Magic and Music
Titre original : Magic and Music Production : Walt Disney Animation Studios Date de diffusion USA : Le 19 mars 1958 Genre : Compilation |
Réalisation : Hamilton S.Luske Durée : 50 minutes |
Le synopsis
Le Miroir Magique met au point tout un stratagème pour convaincre Walt Disney de présenter l'émission afin de pouvoir parler de musique et de magie... |
La critique
Magic and Music est un épisode diffusé dans le cadre de l'émission de la chaîne américaine ABC, Disneyland.
Dans cet épisode, le Miroir Magique un personnage récurrent, vu dans de nombreuses émissions d'anthologie de Disney, assume la présentation. Reprenant l'acolyte de la méchante Reine sorti tout droit de Blanche Neige et les Sept Nains, Walt Disney le transforme, en effet, en hôte de cérémonie détenant les secrets de la magie des films Disney. Par contre, il n'en fait pas un personnage animé en tant que tel. Il s'agit toujours d'un visage humain dans un fond noir, agrémenté d'effets spéciaux. C'est en réalité l'acteur Hans Conried qui lui prête ses traits et sa voix. Le Miroir Magique revient, entre autres, dans les émissions spéciales One Hour in Wonderland (1950) et The Walt Disney Christmas Show (1951), ou les épisodes de l'émission d'anthologie, Our Unsung Villains (1956) et Magie Expliquée (1957).
Dans Magic and Music, le Miroir Magique se permet d'interagir avec Walt Disney et n'hésite pas à tenter de le piéger dans le but de parler de son thème préféré : la musique. Ainsi, après une introduction où le Maître de l'Animation s'étonne de recevoir une quantité impressionnante de courriers demandant le retour du Miroir Magique - des lettres apportées par un facteur fantôme -, il le confond et lui fait avouer son stratagème. Walt Disney réalise pourtant son vœux le plus cher puisqu'il aborde dans l'épisode du jour le thème de la musique classique en proposant trois extraits de long-métrages pour illustrer ses propos : Bumble Boogie, C'est un Souvenir de Décembre de Mélodie Cocktail et La Symphonie Pastorale de Fantasia.
Au delà des facéties du Miroir Magique, le principal intérêt de cet épisode est de proposer une version non censurée de La Symphonie Pastorale, telle qu'elle avait été imaginée lors de la sortie de Fantasia dans les années 40. En effet, vingt ans plus tard, les Américains se payent une polémique dont ils ont le secret. Dans les années 1960, la scène montrant une centaurette noire, nommée Sunflower, avec des traits caricaturaux, et cirant les sabots de ses frères et sœurs de couleurs plus claires, a, en effet, été coupée suite à des plaintes d'associations de défense des droits des Noirs américains. A l'époque, la plupart des cireurs de chaussures aux USA est, en effet, encore issu de la population afro-américaine. Leur représentation dans La Symphonie Pastorale est vécue comme une stigmatisation de la minorité noire maintenue au rang de serviteur de la majorité blanche. En revanche, les deux centaurettes au corps de zèbre entourant Bacchus et représentant les Amazones, ont, elles, été maintenues. Pour "effacer" Sunflower devenue gênante, les censeurs de Disney ont utilisé quelques trucs techniques tel que le zoom dans l'image (quand le personnage n'est pas seul sur l'écran) ou la suppression totale de l'image en décélérant la vitesse de quelques secondes en amont et en aval de la coupe pour conserver, au plus près du possible, le rythme de la musique. Si des notes ont probablement dû sauter dans la manœuvre (seule une oreille experte peut toutefois s'en rendre compte), la césure est relativement propre et n'altère qu'à la marge la partition.
Polémique mise à part, la séquence originale se révèle, après coup, moins emballante que sa version censurée. Le personnage de Sunflower jure, en effet, beaucoup trop par rapport au reste tant sa caricature est appuyée à l'excès. Il fait perdre énormément de grâce à la scène qui gagne en poésie avec sa suppression. D'un point de vue purement artistique, le retrait de Sunflower sert à l'évidence la séquence tout entière...
Il n'en reste pas moins que la censure effectuée reste indéfendable. Il serait temps d'envisager les œuvres dans leur contexte de production. Autant ajouter un avertissement avant générique pour rappeler cet état de fait est de bon augure et même salutaire, autant priver les spectateurs d'une séquence ou pire d'une œuvre toute entière comme c'est le cas pour Mélodie du Sud est imbécile et contre-productif. Ne vaut-il pas mieux que le public prenne conscience que la manifestation du racisme ambiant prenait auparavant mille aspects et s'infiltrait partout, et ce, pour mieux le combattre à l'époque contemporaine ? Apprendre à le reconnaitre partout où il se trouve est la première des leçons. Les Associations de Défense des Noirs américains ont visiblement mal été inspirées quand elles ont revendiqué la coupe obtenue car le remède est, en l'espèce, pire que le mal. La politique de l'autruche est la pire de toute. Et que diable : en appeler à l'intelligence et faire confiance aux spectateurs et à leurs capacités à envisager une œuvre dans toutes ses significations n'est-ce pas la première pierre, et sans doute la plus importante, à ce combat si noble qu'est la lutte contre les discriminations ?
Cinquante ans plus tard, le débat n'a pas avancé d'un pouce : alors que les aventures de Monsieur Lapin ont été remisés en 1986, la coupe de Fantasia, effective depuis sa ressortie au cinéma en 1969, est maintenue dans sa réédition vidéo de 2010. A désespérer des hommes...
Magic and Music vaut essentiellement aujourd'hui pour l'opportunité qu'elle offre de proposer une séquence non censurée d'un chef-d'œuvre Disney.