The Tempest
Titre original : The Tempest Production : Touchstone Pictures Date de sortie USA : Le 10 décembre 2010 Genre : Comédie dramatique |
Réalisation : Julie Taymor Musique : Elliot Goldenthal Durée : 110 minutes |
Disponibilité(s) en France : |
Le synopsis
Prospera, ancienne duchesse de Milan recluse sur une île avec sa fille Miranda, prépare sa revanche contre les hommes à l'origine de son malheur, Antonio, l'usurpateur du duché, Alonso, le roi de Naples et son frère Sébastien. Profitant qu'ils soient tous rassemblés sur le même navire, elle utilise ses pouvoirs magiques afin de provoquer leur naufrage en les frappant d'une terrible tempête... |
La critique
Les adaptations de classiques de la littérature sont pléthore chez Disney. Blanche Neige et les Sept Nains, Pinocchio, Cendrillon, Alice au Pays des Merveilles, Peter Pan, Le Livre de la Jungle ou encore Notre-Dame de Paris sont ainsi passés par la case animation. L'Île au Trésor, 20 000 Lieues sous les Mers, Un Conte de Noël, Les Trois Mousquetaires, Le Monde de Narnia, John Carter, Le Comte de Monte-Cristo ont quant à eux été tournés en prises de vues réelles. En 2010, c'est à un classique anglais que les studios s'attaquent avec la production de The Tempest, la comédie de William Shakespeare, via la filiale Miramax et le distributeur Touchstone.
La Tempête est une tragi-comédie créée en 1611 par William Shakespeare, l'un des plus grands auteurs de l'Ère élisabéthaine, à l'origine de classiques tels que Hamlet, Prince de Danemark, Macbeth, Le Songe d'une Nuit d'Été, Richard III et bien entendu Roméo et Juliette. Pièce en cinq actes, elle raconte la vengeance de l'ancien Duc de Milan, Prospero, isolé sur une île magique avec sa fille Miranda après avoir été chassé du pouvoir par son frère Antonio. En déchaînant une tempête, il provoque le naufrage du navire sur lequel étaient rassemblés l'usurpateur et ses deux complices, son frère Sébastien, et Alonso, le Roi de Naples. Echouent également sur l'îlot le sage Gonzalo, conseiller du Roi, Ferdinand, son héritier, ainsi que Stephano et Trinculo, sommelier et bouffon de leur état. Coincés sur l'île, tous sont mis au défi de leur existence. Alonso doit faire face à la trahison de Sébastien et Antonio qui tentent de le tuer. Gonzalo rêve lui de devenir roi. Autrefois domestiques, Stephano et Trinculo complotent contre Prospero avec l'aide de Caliban, un sauvage monstrueux tandis que Ferdinand conquiert le cœur de Miranda... Avec l'aide d'Ariel, un génie aérien, Prospero met donc chacun face à son destin afin de lutter contre le mal et faire triompher la vérité...
Le difficile projet d'adaptation de La Tempête est confié à Julie Taymor, metteur en scène et réalisatrice. Née à Newton, Massachusetts, le 15 décembre 1952, Taymor se passionne pour le théâtre dès le plus jeune âge, poursuivant ses études dans ce domaine à Paris en rejoignant l'Ecole internationale de Théâtre Jacques Lecoq. Apprenant l'usage de masques dans ses mises en scène, elle continue d'étudier aux Etats-Unis et multiplie les expériences théâtrales, notamment au Japon et en Indonésie. Dans les années 1980 et 1990, Julie Taymor débute sa collaboration « avec » Shakespeare, en montant quatre de ses pièces, Le Songe d'une Nuit d'Été, La Tempête puis La Mégère Apprivoisée et Titus Andronicus, dans le cadre de l'organisation Theatre for a New Audience destinée à étendre le théâtre à un public plus large en dehors des scènes de Broadway. Taymor connaît la consécration en 1994 avec l'adaptation à Broadway du Roi Lion, le classique de Disney, dans laquelle elle utilise l'art des masques. Le spectacle est couronné de succès et reçoit deux Tony Awards récompensant la mise en scène (une première pour une femme) et les costumes, aujourd'hui ajoutés aux collections du Smithsonian National Museum of American History et du Victoria and Albert Museum de Londres. En 2007, elle participe à la création de Spider-Man : Turn Off the Dark, d'après les aventures de l'homme-araignée de Marvel, mais entre en conflit avec la production faute d'être au départ créditée. En parallèle du théâtre et de l'opéra, Julie Taymor réalise quelques longs-métrages : Titus, d'après Shakespeare (1999), Frida qui raconte la vie de la peintre mexicaine (2002), Across the Universe, une histoire d'amour inspirée des chansons des Beatles (2007). Réalisé en 2010, The Tempest est donc son 4ème film pour le cinéma.
Lorsqu'elle débute l'écriture de The Tempest, Julie Taymor décide de changer la pièce de Shakespeare. En effet, le rôle titre, Prospero, devient une femme, Prospera, interprétée par Dame Helen Mirren. Le personnage principal n'est donc plus le duc de Milan, mais son épouse, accusée ici de son meurtre par son frère Antonio. A l'affiche de dizaines de pièces de théâtre et de longs-métrages, Mirren débute sur les planches à 18 ans en jouant justement Shakespeare. Membre de la Royal Shakespeare Company, elle apparaît au cinéma en 1969 dans Age of Consent. Depuis, elle est notamment à l'affiche de Cal et La Folie du Roi George (pour lesquels elle reçoit deux Prix d'interprétation à Cannes en 1984 et 1995), Excalibur, Gosford Park, Calendar Girls, Benjamin Gates et le Livre des Secrets, Hitchcock, ou encore The Queen pour lequel elle reçoit l'Oscar de la meilleure actrice. Julie Taymor justifie sa décision de changer le sexe du personnage principal en expliquant qu'aucun acteur ne l'attirait pour le rôle et que ce choix s'accommodait à l'œuvre originale.
Helen Mirren se voit entourée d'une belle galerie d'acteurs. Felicity Jones (The Amazing Spider-Man : Le Destin d'un Héros) est Miranda, la fille de Prospera. Ben Whishaw (Le Parfum, Skyfall, Cloud Atlas) est le génie Ariel. Djimon Hounsou (Amistad, Gladiator, Blood Diamond, Les Gardiens de la Galaxie) est le monstre Caliban. Du côté des naufragés, le casting est composé de David Strathairn (L.A. Confidential, Good Night and Good Luck, Lincoln, Godzilla), Chris Cooper (American Beauty, The Patriot, Les Muppets, Le Retour, The Amazing Spider-Man : Le Destin d'un Héros), Alan Cumming (Goldeneye, X-Men 2), Tom Conti (Furyo), Alfred Molina (Les Aventuriers de l'Arche Perdue, Spider-Man 2, Prince of Persia : Les Sables du Temps), Russell Brand (Histoires Enchantées) et Reeve Carney, respectivement dans les rôles d'Alonso, Antonio, Sébastien, Gonzalo, Stephano, Trinculo et Ferdinand.
Principalement tourné à Hawaï qui offre au film ses décors volcaniques, The Tempest est un ovni pour quiconque ne maîtrise pas la pièce de Shakespeare et l'art de Julie Taymor. Car si les costumes, les effets spéciaux et les environnements sont globalement réussis, si le jeu des acteurs est sans faute, il s'agit bien de théâtre au cinéma et le film est tourné comme tel. Point d'adaptation cinématographique donc. Même s'ils sont parfois réécrits, les dialogues originaux et les proses sont dans l'ensemble conservés. Et Taymor dirige son film comme elle dirigerait une pièce. Les décors sont minimalistes, les séquences sont parfois longues, les échanges sont tout autant surjoués. La scène de la rencontre entre Stephano, Trinculo et le monstre Caliban peut ainsi apparaître comme un spectacle ridicule. Et la musique d'Elliot Goldenthal, compagnon à la ville de Taymor, est parfois tellement étrange qu'elle donne l'impression d'assister à un spectacle très contemporain, pour ne pas dire abstrait. Quiconque aime le théâtre peut donc savourer une belle adaptation de l'œuvre du dramaturge anglais. Quiconque n'y a jamais mis les pieds s'étonnera d'une telle mise en scène pour un film qui s'annonce pourtant dès les premières minutes épique mais qui devient vite ennuyeux pour ceux qui n'appréhendent pas les codes du théâtre.
Bien que réalisé en 2008, The Tempest est projeté pour la première fois le 11 septembre 2010, en clôture du Venice Film Festival. Produit par la filiale Miramax, tout juste vendue par Disney, le film reste lié aux studios de Mickey qui se chargent néanmoins de sa distribution via la filiale Touchstone Pictures, pour une sortie nationale organisée le 10 décembre 2010. Mais le film trouve difficilement son public. Et les critiques sont pour la plupart négatives, Entertainment Weekly parlant d'un film inerte, uniquement sauvé, d'après USA Today, par le talent d'Helen Mirren également loué par The New Yorker. Outre l'actrice principale, les costumes sont également vus comme un point fort du film et sont honorés d'une nomination aux Oscars, la statuette allant cependant cette année-là à Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton. Helen Mirren est pour sa part nommée pour un Satellite Award, le prix lui échappant au profit de Noomi Rapace.
Au final, The Tempest semble être un plaisir personnel de Julie Taymor, pour ne pas dire un plaisir égoïste tant la réalisatrice a insufflé son style si particulier à la pièce de Shakespeare. Film élitiste qui laissera sans le moindre doute une majeure partie des spectateurs sur le bas-côté, il mérite d'être vu par quiconque aime le dramaturge anglais en particulier et le théâtre en général. Pour les autres, ils se contenteront de l'interprétation d'Helen Mirren et des décors, s'ils tiennent jusqu'à la fin, ce qui est loin d'être gagné...