui, l'étincelle se trouve dans le texte déroulant de l'Épisode IV, Star Wars : Un Nouvel Espoir :
« C'est une époque de guerre civile. À bord de vaisseaux spatiaux opérant à partir d’une base inconnue, les Rebelles ont remporté leur première victoire sur l'abominable Empire Galactique.
Au cours de la bataille, les Rebelles ont réussi à dérober les plans secrets de l’arme absolue de l'Empire : l'Étoile Noire, une station spatiale dotée d’un armement assez puissant pour annihiler une planète tout entière.
Poursuivie par les sbires sinistres de l'Empire, la Princesse Leia regagne sa base dans son vaisseau cosmique, porteuse des plans volés à l’ennemi qui pourraient sauver son peuple et restaurer la liberté dans la galaxie… »
Il s'est donc tout naturellement posé la question de savoir qui étaient ces Rebelles et comment ils avaient réussi à récupérer les plans... De cette réflexion, il écrit un synopsis de sept pages qu'il montre à Kathleen Kennedy. Tout de suite emballée, elle lui confirme très vite que l'idée sera le sujet du premier A Star Wars Story. Reste alors à trouver le réalisateur idéal pour mettre en images cette histoire inédite, singulière dans toute l'histoire de la saga cinématographique.
Très vite, leur dévolu se porte sur Gareth Edwards. Né dans la région de Warwickshire en Angleterre en 1975, il décide de devenir réalisateur dès son plus jeune âge, justement après avoir vu... Star Wars ! Il fait ensuite ses classes en tant qu'animateur et créateur d'effets spéciaux dans des séries et des téléfilms locaux avant de se faire remarquer dans la série anglaise Heroes and Villains. Il signe en 2010 son premier longs-métrage de cinéma, Monsters, pour la somme dérisoire de 500 000 dollars de budget total. En plus de la réalisation, il écrit le scénario et y assume les effets spéciaux sur son propre ordinateur personnel tout en étant également le directeur de la photographie et le chef décorateur. Petit opus de science-fiction produit avec une équipe réduite, il n'en reste pas moins une belle réussite et surtout un vrai tour de force qui rencontre un très bon accueil auprès des critiques comme du public. Son succès lui ouvre d'ailleurs grandes les portes d'Hollywood et lui permet de réaliser en 2014, le grand retour au cinéma de Godzilla pour la Warner, avec un film efficace qui cartonne dans les salles. La carrière de Gareth Edwards continue alors sa folle ascension avec Disney qui lui confie, en mai 2014, la réalisation de Rogue One : A Star Wars Story. Passion pour la saga aidant, le jeune réalisateur se révèle tout simplement parfait pour mettre en image cette histoire sans pareille ; le plus dur étant pour lui au final de décider ce qu'il allait montrer et surtout quel personnage emblématique, il voulait faire apparaître pour ne pas nuire à la dynamique propre du récit.
Gareth Edwards, aidé de son directeur de la photographie Greig Fraser, bien connu pour son travail sur Zero Dark Thirty, souhaite tout de go donner à Rogue One : A Star Wars Story un style et un ton qui lui soient propres et qui ne ressemblent à rien d'autre. Le long-métrage est ainsi un film de guerre avec ses codes et ses usages. Si un parallèle pouvait être fait, il ressemblerait à un opus sur la Seconde Guerre Mondiale qui met en avant le créateur de la bombe atomique et le camp ennemi qui tente de s'emparer des plans avant que l'arme ne soit utilisable. Il y a ainsi dans l'âpreté de certaines scènes des rappels à des classiques comme Les Canons de Navarone ou Le Pont de la rivière Kwaï. Évidemment, de belles batailles se retrouvent déjà dans la saga Star Wars mais sans doute pas aussi bien assumées. Celles de la Guerre des Clones, par exemple, étaient plus mécaniques tandis la majorité n'avait pas eu lieu au cinéma mais plutôt dans la série télé : Star Wars : The Clone Wars. Dans la trilogie originale, les batailles terrestres paraissent plus "inoffensives" à l'image de celle sur la Lune Endor où la mort est parcimonieuse. Dans Rogue One : A Star Wars Story, elles sont tout au contraire plus réalistes, saisissantes et haletantes. De tout nouveaux soldats de l'Empire ont d'ailleurs été spécialement inventés pour le long-métrage. Les Stormtroopers étaient, en effet, connus pour toujours rater leurs cibles : il fallait donc dénicher des combattants plus aguerris pour cet opus qui se veut un hommage aux grands films de guerre. Les Death Troopers, vêtus de noirs et véritables tireurs d'élite, font donc ici leur apparition en se livrant à un effroyable carnage. Enfin, il convient de signaler les 45 dernières minutes du film qui sont peut-être les meilleures que n'ait jamais proposées la saga toute entière. Alternant entre une bataille terrestre intense avec une spatiale incroyable, le dernier acte de Rogue One : A Star Wars Story prend, en effet, le spectateur aux tripes dans un grand moment de cinéma aussi sombre que touchant.
Pour arriver à ce final dantesque, le film prend toutefois son temps. Déjà, il commence par casser les codes de la saga. A la différence des épisodes originels, il ne contient pas de texte déroulant pour exposer le contexte. Il se permet, en revanche de proposer un prologue se déroulant des années avant, chose qu'aucun autre opus de la saga ne fait car tous se déroulent dans le temps présent (les mises en contexte chronologiques étant faites dans le déroulé d'ouverture). Revenu au présent, Rogue One : A Star Wars Story présente tranquillement ses personnages à travers des scènes plus ou moins longues. L'ennui pourrait avoir ici sa place ; mais le réalisateur a l'excellente idée d'en profiter pour faire visiter au spectateur des lieux variés et autres diverses planètes : de Jedha, la lune désertique avec sa ville sainte et antique, à Eadu, la planète montagneuse et pluvieuse, ou encore Scarif, la planète tropicale. Les fans seront en outre ravis de retrouver également la base rebelle dans les temples Massassis de la quatrième lune de Yavin. En cela, le film est vraiment dépaysant : il offre une touchante immersion dans l'univers de Star Wars, en passant par la petite porte, celle menant à des endroits encore inconnus du public.
L'autre élément frappant dans Rogue One : A Star Wars Story est de constater que le fan féru de Star Wars a l'impression de retrouver sur grand écran l'ambiance qu'il a ressentie dans certains romans ou comics dérivés qu'ils soient canons ou légendes. Si une comparaison peut être faite, l'œuvre sur papier qui se rapproche le plus du film de Gareth Edwards est ainsi la saga des romans X-Wings avec ses équipes d'espions et ses bataillons de guerriers. Par ailleurs, les clins d'œil à certaines œuvres, dont au moins un roman Légende, un roman Canon et la série Star Wars : Rebels, sont légions. Le film propose également une galerie d'aliens très variée, continuant là d'approfondir la mythologie construite film après film. Si tous ces détails accrocheront évidemment le fan pointu de l'univers de George Lucas, le grand public n'est pour autant pas oublié. Des personnages emblématiques de la première comme de la seconde trilogie sont, en effet, présents dans l'opus à commencer par la sénatrice Mon Mothma ou le Seigneur Sith Dark Vador. Même si ce ne sont que des caméos de personnages, ici tertiaires à l'histoire, ils apportent à Rogue One : A Star Wars Story un côté aussi jubilatoire que savoureux. Mieux encore, ils témoignent de la capacité du film de s'insérer parfaitement dans la chronologie et raccroche notamment Star Wars : Un Nouvel Espoir de façon juste parfaite. Les deux opus s'imbriquent parfaitement et offrent dans ce constat un plaisir supplémentaire. Sans aucun doute, le cadet de 2016 donnera désormais un regard différent à l'aîné de 1977.
Pour autant, certains fans de Star Wars risquent tout de même de ne pas ressentir le même souffle que pour les précédents opus. La première trilogie tournait, en effet, autour de ses personnages et de leur héroïsme tandis que la seconde mettait en avant les nombreux Jedi dans un combat politique dont ils ignoraient l'instigateur. Star Wars : Le Réveil de la Force a, quant à lui, beaucoup misé sur des personnages forts qui étaient happés par l'aventure. Ici, si le scénario ne souffre d'aucun reproche majeur, les personnages sont plus rugueux et un brin moins attachants amenant forcément moins d'empathie avec le public. L'aspect de film de guerre est certes parfait mais il rabote forcément le merveilleux et l'humour appréciés chez ses prédécesseurs. En cela, Rogue One : A Star Wars Story se démarque véritablement des autres longs-métrages de la saga. Par rapport aux sept autres films, point de Jedi ou futur Jedi tandis que la Force est tout juste mentionnée à plusieurs reprises. Le côté mystique est de la sorte quasi absent de l'histoire. La lutte entre le bien et le mal est pourtant bien présente mais amenée différemment : il s'agit de montrer avec réalisme comment une petite bande de rebelles se bat contre un Empire construisant une arme de destruction massive. Ce constat fait, il serait faux de penser que Rogue One : A Star Wars Story ne sert aucune réflexion : au contraire, son exploration de la délicate frontière entre le bien et le mal, et les conséquences des actes de chacun est clairement exigeante.
Les personnages de Rogue One : A Star Wars Story sont, pour leurs parts, tous bien définis même s'ils n'ont pas manifestement le charisme de leurs aînés. Pas de reproche ici mais simplement une conséquence du contexte d'un film décidément très différent des précédents opus. Si ces derniers développent une saga familiale en plusieurs volets, il ne s'agit cette fois-ci que d'un épisode indépendant qui n'a pas vocation à s'étendre. Le spectateur croise donc de nouveaux personnages appelés à demeurer anecdotiques dans la grande trame de l'univers Star Wars. Dès lors, ils sont certes attachants mais éprouvent quelques difficultés à rayonner vraiment au sein du grand canevas galactique.
Jyn Erso est donc l'héroïne de l'histoire. Fille d'un grand scientifique qui a été kidnappé pour travailler sur une terrible arme de destruction massive, elle a appris à se débrouiller toute seule. N'ayant plus vu son père depuis des années, elle voit dans l'action de la Rébellion l'opportunité de le retrouver. Ainsi, elle qui avait du mal à embrasser la cause de l'Alliance, va petit à petit faire sienne le moteur des rebelles : l'espoir. L'actrice Felicity Jones, aperçue notamment dans The Amazing Spider-Man : Le Destin d'un Héros ou The Tempest, apporte tout son talent au personnage et sait se rendre plutôt attachante.
Si le personnage de Jyn manque peut-être d'originalité, l'épaisseur lui vient surtout de sa relation avec son père Galen Erso. Ce grand scientifique a, en effet, été réquisitionné par l'Empire, contraint d'abandonner sa fille. Même si l'interaction entre les deux ne révolutionne pas le genre des relations père / fille, elle n'en demeure pas moins touchante. Le spectateur comprend et accepte instantanément que la jeune Jyn veuille tout faire pour délivrer son paternel, en qui elle croit plus que tout. Mads Mikkelsen vu récemment dans Doctor Strange apporte beaucoup de prestance à son personnage.
Saw Gerrera est, quant à lui, celui qui recueille Jyn et l'élève à la suite de son abandon. Rebelle extrémiste, il s'est éloigné de l'Alliance qu'il trouve trop timorée dans sa lutte contre l'Empire. Le personnage fait le lien entre le père et la fille, aussi bien dans l'éducation que dans ses valeurs. Forest Whitaker (Good Morning Vietnam, Phénomène) apporte beaucoup de rudesse à cet homme qui a décidément perdu toute illusion sur la chance de voir le joug de l'Empire s'effondrer de son vivant mais qui continue à se battre, par tous les moyens, bons ou mauvais. Le personnage aurait sans doute mérité un brin d'approfondissement supplémentaire.
Les meilleurs intervenants du film forment assurément l'équipe que constitue Jyn. Et en premier lieu, se trouve Cassian Andor, l'officier de renseignement de l'Alliance. C'est à n'en point douter le personnage le plus intéressant de Rogue One : A Star Wars Story ! Rempli de contradiction, il a intégré la rébellion pour de bonnes raisons, avant d'épouser, au fur et à mesure de ses missions, les méthodes de son ennemi, finissant par se convaincre que tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins. Il est également le personnage qui évolue le plus tout au long du récit et qui va apprendre énormément au contact des autres, et en particulier de Jyn. L'acteur mexicain, Diego Luna, offre un charisme incroyable à Cassian Andor, signant là, la plus belle performance du casting.
Il est accompagné par K-2SO, un droïde de sécurité impériale reconfiguré par l'Alliance. Sa reprogrammation connaît tout de même quelques ratés et le robot n'a désormais plus sa langue dans sa poche, n'hésitant pas à dire tout haut ce qu'il pense, et sans détour. Sa franchise amène la seule petite note d'humour au film qui se prend très au sérieux. Alan Tudyk qui incarne le personnage en motion capture le rend particulièrement attachant.
Sur Jedha, les trois compères rencontrent fortuitement Chirrut Îmwe et Baze Malbus. Le premier est un moine aveugle qui fait confiance à la Force dans chacune de ses actions tandis que le second est un combattant brut de fonderie qui a tendance à toujours foncer dans le tas. Les deux se complètent à merveille et forment un duo vraiment enthousiasmant. Ils vont se prendre d'affection pour Jyn et se ranger à sa cause. Donnie Yen et Wen Jiang, deux acteurs chinois, servent sur eux une prestation tout à fait convaincante.
Le dernier membre de l'équipe de Jyn est Bodhi Rook, un pilote impérial qui change de camp et se retrouve dans la bataille un peu par hasard. Le personnage est somme toute intéressant car loin d'être un héros, il surprend son monde dans sa capacité à s'investir bien plus que le spectateur pouvait l'imaginer de prime abord. L'acteur britannique, Riz Ahmed, assume le rôle avec beaucoup de fraîcheur développant au final un joli capital-sympathie.
Tout bon Star Wars, se doit d'avoir un méchant charismatique. C'est évidemment le cas ici avec le Directeur Orson Krennic, chargé de superviser la construction de l'Étoile de la Mort. Le véritable intérêt du personnage est son ambition sans limite qui nourrit sa dangerosité : il n'en reste pas moins quelque peu pathétique dans sa capacité à se surestimer notamment à l'occasion de son entrevue avec Vador, véritablement jubilatoire. L'acteur australien Ben Mendelsohn est tout simplement parfait dans ce rôle dans ce qu'il donne au personnage les caractéristiques du parfait petit chef qui essaye de garder les rennes d'un projet qui le dépasse.
Au delà de toutes ses qualité narratives, Rogue One : A Star Wars Story est également une claque visuelle. Gareth Edwards signe en effet une réalisation aux petits oignons où sa caméra se met toujours au service de son histoire, soit en plan rapproché pour intensifier le côté réaliste de la scène, soit en plan éloigné pour donner de l'ampleur à l'action. Les effets spéciaux sont également de toute beauté autant via les décors des planètes visitées ou lors des batailles spectaculaires. Encore une fois, la fin est réellement à tomber par terre. Le mélange de bataille terrestre, aérienne et spatiale est tout bonnement bluffant. En réalité, le seul petit bémol qui peut-être regretté sur les visuels se retrouve dans le fan service apporté par le réalisateur à l'histoire par le biais de certaines apparitions. L'idée est certes excellente sur le papier et apporte beaucoup au récit, inscrivant le film encore plus dans la continuité de la saga mais sa réalisation est perfectible. Il faudra sans doute ici attendre de futures retouches techniques du film comme la saga a su le faire sur les épisodes précédents quand la technologie a permis d'améliorer des effets spéciaux jugés en dessous des attentes.
Comme il en est presque devenu une habitude sur tous les films très attendus, Rogue One : A Star Wars Story a fait parler de lui avant sa sortie. De nombreuses rumeurs ont, il est vrai, fait état de reshoots insinuant que Gareth Edwards perdait le contrôle de son travail sous l'insistance des dirigeants de Disney désireux au mieux de sauver un film qui prenait l'eau ou au pire d'aseptiser une œuvre jugée trop sombre. Les rumeurs disaient même que Lucasfilm aurait fait appel à Tony Gilroy, scénariste de l'opus mais aussi ancien réalisateur de Jason Bourne : L'héritage afin de peaufiner le long-métrage, et ce pour la bagatelle de cinq millions de dollars. Si la réalité des changements reste vague, il y aurait eu cinq semaines de tournage supplémentaire afin de repenser la fin, retravailler l'histoire et refaçonner un tiers du film. Vrai ? Faux ? Sans doute un peu des deux tant ce genre de pratiques est monnaie courante à Hollywood pour les blockbusters. Lors de la promotion du film, Gareth Edwards assume toutefois pleinement son oeuvre et répète à l'envie avoir travaillé le plus sereinement possible pour ce genre de production. Reste le résultat, seul élément objectif : les détracteurs de Disney ne pourront désormais plus crier sur le vilain studio de Mickey qui briderait les réalisateurs de ses autres labels pour proposer des films trop lisses.
L'une des conséquences du tournage supplémentaire est le changement, au dernier moment, de compositeur de la musique du film . À l'origine, le Français Alexandre Desplat qui avait déjà travaillé avec Gareth Edwards sur Godzilla, devait en effet signer la bande originale. Les reshoots ont malheureusement rendu son emploi du temps incompatible au point de devoir céder sa place au dernier moment à Michael Giacchino, le compositeur désormais fétiche des studios Disney déjà à l'origine de la musique de Doctor Strange et Zootopie rien que pour l'année 2016. Même s'il a dû travailler en un temps record, il s'en sort plutôt bien et parvient à retrouver les thèmes de John Williams tout en apportant sa touche personnelle. La fin est particulièrement réussie et amène son lot de frissons aux mélomanes rehaussant à merveille des images déjà extraordinaires.
Dernier détail, Disney France a choisi Rogue One : A Star Wars Story pour corriger une erreur historique de traduction dans le nom de "Death Star" en la rebaptisant l'Étoile de la Mort. Lors du doublage du tout premier film, le traducteur avait, il est vrai, adapté l'appellation en l'Étoile Noire, faute rattrapée dans Star Wars : Le Retour du Jedi en nommant la seconde "Death Star", Étoile de la Mort. Cette dénomination française, certes basée sur une erreur, avait pourtant le mérite de proposer deux noms différents pour la première et la seconde arme. Cette nomenclature a d'ailleurs toujours prévalu dans l'Univers Étendu, aussi bien en roman qu'en comics, que cela soit dans l'Univers Légendes ou les œuvres de l'Univers Canon sortis avant Rogue One : A Star Wars Story. Le fait de donner une bonne traduction à la "Death Star" n'est certes pas une mauvaise idée en soi, corrigeant une erreur passée. Mais elle enlève une spécificité française qui était plutôt bienvenue et crée désormais par ailleurs une incohérence avec le doublage du film de 1977, Star Wars : Un Nouvel Espoir. Le diable ne se cache-t-il pas dans les détails ?
Rogue One : A Star Wars Story est un excellent Star Wars, à la fois parfaitement ancré dans la saga mais aussi foncièrement différent des épisodes officiels. Si les personnages, de part leur statut de gens normaux, manquent peut-être un peu de charisme, leur histoire prend véritablement aux tripes et permet de proposer assurément la plus belle bataille finale de toute la saga.
Rogue One : A Star Wars Story, grande claque visuelle à la fin magistrale, marque l'histoire de la saga Star Wars toute entière !