One Hour in Wonderland
Titre original : One Hour in Wonderland Production : Walt Disney Productions Date de diffusion USA : Le 25 décembre 1950 Genre : Promotionnel |
Réalisation : Richard Wallace Musique : Paul Smith Durée : 50 minutes |
Disponibilité(s) en France : | Autre(s) disponibilité(s) aux États-Unis : |
Le synopsis
Walt Disney invite Edgar Bergen, et ses deux marionnettes, Charlie McCarthy et Mortimer Snerd, à venir participer à sa réception de Noël pour fêter leur prochain film d'animation, Alice au Pays des Merveilles... |
La critique
En 1950, quand Walt Disney rentre dans le monde de la télévision, il est connu principalement comme producteur de cartoons et de longs-métrages d'animation. Même si l'année a été florissante pour lui avec le long-métrage d'animation Cendrillon, sa première incursion dans le film à prises de vues réelles L'Île au Trésor ainsi que le deuxième court-métrage de sa série oscarisée des True Life Adventures, La Vallée des Castors, la précédente décennie a été difficile pour ses studios. Ainsi, à l'orée de son deuxième âge d'or, les Walt Disney Studios sont considérés encore comme un acteur mineur à Hollywood. Et alors que les grands studios prennent la petite lucarne pour un grand danger, le créateur de Mickey voit au contraire une grande opportunité.
Walt Disney
Walt Disney a toujours été un innovateur. Du premier dessin animé sonore avec Willie, le Bateau à Vapeur au premier cartoon en couleur Des Arbres et des Fleurs sans oublier le premier long-métrage américain animé avec Blanche Neige et les Sept Nains ou la création du son stéréo révolutionnaire, le Fantasound, pour Fantasia, il a constamment cherché à utiliser les dernières trouvailles technologiques pour avoir un temps d'avance. Pour la télévision, ce sera la même chose. Il va très vite vouloir explorer ce qu'offre ce nouveau médium au lieu de le prendre pour un concurrent de ses productions cinématographiques. Ainsi, les premières ébauches d'un projet pour la télévision remonte à 1944. A cette époque, en pleine Seconde Guerre Mondiale, les diffuseurs espèrent qu'un boum du petit écran va bientôt se produire. Mais pour cela, il faut convaincre l'Américain moyen que le poste de télévision est l'objet indispensable à son foyer. Walt Disney est donc approché pour produire un métrage éducatif comme il en avait régulièrement l'habitude à l'époque. Sous le titre de The World in Your Living Room, il devait vanter les bienfaits de la télévision et la société sponsorisant le programme, RCA, alors propriétaire de la la chaîne de télévision NBC. Finalement, le projet ne se fera pas mais le travail accompli n'est pas perdu puisque Disney a appris de façon complète et précise toutes les étapes pour produire un film télévisé, de la production à la diffusion.
Charlie McCarthy, Edgar Bergen et Mortimer Snerd
Les années passant, Walt Disney se persuade que la télévision pourrait être un moyen de vendre ses films. Mais au sein même du studios, il trouve autant de supporters que de détracteurs de ce nouveau mode de diffusion à commencer par son propre frère mais également financier des studios, Roy O.Disney. Avant de prendre une quelconque décision publique, Walt Disney commande donc un audit à un consultant extérieur, C.J. LaRoche, afin de savoir si la télévision nécessite d'y investir argent et temps. Ce dernier lui propose alors de faire un test pour jauger la réaction des chaînes mais aussi du public. Cependant, au lieu de commencer directement par une série, un risque financier jugé trop grand si elle s'avérait être un échec d'audience ou au contraire un trop gros succès (il est craint à l'époque de voir les entrées du cinéma parasitées par la télévision), il décide de commencer par une émission spéciale. Walt Disney prend à son compte la conclusion de son étude et annonce publiquement en novembre 1950 son arrivée sur le petit écran. Encore une fois dans sa carrière, il prend un pari sur l'avenir qui s'avéra particulièrement payant.
Kathryn Beaumont
Sa toute première émission se nomme One Hour in Wonderland : elle est alors prévue d'être diffusée le jour de Noël et conçue pour promouvoir son prochain film d'animation, Alice au Pays des Merveilles, dont la sortie en salles était programmée pour l'été 1951. Mais pour produire le show, encore faut-il trouver la bonne personne. Walt Disney surprend là-aussi tout le monde en choisissant Bill Walsh, alors scénariste de comics. Ce dernier est tout autant étonné et interroge même Walt Disney sur son choix, lui rappelant qu'il n'avait aucune expérience en tant que producteur de télévision : "Mais qui a réellement une expérience en télévision ?" lui répond le Maître, formulant une remarque tout à fait pertinente en 1950 !
Né en 1914 à New York, Bill Walsh se lance dans l'écriture pour le théâtre, lors de ses études sportives à l'Université de Cincinnati. En 1934, il déménage en Californie et officie dans le bureau de publicité de Margaret Ettinger. Invité ensuite par Edgar Bergen, l'un de ses clients, à écrire des gags pour ses sketches de ventriloque, il se prend au jeu et élargit son champ de rédaction en se mettant également au service de Charlie McCarthy et Mortimer Snerd. En 1943, il est engagé pour écrire des gags pour les comic strips des Mickey Mouse. Son style privilégie la fantaisie, la spontanéité et le conflit d'émotions. Par la suite, il scénarise les planches hebdomadaires de Mickey, Panchito et Bibi (Frère Lapin). En 1950, Walt Disney l'engage pour écrire et produire sa toute première émission de télévision One Hour in Wonderland. Il poursuit ensuite sur la production d'épisodes de séries télévisées comme The Disneyland Story, The Fourth Anniversary Show, Davy Crockett ou encore les serials du Mickey Mouse Club comme The Adventures of Spin and Marty, The Hardy Boys : The Mystery of the Applegate Treasure ou Annette, avant de passer aux longs-métrages. À partir de 1955, Bill Walsh participe à de très nombreux films pour les studios Disney, en tant que scénariste, co-producteur ou producteur : La Revanche de Pablito (1955), Sur la Piste de l'Oregon (1956), Quelle Vie de Chien ! (1959), Le Clown et l'Enfant (1960), Monte là-d'ssus (1961), Bon Voyage ! (1962), Après Lui, le Déluge (1963), The Misadventures of Merlin Jones (1964), Mary Poppins (1964), L'Espion aux Pattes de Velours (1965), Lieutenant Robinson Crusoé (1966), Le Fantôme de Barbe Noire (1968), Un Amour de Coccinelle (1969), Le Don Quichotte de l'Ouest (1971), L'Apprentie Sorcière (1971), Nanou, Fils de la Jungle (1973), Le Nouvel Amour de Coccinelle (1974) et Objectif Lotus (1975). Il décède en 1975 à Los Angeles.
Bobby Driscoll
Bill Walsh émet tout de suite l'idée que l'émission soit coprésentée par une star réputée. Il propose alors le concours de son ancien client, le ventriloque Edgar Bergen (accompagné de ces deux marionnettes Charlie McCarthy et Mortimer Snerd), que le papa de Mickey connaît bien pour avoir déjà travaillé avec lui sur la séquence Mickey et le Haricot Magique dans le film Coquin de Printemps. Le trio est d'ailleurs tellement populaire, qu'à l'époque de la diffusion de l'émission, certains articles de presse parlaient plus des marionnettes que de la contribution inédite de Walt Disney, l'éclipsant même parfois totalement.
Sharon et Diane Disney
Le début de One Hour in Wonderland commence donc chez Edgar Bergen où il annonce à ses deux marionnettes qu'ils sont tous les trois invités à une réception aux Walt Disney Studios. Après une conduite en voiture plutôt mouvementée au cours de laquelle Charlie McCarthy ne peut s'empêcher de faire des commentaires acerbes vis à vis du conducteur, ils arrivent finalement à destination. Désormais au studio, le téléspectateur remarque Walt Disney en train de s'amuser avec le cadeau qu'il a reçu du Père Noël. Il vient accueillir Edgar Bergen et ses marionnettes, avec l'hôtesse de la soirée : Kathryn Beaumont, la voix américaine du personnage d'Alice dans le prochain film d'animation Disney. Parmi les invités de la réception, il peut être aussi remarqué les filles Disney, Diane et Sharon, dans ce qui sera leur seule participation commune à un projet de leur père. Si Diane restera très discrète du vivant de Walt, Sharon aura droit, elle, à un petit rôle en 1957 dans le film à prises de vue réelle Johnny Tremain. Autre figure connue, le téléspectateur note la présence de Bobby Driscoll, l'enfant acteur vu dans les films Disney, Mélodie du Sud, Mélodie Cocktail, Danny, le Petit Mouton Noir et L'Île au Trésor. A son sujet, une réplique de l'émission attriste avec le recul alors qu'elle devait être une simple blague à l'époque. Charlie McCarthy, avec sa méchanceté habituelle, conseille en effet à Bobby d'abandonner tout de suite son désir de faire carrière en tant qu'acteur car il la juge vouée à l'échec. Censée être une vanne gratuite, la remarque s'est avérée prophétique au regard du destin du pauvre garçon, enfant star rejeté d'Hollywood une fois adulte, tombé dans la drogue puis mort sous les ponts d'une overdose.
Firehouse Five Plus Two
One Hour in Wonderland met également en avant un groupe de musique des studios Disney, le Firehouse Five Plus Two. Il était composé de sept artistes du département animation (Ward Kimball au trombone, Frank Thomas au piano, Ed Penner au tuba, Monte Mountjoy aux percussions, Clarke Mallery à la clarinette, Harper Goff au banjo et Danny Alguire au cornet), vêtus d’uniformes et de casques de pompiers. Caricaturé dans le court-métrage L’Art de la Danse, avec Dingo, le groupe s’était spécialisé dans l’interprétation de morceaux de jazz Dixieland, qu’il interprétait lors de spectacles organisés le soir, au sein même des studios Disney, ainsi que lors de fêtes locales. Ensemble, les artistes enregistrèrent une douzaine d’albums, et rencontrèrent un énorme succès, notamment en apparaissant à Disneyland, ainsi qu’à la télévision, dans les émissions de Walt Disney, bien sûr, mais pas uniquement.
Le Miroir Magique
La vrai trouvaille de One Hour in Wonderland est assurément celle qui permet de voir Walt Disney présenter à ses invités et aux téléspectateurs un objet qu'il vient d'acquérir : le Miroir Magique de Reine Grimhilde. Reprenant l'acolyte de la méchante Reine sorti tout droit de Blanche Neige et les Sept Nains, le Maître de l'animation le transforme, en effet, en hôte de cérémonie détenant les secrets de la magie des films Disney. Par contre, il n'en fait pas un personnage animé en tant que tel. Il s'agit toujours d'un visage humain dans un fond noir, agrémenté d'effets spéciaux. C'est en réalité l'acteur Hans Conried qui lui prête ses traits et sa voix. Le Miroir Magique revient, entre autres, dans l'émission spéciale The Walt Disney Christmas Show (1951), ou les épisodes de l'émission d'anthologie, Our Unsung Villains (1956), Magie Expliquée (1957) et Magic and Music (1958).
La dernière excellente idée de One Hour in Wonderland est de proposer des extraits des films Disney ou la diffusion de cartoons. Walt Disney trouve ici un format et une formule qui vont devenir récurrents dans ses émissions mais également extrêmement populaires auprès des téléspectateurs. Encore aujourd'hui, ce genre mélangeant hommage et promotion permet au public de se rappeler les longs-métrages qu'il a pu voir enfant, lui donne envie de les revoir ou de les proposer à sa progéniture quand il ne sert pas tout simplement à découvrir les scènes cultes de ces films populaires qu'il aurait ratés en salles. Enfin, c'est aussi un moyen très efficace de faire la promotion des productions à venir. Ici, chacun des invités fait voeu au Miroir Magique de regarder un extrait : Kathryn Beaumont réclame la scène de la danse de Blanche Neige avec les nains du film Blanche Neige et les Sept Nains, Charlie McCarthy le cartoon Nettoyeurs de Pendules, Bobby Driscoll la première scène animée de Mélodie du Sud, Mortimer Snerd le cartoon Pluto a des Envies. Enfin, tous demandent d'avoir le privilège de voir un extrait d'Alice au Pays des Merveilles : le Miroir choisit alors de leur montrer la fête de non-anniversaire du Chapelier Toqué et du Lièvre de Mars.
A l'origine, One Hour in Wonderland devait être diffusée sur CBS. Mais la chaîne n'est alors pas capable de garantir qu'un nombre de stations suffisantes diffuseraient le show. Il était, en effet, courant à l'époque que des stations locales diffusent des programmes de deux chaînes, ici CBS et NBC. Hors, cette dernière avait convaincu de nombreuses stations de lui réserver le créneau de Noël. Le sponsor de l'émission, Coca Cola, décide alors de transférer One Hour in Wonderland sur NBC garantissant un total de 62 stations, le nom de Disney étant suffisamment fort pour les convaincre.
One Hour in Wonderland est diffusée le 25 décembre à 16h. L'émission est saluée par la critique, plébiscitée par le public et réalise un véritable triomphe rassemblant près de 90% de l'audience. Une performance, même à l'époque. Le budget de 100 000 dollars nécessaire pour produire le show, élevé en 1950, se révèle donc finalement un très bon investissement montrant encore une fois que Walt Disney avait vu juste. Pour autant, Roy Disney et certains financiers au studio restent sceptiques. Walt Disney accepte donc de réitérer l'expérience l'année suivante pour vérifier si le succès est uniquement dû à la surprise ou s'il pouvait être durable. The Walt Disney Christmas Show, diffusé à Noël 1952, rencontre le même impact que l'émission précédente. Walt Disney a alors l'idée de créer une émission hebdomadaire qu'il présentera lui-même afin de promouvoir ses films mais aussi son parc à naître, Disneyland. L'émission portera d'ailleurs le nom de sa future destination lors des quatre premières saisons. L'émission d'anthologie de Walt Disney lui survivra et durera 46 saisons dont 29 sans discontinuer !
One Hour in Wonderland est un pan essentiel de l'histoire des studios Disney : les premiers pas à la télévision de Walt Disney. Non seulement, il va inventer un format qui fera sa réputation mais en plus il va rentrer dans les maisons de tous les petits Américains. Il deviendra vite pour eux une figure familière : l'Oncle Walt, celui qui raconte de belles histoires pleines de rêves.