Georges Hautecourt
Date de création : Le 11 décembre 1970 Nom Original : Georges Hautecourt Créateur(s) : Ken Anderson Milt Kahl John Lounsbery |
Apparition : Cinéma Voix Originale(s) : Charles Lane Voix Française(s) : Alfred Pasquali |
Le portrait
En 1970, les studios Disney emmènent le public au cœur de Paris, où réside Madame Adélaïde de Bonnefamille. Ancienne chanteuse d’opéra richissime, cette dernière n’a plus aucun amour dans sa vie, excepté Duchesse et ses trois chatons qu’elle entend faire ses légataires universels. Pour concrétiser ce projet, elle compte alors sur l’aide de son vieil ami, le notaire Georges Hautecourt.
Georges Hautecourt fait une entrée des plus remarquées dans Les Aristochats. Sa voiture, une Mercer 35J Raceabout de 1913, fait en effet un boucan de tous les diables. Garé devant le luxueux hôtel particulier de Madame de Bonnefamille, le notaire est d’humeur guillerette. Sa jeunesse d’esprit, néanmoins, n’est plus en parfaite harmonie avec son corps, un peu rouillé. Un bon coup de canne dans le derrière est alors nécessaire au vieil homme pour se redresser et descendre sans encombre de l’automobile !
Fragile sur ses jambes, Monsieur Hautecourt parvient enfin jusqu’à la porte de la maison où l’attend le toujours très distingué Edgar, le maître d'hôtel de Madame qui ne perd pas une seconde pour débarrasser le notaire de son écharpe. Comme à son habitude, l’excentrique notaire n’attend pas qu’on lui prenne son chapeau : avec sa canne, il le jette et parvient, une fois encore, à le faire atterrir directement sur la tête d’Edgar.
Impatient, Georges Hautecourt se lance seul à l’assaut du majestueux grand escalier de la maison. Et l’ascension est loin d’être une sinécure ! Les jambes sont chancelantes. L’équilibre est fragile. Edgar recommande de prendre l’ascenseur. Hautecourt refuse de monter dans « cette cage à oiseaux » juste bonne « pour les vieillards » ! Amusé par la situation, il perd bientôt l’équilibre et part à la renverse. Il s'en faut de peu pour qu’il dévale dans l’autre sens l’escalier. Edgar est heureusement là pour le retenir dans sa chute. Mais l’affaire n’est pas encore réglée. Le majordome manque à son tour de tomber à cause de la canne du vieil homme qui se prend dans ses jambes. Il parvient toutefois in extremis à ne pas basculer en se tenant aux bretelles d’Edgar grâce à ladite canne.
« Hauts les cœurs ! Et hauts les pieds ! ». Jamais avare d’un bon mot, Monsieur Hautecourt arrive enfin à l’étage où l’attend Madame de Bonnefamille. Si le vieillard est frais comme un gardon, Edgar, pour sa part, est lessivé ! Entouré par les chatons, Georges Hautecourt entre dans la pièce. Heureux de revoir sa vieille amie, il se lance dans un amical baisemain. Mais la vue baissante, c’est la queue de Duchesse qu’il embrasse. « Vous avez toujours les plus douces mains de Paris », lance-t-il alors à Madame de Bonnefamille, très amusée de la méprise !
La musique retentit soudain. Un air d’opéra-comique qui attire immédiatement l’attention du vieil homme. C’est le morceau qu’Adélaïde de Bonnefamille chantait lorsqu’il l’a rencontrée pour la première fois. C’était il y a bien longtemps. Ni une, ni deux, Hautecourt saisit les mains de son amie qu’il entraîne dans une danse endiablée.
Mais il est temps, enfin, de redevenir sérieux. Georges Hautecourt est venu pour une affaire des plus importantes. Madame de Bonnefamille souhaite en effet s’assurer de l’avenir. Il est donc temps de rédiger son testament. Vissant ses épaisses lunettes sur son nez, Hautecourt ouvre son stylo à plume et prend bonne note des consignes de son amie. N’ayant plus aucun parent vivant, elle désire léguer sa fortune, ses titres et ses biens à ses chats, qui seront placés jusqu’à la fin de leurs jours aux bons soins d’Edgar...
Georges Hautecourt ne revient dans l’histoire qu’à la toute fin. Le vaurien Edgar, après avoir cherché à éliminer les chats pour toucher le pactole, a malgré lui pris un aller direct pour Tombouctou ! Le maître d’hôtel ayant mystérieusement disparu, le notaire est donc revenu chez son amie pour rayer son nom du testament. La fortune de Madame est alors finalement destinée à la fondation qu'elle vient de créer, un club réservé aux chats de gouttière de Paris.
Georges Hautecourt est l’un des rares protagonistes humains des (Les) Aristochats. Personnage farfelu et haut en couleur, le vieil homme est un ami fidèle de Madame de Bonnefamille. Semblant amouraché d’elle depuis des décennies, il est également devenu son notaire particulier, toujours là pour l’épauler lors de procès ou bien pour rédiger ses actes, notamment son testament.
Inspiré, comme le reste du film, par le style inimitable du caricaturiste anglais Ronald Searle, George Hautecourt apparaît sous les traits d’un vieillard à l’âge canonique. Son crâne est dégarni. Ses sourcils broussailleux sont d’un blanc immaculé, comme ses cheveux. Son visage est flétri. Les pommettes saillantes, son sourire laisse deviner une mâchoire édentée.
Si l’esprit de Monsieur Hautecourt est toujours aussi vif et acéré, son corps, lui, n’est plus de première jeunesse. Sans ses lunettes, le vieil homme est myope comme une taupe. Son dos est par ailleurs courbé par le poids de l’âge. Ses jambes peinent en outre de plus en plus à le porter. Mais qu’importe. Pour Monsieur Hautecourt, tout se passe dans la tête. Hors de question, donc, de prendre l’ascenseur plutôt que l’escalier. Et hors de question de résister lorsque la musique invite à la danse.
Feuilles de modèles
Personnage comique par excellence, Georges Hautecourt doit sa création à trois artistes chevronnés des studios Disney, Ken Anderson, Milt Kahl et John Lounsbery.
Né le 17 mars 1909 à Seattle, dans l’État de Washington, Kenneth Anderson étudie l’architecture en Europe, notamment à l’école américaine des Beaux-Arts de Fontainebleau puis à l’Académie de Rome. Élève de l’Université de Washington, il délaisse toutefois l’architecture alors même que la crise économique frappe durement les États-Unis. Pour gagner sa vie, il part en effet pour Los Angeles afin de trouver un travail dans l’animation. Il est engagé par MGM pour qui il conçoit les décors de plusieurs films parmi lesquels La Voile des Illusions. En 1934, il rejoint ensuite les studios Disney. Il travaille alors sur La Déesse du Printemps et Trois Petits Orphelins. Pour ce dernier film, il met notamment à profit ses aptitudes en architecture pour concevoir des décors animés en trois dimensions. Repéré par Walt Disney, il est nommé directeur artistique sur Blanche Neige et les Sept Nains, un poste qu’il occupe ensuite lors de la production de Pinocchio et de Fantasia. Animateur sur Le Dragon Récalcitrant et Mélodie du Sud, il participe à l’écriture du scénario de Mélodie Cocktail, Danny, le Petit Mouton Noir et Cendrillon.
Nommé Imagineer, Anderson épaule ensuite Disney lors de la création de Disneyland et participe à la création d’attractions comme Peter Pan’s Flight et Mr. Toad’s Wild Ride. Directeur artistique de La Belle au Bois Dormant, il subit cependant les foudres du patron qui déteste le style utilisé pour Les 101 Dalmatiens. Au travail sur Merlin l’Enchanteur et Le Livre de la Jungle, Ken Anderson participe au développement de l’Haunted House de Disneyland. Après la mort de Walt Disney, il continue son travail sur des films comme Les Aristochats, Robin des Bois, Peter et Elliott le Dragon, Les Aventures de Winnie l’Ourson et Les Aventures de Bernard et Bianca. Associé à l’édification d’Epcot, il prend finalement sa retraite en 1978. Parfois surnommé le « Dixième vieux monsieur », en référence aux Nine Old Men, il meurt le 13 décembre 1993, deux ans après avoir reçu un Disney Legends Award pour l’ensemble de sa carrière.
Membre du groupe très fermé des Neuf Vieux Messieurs, Milt Kahl naît, lui, le 22 mars 1909 à San Francisco, en Californie. Débutant sa carrière modestement à l’âge de seize ans lorsqu’il est embauché comme dessinateur pour le journal The Oakland Post Inquirer puis pour le San Francisco Bulletin, il devient bientôt dessinateur d’affiches de cinéma. Il entre ensuite chez Disney en 1934. Se distinguant, grâce à son caractère bien trempé, de ses collègues qui redoutent ses colères mémorables, Kahl travaille comme intervalliste sur plusieurs cartoons de Mickey. Son talent lui permet rapidement de devenir animateur puis superviseur de l’animation. Très doué pour l’animation des humains, il collabore alors à presque tous les longs-métrages animés de Disney et donne vie à des personnages aussi fameux que Pinocchio, dont il définit l’apparence finale, Bambi, Brom Bones, Frère Lapin, Johnny Pépin de Pomme, Cendrillon, le prince Philippe et le roi Hubert, Roger Radcliff et Pongo, Merlin l’enchanteur ou bien encore Tigrou. Derrière l’animation remarquable de Shere Khan et de Madame Médusa, son ultime méchante, Milt Kahl est élevé au rang de Disney Legend en 1989, deux ans après sa mort survenue le 19 avril 1987 à l’âge de soixante-dix-huit ans.
John Lounsbery naît le 9 mars 1911 à Cincinnati. L'artiste étudie à l'Art Institute de Denver puis à l'Art Center School of Design de Los Angeles. Engagé chez Disney en 1935, il donne vie à des personnages comme Pluto, la Sorcière, Grand Coquin et Gédéon, Ben Ali Gator, Monsieur Darling, le Chat du Cheshire, Tony et Joe, les rois Stéphane et Hubert ou bien encore le colonel Hathi. Nommé réalisateur des (Les) Aventures de Winnie l'Ourson et des (Les) Aventures de Bernard et Bianca, il décède le 13 février 1976 à l'âge de soixante-quatre ans.
En version originale, Monsieur Hautecourt est interprété par Charles Lane. Né le 26 janvier 1905 à San Francisco, le comédien sert un temps comme agent d’assurance avant de monter sur la scène du Pasadena Playhouse. Repéré par le réalisateur Irving Pichel, il devient l’un des acteurs favoris de Frank Capra qui le fait tourner dans La Course de Broadway, L’Extravagant Mr. Deeds, Vous ne l’Emporterez pas avec Vous, Monsieur Smith au Sénat, Arsenic et Vieilles Dentelles, La Vie est Belle, L’Enjeu et Monsieur Joe. Au cours d’une carrière longue de près de soixante-cinq ans, Charles Lane apparaît aussi dans Les Faubourg de New York, Soupe au Lait, Kentucky, Broadway, Les Aventures de Tarzan à New York, Un Monde Fou, Fou, Fou, Fou, I Love Lucy, Ma Sorcière Bien Aimée, Quatre Bassets pour Un Danois, Gnome-Mobile, La Petite Maison dans la Prairie et le téléfilm L’Ordinateur en Folie. Également présent au théâtre et à la radio, Charles Lane meurt le 9 juillet 2007 à l’âge de cent-deux ans.
En France, le rôle du notaire est tenu par Alfred Pasquali. Né le 31 octobre 1908 à Constantinople, dans l’Empire ottoman, il débute sa carrière au théâtre dès le début des années 1920. À l’affiche de dizaines de pièces et d’opérettes parmi lesquelles La Dauphine, Normandie, Topaze, Madame Sans-Gêne, Oscar et Monsieur Vautrin, il sert également comme metteur en scène. Sa filmographie compte elle aussi des dizaines de titres comme Rothchild, Romance de Paris, Le Comte de Monte-Cristo, Le Capitan, Les Aventures des Pieds-Nickelés, Le Couturier de ces Dames, Gloria et Signé Furax. Fred Pasquali mène enfin une belle carrière dans le doublage. Voix de Gage Clarke dans Pollyanna, d’Arthur Mallet dans Mary Poppins, de Gil Lamb dans Gnome-Mobile et de Liam Dunn dans Papillon, il incarne également le rôle-titre dans Merlin l’Enchanteur.
Bien qu’il n’apparaisse à l’écran qu’une poignée de minutes, Georges Hautecourt est certainement l’un des personnages les plus amusants des (Les) Aristochats, en particulier grâce à son entrée fracassante qui donne immanquablement le sourire. Ta-Ra-Ra-Boum-Di-Eh !