Harper Goff
Date de naissance : Le 16 mars 1911 Lieu de Naissance : Fort Collins, dans le Colorado, aux États-Unis Date de Décès : Le 03 mars 1993 Lieu de Décès : Palm Springs, en Californie, aux États-Unis |
Profession : Artiste Imagineer Décorateur |
La biographie
Au moment de se lancer dans la production de films en prises de vues réelles, Walt Disney cherche à s’entourer des meilleurs dans leur domaine en piochant parmi les talents de la distinguée concurrence. En 1951, il recrute ainsi Harper Goff, l’un des décorateurs de Warner Bros. qui, en plus de sa contribution à la production de quelques films, fait partie des pionniers ayant conçu le tout premier Parc Disneyland.
Ralph Harper Goff naît le 16 mars 1911 à Fort Collins, une bourgade située dans le nord du Colorado. D’ascendance irlandaise et écossaise, le petit garçon s’intéresse très tôt au dessin, observant en particulier de très près les illustrations publiées dans le journal local édité par son père. Lorsqu’il a neuf ans, Goff suit ses parents qui décident de déménager à Santa Ana, en Californie. Son paternel étant malade, l’adolescent est rapidement mis à contribution pour subvenir aux besoins de la famille. Âgé de quatorze ans, il décroche ainsi un petit boulot de balayeur pour un magasin du centre-ville. Désireux de devenir un jour artiste, il consacre par ailleurs son temps libre à dessiner et peindre des affiches et des pancartes pour les échoppes du coin. Grâce à l’entremise de sa professeur d’art, Miss Egge, Harper Goff décroche bientôt une bourse d’étude qui lui permet de poursuivre ses études sur les bancs de l’Institut Chouinard de Los Angeles. La Dépression fait toutefois encore rage dans tous les États-Unis. L’artiste en herbe est dès lors obligé de conserver malgré tout son travail de balayeur qu’il exerce le matin de bonne heure et le soir après les cours.
Victime d’une misère croissante et financièrement incapable de manger à sa faim, Harper Goff subit de plein fouet cette crise économique tragique pour tant d’artistes. Envoyant presque tous ses salaires à sa chère maman, il n’a pas d’autre choix que de vivre dans une vulgaire cabane construite dans la banlieue de Los Angeles. Il trouve heureusement l’aide de quelques voisins, notamment un tailleur indien qui lui donne un peu à manger en échange de divers services. Un chocolatier de Stendhal Gallery vient également de temps en temps à son secours. Lorsqu’il parvient à économiser quelques dollars, Goff s’évade dans les cinémas où il découvre des films comme L’Île du Docteur Moreau d’Erle C. Kenton, Le Monde Perdu d’Harry O. Hoyt et Vingt Mille Lieues Sous les Mers de Stuart Paton qui devient son long-métrage favori. Fasciné par les nombreux effets spéciaux novateurs pour l’époque, il ressort de chacune de ces séances plus émerveillé que jamais. Surtout, il est convaincu que c’est dans ce domaine qu’il souhaite à présent travailler.
Pour survivre et gagner quelques dollars, Harper Goff participe au projet mis en place par l’administration Roosevelt dans le cadre du New Deal. Celui-ci consiste, pour tout artiste qui le souhaite, à produire chaque mois quelques œuvres ensuite exposées dans les bibliothèques ou les bâtiments gouvernementaux. Grâce à l’une de ses fresques réalisée au sein d’un bureau de douane, il est un jour repéré par un certain Steinberg qui lui permet d’entrer chez Warner Bros. en 1935. Là, Goff travaille en tant que décorateur puis comme directeur artistique sur plusieurs longs-métrages tels que Capitaine Blood, La Charge de la Brigade Légère et Casablanca de Michael Curtiz, Sergent York d’Howard Hawks et Le Songe d’une Nuit d’Été de Max Reinhardt. Payé 100 dollars par semaine, il parvient alors à sortir de la misère et à enfin vivre convenablement.
Alors que les États-Unis se retrouvent à leur tour précipités dans la Seconde Guerre mondiale en décembre 1941, Harper Goff offre ses services à l’armée. Produisant plusieurs affiches et autres publicités en faveur des forces de l’U.S. Army, il sert notamment comme consultant en peinture de camouflage. Pour ce faire, il est assigné à Fort Belvoir, en Virginie, où il développe toute une gamme de couleurs, de pigments et de teintes non permanentes utilisées pour dissimuler certains véhicules et autres équipements. Il rejoint ensuite l’U.S. Navy qui cherche à tromper l’ennemi en repeignant certains navires de telle sorte que leur silhouette soit méconnaissable.
Au sortir de la guerre, Harper Goff poursuit son travail de décorateur sur des films comme Aventures en Birmanie et Les Aventures de Don Juan et apparaît en tant que figurant dans quelques films tels que Histoire de Détective de William Wyler. Un temps installé à New York, il produit également diverses illustrations pour des revues telles que Collier’s, Esquire et National Geographic. Pour le magazine Coronet, il met par ailleurs en images Blood on the Moon, un récit de Carl Sandburg dépeignant l’assassinat du président Abraham Lincoln. À la même époque, Goff sympathise avec plusieurs artistes des studios Disney, en particulier les animateurs Ward Kimball, Frank Thomas et Clarke Mallery, le scénariste Erdman Penner, l’assistant réalisateur Danny Alguire et le directeur du département bruitage, Monte Mountjoy, avec qui il fonde le groupe des Firehouse Five Plus Two. Joueur de banjo aguerri, il se produit alors avec eux à l’occasion de concerts de jazz donnés dans toute la Californie. Le groupe apparaît aussi dans l’émission One Hour in Wonderland produite par les studios Disney en 1950 pour faire la promotion d’Alice au Pays des Merveilles. Il fait en outre un caméo animé amusant dans le court-métrage L'Art de la Danse avec Dingo.
En juin 1951, Harper Goff est à Londres lorsqu’il fait pour la première fois la connaissance de Walt Disney. Ce dernier supervise à l’époque le tournage de Robin des Bois et ses Joyeux Compagnons tout en profitant de son temps libre dans la capitale anglaise pour assouvir sa passion pour les modèles réduits. Deux maquettes de locomotives anglaises vendues dans la boutique Bassett-Lowke attirent bientôt son attention. Ni une, ni deux, Walt Disney sort son portefeuille, ignorant alors qu’il vient de couper l’herbe sous le pied de Goff qui rêvait lui aussi de se payer l’une des maquettes. Déçu de s’être fait doubler, il apprend que l’heureux acquéreur de sa locomotive de 1907 n’est autre que le célèbre créateur de Mickey qui l’invite à dîner avec lui à l’hôtel Ambassador. Goff et Disney passent ainsi la soirée ensemble à discuter de leur passion pour les trains ainsi que de leurs projets respectifs. Walt félicite son nouvel ami pour ses magnifiques illustrations parues dans Coronet. Harper Goff est finalement invité à se présenter aux studios dès que l’envie lui prendra.
Acceptant l’offre d’emploi de Walt Disney, Harper Goff intègre ainsi l’équipe des studios en octobre 1951. Il est alors mis au travail sur la série documentaire des True-Life Adventures, en particulier un épisode consacré au monde sous-marin. Visionnant les dizaines d’heures d’images filmées par le docteur G. E. McGinnity dans le laboratoire de biologie marine de Caltech, Goff élabore un script. Intitulé 20 000 Lieues Sous les Mers, il vise à présenter au public certaines créatures de la mer. Mais l’artiste ne se limite pas à écrire le scénario d'un simple documentaire animalier. Avec malice, il introduit également certains des personnages du célèbre roman de Jules Verne, en particulier le capitaine Nemo et le professeur Aronnax. La fiction se mêle dès lors au documentaire. Lorsqu’il découvre le texte final, Walt Disney ne cache pas son étonnement. Circonspect, il partage ses doutes avec Harper Goff. Ne comprenant pas ce que les personnages de Verne viennent faire là, Disney lui explique qu’il ne souhaite pas produire une fiction et que pour l’heure, ses studios ne réalisent pas de longs-métrages en prises de vues réelles aux États-Unis. Bien que le scénario de Goff soit balayé d’un revers de main, Walt est malgré tout piqué au vif. Les idées de son auteur ne sont pas si mauvaises. Après en avoir parlé à ses directeurs de production, il décide finalement de se laisser tenter. L’adaptation de 20 000 Lieues Sous les Mers de Jules Verne est mise sur les rails. Il s’agit alors du premier film live tourné au sein même de ses studios de Burbank.
Recherches graphiques pour le film 20 000 Lieues Sous les Mers
Aux côtés du scénariste John Tucker Battle et des directeurs artistiques Bruce Bushman, John Meehan et Emile Kuri, Harper Goff est chargé de réfléchir au style de ce futur long-métrage. L’artiste conçoit en particulier le Nautilus, le célèbre sous-marin du capitaine Nemo qu’il imagine avec un profil de requin, une proue dentelée capable d’éventrer un navire, des rivets rappelant les écailles d’un crocodile et, à l’avant, des hublots faisant penser aux yeux d’un alligator. Goff dessine également les intérieurs du submersible avec leur style victorien, ainsi que les combinaisons de plongée portées par Nemo et ses hommes lors de leurs explorations sous-marines. Il pistonne par ailleurs son ami Bob Mattey qui rejoint Roger Broggie et John Hench pour construire et animer le terrible calmar géant.
Recherches graphiques pour le film 20 000 Lieues Sous les Mers
Passionné par le tournage du film, Harper Goff savoure chaque seconde du tournage de 20 000 Lieues Sous les Mers. Arpentant le plateau, il est lui-même mis à contribution par le réalisateur Richard Fleischer. Adorant faire de la figuration lorsque l’occasion se présente, Goff apparaît ainsi à l’écran au tout début du film dans le rôle d’un pasteur se présentant au bureau de la compagnie maritime. Donnant la réplique à l'acteur Harry Harvey, sa scène n’est toutefois pas gardée au montage final !
Premier film d’aventure produit aux studios Disney de Burbank, 20 000 Lieues Sous les Mers mobilise des moyens considérables. En salle à partir du 23 décembre 1954, il est rapidement salué par la critique et acclamé par le public. Également plébiscité par la profession, le long-métrage est couronné de deux Oscars dont celui de la Meilleure Direction Artistique.
En parallèle de son travail sur 20 000 Lieues Sous les Mers, Harper Goff est bien vite associé à un autre projet tenant particulièrement à cœur à Walt Disney. Celui-ci s’est en effet mis en tête de fabriquer un diorama représentant un quartet de barbiers. Pour concevoir cette petite maquette articulée, Goff fait alors équipe avec Ken Anderson, Roger Broggie, George Goepper, Fred Joerger et Charles Cristadoro avec qui il conçoit les automates et le décor dans lequel ils évoluent. Sa femme Flossie est elle-même mise à contribution en concevant les costumes des petits personnages. Lorsqu’il découvre le résultat, Walt est immédiatement sous le charme. Mis en mouvement grâce à la mécanique élaborée par Wathel Rogers, Eustace Lycett et Bob Gibeaut, son Barbershop Quartet est beau et amusant. Disney est comblé. Il pense déjà à renouveler l’expérience et à créer tout un spectacle bientôt baptisé Disneylandia.
Concept Art du Mickey Mouse Park
S’amusant sur son temps libre à faire de la figuration dans la série policière Badge 714 filmée à l’époque sur l’un des plateaux des studios Disney, Harper Goff parvient en quelques mois seulement à gagner la confiance pleine et entière de Walt qui lui demande de réfléchir à un projet encore plus grand. Abandonnant le concept de Disneylandia, le production souhaite en effet aller plus loin en bâtissant un vrai parc d’attraction, le Mickey Mouse Park qu’il envisage d’installer sur un terrain vacant juste en face de ses studios. Fasciné par l’idée, Harper Goff se met rapidement au travail et dessine les plans et plusieurs vues du futur site. Écoutant son patron lui expliquer sa pensée, il imagine en particulier une ville du Far West avec sa foire agricole et son ranch, un village peuplé d’Indiens, une gare avec son train à vapeur et un lac sur lequel vogue un navire à aubes.
Rapidement, le projet de parc évolue en quelque chose de plus ambitieux encore... Disneyland ! Un nouveau site, plus grand, est trouvé à Anaheim, dans le sud de la Californie. Harper Goff est nommé directeur artistique en charge du développement d’Adventureland, le secteur dédié à l’aventure et à l’exotisme. À ce poste, il travaille en particulier avec le paysagiste Bill Evans à la création de la célèbre Jungle Cruise en s’inspirant notamment des décors et de l’atmosphère du film L’Odyssée de l’African Queen, le classique de John Huston avec Humphrey Bogart et Katharine Hepburn. Goff réalise aussi une partie des plans de l’intérieur du Golden Horseshoe Saloon de Frontierland. Il réfléchit enfin un temps à la réalisation de Main Street, U.S.A.. Repensant à sa petite ville natale de Fort Collins, il dessine une rue typique du début du siècle avec son hôtel de ville et ses commerces. Harper Goff ajoute également une maison délabrée et hantée qui, finalement, ne sera pas conservée sur le plan final.
Présent le jour de l’inauguration de Disneyland aux côtés des autres membres du Firehouse Five Plus Two invités à divertir la foule, Harper Goff poursuit dans le même temps sa carrière de directeur artistique pour le cinéma. Il collabore ainsi à la production de L’Infernale Poursuite aux côtés de Carroll Clark (1956). Préférant travailler en free-lance, il continue par ailleurs de travailler pour Warner Bros. qui fait appel à lui pour superviser la création des décors du (Le) Gang du Blues de Jack Webb (1955), des (Les) Vikings (1957) et du (Le) Voyage Fantastique de Richard Fleischer (1966) ou bien encore de Charlie et la Chocolaterie de Mel Stuart (1971).
Recherches graphiques pour Charlie et la Chocolaterie
Gardant un rôle de consultant au sein des studios Disney, Harper Goff assiste de loin à l’inauguration de Walt Disney World en octobre 1971. Deux ans plus tard, ses collègues décident de lui rendre hommage en donnant son nom au moulin à eau de Tom Sawyer Island, baptisé Harper’s Mill. En 1975, l’artiste décide finalement de revenir officiellement chez WED Enterprises (Walt Disney Imagineering). Retrouvant avec joie bon nombre de ses anciens collègues, il contribue à la création d’Epcot, en particulier les pavillons japonais, italien et anglais de World Showcase.
Baptisé le « Deuxième Imagineer » par l’historien Jeff Kurtti (le « Premier Imagineer » étant Walt Disney lui-même), Harper Goff travaille comme consultant pour Walt Disney Imagineering jusqu’à sa mort survenue le 3 mars 1993, deux semaines seulement avant son quatre-vingt-deuxième anniversaire. Emporté par une crise cardiaque, il est alors honoré en 2008 par sa ville natale de Fort Collins qui donne son nom à l'une de ses rues baptisée Harper Goff Alley. Dès septembre 1993, l'artiste est par ailleurs décoré par The Walt Disney Company qui lui décerne à titre posthume un Disney Legends Award. Avec ce prix, les studios de Mickey récompensent ainsi celui qui contribua au triomphe de 20 000 Lieues Sous les Mers et surtout au succès incroyable du premier Disneyland.